Chapitre 36
Hannah avait perdu espoir avant que le chauffeur de Lazaro s'interpose quant à sa décision de partir seule dans la nuit noire. Il lui avait presque ordonné de rentrer dans la voiture sans qu'elle puisse protester plus longtemps. C'était peut-être le signe que tout n'était pas perdu, avait-elle songé avant d'être déposée devant l'hôtel du mafieux.
Le parking qui donnait sur le club était désert au point qu'elle pouvait entendre ses talons griffer le sol. Elle trembla de froid en poussant la porte qui donnait sur le hall. Personne ne l'accueillit, tout était froid et silencieux alors que les néons écarlates étaient son seul moyen de se guider. Elle poussa la porte battante qui donnait sur le club et frissonna le cœur battant quand elle le trouva complètement vide.
Elle retint une nouvelle fois ses larmes et s'avança timidement vers la silhouette assise au bar, dos tournée à elle.
Il était là, tout seul, exposant sa chemise armé de bretelles noire et cet étui qui renfermait une arme.
- Tu as...fermé le club ? Lança Hannah nerveusement.
- J'ai renvoyé tous le monde afin d'être seul, répondit-il sur un ton sec.
Hannah se mordit la lèvre en faisant un pas vers la piste de danse mais fut arrêtée par des éclats de verre qui se mirent à craquer sous sa chaussure.
Elle suivit la trace de l'alcool reversée sur le parquet ainsi que plusieurs bouteilles brisés au sol.
- Ne reste pas ici Hannah ! Gronda-t-il d'une voix si sombre et basse qu'elle aurait presque voulu qu'il s'exprime en criant.
- Je suis désolée Lazaro, je ne savais plus quoi dire ni quoi faire, tu peux le comprendre non ? Il s'agit de ma mère.
Hannah inspira difficilement en fixant son dos courbé avec l'impression d'être totalement abandonnée.
Il se leva du tabouret pour passer derrière le bar et quand son regard vrilla sur elle, Hannah en fut glacée. Il se servit un verre, le visage marqué de pierre alors que ses traits ciselés exprimaient les ténèbres.
- C'est la veste de Peter ?
Sa question la laissa incrédule.
- Qu...oi ? Oui il me l'a donné pour que je me réchauffe.
Un rire glacial étouffa le silence.
- Comme c'est généreux de sa part, dit-il entre ses dents.
- Écoute Lazaro, je...
- Tu sais à quoi j'ai pensé ce soir avant de quitter le restaurant, la coupa-t-il en portant son verre à ses lèvres. Je me suis dit qu'au final ce n'était pas plus mal de ne plus avoir de famille.
Hannah déglutit en progressant vers le bar, le cœur battant.
- Je suis désolée si je t'ai blessé, ce n'est pas ce que je voulais.
- Tu n'as pas confiance en moi Hannah, dit-il froidement, le regard amer. Ce soir tu m'as prouvé que tu n'avais pas confiance en moi.
- C'est faux ! S'écria-t-elle en le dévisageant. Mais c'est ma mère Lazaro ! Je...j'ai passé ma vie à prendre soin d'elle et je ne peux pas croire qu'elle soit impliquée dans cette histoire.
- C'est bien ça le problème, répliqua-t-il sur le même ton. Tu es trop liée à elle pour avoir un jugement raisonnable et moi je n'ai pas la patience requise pour ce genre de choses.
Hannah recula d'un pas, blessée.
- Tu veux dire que tu n'as pas la patience pour moi ? S'enquit-elle en retenant ses larmes.
- Je suis un tueur Hannah ! Rentre-toi ça dans la tête ! Dit-il rageusement entre ses dents. Je me fous de ta famille, je n'ai pas de pitié, je n'ai aucune compassion et je ne fonctionne pas avec le cœur. Tu m'empêches de réfléchir comme je devrais pouvoir le faire. Les promesses que je te fais m'empêchent d'agir que je le devrais.
Hannah cligna des yeux pour réprimer ses larmes.
- Je ne t'ai pas demandé de changer pour moi Lazaro, dit-elle les lèvres tremblantes.
- Tu m'as supplié d'épargner ta mère, ce que j'ai fait, mais nous savons l'un comme l'autre que les choses auraient été différentes si tu ne m'avais pas supplié.
- Tu as eu une mère toi aussi ! Ose me dire que tu n'aurais pas tout fait pour la protéger ?
Un rictus déforma ses lèvres.
