Chapitre 27



Transie de froid sous un soleil de plomb, Tara frissonna en suivant Anaya à travers la foule. Elle n'était guère sereine de s'éloigner si loin du groupe mais pouvait compter sur Anaya qui lui tenait fermement la main. Sur les visages des citoyens, on pouvait déceler leur joie, leur émotion de revoir ce roi qui après tant de mois reclus dans son château, venait d'exécuter une démonstration de force. Inutile de nier, Tara était sous le charme et pressée de le retrouver. Louvoyant entre les personnes présentes sur le trottoir, Tara suivit Anaya dans une boutique de vêtements. Essoufflée, celle-ci se ventila le visage avec sa main en riant.

- Quelle épreuve !

Tara jeta un regard circulaire dans le magasin et sur les deux vendeuses qui déjà, chuchotaient entre elles.

- Vous avez envie d'une robe ? Demanda-t-elle Anaya en se tournant vers l'étalage.

Perplexe quant à la façon dont ces deux femmes l'a regardé, Tara ne répondit pas tout de suite. Son ventre se noua. Difficile pour elle reconnaître qu'il lui manquait. Oui...Mohammed et son imposante stature lui manquaient affreusement.

- Pourquoi est-ce que j'ai l'impression d'être scrutée de façon assez troublante ? Demanda Tara.

Anaya lui jeta quelques regards en biais, assez mal à l'aise.

- J'ai fait quelque chose de mal ? Insista-t-elle d'une voix à peine audible.

- Non ! S'empressa de dire Anaya en secouant de la tête ; Vous n'avez rien fait de mal c'est juste...le châle qui les trouble.

Tara pointa son regard sur les pans du voile qu'elle tenait fermement contre elle.

- Il me l'a donné, se sentit obligée de dire Tara pour se justifier.

Anaya esquissa un sourire rassurant.

- Pour elle, ce tissu a une signification particulière, c'est un souvenir de l'ancienne reine ; Elles se posent seulement des questions.

- Dois-je l'enlever ?

- Non, bien au contraire, vous risquerez d'insulter sa majesté.

À choisir, Tara décida de resserrer le tissu datant d'une bonne centaine d'années contre ses épaules.

- Pourquoi me l'avoir donné ? Questionna-t-elle en faisant mine d'être intéressée par les vêtements.

Anaya se ferma. Elle demeura longuement silencieuse avant de se lancer ;

- C'est un cadeau miss Kreighton, sa majesté a demeuré longtemps enfermé dans le château sans aucune perspective d'avenir ; il était tout le temps enfermé, de mauvaise humeur. Et vous êtes arrivée, vous lui avez donné l'envie de remarcher.

Tara rougit violemment et se pinça la lèvre.

- Je sais à quel point c'est difficile pour vous, mais soyons honnêtes...sa majesté à un faible pour vous.

Tara s'empourpra de nouveau. Un faible ? Pour elle ? À ce point ?

- Anaya ? Comment on peut savoir ce genre de chose ? Comment le ressent-on ?

Anaya rit doucement.

- Comment avez-vous su pour votre mari ?

- Mon mari m'a enlevé, lâcha-t-elle si vite qu'elle cilla.

- Je...je vous demande pardon ?

Anaya ne semblait pas le moins du monde inquiétée d'exposer ce secret. Au contraire, un sourire rêveur s'étira sur ses lèvres.

- Je sais, dis comme ça...cela paraît un peu sinistre.

- Légèrement oui, confirma Tara sous le choc.

- J'étais en voyage touristique lorsque c'est arrivé, expliqua Anaya en dépliant une robe ; Je suis moitié américaine moitié marocaine. Selim était le haut commandant des forces du roi Murath ; Lorsqu'il m'a enlevé j'ai eu la peur de ma vie.

Heureusement ! Songea Tara, très sensible à son histoire.

- Au début il était....enfin...il sentait le fauve.

Tara rit devant sa mine embarrassée. Mais très vite les yeux de Anaya se mirent à briller.

- Il avait l'air d'un sauvage à première vu mais après, lorsqu'il a commencé à me parler j'étais comme envoûté par son intelligence et sa douceur. Nous sommes restés au milieu du désert pendant trois mois. Il m'a demandé ma main une bonne centaine de fois.

- Vous les refusiez ?

