Chapitre 9
Un sujet important. Le fameux dont il devait me parler. Je ne savais pas pourquoi mais à l'instant je sentais que ça n'allait pas me plaire.
« L'alliance qui règne entre nos deux familles est fragile. » dit mon grand-père.
Je lançai un regard vers Lazzaro, essayant de déchiffrer la suite à travers lui mais il avait la mâchoire crispée et ses deux mains derrière son dos, confiant. Il ne me regardait pas.
« D'accord, où veux-tu en venir ? »
« Notre puissance dépend en partie des Moretti depuis quelques temps, nous avons perdu des parts du terrain, beaucoup d'argent et ce n'est que par respect de la puissance que nous incarnions autre fois et des affaires que nous avons partagé il fut un temps que Lazzaro Moretti nous a proposé cet accord qui nous permet aujourd'hui de garder la tête hors de l'eau. »
J'écoutais avec attention ce qu'il me disait et attendis patiemment qu'il trouve les mots justes.
« Mais cette alliance n'est pas complètement cellée... C'est pour cela qu'il a été demandé ton union à celle de Lazzaro. Tu lui a été promise.
D'abord j'éclatais de rire, puis ce fut le silence pendant de longues secondes. Lorsque j'admis que tout ce que venait de dire mon grand-père était sérieux mes émotions jusqu'ici calme et sereine changèrent.
« Alors c'est pour ça ? Pour ça que tu me demandes de revenir des années après ? Pour vous aider dans votre paix, vos affaires et je ne sais quoi d'autre ?
Ma mère a eu raison de s'en aller, vous êtes complètement hors de la réalité pour oser imaginer à leur place l'avenir de vos proches.»
Je me levai de ma chaise avec colère et ce fut à ce moment que Lazzaro s'approcha de moi. Je lui envoyai un regard assassin.
« Assieds toi Alaïa. » m'ordonna t-il d'un ton calme.
« Ton petit jeu s'arrête ici. Je n'ai aucun ordre à recevoir de toi. » lui dis-je avec dureté.
Je quittais la pièce en claquant la porte et monta à ma chambre. Je n'attendis pas une seconde de plus pour m'emparer de ma valise mais ma porte s'ouvrit avant de se refermer et une main ferme me retourna. Un regard sombre se plongea dans le mien.
« Sors de ma chambre. Non, sors de cette maison tout court. »
« Arrêtes, tu as le droit d'être en furie mais cette valise ne quittera pas ce pays. »
Sa main sur ma peau me brûlait, il rapprocha mon corps du sien.
« Évidemment que j'ai le droit d'être en furie, je ne comptais pas attendre que tu me l'autorises. » lui crachai-je
« Réfléchis au moins à cette proposition, je ne te forcerais à rien et ton grand-père en dépend tout comme le reste de ta famille. Malgré ce que tu dis elle compte beaucoup pour toi. Tu as un mois pour prendre ta décision.»
« Donne moi une seconde parce que ma décision ne sera pas différente. Ce n'est pas la vie que je veux. Je ne me marierais pas pour faire affaire. Et la vie que j'ai construite est en Suisse. »
Je lui tournais le dos et ouvrit le meuble où était entreposé mes vêtements.
« Ce mariage ne fera pas entrave à ton travail si tu souhaites le garder, je sais que tu as travaillé dur pour bâtir cette entreprise. »
Je sentais son regard qui me brulait la nuque, je ne voulais pas perdre le contrôle, ni maintenant ni jamais.
« Tu me connais depuis peu, je le sais mais je n'ai qu'une parole. Si tu acceptes de devenir ma femme je ne te toucherais pas sans ton accord, tu garderas ton entreprise, ta famille dont ta mère n'auront rien à craindre, ils seront sous ma responsabilité. »
Sa voix était sombre et il s'était rapproché de moi. Je le sentais à quelque centimètre de mon dos, il demeura silencieux quelque instant puis, je le sentis s'éloigner avant que la porte ne se referme derrière lui.
Je m'autorisais enfin à respirer librement. Je lâchais mes vêtements et m'assis au pied du lit. Un rire nerveux s'échappa de ma bouche, je n'en revenais pas. Ça semblait irréel. Je n'étais pas un pantin, pas un pion qu'on pouvait placé partout à sa guise pour ses profits personnels.
Le lendemain au petit déjeuner, l'atmosphère était tendu.
« Ce n'est pas un jeu, c'est la vie réelle. » dit Cesare, mon père.
Cela faisait plusieurs jours que je n'avais pas entendu parler de lui et voilà que ce matin il réapparaissait comme une fleur.
« Ta mère t'a tellement couverte, en voulant te protéger elle a fait de toi une jeune femme naïve. Tu n'as pas idée des atrocités qui se jouent dans notre monde et pourtant c'est la réalité de nos familles, notre réalité. Il y a des morts, il y a de l'argent, des conflits de pouvoir, des tortures dont tu n'as même pas idée. Et si tu crois que tu es hors de ça, tu te trompes royalement.» continua mon père
« Ne parles pas de maman, tu n'as pas cherché à savoir si elle allait bien, tu n'as jamais essayé de lui offrir une vie tranquille, en sécurité loin de cette famille alors tu n'as même pas le droit de la nommer.»
Son point s'abattit sur la table, tout le monde sursauta mais je ne bougeai pas d'un poil de ma chaise.
« J'ai toujours protégé ta mère ! Toi et elle, vous étiez ce que j'avais de plus cher. C'est elle qui a préféré s'en aller, et malgré sa trahison j'ai toujours veillé sur elle. Crois-tu vraiment qu'avec l'histoire que cette famille porte sur son dos vous auriez survécu seules plus de quelques jours sans que quelqu'un ne se décide à vous tuer ? Le crois-tu vraiment ? Vous étiez sous protection pendant tout ce temps.» cria t-il.
Sa voix était teintée de rage et pourtant, pendant quelques secondes qui ne durèrent pas, je crus y déceler du désespoir.
Mais la rage n'est-elle pas cousine du désespoir ?
« Elle ne t'a pas trahis, arrête de prendre sa décision personnellement. C'est à moi qu'elle pensait, elle voulait que j'ai une vie normale et non pas que je grandisse au milieu d'arme et de sang. » ma voix s'était calmée mais ma respiration était lourde et mes doigts s'étaient resserrés autour de ma tasse de café brûlante.
« Fais comme bon te semble, mais le refus de cette union ne sera pas sans conséquence sur nous, et quand je dis nous, j'y inclus aussi toi et ta mère. » lâcha t'il enfin. Il se leva, jeta sa serviette sur la table et s'en alla en desserrant sa cravate.
Pendant une minute je fixais le couloir par lequel il était parti. C'était injuste de leur part de me faire porter cette responsabilité, de laisser reposer la suite de leur vie sur ma seule et unique décision. Je me sentis effroyablement seule au milieu du cliquetis des couverts dans les assiettes. Mon cousin mangeait en regardant face à lui. Mon grand-père fuyait mon regard et ma grand-mère essuyait des larmes silencieuses qui roulaient le long de ses joues.
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