Chapitre 22



Passant inaperçu dans les rues animées de New-York, Mohammed enfonça ses mains dans les poches de son pantalon en fixant l'horizon froidement. À l'intérieur de sa poche, il y avait cette lettre...la lettre que Tara avait rédigée pour lui. Mohammed ne regrettait pas de l'avoir ouverte à bord de son jet. La violence de sa colère avait été si forte que même son pilote en avait perdu le fil de sa destination. Dans celle-ci, la jeune Tara lui offrait la possibilité de la revoir à la seule condition qu'il pardonne Anaya et Aziz pour avoir gardé si longtemps...cet effroyable secret. Une douleur lancinante lui avait broyé le cœur lorsqu'il avait fini de lire cette lettre. Au début, l'écriture italique de la jeune femme l'avait captivée avant que tout autour de lui ne devienne obscure. Ses mâchoires s'étaient violemment crispées à mesure qu'il avait lu cette lettre. Il avait dû la relire encore et encore pour assimiler chaque mot. Et tout ce qu'il avait retenu...C'était la tromperie de son ex-femme et les raisons qui l'avaient poussée à avorter de cet enfant. En moins de deux, Mohammed avait appelé Aziz, prenant soin de mesurer le ton qu'il allait employé avec son ami qui n'avait jamais trouvé la force de lui avouer la vérité. Plus tard, après des heures à fixer l'obscurité à travers le hublot, Mohammed avait pu récolter un maximum d'informations au sujet de cet amant.

Contournant la ruelle sur Manhattan, Mohammed s'arrêta brusquement en la découvrant...là assise à une table d'un café...entourée de deux autres femmes. Leurs rires cristallins lui parvinrent. La vue de Mohammed se brouilla. Il n'avait qu'une envie, l'attraper par le bras et exiger des réponses. Mais à des milliers de kilomètres, il y avait cette jeune femme qui désespérément, lui avait fait promettre à travers une lettre de se montrer magnanime faute de quoi, jamais plus il ne pourrait envisager de l'approcher à nouveau. Ce dilemme était insupportable. La bête sauvage qui sommeillait en lui n'avait qu'une envie....réclamer justice.

Il s'approcha, sachant qu'à tout moment il pourrait vriller. Perdre ce contrôle qu'il dominait depuis des années. Akila répudiée injustement, Anaya soumise à des tâches forcées et humiliantes. Bon sang ! Comment allait-il tenir cette promesse impossible !

Il s'avança et se matérialisa devant la table. Les deux femmes cessèrent de pouffer à tout va et blêmirent à son plus grand ravissement. Amalia lâcha un hoquet qui prit l'intonation d'un cri.

- Mohammed ! Dit-elle d'un souffle.

La considérant de toute sa hauteur, il lui exprima tout son mépris d'un simple regard.

- Nou..nous ferions peut-être de partir dit la blonde en se levant précipitamment.

- Excellente idée, approuva Mohammed en articulant si lentement qu'elles quittèrent la terrasse le teint cramoisie.

Mohammed prit possession de la chaise abandonnée et s'installa en face de son ex-femme. Son passé remonta alors dans son esprit. L'accident, l'appel du médecin, la falaise...

- Bonjour Amelia, dit-il froidement.

Elle avait changé, constata Mohammed en la dévisageant. Son visage était marqué par la trentaine. Il perçut aussi que ses lèvres étaient gonflées. Les injections fonctionnaient à merveille sur elle. Il y avait toujours cette même condescendance dans son regard sauf qu'aujourd'hui il semblait voilé par de la crainte.

- Je te croyais mort, bredouilla-t-elle en posant une main théâtrale sur sa poitrine.

- Il faudra plus qu'un accident de voiture pour m'éliminer Amalia, tu devrais le savoir non ? Répondit Mohammed rictus aux lèvres.

- Mohammed écoute je...mon dieu quel choc !

Ça y est, songea-t-il en croisant ses jambes avec nonchalance, Amalia allait rentrer dans une forme de manipulation assez désastreuse.

- Moi aussi ça été un choc de savoir que tu avais avorté derrière mon dos, rétorqua-t-il froidement.

- Je sais que tu dois me haïr mais crois-moi, c'était mieux ainsi nous étions pas prêts.

Mohammed sentit tout son sang lui monter à la tête. Ainsi voilà la seule excuse qu'elle avait trouvée pour masquer son mensonge ? Serrant le poing contre sa jambe encore douloureuse Mohammed la foudroya du regard.

- Petite éhontée...siffla-t-il entre ses dents serrées ; Tu m'as dis vouloir des enfants ! C'est toi-même qui m'a poussé à ne plus me protéger lors de nos rapports !

Celle-ci pâli, se rendant compte que cette version ne correspondait pas à ses propos qui résonnaient encore dans sa tête.

- Voilà plus d'un an que tu t'es enfuie de Khazban sans un mot et tu arrives encore à me mentir délibérément !

Amalia se passa une main dans son chignon discipliné pour se donner contenance. Mohammed avait encore un goût amer dans la bouche en repensant à son réveil après un long comas. Seul, anéanti, impuissant.

- Dis-moi la vérité Amalia, ordonna-t-il d'une voix ruisselante de menaces ; tu me dois au moins ça !

- Je viens de te la dire enfin...

Agacé, ne pouvant plus supporter ses mensonges incessants, Mohammed se redressa pour allonger son bras sur la table.

- Alors je vais te la dire, commença-t-il les yeux noirs ; Tu m'as trompé et comme tu ignorais si cet enfant était de moi ou de ton amant tu as préféré mettre un terme à cette grossesse ai-je raison ?

