Chapitre 10




Le silence était trompé par quelques bruits extérieures qu'elle parvenait à peine à déceler. Hannah avait cessé de compter les heures qui passaient sans que personne daigne lui rendre visite. Le pire c'est qu'elle se sentait observée et cette présence invisible lui donnaient des palpitations cardiaques inhabituelles. Le plateau reposait encore sur la table et elle n'y avait pas touché depuis que Bianca lui avait apporté. Non pas parce qu'elle n'avait pas faim mais parce qu'elle refusait de céder tout de suite aux exigences du mafieux.

Elle avait l'impression au tréfonds de son être qu'il était autant agacé qu'elle l'était. En la gardant prisonnière dans cette chambre il lui confirmait tout simplement ce qu'elle craignait depuis le début.

Lazaro Santi était trop dangereux et imprévisible pour ne pas rester méfiante.

Hannah frissonna en songeant à sa mère et à ce qu'il pourrait lui faire. Elle maudissait son père mais aussi sa sœur pour avoir osé accepter une chose pareille.

Elle voulait hurler, retrouver son père et lui cracher au visage tout ce qu'elle gardait depuis des années enfoui en elle.

Seulement il était trop tard.

Hannah était condamnée à vivre avec ce tueur jusqu'à la fin de ce contrat qu'elle avait bêtement signé et qui maintenant décidait à lui seul du destin de sa mère, mais aussi le sien.

Tristement elle se leva pour arpenter le salon qui jouxtait la chambre, et se laissa guider par la beauté de la mer bleutée que l'on pouvait apercevoir à travers l'une des trois fenêtres.

Le paysage était magnifique mais pas suffisamment pour lui faire oublier où elle se trouvait et dans quelles conditions. La bouche pincée elle fit retomber le grand rideau et se dirigea vers le lit pour s'y allonger, la tête dans l'oreiller.

Son ventre lui faisait mal à force de lutter et ses forces commençaient à diminuer.

Le cœur battant, elle ferma les yeux en se demandant jusqu'où le mafieux était-il prêt à aller.

Allait-il vraiment la laisser ici pour le restant de ses jours ?

Avait-il d'autres plans ?

Hannah rouvrit les yeux et frissonna car elle avait de plus en plus de mal à supporter cet étrange sentiment d'être observée.

Inquiète, elle remonta le drap blanc jusqu'à son épaule pour se couvrir et ferma les yeux. Hélas ce qu'elle attendait et redoutait à la fois depuis des heures arriva.

La porte se déverrouilla et quand elle souleva les paupières sans bouger, son cœur faillit s'arrêter. Le mafieux contourna le lit pour se glisser sur sa droite et avec une pression autoritaire l'obligea à se mettre sur le dos. Paniquée, Hannah resta muette jusqu'à ce qu'il prenne son bras pour y glisser une lanière en caoutchouc.

- Qu'est-ce que...

- Puisque tu ne veux pas te nourrir seule, alors je dois employer d'autres moyens, expliqua-t-il en sortant le matériels.

Hannah sursauta puis se redressa en catastrophe sur le lit tout en essayant de trouver son regard.

- Non attend ! C'est bon ! Arrête !

Mais le mafieux semblait déterminé à lui faire payer et le muscle de sa mâchoire qui venait de tressaillir en était la preuve.

- Je vais mangé arrête ! S'écria-t-elle en se débattant pour arracher la perfusion qu'il cherchait à lui faire.

Ce fut seulement à cet instant que son regard ombragé par les ténèbres s'arrima au sien. Hannah lâcha un petit hoquet de peur mais cela ne l'empêcha pas de quitter le lit pour rejoindre la table.

Elle s'y installa pour déguster l'assiette préparée par Bianca. Son cœur martelait ses tempes et ses mains étaient moites. Il avait gagné mais il ne semblait pas savourer sa victoire.

Pourtant il avait gagné.

Elle entendit ses pas se rapprocher...

Ils étaient lents, volontairement lents et elle se raidit aussitôt alors que sa présence devenait de plus en plus proche.

Hannah exhala un souffle tremblant à peine perceptible jusqu'à sentit les deux mains féroces du mafieux sur ses épaules. Il n'avait nullement besoin de parler pour qu'elle sente sa force qui s'émanait de lui. Une chaleur effrayante courut sur ses épaules puis un froid glacial s'engouffra dans ses veines. L'humour sombre du mafieux n'était plus présente, Hannah pouvait le sentir sur sa peau hérissée. Ce petit jeu, cette confrontation l'avait mis en colère, bien plus qu'elle l'avait imaginé.