- Tu te trompes encore, car si j'avais découvert que ma mère essayait de me tuer, je n'aurai pas eu de pitié. C'est ainsi que j'ai été élevé et cette éducation impitoyable m'a été donné par ma propre mère. Sous ses airs charmants et sous l'épaisse couche de bienveillance qui faisait d'elle une femme honorable se cachait la femme d'un chef de la mafia.
Il termina son verre qu'il reposa sèchement sur le bar.
- Je n'ai pas eu de scrupule à tuer mon oncle, ne l'oublie pas.
- Et le bénéfice du doute ? Tu l'oublis ?
- Je lui ai accordé à trois reprises, répondit-il sans se départir de la colère froide qui grandissait dans ses yeux. Mais c'est ta mère alors je comprends que tu sois poussée à la défendre contre un homme tel que moi. Après tout elle l'a dit elle-même, j'ai une mauvaise influence sur toi.
- Je t'en prie arrête, tu sais que c'est faux, je suis assez grande pour décider de ma vie.
- Tu en es certaine Hannah ? S'enquit-il en faisant le tour du bar.
- Bien sûr que oui ! S'emporta-t-elle en affrontant son regard sans pitié.
- Je t'ai forcé à être ici, ta mère a raison sur ce point. Tu n'as pas le contrôle sur ta vie, tu l'as transforme selon les personnes qui t'entourent.
- C'est faux je...
- Tu as abandonné tes études pour fuir un ex petit-ami. Tu as mis ta vie en arrêt pour essayer de faire sortir ta mère de cet hôpital. Tu t'es donné à moi en abandonnant à nouveau ta vie pour elle. Tu n'as pas le contrôle sur ta vie Hannah et ce soir encore tu ne l'avais pas.
- Tu essayes de me faire du mal volontairement ou c'est une tactique monstrueuse pour que je m'en aille, murmura-t-elle d'une voix brisée.
- Je suis profondément coupable de ce qui est en train de ce passer, je n'aurais pas dû laisser cette situation se ternir. À la vérité je ne te mérite pas ! Dit-il rageusement entre ses dents. Tu n'es pas faites pour mon monde Hannah. Je ne peux pas continuer à réfréner ce que je suis par crainte d'être jugé par la seule personne à qui j'ai offert le partage de ma vie ô combien solitaire.
Hannah déglutit douloureusement, n'ayant plus la force de le regarder dans les yeux.
- Je suis le chef d'une meutes sanguinaires et toi tu es trop précieuse pour te donner à cette vie là.
Malgré sa peine et sa douleur, Hannah vit dans les yeux du mafieux une émotion qui l'empêcha de fondre en larmes.
- Alors c'est tout ? Ça s'arrête là tout simplement parce que tu as décidé de ce qui était bon pour moi sans me demander mon avis ?
Il ne dit rien, les mâchoires serrées.
- Je ne peux ni réfléchir ni agir quand tu es là Hannah, et je ne peux pas continuer à me réfréner.
- À la vérité c'est toi qui a peur Lazaro, dit-elle à son tour les larmes aux yeux.
- Je n'ai peur de rien ! Siffla-t-il entre ses dents.
- Si ! S'écria-t-elle en s'avançant pour l'affronter. Tu as peur de te montrer à moi et...
- Et c'est justement la raison pour laquelle ça ne peut pas continuer ainsi ! Je n'ai pas peur de me montrer, je le veux au contraire et de toutes mes forces ! Gronda-t-il en saisissant les épaules. Le problème c'est que toi tu n'es pas prête à vivre ça.
- Arrête de penser à ma place !
La respiration saccadée, elle déglutit en lui faisant face alors qu'il bouillonnait d'une rage intérieure qui menaçait d'exploser.
- Lazaro, reprit-elle d'une voix brisée. Tout ce que tu m'as dit, tu ne le pensais pas vraiment alors ?
- Je pense chaque mot de ce que je t'ai dit, articula-t-il en pressant ses doigts sur ses avant-bras.
- Et pourtant tu veux que je m'en aille, parvint-elle à dire d'une voix brisée.
Ce fut à son tour d'être soumis à une respiration erratique.
- Je pourrais mieux te protéger si tu es loin de moi, et peut-être qu'avec le temps tu réaliseras que j'étais un monstre sans cœur et tu trouveras un homme qui...
- Si tu me laisses partir Lazaro, sache que tu ne me reverras plus jamais, le coupa-t-elle en le dévisageant à travers un brouillard de larmes. N'essaye plus jamais de me revoir ni même de prétendre t'intéresser à mon sort, je ne veux pas de ta protection, ni même que tu te salisses les mains pour moi.
Le visage du mafieux se déforma instantanément et ses doigts se resserrèrent de plus en plus fort.