Amalia baissa d'abord le regard avant de relever fièrement la tête.

- C'est mieux que de subir une humiliation non ? Répondit-elle avec bravache ; Tu aurais peut-être préférer élever un enfant qui n'est pas n'était pas le tien ?

Mohammed serra les dents.

- Grâce à toi je ne le saurais jamais, siffla-t-il en se carrant contre le dossier de la chaise.

Mohammed contempla son ex-femme avec dédain en se demandant ce qu'il avait bien pu lui trouver.

- Je t'ai tout donné, poursuivit-il d'une voix cinglante ; Tu avais tout ce que n'importe quelle femme rêverait d'avoir, je t'ai donné de l'amour, je t'ai offert des sentiments qui m'ont éloignés des personnes qui comptaient pour moi.

- En effet c'est vrai, déclara celle-ci d'une voix rauque ; J'étais devenue une reine, une femme respectée et cette erreur m'a coûtée.

Mohammed pouffa.

- Pas à titre officiel, rappelle-toi bien de cela Amalia, tu n'étais reine que sur papier.

Incrédule celle-ci se mit à rire nerveusement.

- Tant que tu n'apparais pas publiquement sur le balcon officiel devant un peuple en folie tu n'es rien d'autre que l'épouse.

La fureur se lut à présent sur ses traits.

- Pour le château tu étais la reine et l'épouse, auprès de mon peuple tu n'étais rien d'autre que " L'épouse " répéta-t-il lentement.

- Et je sais fort bien que jamais tu ne te serais risqué à dévoiler à ton peuple ce que j'ai fait n'est-ce pas ? Rétorqua-t-elle avec une fugace lueur malicieuse au fond du regard ; C'est pour ça qu'il n'y a aucun article sur toi, sur nous.

- Tu penses sincèrement que mon silence a un quelconque rapport avec tes petites parties de jambe en l'air ? Demanda-t-il d'une voix sarcastique ; non, non, détrompe-toi très chère. Sinon pourquoi aurais-je pris le risque de venir jusqu'ici ?

Amalia rougit de fureur.

- Je peux supporter la honte de mon peuple d'avoir épouser une femme comme toi, rajouta Mohammed avec un froid sourire aux lèvres.

- Mais tu n'es pas obligé de leur dire....

L'audace de son ex-femme n'avait donc aucune limite, constata Mohammed en la dévisageant longuement. Était-elle sérieusement en train de lui suggérer de revenir à ses côtés ? Ainsi voilà pourquoi demeurait-elle cachée depuis des mois ?

- Quand tu as vu dans la presse qu'aucun article ne parlait de toi et de tes fautes, seulement de l'accident tu as mis un terme à ta liaison et tu as attendu tout ce temps que je revienne à toi ? Dans l'espoir de revenir ?

Amalia, sans vergogne, lui présenta l'esquisse de son plan en souriant. Mohammed serra les dents. Sa colère se mua en une haine intense.

- Faisons table rase du passé, suggéra celle-ci en posant sa main sur la sienne ; Je suis sûre que nous pouvons donner à ton peuple ce qu'il désire à présent.

Mohammed se raidit à son contact. Il aurait pu se laisser attendrir par son regard fut un temps où il croyait qu'elle serait la seule femme de sa vie. Mais aujourd'hui, elle le dégoûtait. Elle n'avait ni remords ni compassions pour lui. Seulement le désir de revenir régner à ses côtés.

- N'oublie pas que tu t'adresses à un roi, lâcha-t-il froidement en la dominant de toute sa hauteur ; Ôte ta main immédiatement.

- Ainsi donc tu ne ressens plus rien pour moi ? Demanda-t-elle en retirant sa main.

Mohammed se leva alors avec un rictus amer aux bord des lèvres.

- Tu n'es pas digne que je te pardonne. Tu as de la chance d'être dans ton pays Amalia ancre-toi bien ceci dans la tête , ma volonté fait loi aussi prend garde ne plus jamais poser un pied sur mon sol.

Elle prit peur mais ne défila pas pour autant. Elle se leva pour se coller à lui.

- Ose dire que tu ne ressens rien pour moi, lança-t-elle en attrapant les pans de sa veste, le regard empreint de sensualités.

Mohammed demeura impassible alors qu'elle se penchait pour l'embrasser. Immobile, il la contempla jouer ce jeu de séduction qu'elle avait jadis utilisé sur lui. Mais il n'était plus le même homme...plus rien ne parviendrait à l'atteindre....

À l'exception de ce beau visage d'ange qui lui apparut en flash. Ce regard innocent et suppliant, ce teint ivoire, ces lèvres charnues. Comme ce matin, les muscles de Mohammed se contractèrent violemment.

- J'ose à peine me regarder dans le miroir en songeant à ce désir que j'éprouvais pour toi jadis des années alors imagine maintenant, chuchota-t-il d'une voix doucereuse qui la fit se reculer brutalement.

Mohammed rajusta sa veste noire et s'en alla à travers la foule sans un mot de plus. Amalia ne méritait pas qu'il perde son temps. Cette discussion ne l'avait menée à rien, ce déplacement une perte de temps. Mais il avait au moins compris une chose.

Tara Kreighton n'était pas seulement la cause de ses troubles de confusions ni même ce désir implacable qu'elle lui inspirait. Elle était celle qui avait su en quelques mots esquissés sur une feuille blanche, apaiser cette colère qui ne le quittait plus depuis des années...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top