Chapitre 23



  - Comment se passe ton séjour ?

Tara consulta l'heure affichée sur son téléphone et se frotta les yeux. Bien-sûr avec le décalage horaire son frère n'avait pas réalisé qu'il était seulement quatre heures du matin à Khazban. Elle se racla la gorge pour qu'elle ne paraisse pas trop enrouée et se redressa sur le coude.

- Très bien Klaus, murmura-t-elle d'une voix qu'elle voulait rassurante.

Son frère bougonna à l'autre extrémité de la terre. Inutile de nier, elle avait bien vu la confrontation assez froide qui avait eue lieu l'autre jour entre lui et le roi.

- Je ne suis pas très heureux de t'avoir laissée là-bas, confia-t-il d'une voix grave ; J'espère que Tina va réussir à atteindre son objectif sinon...

- Tu es en colère je peux le sentir, pourquoi ?

- C'est évident non ? Je n'aime pas trop la façon dont cet homme t'a regardé l'autre jour, qu'il se tienne à distance ou je le tue.

Tara frissonna. L'instinct très protecteur de son frère suffit à la rassurer mais elle ne voulait pas qu'il ait une mauvaise image de Mohammed.

- Il est gentil Klaus, dit-elle en se redressant complètement ; En apparence il à l'air froid mais il se montre vraiment très gentil avec nous.

- Il à l'allure d'un barbare, fit-il remarquer d'une voix grave ; Maintient tes distances Tara ou je viens te chercher.

La menace sonnait comme une promesse. Tara préféra répondre avec calme pour ne pas alerter son frère.

- De toute façon il est parti pour affaires, je ne l'ai pas revu depuis l'autre jour.

Tara venait de mentir à son frère pour la première fois de sa vie. Mais il valait mieux apaiser les nerfs de son frère que de le voir débarquer ici en trombe.

- Tant mieux trésoro, me voilà rassuré.

Elle réprima un soupir et se rallongea sur l'oreiller.

- Que vas-tu faire aujourd'hui ? Demanda-t-il d'une voix plus amène.

- Je ne sais pas encore il est quatre heures du matin Klaus.

Son frère lâcha un juron.

- J'avais oublié le décalage horaire, il vaudrait mieux que tu te rendormes trésoro. Je t'appellerai d'ici la fin de la semaine.

- D'accord, murmura-t-elle en étouffant un bâillement.

- Tara ?

- Oui Klaus.

- Je suis heureux de t'entendre parler enfin, confia-t-il d'une voix enrouée.

Tara sentit son cœur se gonfler de joie. Rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de savoir qu'il avait remarqué ses efforts. Son frère coupa la communication et Tara essuya la larme qui venait de couler sur sa joue. Chaque fois qu'il lui avait rendu visite au centre, Tara se souvenait encore de ce silence atroce qui gagnait la pièce. Elle ne le faisait pas exprès. Elle était tout simplement victime de cette douleur qui ne la quittait jamais. Elle voulait tant s'en débarrasser. Elle luttait de toute ses forces pour vaincre cette douleur lancinante logée dans son ventre. Depuis qu'elle était ici, Tara enchaînait les efforts sans trop savoir où tout cela la mènerait. Elle reposa son téléphone et se frotta les yeux avec l'étrange sensation de ne pas être seule. Comme si une brume épaisse venait de l'entourer. Si au début elle se crut folle, Tara retint un soubresaut lorsqu'elle vit une haute silhouette se découper devant son lit. Dans le faible éclairage de la nuit noire, Tara capta les yeux cruels du roi. Elle hoqueta et se redressa sur le lit. Seuls les voiles nacrés la protégeaient encore de sa présence pourtant déjà si proche.

- Votre frère ne m'aime pas beaucoup je me trompe ? Demanda-t-il de sa voix gutturale.

Contre son gré, son cœur chavira.

- Qu.. que faites-vous ici ? Parvint-elle à dire en portant sa main à sa gorge.

L'air semblait s'épaissir autour d'elle. Tel un fauve, il se fondit avec aisance jusqu'à son lit et écarta les pans des voiles qui étaient son seul rempart.

- Je viens de rentrer, expliqua-t-il sans la quitter des yeux.

Elle crut voir dans ses yeux perçants une nuance métallique se former au fond de son regard.

- J'étais dans le couloir lorsque je vous ai entendu parler, reprit-il d'une voix plus profonde ; J'ai d'abord cru que vous étiez en train de faire un cauchemar.

