Chapitre 9
Mohammed traversa la longue allée, les dents serrées. Lorsqu'il apparut dans l'entrée de son château, il s'avança jusqu'aux béquilles qu'il n'avait pas utilisé depuis des semaines.
- Votre majesté ! S'interposa Aziz les yeux écarquillés.
Mohammed grogna en guise d'avertissement. Anaya passait déjà les portes adjacentes. Mohammed voulait confronter sa vielle nounou avec hauteur. Pour cela, il s'appuya sur ses béquilles et se leva à la seule force de ses bras. La douleur était vive et lancinante. Il dut serrer les dents pour ne pas gémir. Quand Anaya le vit, ses grands yeux prirent une expression inquiète et elle se précipita vers lui.
- Assez ! S'écria Mohammed pour qu'elle se s'arrête.
C'était à lui de venir à elle. À lui de s'excuser.
- Mohammed ! Tu vas te faire mal ! S'écria Anaya en portant ses mains sur son cœur.
Peu lui importait. Mohammed réprima la douleur physiques qui le malmenait de l'intérieur et fit quelques pas vers elle. Que c'était bon de se sentir grand, songea-t-il avec amertume.
Après quelques pas vers elle, Mohammed s'arrêta, saisi par la douleur, incapable d'aller plus loin.
Ses bras tremblaient, ses jambes étaient sur le point de se dérober. Mais il tint bon devant cette femme qui lui avait tout appris.
- Je suis impardonnable, commença-t-il entre ses dents serrées ; J'ai été monstrueux avec toi Anaya. Je regrette amèrement mes propos et je...
Anaya tendit ses bras vers lui lorsqu'il vacilla légèrement.
- Je suis un monstre, finit-il par dire.
- Mohammed, murmura-t-elle d'une voix émue.
Il avait énormément de mal à lui faire face ou du moins...à faire face aux sentiments qu'elle lui exprimait.
- J'ai juré devant dieu qu'aucune femme ne franchirait plus cette porte, reprit-il la respiration erratique ; Mais je suis sur point de faillir à cette promesse le temps d'une nuit.
Anaya prit un air hébété.
- L'une des filles du centre est peut-être sur le point d'arriver, expliqua-t-il presque convaincu qu'elle accepterait son offre ; Elle est fragile, complément terrifiée par les hommes, je t'en prie, accepte de l'aider à se sentir à l'aise.
- Si tu veux bien te rasseoir alors oui ! S'écria-t-elle en regardant les béquilles tremblaient sous le poids de sa force.
Furieux de ne pas tenir debout plus longtemps la nature de Mohammed ressurgit du tréfonds de sa gorge. Il respirait difficilement et fuyait à présent le regard d'Anaya.
- Pourquoi...pourquoi es-tu restée Anaya ? Demanda-t-il en la considérant gravement.
Une lueur d'espoir emplissait déjà le regard de cette femme qui après toutes les horreurs qu'il avait dites, était restée ici, fermement décider à ne pas le lâcher.
- Parce que je sais que derrière ce regard rempli de haine se cache un homme qui a besoin d'aide, murmura-t-elle en levant le menton pour le défier.
Longuement ils se regardèrent sans un mot. Anaya était aussi borné qu'il l'était.
- Où est cette fille ? Quand doit-elle venir ?
Mohammed bougonna dans sa barbe.
- À supposer qu'elle vienne, rectifia-t-il en expirant par le nez ; Je crois bien que je lui fais peur.
- Pas étonnant, commenta Anaya en croisant les bras contre sa poitrine.
Mohammed releva les yeux pour dévisager celle-ci l'air rembrunit.
- Pas de commentaire Anaya, grogna-t-il doucement ; Occupe-toi simplement d'elle.
- Quel âge a cette fille ? Demanda-t-elle alors qu'il partait en direction de son salon privé.
Mohammed n'en avait aucune idée. Mais au vue de son teint lisse, il lui donnait la vingtaine tout juste.
- Vingt ou peut-être vingt-six, peu importe.
L'air curieux de son ancienne nounou aiguisa sa méfiance quant aux pensées de cette dernière.
- Anaya ! Gronda-t-il alors qu'elle se frottait les mains comme si elle montait un plan contre lui ; Cette fille s'est fait agressée violemment il y a six, ce n'est qu'une enfant totalement traumatisée.
Le sourire de Anaya retomba aussitôt. Son regard parut soudain très triste et compatissant.
- Si jamais elle passe ces portes, occupe-toi d'elle comme si c'était ta fille, dit-il d'une voix à peine audible.
Mohammed s'en alla, le regard fixé sur ses jambes qui lui faisaient atrocement mal.
- Il ne peut rien t'arriver, se répéta Tara en avançant vers les portes du château alors que ses jambes vacillaient légèrement.
