Chapitre 33



Tara rangeait le matériel qui avait servi à l'atelier cuisine quand Louise se rapprocha d'elle en l'observant avec curiosité. Un mélange de mépris et d'arrogance se lisait sur ses traits. Tara n'aurait su interpréter ce regard si elle ne connaissait pas suffisamment Louise. Alors elle décida de l'ignorer tout en s'affairant dans la grande salle. Aujourd'hui, elle s'était trouvée une autre passion que les puzzles. Cuisinier lui avait permis de s'exprimer autrement et elle n'avait jamais été aussi fière de son travail. Les livres qu'elle avait lu attentivement dans sa chambre en Italie lui avaient apporté les bases pour faire de son gâteau une merveille. Malgré ça, Tara était tracassée depuis qu'elle avait quitté Mohammed. Quelques heures après son entretien elle l'avait aperçut dans le couloir principal, les traits tendus, le regard sombre. Sa présence lui manquait et chaque fois qu'elle faisait ce constat, Tara sentait une boule se former dans sa gorge...

Elle avait beau fermer les yeux et se dessinait un destin avec lui, Tara ne parvenait pas à voir plus loin qu'une jeune femme apeurée et un homme qui finirait par ce lasser d'elle. Quel homme attendrait aussi patiemment ? Mohammed n'était pas n'importe qui et pouvait avoir toutes les femmes à ses pieds. Difficile de croire qu'il puisse un jour envisager de l'aimer comme elle voulait être aimer.

Onze ans les séparaient. Ce constat édifiant lui donna des frissons si glacés qu'elle trembla sous le regard inquisiteur de Louise.

- Certains disent que tu fricotes avec le roi est-ce vrai ? Demanda celle-ci en levant un sourcil.

Tara s'efforça de rester impassible.

- Ce ne sont que des rumeurs Louise, répondit-elle simplement ; Il ne faut pas écouter tout ce que l'on dit.

Une lueur incandescence s'alluma dans les yeux de Louise qui poussa un hoquet méprisant.

- Quoi qu'il en soit, pour quelqu'un qui s'est fait violer je trouve que tu t'en sors pas trop mal.

Tara reçut son commentaire comme une violente gifle....comme celle que lui avait mis son agresseur pour la maîtriser. Les larmes se mirent à monter toutes seules, incontrôlables.

- Voici les seules armes que vous possédez mademoiselle Weill ? Lâcha une sombre voix derrière elle.

Comme un courant chaud, la présence de Mohammed suffit à la faire basculer dans cette confusion la plus totale. Il s'approcha d'elle et contourna la table pour faire face à Louise qui venait de se décomposer.

- Faire du mal aux gens semble vous ravir, poursuivit-il froidement ; Laissez-moi vous rappeler que vous êtes ici chez moi et je ne tolère pas ce genre de comportement sous mon toit.

Muette, Louise baissa les yeux non sans rougir de fureur.

- J'ai déjà eu vent de vos escapades nocturnes et je me suis montré clément, ajouta Mohammed plus durement ; Encore une erreur mademoiselle Weill et je vous renvoie en Italie.

Louise serra les dents et pivota les talons, les poings serrées.

Tara essuya ses larmes avant qu'il ne les aperçoive et baissa la tête.

- Ne faite pas attention à elle, dit-il d'une voix plus amène.

Hélas Tara ne put s'empêcher de penser qu'elle avait raison.

- Est-ce l'image que je donne, murmura-t-elle d'une voix brisée ; Celle d'une fille facile qui...

Tara n'eut pas le temps de poursuivre car déjà, il avait fait le tour de la table pour lui prendre le menton.

Son regard n'avait jamais été si dur que maintenant.

- Je vous interdis de dire ça, ordonna-t-il fermement.

La puissance de ses mots la fit frissonner. Ses doigts pressés sur son menton lui envoyèrent une décharge électrique. Il cherchait son regard. Il essayait de l'aspirer dans cette sorte de voûte ardente qui noyait ses yeux. Ce feu...émanant de lui la rendait prisonnière d'une émotion incontrôlable.

- Elle est jalouse de vous, reprit-il comme une évidence ; ne la laissez pas vous atteindre.