- Tu peux te rebeller autant que tu le désires tesoro, tu peux me détester, me haïr, mais ta santé, je refuse qu'elle soit mise en danger est-ce que tu m'as compris ?

Hannah se raidit quand sa main se glissa le long de son cou pour le saisir sans jamais le serrer.

- Est-ce que tu m'as compris ? Répéta-t-il alors qu'il s'était penché en avant tout près de son oreille.

- Oui, murmura-t-elle le sang glacé par le timbre sombre de sa voix où même son accent n'avait pas réussi à le réchauffer.

- Bien, chuchota-t-il se ôtant sa main.

Il se redressa de toute sa hauteur et fit le tour de la table pour se positionner en face d'elle.

Hannah frissonna en levant son regard vers le sien qui était toujours marqué par une lueur mécontente. Ses mâchoires n'avaient de cesse de convulser.

- Dès que tu seras disposée, tu iras prendre un bain, ensuite je te ferais visiter le domaine. Dans quelques heures nous dinerons ensemble pour parler de ce qui va suivre.

- Quand vais-je pouvoir récupérer mes affaires ?

- Quand je l'aurai décidé cara mia, répondit le mafieux d'une voix implacable.

Il se redressa totalement et quitta la chambre, mais cette fois-ci il laissa la porte ouverte. Hannah ignorait s'il s'agissait d'une invitation ou bien un piège alors elle se leva et se dirigea vers la salle de bain pour prendre ce fameux bain. Ses muscles ne parvenaient pas à se dénouer même dans l'eau chaude et elle n'arrivait pas à oublier la terrible confrontation qu'elle venait d'avoir avec le mafieux. Il avait gagné certes, mais il ne semblait pas savourer cette victoire contrairement aux précédentes.

Elle se glissa dans une robe longue en coton immaculé et sortit avec hâte de la salle de bains. Être plongée dans cette incertitude permanente l'empêchait de respirer et pour y mettre fin elle se glissa dans le couloir somptueux jusqu'à ce qu'elle atteigne le début d'un long escalier courbé comme un large tourbillon sans fin. Elle hésita longuement avant de le descendre, le ventre noué alors que le domaine semblait étrangement silencieux. Cela faisait plus de deux heures maintenant que le mafieux l'avait quitté et elle ignorait dans quelle circonstance elle allait le retrouver.

La villa était grande et s'étendait sur des mètres dans un style italien absolument spectaculaire. Malheureusement cela ne suffisait toujours pas à lui faire oublier qui en était le maître.

- Signorina !

Hannah sursauta une main sur le cœur quand Bianca apparut à l'autre extrémité d'un dédale de couloirs avec un sourire plus chaleureux aux lèvres.

- Signore Santi vous attend dehors, suivez-moi.

Son cœur faisait des bonds dans sa poitrine et ce fut pire quand elle traversa un long corridor extérieur qui menait à un splendide jardin entouré d'une végétation captivante. Des larges vasques enflammées entouraient le chemin dallé de pierres nacrées qui menaient jusqu'à une piscine. Hannah fut conduite à la table dressée et s'aperçut seulement maintenant qu'elle se trouvait encore en hauteur sur un flanc rocheux là où avait été bâti le domaine. Elle pouvait voir la mer teintée de lueurs rougeoyantes qui tombaient sur les vagues calmes et envoûtantes.

- Enfin un peu d'émerveillement, lâcha une voix grave tout près d'elle.

Hannah n'osa pas bouger, troublée par l'esquisse de son ombre qu'elle pouvait déceler grâce aux flammes.

- Avoue-le cara, le paysage te plaît bien plus que tes efforts à le dissimuler, ajouta-t-il en apparaissant tout vêtu de noir.

On disait souvent que la couleur noire avait le pouvoir d'affiner. Ce n'était pas le cas pour lui, songea-t-elle tandis qu'il s'installait en face d'elle, prenant la posture d'un maître suprême.

- Le paysage est magnifique mais il ne fait pas tout.

- Tu as raison, admit-il vaguement. Mais une chose est certaine, il te captive et c'est plutôt une bonne nouvelle.

Ses yeux étaient percés d'une lueur rieuse et diabolique. C'était le signe évident qu'il s'était calmé...mais pour combien de temps ?

- J'espère que tu as faim ?

- Je n'ai pas très envie de répondre à cette question qui n'arrête pas de m'attirer des ennuis.

