Chapitre 7
Lorsque le souverain quitta sa chambre, Tara n'osait à peine respirer. Son cœur battait toujours aussi sourdement qu'à son arrivée. Tristement, elle baissa les yeux sur son puzzle en reniflant. Si cette rencontre l'avait fait trembler, Tara se félicitait d'avoir réussi à parler. Elle se pinça les lèvres et se leva pour avancer jusqu'à la porte. Il avait disparu. Mais il avait réussi à laisser derrière lui les traces de son passage. Comme si des flammes ardentes jaillissaient du plancher. Mais au-delà de ça, Tara avait vu dans son regard insondable une promesse solennel. Elle se trouvait en sécurité. Alors qu'est-ce qui l'empêchait de sortir dans les jardins ?
Rien.
Tara enfila ses bottes noires et rejoignit le passage de l'entrée. D'abord elle s'adossa au chambranle de la porte, les yeux plissés par l'éclat du soleil. Une merveilleuse odeur attira son attention. Timidement, Tara se glissa contre la façade et s'installa sur le banc, mains jointes sur ses genoux. Elle n'était pas encore prête à s'engager plus loin. Les jardins attendront, même si elle pouvait voir au loin des fleurs sauvages exhalaient un parfum suave. Devant elle, se dressait cet immense château. Tout semblait étrangement silencieux alors qu'elle devinait aisément un armada de serviteurs prêts à satisfaire les désirs de leur roi. Quel âge pouvait-il bien avoir ? Se demanda-t-elle en appuyant ses mains sur le banc en pierre.
- Tara, quelle merveilleuse surprise de te voir à l'extérieure.
Tina s'installa près d'elle et entoura son bras dans son dos avec un sourire. Tara se sentit obligée de lui rendre puis se concentra sur le paysage de Khazban.
- Vas-tu enfin me dire pourquoi tu refuses de mettre tes tenues ? Demanda-t-elle doucement.
Exhalant un soupir tremblant, Tara ferma les yeux brièvement.
- Voilà six ans jour pour jour que je suis entrée dans votre clinique madame Thomas.
Tina fronça des sourcils incrédules.
- Oui, et alors ?
- Voilà six ans que je portes des blouses madame Thomas, reprit-elle ridiculement ; Aucun de mes vêtements sont...à ma taille.
La réaction de Tina ne se fit pas attendre. Elle porta la naissance de ses doigts sur sa bouche accompagné d'un regard qui exprimait de la pitié.
- Mon dieu Tara, je...mais pourquoi tu ne m'as rien dis ?
Tara reporta son regard sur l'horizon, les yeux brouillés de larmes.
- Peut-être pour éviter l'expression peinée que vous portez sur votre visage.
- Ce n'est pas de la peine Tara, c'est juste...
Comme elle ne trouvait pas ses mots, Tara prit soin de les choisir à sa place.
- De la pitié.
- Oh...Tara non...
- Je vais me débrouiller seule madame Thomas, cette robe me va à merveille.
- Cette robe n'est pas convenable si nous sortons Tara, répliqua-t-elle doucement.
Tara soupira.
- Je ne vais pas sortir, rétorqua Tara en se levant pour s'entourer de ses bras ; Du moins pas pour l'instant, ajouta-t-elle précipitamment.
Face au soleil nimbant les dunes de sable, Tara inspira péniblement avant de reprendre.
- Vous m'aviez promis de ne pas me brusquer, lui rappela-t-elle d'une voix si faible qu'elle l'a senti s'érailler.
- Tara nous partons dans le nord de Khazban demain matin pour explorer les architectures du défunt roi Murath.
- Alors je resterais ici, murmura-t-elle sans réfléchir aux conséquences d'une telle décision.
Tina lui montra son opposition en secouant vigoureusement de la tête.
- Il est hors de question que je te laisse ici seule.
- Je ne suis pas seule, vous l'avez dit vous-même lors de notre arrivée, répliqua Tara d'une voix qu'elle espérait suffisamment ferme ; Je ne suis pas prête à sortir, je m'y refuse.
Elle se sentit obliger de rajouter.
- Ce qui signifie que je ne suis ni capable m'enfuir ni capable de mettre fin à mes jours.
En fait, si Tara trouvait la force de refuser cette excursion c'est parce que le roi en personne lui avait promis qu'elle était en sécurité ici et qu'aucun de ses hommes se risqueraient à l'approcher.
- Très bien Tara, tu resteras ici, mais s'il y a quoi que ce soit...
Tara acquiesça silencieusement.
Affectueusement, Tina lui sourit puis s'en alla vers les autres filles. Tara ignorait si elle avait prise la bonne décision mais une chose était sûre. Tara n'était pas prête à sortir.
Elle regagna sa chambre la mort dans l'âme et se laissa tomber sur le lit en fermant les yeux. Rien n'était bien différent de l'Italie, songea-t-elle tristement. À une exception près.
Demain Tara serait seule.
Mohammed plaça ses mains derrière sa nuque alors que son kiné s'affairait à masser ses jambes.