Tara acquiesça pour seule réponse. Elle avait l'impression que son menton brûlait sous la pression de ses doigts fermes. Pourquoi était-ce si difficile pour elle de s'écarter et de lui dire que rien ne serait possible. Cet homme méritait mieux que ça. Avec la force du désespoir elle s'écarta et fit mine de ranger les ustensiles. Si seulement ses tremblements pouvaient cesser, songea-t-elle alors qu'il continuait de la dévisager.

- Qu'avez-vous Tara, je sens que quelque chose ne va pas ? Demanda-t-il d'une voix qui souffrait d'impatience.

Tara s'adjura au calme et refoula les larmes de tristesse qui manquaient de la trahir.

- Peut-être que Louise a raison, parvint-elle à dire entre deux inspiration ; Peut-être que notre proximité va vous causer des ennuis.

Ses traits devinrent durs comme de l'acier. Il semblait mécontent de sa réponse et n'allait pas tarder à lui faire savoir.

- C'est moi qui dicte les lois ici, pensez-vous que je vais m'arrêter sur les dires des personnes qui m'entourent ? Gronda-t-il poings serrés.

- Non mais...

- D'autant plus que toutes ces rumeurs sont fausses et infondées.

Tara lui fit face tant bien que mal. Une très courte distance la séparait de lui. Elle pouvait sentir les odeurs musquées de son parfum. Sa paire d'yeux n'avait jamais été aussi noire.

- Je voulais simplement vous exposer mon avis.

- Bien entendu Tara, mais la vrai question est : Faites-vous cela pour me faire comprendre que vous ne voulez plus me voir ?

Tara déglutit sous l'air sombre du roi qui s'était promptement rapproché d'elle. Que pouvait-elle répondre à cela alors que son cœur n'avait de cesse de battre à la chamade et que son esprit et son corps réclamaient l'étreinte de cet l'homme ?

- J'ai peur, avoua-t-elle doucement.

L'expression du roi se radoucit à cet aveu. Il fronça des sourcils en l'embrassant du regard. Quand il faisait ça, Tara se sentait défaillir. Quand il la regardait profondément, elle avait l'impression de lui appartenir toute entière. Ses lèvres s'asséchèrent, son ventre se noua.

- Peur de moi ou de ce que vous pourriez ressentir pour moi ?

La question était à double tranchant, Tara aurait voulu lui hurler « les deux ! » mais elle refusait qu'il se considère encore une fois pour un monstre.

- Je suis jeune, inexpérimenté, complément traumatisée, comment pouvez-vous espérer quelque chose de moi, murmura-t-elle d'une voix qui s'était brisée à mesure qu'elle parlait ; Vous perdez votre temps avec moi Mohammed.

- Au contraire Tara, fit-il valoir d'une voix grave ; Je n'ai jamais été aussi déterminé que je le suis maintenant.

Tara se figea.

D'un regard pénétrant et vaguement irrité il leva sa main pour venir effleurer sa joue brûlante.

- Vous n'êtes ni une perte de temps ni la femme que vous décrivez.

- Bien-sûr que si, rétorqua-t-elle le cœur battant.

- Non, tonna-t-il d'une voix faible mais qui n'avait rien perdue de son autorité.

Tara soutint son regard. Seigneur...il était tellement beau que c'en devenait cruel de l'admirer. Il y avait un tel magnétisme animal dans son regard qu'elle crut défaillir encore.

- Je ne reculerais devant rien pour vous prouver que vous n'êtes pas rien à mes yeux Tara, articula-t-il d'une voix rauque qui la fit frémir ; Vous comprenez ?

Comprendre ? Tara avait beaucoup de mal à comprendre ce qui était en train de lui arriver. Tout ce qu'elle comprenait...c'est qu'elle était devenue la proie de cet homme et qu'à la simple idée qu'il veuille se battre pour elle lui parut impossible, inimaginable.

Un homme les coupa pour avertir le roi de quelque chose qu'elle ne comprit pas.

Mohammed se tourna simplement vers elle le visage d'une gravité sans précédent et déclara :

- Et ça commence maintenant...

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