- Non, murmura-t-elle en sentant sa gorge se nouer ; C'était mon frère, il n'a pas pensé au décalage horaire.

Le roi se contenta de hocher de la tête et sortit ses mains de ses poches. La tension était palpable. Bientôt Tara devrait se confronter aux raisons qui l'empêchaient à présent de respirer. Sauf qu'elle n'avait pas prévu de le faire au beau milieu de la nuit. Dans son costume-cravate son impressionnante carrure était soulignée par sa chemise blanche. Elle n'avait jamais rien vu de tel. Une chaleur gênante courut sur ses joues.

- Il ne m'aime pas n'est-ce pas ? Répéta-t-il en s'installant au bord du lit, gagnant un peu plus son espace de survie.

Le matelas s'enfonça sous son poids. Ils étaient dans la pénombre et elle parvenait difficilement à distinguer ses traits.

- Il se méfie un peu, avoua-t-elle non sans difficulté.

- C'est pour ça que vous lui avez fait croire que je n'étais plus ici ? S'enquit-il avec un sourire presque charmeur.

Tara se redressa pour s'asseoir en tailleur et ramena les couvertures contre sa poitrine.

- Il vaut mieux ne pas tenter le diable, Klaus risquerait de venir me chercher sinon.

- Il a raison de se méfier, déclara-t-il à son plus grand désarroi.

Etait-ce un message personnel qu'il avait voulu lui faire passer ? Une simple constatation ? Cherchait-il à lui faire peur ?

Les mots s'étouffèrent dans sa gorge. Tara baissa le regard sur les parures du lit pour échapper au sien qui jusqu'ici demeurait impénétrable.

- Je pensais que votre voyage durait plus longtemps, Anaya avez dit un ou deux jours.

Son regard hypnotique et mâle se plissa légèrement.

- Je n'avais aucune raison de rester à New-York, expliqua-t-il en desserrant sa cravate d'un geste sec ; Ce voyage était une perte de temps.

Tara fronça des sourcils. Etait-il en train de jouer avec elle ? Il attendait peut-être qu'elle lui parle de la lettre ?

- Avez-vous lu ma lettre ? Demanda-t-elle alors qu'un léger courant d'air la fit frissonner.

Sa poitrine se comprima quand son regard se planta à nouveau dans le sien. Une expression mystérieuse passa sur ses traits puis il écarta les pans de sa veste noire pour saisir sa lettre enfouie dans la poche intérieure.

- Une bonne cinquantaine de fois sans doute, laissa-t-il tomber en la dépliant ; Je tiens d'ailleurs à la garder si ça ne vous dérange pas.

Ce n'était pas une demande remarqua Tara en se passant sa langue sur ses lèvres pour les humecter.

- J'ai tenu ma promesse c'est à votre tour de tenir la vôtre Tara, ajouta-t-il d'une voix si sombre qu'elle crut s'évanouir.

Dans le fond, là où résonnait sa raison, elle avait voulu qu'il faille à sa promesse.

- Vous n'êtes pas furieux ? S'étonna-t-elle en fronçant des sourcils.

Il poussa un rire fugace qui se mua en une grimace.

- Disons que ma fureur est passée, répondit-il en arrimant son regard au sien ; Mon ex-femme ne rien apporté comme réponse, en revanche votre lettre Tara, m'a aidée à comprendre mieux pourquoi.

Elle aperçut sa gorge se contracter, ses longs doigts bronzés n'étaient plus qu'à quelques centimètres des siens. Son cœur se mit à battre à toute allure.

- Et pour Aziz et Anaya ?

- Je leur ai fait assez de mal comme ça, répondit-il en pliant la lettre ; je ne peux pas leur en vouloir.

Le visage de Tara se crispa légèrement.

- Et moi ?

Un silence s'installa soudain. L'homme au visage ciselé d'histoires l'observa longuement, sans bouger, le regard masqué d'une impassibilité inquiétante. Ses mains devinrent subitement moites.

- Acceptez Tara, c'est tout ce que je vous demande, déclara-t-il enfin sur un ton si doux qu'elle eut peine à reconnaître sa voix.

- Vous m'avez juré dans cette lettre que je pourrais vous revoir à la condition que je tienne ma promesse, lui rappela-t-il en appuyant son regard dans le sien.

Tara, prise au piège par ses propres conditions, inspira imperceptiblement. Elle avait fait ça dans l'unique but de sauver Aziz et Anaya...deux personnes qu'elle connaissait à peine et pourtant...elle planta son regard dans le sien non sans trembler et hocha timidement de la tête pour toute réponse.

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