Aziz se tenait près du lit, tablette tactile dans les mains pour l'informer des dernières informations qui circulaient sur lui.
- Alors ? Demanda-t-il impatient en grimaçant.
- Les journalistes n'ont rien à dire sur vous votre altesse, répondit-il prudemment.
- Aziz, ai-je l'air d'un idiot ? Demanda-t-il d'une voix grinçante.
- Non votre altesse, dit-il en se raclant la gorge.
Affecté par ce mensonge, Mohammed congédia son kiné et se redressa à l'aide de ses poings.
- Voilà un an que le pays parle à tord et à travers, s'agaça-t-il d'une voix de gorge ; Que disent-ils ?
- Votre absence auprès du peuple commence à peser, avoua Aziz en prenant soin de reculer ; Certains disent même que vous êtes mort.
Mohammed lâcha un rire amer pour dissimuler la douleur qui venait de lui serrer le cœur. Depuis son accident de voiture qui lui avait coûté une immobilisation qu'il espérait temporaire, Mohammed vivait reclus dans son château. Si son pays le croyait mort, Mohammed l'était de l'intérieur.
- Tu dois démentir cette rumeur avant qu'elle ne fasse trop de bruit, ordonna-t-il d'une voix plus amène ; Je la signerais en main propre pour que ma signature soit authentique.
- Très bien votre majesté.
Observant avec haine les différentes nuances du ciel, Mohammed songeait à sa vie d'autrefois. Un goût amer lui noua la gorge. Un homme de sa trempe n'était pas voué à ce destin misérable. Il ne supportait plus d'être en fauteuil roulant. Il ne supportait plus la crainte et la pitié qu'il pouvait lire dans le regard de ses hommes.
- Je regrette amèrement d'être devenu cet homme Aziz, confia-t-il après qu'il l'ait aidé à se mettre dans son fauteuil.
- Vous n'êtes pas bien différent de quand vous pouviez marcher votre altesse, se risqua de dire Aziz avec un sourire en coin.
Mohammed esquissa un fugace sourire.
- Ce n'est qu'une question de temps, assura-t-il avec force.
- C'est aussi une question d'humeur.
Mohammed considéra Aziz les sourcils froncés.
- Que veux-tu dire par-là ?
Aziz baissa les yeux, l'air hésitant.
- Le personnel qui se charge de votre rééducation n'ose plus revenir à cause de votre comportement, expliqua Aziz en mettant ses mains dans son dos ; Ils sont tous pétrifiés à l'idée de revenir.
Mohammed tiqua avec humeur. Cela lui coûtait d'avouer qu'il avait raison. La dernière fois, il se souvenait d'avoir crier comme un sauvage.
- Je promets de faire un effort, conclu-t-il à travers ses dents serrées.
Aziz fut sur le point d'insister lorsqu'on frappa à la porte. Mohammed fut surpris de voir madame Thomas passer une seconde fois les portes de son bureau.
- Avez-vous une requête madame Thomas ? S'enquit-il alors que le visage de la jeune inconnue interférait avec l'instant présent.
- Plusieurs en réalité.
Mohammed inclina sa tête pour enjoindre cette femme à poursuivre.
- J'ai organisé une petite excursion avec les filles et...
- Aziz m'en a déjà parlé.
Tina se frotta nerveusement les mains.
- L'une d'entre elles ne viendra pas avec nous.
Curieusement, Mohammed sut avant même qu'elle en dise plus qu'il s'agissait la jeune Tara. Avec un étrange ravissement il considéra Tina Thomas impassible.
- J'espérais peut-être que vous pourriez garder un œil sur elle.
- Le nécessaire sera fait madame.
- Et j'aimerais savoir si vous n'aviez pas par hasard une tenue convenable pour...Tara.
Mohammed demeura un instant silencieux. Elle semblait avoir honte de la tenue qu'elle portait sans savoir qu'elle insultait l'histoire de sa famille. Mais Mohammed décida de passer outre. Il n'avait pas envie de se mettre en colère. Du moins pas tout de suite.
- Je ferais mon nécessaire pour répondre à vos demandes.
Tina exécuta une révérence et s'en alla escortée par un garde. Sa première pensée fut destinée à Tara. Le harem faisait peut-être partie de l'histoire du royaume mais savoir qu'elle y passerait la nuit seule était incontestablement une mauvaise idée. Elle avait peur, elle refusait même de quitter le château pour une excursion. Ses yeux bleus océans n'avaient pas menti. Pour la première fois de sa vie Mohammed fut confronté à quelque chose d'émouvant. Cette inconnue n'avait aucune valeur à ses yeux, elle n'était qu'une étrangère. Et pourtant, l'émotion indicible qui serrait son cœur était la preuve évidente qu'elle l'avait touché. Il approcha son fauteuil jusqu'à la fenêtre qui donnait sur le harem et la vit penchée à sa fenêtre. Il n'avait jamais vu une femme aussi triste. Même son ex-femme n'avait pas réussi à l'émouvoir de cette façon.
- Aziz, prépare une chambre pour la fille, ordonna-t-il alors sans réfléchir.
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