À mi-chemin, elle céda à la panique. Elle voulait faire demi-tour mais une petite voix lui soufflait d'avancer encore. Le visage du souverain vint effleurer son esprit et elle persistait à se dire que son regard réconfortant était sincère.
Alors elle monta les marches en pierre, hypnotisé par le vacillement des flammes qui illuminaient l'entrée.
Un garde inclina sa tête pour la saluer puis ouvrit la porte pour qu'elle pénètre à l'intérieur. Ne perdant pas un instant, elle entra et en eut le souffle coupé. Encore une fois elle fut subjuguée par le contraste. Pourvu de couloir, le château regorgeait de luxe, de lumières et d'élégantes tapisseries. Éblouie par les lieux, Tara en oubliait presque les raisons qui l'avaient poussée à accepter l'offre du roi.
- Vous devez être Tara !
Il n'avait pas menti. Il y avait bien des femmes dans ces lieux. Et une en particulier. La fameuse Anaya.
L'élégante gouvernante vint jusqu'à elle, avec un sourire radieux aux lèvres. Tara trembla de la main quand celle-ci lui prit pour la joindre à la sienne.
- Je suis Anaya, je suis enchanté de vous rencontrer.
- Mo...moi aussi, bafouilla-t-elle.
Au contact physique de cette femme, Tara grimaça légèrement mais la laissa faire. La chaleur émanant d'elle était étrangement réconfortante.
- Venez, murmura-t-elle en lui prenant la main ; Allons-y à votre rythme mon enfant.
Anaya marqua une pause pour passer son bras sous le sien.
- Si vous voulez marcher lentement alors nous marcherons lentement, si vous souhaitez courir alors courons !
Tara esquissa un léger sourire amusé.
- Mais prévenez-moi, mes lombaires sont un peu fragile en ce moment, ajouta-t-elle en chuchotant.
Tara rit doucement et se laissa guider vers la chambre. Elle était ravissante et si grande que Tara se contenta de regarder le lit superposé dans lequel elle passerait la nuit.
- C'est beaucoup trop, murmura-t-elle en fermant les yeux brièvement.
- Cette chambre n'a pas reçu d'invités depuis des années, expliqua Anaya en tapotant les oreillers ; Ce château a besoin de revivre.
Anaya avait l'air subitement nostalgique. Il n'y avait plus de doute. Ce château avait une histoire qui n'avait rien d'un conte romantique.
- Peut-être voudriez-vous quitter cette tenue, proposa-t-elle en revenant vers elle.
- Oh...je...non c'est parfait c'est...
- Sa majesté a mit à votre disposition une malle remplie de vêtements ; Je suis sûre que nous pourrions vous trouver une tenue plus confortable.
Tara sentit son cœur s'emballer subitement. Non pas parce qu'il y avait une malle remplie de vêtements, mais parce que c'était le roi Al Zahar en personne qui les avait mis à dispositions.
Pour elle.
- À moins que vous vouliez gardez la robe de Cléo Al Zahar ?
Les oreilles bourdonnantes, Tara cessa de respirer une seconde.
- Qui ça ?
Anaya lui sourit affectueusement.
- C'était l'arrière grand-mère de sa majesté, expliqua Anaya en touchant ses cheveux les yeux pétillants d'admiration ; Elle était ravissante. Elle a réussi à conquérir le cœur de Oman et à l'époque elle...
Anaya s'arrêta subitement dans sa narration et se racla la gorge l'air gêné.
- Enfin bon ! S'exclama-t-elle en se dirigeant vers la malle ; Vous avez tout ce dont une femme a besoin dans cette malle.
Tara considéra Anaya en fronçant légèrement des sourcils. Celle-ci venait de se trahir. Elle avait trop parlé.
- Quel âge avez-vous Tara ? Demanda-t-elle d'une voix hésitante.
Déstabilisée, Tara cligna plusieurs fois des paupières.
- C'est très vague, avoua-t-elle en posant la boîte du puzzle qu'elle avait emporté avec elle ; selon mon certificat, j'ai vingt-deux ans.
Anaya esquissa un sourire en coin. Elle semblait déçue de sa réponse.
- Vous êtes une magnifique jeune femme, commenta-t-elle en revenant vers elle ; Mais vous êtes trop frêle, il va falloir remédier à cela.
Déterminée, Anaya tourna les talons et ouvrit les portes.
- Le dîner sera servi dans dix minutes, je viendrais vous chercher mon enfant.
Eberluée, Tara entrouvrit ses lèvres en secouant imperceptiblement sa tête.
- Mais pour allez où ?
Anaya ébaucha une grimace sans se retourner et déclara à ses risques et périls ;
- Dans le salon privé.
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