- J'espère que cette petite parenthèse te servira de leçon, répliqua le mafieux l'air sévère. Je ne tolère pas ce genre de comportement.

Hannah sentit dans sa voix mais surtout dans son regard subitement fermé que sa colère avait été nourri par quelque chose qui aurait pu se produire par le passé.

- Tu m'as enfermé et je...

- Cela n'est pas une excuse recevable, la coupa-t-il en dépliant sa serviette sans la quitter des yeux. Je ne veux pas d'une femme cadavérique et qui s'amuse avec sa santé. Je te l'ai dit, tu peux me donner un aperçu de l'enfer que tu m'as promis, je serais ravi d'y goûter, mais ta santé est à exclure de tes plans. Même si tu étais ma captive, je te forcerai à manger.

- Je suis une captive, parvint-elle à dire alors que son regard était de plus en plus glaçant.

- Si tu désires te voir ainsi c'est ton problème.

- Je ne vois pas comment je pourrais le voir autrement. Je ne suis pas ici de mon plein gré.

- Non mais tu avais le choix et tu as choisi de sauver ta mère tesoro et je n'ai pas envie de revenir là-dessus ce soir. Nous avons plus important à régler.

Hannah plissa le regard en essayant de réprimer le petit frisson dans sa nuque. Quelque chose avait changé en lui depuis qu'elle était officiellement en Sicile, sur son territoire.

- Tu as l'air de savourer ce qu'il se passe bien plus que tu tentes de...

- Je savoure chaque seconde qui passe depuis que tu es ici tesoro, la coupa-t-il à nouveau avec un sourire en coin. Je n'ai jamais été aussi heureux de célébrer un événement aussi important que ta venue ici.

- Et je peux savoir pourquoi ?

- Parce que tu es officiellement ma femme, et que tu es à moi, totalement à moi.

Hannah frémit en se pinçant les lèvres tandis qu'il ne cachait plus son triomphe.

- Tu parles comme...

- Je parle comme un homme des cavernes oui je sais mia cara mais c'est ce que je suis et je n'ai pas l'intention de changer, les hommes de ma famille sont très...disons...possessifs.

- Oh ! Et les hommes de ta famille procèdent-ils également par des mariages forcés ? Des kidnappings ?

Une lueur diabolique combla les dernières couleurs ombragées de son regard et elle comprit qu'elle venait de parler trop vite.

- Tu peux cocher toutes les cases sauf le mariage, je suis le seul à l'avoir fait tesoro et c'est un mariage arrangé avec certaines conditions. Je ne t'ai pas forcé à signer.

Hannah baissa les yeux, consciente que cette conversation ne servait plus à rien. Trop d'erreurs avaient été commise et il avait raison. Personne ne l'avait forcé à signer ce contrat sans le lire. Maintenant sa mère était libre et le prix de sa liberté était là, devant elle.

- Maintenant que je suis ici, que va-t-il se passer ?

Il s'empara du verre de vin pour en boire une gorgée alors que ses yeux étaient aussi brûlants que les épaisses flammes qui vacillaient derrière lui.

- Nous allons officialiser notre mariage demain dans une petite chapelle.

Hannah sentit son visage s'enflammer.

- Qu...quoi ? Mais ce n'est pas utile, bégaya-t-elle en dévisageant agacée les lueurs triomphantes dans son regard.

- Tu es ma femme sur le papier mais dans ma famille ce n'est pas suffisant, alors nous allons nous marier demain pour rendre ce mariage aussi réel qu'il ne l'est déjà tesoro.

- Il n'est pas réel c'est juste...

- Continue à te bercer d'illusion cara, cela m'importe peu, le principal pour moi, c'est de procéder à la tradition, la coupa-t-il à nouveau en se carrant au fond de la chaise. Ça sera une petite cérémonie privée, n'aie aucune crainte, je n'aime pas trop partager.

Sa force virile qui se diffusait partout autour de lui la fascinait malgré la rage qui bouillonnait en elle. Hannah tenta de lui faire savoir en lui lançant un regard mécontent mais rien ne semblait l'atteindre bien au contraire. Son regard appuyé sur elle était de plus en plus profond et intense comme s'il cherchait à fouiller son âme.

- Ensuite ? S'enquit Hannah la bouche sèche.

- Ensuite cara, le diable attendra patiemment de goûter à l'enfer brûlant que tu lui as promis, déclara-t-il d'une voix si rauque que celle-ci ne mit pas longtemps à se répandre en elle...

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