- Lâche-moi tu me fais mal, s'entendit-elle murmurer en surmontant son terrible regard.
C'était comme recevoir une implacable lame au fond de la gorge. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle était passée du rêve au cauchemar en quelques heures.
- Lâche-moi ! Dit-elle entre ses dents serrées, les yeux débordants de larmes.
Il desserra son emprise mais ne la lâcha pas. Son expression était si déformé que même lui ne semblait pas se rendre compte de l'image qu'il renvoyait.
- À l'instant précis où tu partiras, je ferais ce que j'ai à faire Hannah, et rien, ne pourra m'arrêter, dit-il en la relâchant.
Hannah déglutit en reculant et lui jeta un regard amer.
- Ne te fatigue pas, ne te donne même pas l'énergie de tuer pour moi.
- Tu ne comprends pas ce que j'essaye de te dire ! Rugit ce dernier poing serrée.
- J'ai parfaitement compris que je t'empêchais d'être toi-même, que j'étais un frein, un poids sur tes épaules et que je ne suis pas comme les femmes que tu as l'habitude de fréquenter. Après tout ma mère à raison, je suis beaucoup trop jeune et naïve. Tu as raison, il est temps que je décide de ma vie.
Le menton tremblant, elle se recula encore alors qu'il la regardait les yeux noirs.
- Ce n'est pas ce que j'ai dit !
- Peu m'importe, dit-elle avec un sanglot dans la voix. Mais n'oublie pas que c'est toi qui m'a voulu ici, c'est toi qui est venu à moi et non l'inverse. Je n'ai rien demandé et aujourd'hui je...tu sembles le regretter.
Lazaro vit noir, incapable d'exprimer ce qu'il ressentait à cet instant. Une blessure béante était en train de se former à l'intérieur de lui alors que la jeune femme était en larmes, littéralement brisée. Par sa faute.
- Je ne regrette rien Hannah, mais je dois faire ce que j'ai à faire et si tu es là j'en serais incapable.
À la vérité Lazaro voulait l'éloigner parce qu'il savait que les conséquences de ses actes allaient être terrible. Il n'arrivait plus à retenir sa véritable identité de peur de voir sur son beau visage du dégoût et de la haine. Hannah était un frein à sa propre protection et Lazaro savait qu'il allait la perdre quoiqu'il puisse arriver. Car si jamais sa mère était impliquée dans ce piège, Lazaro n'aurait pas de pitié.
- Quoiqu'il arrive tu finiras par me détester, alors je préfère que tu sois loin de moi quand ce jour arrivera. Si c'est le prix à payer pour te voir en vie alors je suis prêt.
Elle continuait de trembler du menton mais ne dit rien et se retourna simplement comme une âme en peine. Lazaro savait qu'il portait de la souffrance sur son visage alors qu'il se retenait de toutes ses forces pour ne pas la retenir. Lorsqu'elle disparut, les auras les plus sombres qui virevoltaient dans les profondeurs des ténèbres se mirent à hurler comme un chant diabolique. Sa vision devint de plus en plus noir et quelques chose de puissant le poussa vers la sortie. Il l'imagina seule, en danger, meurtrie à cause de lui et deux sombres voix se mirent à se battre dans sa tête.
La laisser partir maintenant pour ne pas la voir le quitter quand le sang aura coulé ?
La retenir et lui infliger la douleur de voir ce qu'il cherche à lui cacher ?
Lazaro serra les poings et fonça à l'extérieur du club, alors que ses veines palpitaient de douleur et de rage mêlées.
Un rage qui s'intensifia quand derrière la noirceur, son instinct protecteur le poussa à sortir son arme.
- Qu'est-ce que tu fous ici ? Aboya Lazaro en fixant Peter. Éloigne-toi d'elle immédiatement !
Dans la nuit noire éclairée par les lampadaires et les néons du club, Lazaro ne perdit pas sa cible des yeux et s'avança d'un pas menaçant.
La jeune femme qui aurait pu céder à l'imprudence après leur terrible et douloureuse dispute se recula vers lui et Lazaro posa un bras sur elle pour faire passer derrière lui.
- Je suis venu pour parler, annonça Peter en levant les mains.
- Tu l'as suivi ? Je te préviens je ne suis pas d'humeur ce soir, alors tu ferais mieux de répondre à mes questions et vite, rugit Lazaro les mâchoires serrées.
- J'ai suivi Hannah pour qu'elle entende enfin la vérité avant que la dérive vous emporte tous les deux dans un choix terrible et irréversible, répondit Peter en baissant les mains, les yeux rivés sur la jeune femme cachée derrière son dos et qui allait bientôt découvrir l'amère vérité.
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