Chapitre 18

Emmitouflée sous un plaid, j'étais allongée sur le canapé, pensive et le regard rivé sur le jardin à travers les baies vitrées comme à mon habitude. Il pleuvait des cordes.  Les feuilles des arbres semblaient se confondre avec une fine brume. Dans la piscine, à la surface de l'eau, les goutes de pluies formaient d'infimes petites vagues. Et tout semblait si normal, si serein malgré l'averse.
Seul le bruit de la pluie et de la mer venaient emplirent la pièce laissée ouverte par mes soins sur le jardin.
En quelque seconde, j'étais dehors, les pieds dans l'herbe mouillé, la pluie froide roula sur ma peau, trempa mes cheveux et l'entièreté de mes vêtements. Mon âme sembla trouver un espace sans barrières qui se se resserraient sur elle pour la première fois depuis quelques jours.
Les goutes de pluies tombaient sur mon visage, glissaient sur mes paupières, mes joues et mes lèvres entre-ouvertes. Je souhaitais silencieusement qu'elles emportent avec elle le chaos qui s'était installé dans mes pensées.
J'ouvris soudainement les yeux avec l'impression que le ciel gris et nuageux allait m'engloutir toute entière. Les nuages étaient si épais que je me demandais si c'était bien de la vapeur d'eau ou une pierre érigée dans le ciel qui se montrait à moi.
Un souffle tremblant s'échappa de mes lèvres lorsque je m'approchai de la mer déchaînée. L'abîme et la beauté dangereuse de l'eau m'attiraient, je voulais m'y perdre quelques heures. L'eau salé éteignit mes pieds, elle était si froide...
Je m'assis sur le sable mouillée, là où l'eau remontait lorsqu'elle revenait dans le ressac.
Un cri s'étira de ma gorge et se perdis dans le bruit de l'avalanche d'eau qui venait du ciel. Je criais de toutes mes forces, pleine d'émotions mêlées, je devais m'en libérer, me le sortir du cœur. Je ne m'arrêtais qu'à court de souffle et je restais assise là, face à l'eau sombre et bouleversée de la mer.

Au moment de franchir la baie vitrée après je ne sais combien de temps, j'aperçus de l'autre côté Lazzaro qui, lui, passait la porte d'entrée. Lorsqu'il me vit trempée il ne posa pas de question, il monta et revint avec une serviette alors que je m'étais assise au pas de la porte vitrée. Il me la posa sur les épaules et s'assit à côté de moi en silence pour écouter la pluie.

« ça t'a fait du bien ? » demanda t'il en passant une main protectrice dans mon dos par dessus la serviette pour qu'elle absorbe un maximum d'eau.

« Je crois que oui. »

Il m'invita à entrer, je pris une douche chaude et enfilai un pyjama avant de le rejoindre au salon. Il était assis dans le canapé et termina un appel. Après un long silence, il prit la parole.

« Dehors il y a des personnes qui jour et nuit rêvent de ma mort. Ce qui s'est passé la dernière fois n'est pas un acte isolé, on n'est pas à l'abris que ça se reproduise ici ou ailleurs. J'ai vécu avec ça toute ma vie, j'ai fait de mon mieux pour protéger cette famille mais rien n'est infaillible surtout dans un endroit qui ne nous appartient pas comme où nous étions. »

« C'est de ce genre de chose que m'a éloigné ma mère tout ce temps, elle pensait qu'en Suisse nous serions moins susceptible d'en être victime même s'il n'y avait pas de risque zéro. » dis-je en m'allongeant.

Lazzaro se dirigea dans la cuisine. Il revint avec un thé qu'il m'avait préparé. Il était attentionné et mon cœur s'attendrissait.

« Ce qui te met dans cet état c'est de l'avoir tué mais c'était toi ou lui. » suite à ses paroles je sentais son regard sur moi mais je ne dis rien et écoutais simplement sa voix.

« J'ai vu que tu avais fouiné dans le sous-sol. Tu as dû tombé sur cette photo. » il me montra la photo de la maison que j'avais découverte il y a plusieurs semaines.

« C'est ce genre de personne qui y ont mis le feu il y a plusieurs années. C'était la maison de mes parents. »

« Que sont-ils devenus ? »

« Ils ont péri dans l'incendie. »

Mon cœur se serra à cette révélation. Je levai mes yeux vers les siens. Il y avait quelque chose de brisé chez lui, je l'avais toujours senti mais dans ses mots je comprenais un peu plus à chaque fois d'où venait cette colère sombre et cette cassure dans son âme.

« Je suis désolée... Je ne savais pas, je n'avais jamais osé poser de questions sur eux.» murmurai-je en posant ma main sur la sienne.

« Ne le sois pas. Quand j'étais enfant le plus difficile a été la solitude dû à l'absence mais on s'y fait, en grandissant on se rend compte que c'est une arme qu'ils ont laissé derrière eux. »

Son pouce caressait ma main machinalement. Sa mâchoire était crispée sous sa barbe de quelques jours.

« Ce n'est pas un enfant de cœur contre qui tu t'es défendu. » conclut-il comme pour mettre fin à cette conversation et à n'importe quel sentiment qui pu s'associer à la culpabilité que j'aurais pu ressentir.

Effectivement ce n'était pas un enfant de cœur. Mais c'était autre chose que de la culpabilité qui m'animait. Je ne saurais dire quoi, les mots me manquaient. Dehors, l'orage se mit à gronder.

« Dors avec moi ce soir. » dis-je en me levant. Je lui lançais un regard, il était en train de porter son verre à ses lèvres lorsque nos yeux se croisèrent. Il ne répondit pas et quant à moi, je montais à l'étage.

Je croisais mon reflet dans le miroir, je m'y arrêtais un instant. J'avais besoin de sommeil, et de vitamines. J'allais sûrement être malade après ce moment sous l'averse. Mes yeux brillaient, je me regardais comme si ce n'était pas moi dans la glace mais une autre femme. Mais c'était bel et bien moi, Alaïa Moretti, dans ce miroir.

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