Tara acheva une page du journal intime de Samira lorsque Mohammed débarqua dans la chambre le regard chargé d'interrogations. Savait-il ? La presse avait-elle déjà parlé ? Lentement elle referma le livre en se mordant la lèvre. La stupéfaction marqua alors ses traits.

- La presse vient de dévoiler ton identité ! Apparemment c'est toi qui...

- Oui c'est moi.

Il cilla, affreusement sexy dans son tee-shirt anthracite.

- Je peux savoir pourquoi tu as fait une chose pareille ! Explosa celui-ci en maîtrisant à grande peine la colère qui ruisselait en lui.

Tara posa le journal intime de Samira sur la table de nuit et se leva pour le confronter. Grave erreur ! Songea-t-elle à présent dominée par sa hauteur vertigineuse.

- Je voulais te prouver que l'on pouvait tout affronter ensemble.

Il ne cilla pas cette fois-ci, il plaqua ses paumes de mains sur ses joues afin qu'elle le regarde droit dans les yeux.

- Tara est-ce que tu te rends compte de ce que tu viens de faire ?

- Bien-sûr, affirma-t-elle sérieusement ; Et je suis prête à affronter les dires de la presse. J'ai survécu à bien pire.

Tara enroula ses doigts autours de ses poignets et soutenant son regard glacial.

- Et maintenant ils se déchaînent avec l'horrible épreuve que tu as traversée, déclara-t-il sombrement.

- Peu m'importe s'ils ressentent de la pitié pour moi ou du chagrin, tout ce qui compte c'est nous. Tu n'es pas d'accord ?

Un éclair de désir passa dans le corps raide de Mohammed. Il avait beau contempler ses yeux à la recherche d'une crainte, une peur, il n'y avait rien d'autre que l'éclat d'un espoir.

- Tu es folle tu le sais ? Murmura-t-il en embrassant sa bouche avec fougue.

Il cessa de respirer, aspirant chaque parcelle de ses lèvres. Il la serra fort contre lui, enlaçant sa taille fine.

- Est-ce grave à ce point ? S'informa-t-elle en esquissant une grimace.

Mohammed demeura longuement impassible afin de ne pas l'inquiéter sur la déferlante qu'il y avait sur internet. Khazban était déjà au courant, Aziz l'avait contacté complètement affolé. Quant à lui, Mohammed avait dû faire face à de vieille photos parues dans la presse à l'époque où Tara n'était qu'une adolescente. Taisant la vérité, il lui sourit en caressant ses cheveux.

- Ce n'est pas aussi grave que je ne l'aurais crû.

- Tu es certain ? Demanda-t-elle d'une voix perplexe.

Mohammed se maudit intérieurement de lui mentir et la souleva dans ses bras pour la reposer sur le lit. Il fallait à tout prix qu'il l'éloigne de la télévision. Pour cela, il l'embrassa tendrement, alors qu'une vague de désir déferlait en lui.

- Tout va bien je te le promet.

Ses grands yeux bleus s'emplirent de larmes.

- Je suis si heureuse avec toi, murmura-t-elle d'une voix presque inaudible.

Bouleversé, Mohammed ne sut trouver les mots devant une telle déclaration.

- Moi aussi je suis heureux avec toi Tara.

Résolu à attendre encore un peu pour lui faire sa demande il fut contraint de détourner la conversation avant que cette demande ne franchisse le barrage de ses lèvres.

- Où en es-tu ? Demanda-t-il en attrapant le livre.

- Bientôt à la fin...

- Et alors ? As-tu aimé l'histoire ?

Elle se redressa sur le lit, les reflets du couché de soleil sur ses cheveux.

- C'est définitivement mon histoire préférée, dit-elle en lui prenant des mains ; J'ai appris beaucoup sur tes ancêtres, ta religion et sur la femme qui l'a écris.

- Qu'as-tu appris sur mes ancêtres ?

- Pourquoi tu es fils unique, pourquoi il n'y a jamais eu plus d'un enfant dans la lignée.

Mohammed demeura interdit.

- Vraiment ? Lança-t-il en faisant mine d'être surpris.

Un grand sourire s'afficha sur son visage.

- Ils avaient peur qu'il y ait des rivalités entre frère et sœur, cousin et cousine.

- C'était une grave erreur de leur part tu n'es pas d'accord ?

Elle haussa des épaules.

- Cela dépend, répondit-elle sérieusement ; Imagine si l'un d'entre eux avait eu dans l'intention de déclencher une guerre ?

Le raisonnement de Tara le prit de court. Décidemment, elle était vraiment intelligente et elle le surprenait de jour en jour.