- Oh ça oui ! S'exclama Anaya en reposant la robe ; Il a fini par réalisé qu'il s'était mal comporté, qu'on ne courtise pas une femme de cette manière. Et nous avons fini par apprendre à vous connaître...et j'ai fini par accepter sa demande, vous voulez savoir pourquoi ?

Tara hocha de la tête désireuse de savoir la suite.

- Car un jour, j'ai tenté de lui faire changer d'avis, je voulais le persuader qu'il se trompait se femme. Plus jeune, je suis tombée malade, mon utérus a été très affecté et les médecins m'avaient dit à l'époque que je ne pourrais probablement pas avoir d'enfants.

Tristement, le regard de celle-ci tomba sur les dalles.

- Lorsque je lui ai dit, il m'a répondu qu'il s'en fichait, que j'étais si cher à son cœur qu'il était prêt à ne jamais être père si c'était le prix à payer pour m'avoir à ses côtés.

Tara sentit ses yeux s'embuaient de larmes.

- J'ai eu le sentiment d'être unique ce jour-là.

Anaya marqua une pose pour soupirer.

- Un an et demi plus tard, je suis tombée enceinte et j'ai donné naissance à une magnifique petite fille, poursuivit-elle d'une voix enrouée ; C'était notre miracle.

- C'est une magnifique histoire, murmura Tara.

- Oh ça oui...

Tara se racla la gorge et essuya la larme qui venait de couler sur sa joue.

- Mais je trouve que c'est très courant les enlèvements ici, ne put-elle s'empêcher de rajouter ; est-ce une coutume ? Pourquoi procéder un enlèvement ? À quoi ça sert ?

- Sans doute à éviter de d'entendre ça, s'éleva une voix chaude et grave derrière elles.

Tara sentit son cœur battre contre ses tempes. Deux paumes de mains fermes se refermèrent sur ses bras. Elle se raidit. Cherchant en vain à réprimer ses rougeurs.

- Anaya....dit-il en guise de réprimande ; As-tu l'intention de lui raconter d'autres histoires de ce genre ?

- Tu nous écoutais ? Demanda-t-elle Anaya en gardant un ton égale.

- Suffisamment longtemps pour connaître le thème de votre conversation.

Il se tenait là, juste derrière elle. Sa chaleur l'enveloppait tout entière. Sa prise était ferme et douce à la fois.

- Selim te cherche partout, reprit-il d'une voix plus amène ; Il voudrait t'emmener déjeuner hors de la ville.

Anaya ne perdit pas de temps pour déguerpir en vitesse.

À présent, elle était seule avec lui et redoutait le moment où elle devrait lui faire face. Il relâcha sa prise et se planta devant elle. Une bouffée de chaleur lui monta aux joues à l'instant même où elle croisa son regard. Il n'avait plus son chèche. Sa chemise collait à son torse, dévoilant une fine toison brune. Sans un mot ni même un sourire il lui prit la main pour la guider à l'extérieur du magasin. Les deux vendeuses s'inclinèrent à son passage.

- Vous avez l'air mécontent, lui fit-elle remarquer.

Sa prise sur sa main se fit plus pressante. Stupéfaite de voir ses doigts fins disparaître dans sa main, Tara poussa un hoquet qui l'alerta.

- Anaya aurait dû tenir sa langue, dit-il froidement.

- Pourquoi ? C'est une belle histoire.

Son regard se creusa.

- Les occidentaux ne sont pas de cet avis.

- Je suis ouverte d'esprit, précisa-t-elle sans ciller.

Il l'entraîna dans une ruelle adjacente.

- Vous n'en aviez pas l'air il y a cinq minutes, lui fit-il remarquer.

- Elle m'a prise par surprise, expliqua-t-elle alors qu'il s'approchait de Jaba ; Un peu comme vous l'autre jour avec votre arrière grand-mère.

Mohammed grimaça l'air contrit.

- C'était une erreur de ma part, cette pratique ne se fait plus, répondit-il avec humeur.

- Vous mentez bien mal votre altesse...

Tara sentit son cœur battre à coups redoublées lorsqu'il arrima son regard au sien.

- Vraiment ? À ce point ?

Il monta sur Jaba, remit son chèche et avança son étalon noir dans sa direction. Tara n'eut pas le temps de répondre qu'il l'attrapa et l'emporta avec lui sur  son cheval.

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