Chapitre 20
Parfois on cherche ailleurs ce qui peut se trouver juste sous notre nez, pensai-je en glissant dans mon sac à main un dossier se trouvant dans le coffre fort auquel j'avais accès. Rien d'interessant au premier abord mais je refermais le tout et quittai le bureau. Au moment où ma voiture passait le portail, celle de mon mari s'éloignait. Je me retrouvai donc seule à la maison.
Je descendis au sous-sol, en traversait le hall et au fond d'un couloir une lourde porte avec un système de fermeture électronique se dressa face à moi. La lumière blafarde du plafond éclaira les feuilles que je positionnai à mes pieds. Accroupi, je plaçai et déplaçai les feuilles du dossier contenant pour certaines des séries de chiffres dans un ordre complètement aléatoire. J'y allais à tâtons, peu sûre de cette idée mais au fond de mon ventre brûlait une petite flamme qui m'indiquait que je n'étais pas loin de ce qui pourrait me permettre de toucher à mon but. Sur un brouillon j'annotai les différentes séries de chiffres que j'associais dans différents ordres.
Malheureusement je ne voulais pas prendre le risque d'en rentrer au hasard sur le petit boîtier qui était sûrement équipé d'une alarme mais j'avais de plus en plus l'impression de toucher au but. Ce sentiment s'imposait à moi comme une évidence.
Plusieurs jours passèrent, je réfléchissais sans cesse à ces chiffres si bien que je les connaissais par cœur.
À table, un verre de vin à la main, mon regard se perdait dans le vide tandis que dans mon esprit un puzzle recherchait ses propres pièces retournées. Je sentais les yeux de Lazzaro, de plus en plus insistant et c'est d'ailleurs ce qui me sorti de mes pensées. En reposant mon verre de vin, je répondai à son regard. Nous nous fixâmes ainsi, de longues secondes en silence jusqu'à ce qu'il se décide à le briser.
« À quoi tu penses comme ça ? »
« À tout. » dis-je en haussant les épaules.
Un frisson me parcourut, j'avais parfois cette désagréable sensation qu'il savait entièrement lire en moi mais je me repris.
« Attention à ce que tu fais Alaïa. »
« Attention à quoi Lazzaro ? »
« À tout. »
Mon cœur se serra. Nous nous fixions, aucun de nous deux ne baissait les yeux. C'était une guerre silencieuse qui était menée.
Le lendemain, j'arrivai en Suisse. Seule sur un autre territoire depuis un bon bout de temps.
Il me tardait de retrouver ma mère, de partager avec elle ce que nous n'avions pas vécu ensemble, d'entendre sa voix et de la voir ainsi que de savoir avec plus de détail ce qu'il s'était passé dans sa vie durant mon absence.
Je conduis jusqu'à son appartement avec hâte. Je ne l'avais pas prévenu de mon arrivée, je voulais que ce soit une surprise et lui faire plaisir avec ses cadeaux qui, posés sur le siège passager de ma voiture de location, attendaient patiemment d'être déballés par ses soins.
En bas de l'immeuble, je cliquai sur « maman » dans mes contacts et attendis patiemment qu'elle décroche avec un sourire qui ne quittait pas mes lèvres. J'avais si hâte. Je tombais sur sa messagerie à trois reprises.
Je pris alors les sacs cadeaux et grimpais dans l'ascenseur. Je déverrouillai sa porte avec mon double des clés, la refermai derrière moi et c'est alors qu'en relevant les yeux vers le fond du couloir que le monde autour de moi sembla s'effondrer. Les sacs tombèrent sur le sol, les cadeaux s'éparpillèrent autour de moi. La moquette, auparavant d'un blanc crème, était immaculé de sang. La télé brisée sur le sol, les meubles renversés, les vases en terre cuite qu'elle affectionnait était tous en milles morceaux parmi les livres tombés de la bibliothèque. Je suivis comme un automate la traînée de sang qui me mena à sa chambre dont la porte était fermée. Et comme une nouvelle chute lors du rebond d'un élastique, je la découvrais étendue sur son lit, dans une longue robe bordeaux, des lacérations le long du corps, une balle entre ses deux yeux ouverts.
Je tombai à genoux auprès d'elle avec l'impression que son regard m'avait suivi. Je glissai ma main dans la sienne, incapable de prononcer quoique ce soit et avec l'impression que j'allais m'étouffer, que je n'arrivais à respirer avec assez de force. Sa paume contre la mienne était froide, raide, loin de sa chaleur habituelle. Main dans la main, je m'attendais comme dans un mirage à ce qu'elle me la serre comme lors de nos balades, qu'elle remonte mon menton avec sa poigne maternelle, avec cette expression sur le visage de celles qui savent lire à travers les yeux.