- Une guerre ? Répéta-t-il de plus en plus intéressé par son raisonnement.

- Oui, la rivalité que peut engendrer un royaume peut parfois détruire toutes une famille.

- Ma mère voulait d'autre enfant, confia-t-il en plissant ses sourcils ; Seule Samira s'est contentée d'un enfant.

- Pourquoi ton père n'a pas accédé au souhait de ta mère ?

Mohammed se leva du lit pour dissimuler son regard empli de souvenirs douloureux.

- Il avait les mêmes croyances que mon grand-père, il craignait qu'une guerre éclate si ma mère avait eu un autre fils.

Tara garda le silence. Au fond d'elle, le soulagement la gagna. Amalia s'était totalement trompée. La famille de Mohammed... sur des générations n'avait pas de problème pour procréer, ces hommes dont les caractères se reflétaient sur le visage de l'homme qui se dressait devant elle craignait seulement qu'une guerre éclate au sein même de leur famille.

Une peine immense lui serra le cœur.

- Aurais-tu déclenché une guerre si tel avait été le cas ? Demanda-t-elle d'une voix hésitante.

Il se tourna enfin vers elle.

- Je n'ai jamais désiré être un roi, je pense que j'aurai cédé ma place.

Cette confidence la fit ciller.

- Tu n'aimes pas être roi ?

- Il y a certes de bons côtés mais on se sent très vite seul, répondit-il avec une honnêteté sans faille ; Être roi ne m'a pas apporté le bonheur auquel j'aspire.

Émue et privilégiée d'en connaître un peu plus sur lui, Tara retint une larme et le rejoignit.

- Tu n'es plus seul maintenant puisse que je suis là.

- Effectivement, je ne suis plus seul, tu es à moi, tâche de ne jamais l'oublier mon amour.

- Comment le pourrais-je ? Le défia-t-elle en lui souriant.

Il fut sur point de répondre à sa bravade mais fut interrompu par quelques coups à la porte.

Il posa son index sur sa bouche.

- Ne fais pas de bruit, chuchota-t-il le regard subitement rembruni.

Tara sentit son cœur s'accélérer. Elle le dévisagea sans comprendre. Il disparut si vite qu'elle n'eut pas le temps de réagir.

Mohammed alla ouvrir et se confronta à la plus grande menace des États-Unis.

- Peter Fallagan....comment avez-vous réussi à parvenir à mon étage sans que la sécurité n'intervienne ?

- J'ai prétexté venir pour une affaire importante avec...

- Je n'ai pas d'article croustillant à vous vendre, lâcha-t-il d'une voix âpre.

Peter Fallagan baissa les yeux un instant.

- Vous venez de dévoiler l'identité de votre compagne, rétorqua celui-ci en remontant ses lunettes ; Allez-vous vraiment laisser cette histoire sans une suite ?

- Il n'y a aucune suite à donner à cette histoire, vous devriez partir avant que je m'en charge moi-même.

- Tara Kreighton est la seule à avoir survécu à ce...

- Assez ! Grogna-t-il si fort qu'il sursauta ; Vous n'avez donc aucun cœur ! Comment osez-vous venir ici, me parler comme si j'étais un simple homme !

Tara se figea d'effroi, cachée derrière les battants. Son cœur battait si fort qu'elle l'entendait résonner dans ses oreilles.

- Sortez ! S'écria-t-il brutalement.

Tara sursauta sous la férocité que l'on pouvait lire dans ses yeux. Il claqua la porte rageusement.

- Qui c'était ?

- Peter Fallagan, le journaliste le plus impitoyable de tout les temps, expliqua-t-il sans se départir de sa froideur ; Il est venu pour acheter ton histoire.

Tara avait l'impression d'être une bête de foire. Mohammed l'avait pourtant prévenu. Elle s'entoura de ses bras, relevant difficilement les yeux pour le confronter...du moins confronter ce que ses yeux traduisaient.

" J'avais raison " pouvait-on lire.

- J'écourte le voyage, décida l'homme en saisissant son téléphone ; Nous ne pouvons pas rester ici.

Tara demeura interdite. Il avait raison.

Retenant difficilement ses larmes, elle se passa une main dans ses cheveux, les lèvres tremblantes, voulant à tout prix disparaître de la surface de la terre.

La seule chose qui l'aidait à ne pas fléchir devant ce déchaînement médiatique, fut le regard protecteur de celui qu'elle aimait plus que tout au monde. Et au plus profond de son âme, elle savait que l'avenir au Khazban serait radieux.

Du moins, elle l'espérait...