Les minutes passaient, mais je n'avais plus aucune notion du temps, comme si le choc m'avait tiré dans un endroit hors de temps. Et je demeurais plantée là, à la regarder, à caresser ses mains, comme dans un cauchemar, ou un film d'horreur oubliant même la fatalité de l'instant, comme si je patientais pour qu'elle termine sa nuit ou une sieste bien trop longue.
J'eus du mal à me rappeler de ce qui s'était passé ensuite. Je crois avoir agit comme un automate à partir du moment où j'ai eu la conscience de prévenir Lazzaro. Deux hommes sont venus me chercher dans l'appartement, l'un a tout refermé derrière lui et ils m'ont escorté jusqu'à la voiture comme une poupée de chiffon qui ne répondait même pas à leurs questions. Je me rappelai vaguement de la froideur de leurs paumes sur mes épaules quand je me suis baissée pour rentrer dans l'habitacle.
Par la suite j'ai séjourné pendant 12h dans un hôtel de la capital, Lazzaro était arrivé avec sa tante ainsi que mon père
Eva m'a prise dans ses bras et m'a bercé de longue minute.
« Il va falloir que tu sois forte ma chérie. Très forte, mais tu as ça en toi, tu vas y arriver. »
Et je ne suis sortie de ma torpeur que trois jours plus tard. Seule sur le lit de l'hôtel, observant le plafond, j'ai pleuré pour la première fois alors que tout le monde s'agitait dans le salon de la suite. Les émotions remontèrent, comme un tsunami qui ravage tout sur son passage.
Je maigrissais à vu d'œil, rien ne restait dans mon estomac pour le peu que je réussissais à avaler. Les fois où je croisais mon reflet dans la glace et que j'avais la force de m'y arrêter, j'avais l'impression de faire face à un fantôme. Puis arriva le retour en Italie qui fut le plus long de toute ma vie.
Un jour, après plusieurs semaines où ma famille et la sienne faisaient des allers retours entre ici et chez eux, la nuit tomba et le calme avec elle. Il n'y avait plus personne à la maison excepté nous deux. La porte de ma chambre s'ouvrît et je reconnus les pas de Lazzaro. Je ne dormais plus avec lui, incapable de sentir une quelconque autre présence que la mienne. Pendant cette période, ce fut la première fois que je faisais face au Lazzaro perdu que je n'avais jamais connu jusqu'ici et que je ne connaîtrais plus jamais. J'eus l'impression de voir l'adolescent qu'il avait été quand il me voyait dans cet état.
« Dis-moi ce qu'il faut je fasse Alaïa. »
« Me la ramener. »
Je demandai l'impossible en le fixant droit dans les yeux. Je ne savais pas ce que je cherchais en lui lâchant cela à la figure, comme s'il était responsable de mon malheur. J'étais en colère et je cherchai un coupable alors je m'en prenais lâchement à ceux qui prenaient soin de moi.
« Je sais ce que tu ressens, et ça ne s'arrêtera pas si tu continues de ne rien manger, si tu restes dans le noir et que tu commences à haïr tout le monde. Ton corps rejette tout parce que ta tête le fait. »
Allongée sur le lit, je demeurai silencieuse sachant pertinemment qu'il avait raison.
« Viens, on va aller se balader sur la plage tous les deux. On a pas eu un moment à nous depuis un moment.» me dit-il accroupi face à mon visage.
Il rangea une mèche de mes cheveux derrière mon oreille et attarda sa main sur ma nuque où il fit une petite pression. Sa main était chaude, réconfortante. J'hochai la tête et il me tint la main pour me relever puis me tendit un pull que j'enfilai. Il passa dans mon dos et ses mains remontèrent mes cheveux emmêlés au milieu de mon crâne, il les torsada tandis que je l'observai faire dans le miroir en lui murmurant un merci. Il me les attacha en un chignon approximatif qui m'arracha un petit rire.
Nous passâmes sur le petit sentier au fond du jardin et lorsque le sable encore chaud de la journée rentra en contact avec la plante de mes pieds, je lâchai un petit soupire de réconfort.
Le soleil couchant illuminait la plage d'une douce atmosphère, et le bruit de la mer accompagnait en arrière plan ce beau tableau.
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Bonjour à tous et à toutes ! J'espère que vous allez bien, cette partie a mis du temps à être publié et j'en suis désolée, j'espère néanmoins qu'elle vous aura plus. Je vais commencer l'écriture du prochain chapitre dès ce soir.
Bisous tout le monde !
Amour et paix 💗
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