Chapitre 13
Mohammed faisait mine de s'intéresser aux jardins depuis trente minutes. Tous attendaient qu'il passe les portes du château pour l'accueillir et au lieu de ça, il demeurait immobile sur le banc en pierre à regardait les jeunes filles s'affairaient autour des plantations. Ce fut qu'au bout de quarante minutes qu'il vit Klaus Kreighton quitter le harem en remettant ses lunettes de soleil. Il s'avança vers Tina Thomas et échangea quelques mots avec elle. Mohammed avait bien senti son regard peser sur lui. D'instinct, il se leva pour affronter cet Italien dont la réputation n'avait d'égale à la sienne. Il n'y aurait pas de formalités pour cette deuxième confrontation, Mohammed le sut à l'instant même où l'homme s'avança vers lui en ôtant ses lunettes le visage grave. Il se méfiait de lui, il se méfiait de cet endroit. Alors Mohammed ferma les poings pour accuser l'attaque. Car si jamais il venait à perdre le contrôle...
- Elle a décidé de rester, déclara-t-il d'une voix toujours aussi sèche.
En son for intérieur, Mohammed se ravissait de cette nouvelle mais n'en montra rien. Il se contenta d'incliner sa tête respectueusement.
- Si jamais il lui arrive quoi que ce soit, commença-t-il d'une voix menaçante ; Roi ou pas, ma prochaine visite risque de ne pas être aussi courtoise que celle-ci.
Mohammed serra les mâchoires pour atténuer la fureur qui montait en lui. Il était le roi du désert, le guerrier que les imposteurs craignaient.
- Personne ne lui fera du mal, assura-t-il d'une voix grave ; Je suis la loi, chaque étranger demeure sous ma responsabilité jusqu'à son départ.
Mohammed s'avança malgré quelques douleurs désagréables qui commençaient à se réveiller.
Klaus acquiesça silencieusement et remit ses lunettes.
- Je l'espère bien, dit-il en regardant l'horizon ; J'ai tué une fois pour elle...ça ne me dérange pas de recommencer.
- Moi non plus, rétorqua doucement Mohammed.
Bien des hommes étaient passés sous ses mains.
- Alors si tout est limpide...votre altesse.
L'homme quitta son territoire d'une démarche déterminée. Mohammed le suivit du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse. Le message était claire. Mohammed venait d'essuyer un échec et il détestait ça. Sa gorge se serra violemment. Il venait de sacrifier un bout de sa fierté pour une femme hors d'atteinte, inaccessible et qui pourtant l'intriguait. D'un pas déterminé, il s'élança vers l'ancien harem au gré de ce que lui dictait sa conscience. Lorsqu'il s'avança doucement vers la porte ouverte il la vit assise au bord du lit, en train de déplier ses affaires les yeux rougis. Aucun doute, elle avait pleuré. Et pourtant son visage restait tout aussi hypnotique que la première fois. Était-il à l'origine de cette tristesse qui se lisait sur son visage ?
Agacé d'être dans une abîme de confusions qui le dépassait, Mohammed franchit le dernier rempart qui le tenait encore à distance.
- Alors vous avez décidé de rester ?
Sous cette voix dont l'accent n'atténuait rien de sa froideur, Tara décide de relever les yeux.
Elle rougit pour la première fois de sa vie. Oui, Tara était en train de devenir écarlate devant cette beauté froide. Les lignes nets de ses mâchoires lui envoyèrent une décharge de frissons. Son profil acéré taillé à la serpe lui fit battre le cœur si vite que ça l'empêchait de respirer.
- Vous marchez, murmura-t-elle sur un ton presque accusateur.
- Et vous n'avez pas l'air heureuse, commenta-t-il en se dressant devant elle comme un épais mur de pierres.
Tara se mordit la lèvre en faisant mine d'être occupée.
Bien-sûr qu'elle était contente pour lui. Mais maintenant c'était différent. Il était différent de cette image qu'il lui avait laissée. D'ailleurs elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi il échangeait avec elle de cette façon. C'était un roi. Un souverain avec des responsabilités, des centre d'intérêts plus importants qu'une jeune fille dont l'histoire était prise en pitié. Une pitié dont elle ne voulait pas.
- Félicitations, bredouilla-t-elle en serrant ses genoux pour poser ses affaires dessus.
- Mais ?
- Mais maintenant c'est différent, parvint-elle à dire d'une voix qui le suppliait de partir.
- En quoi suis-je différent ?
Tara serra ses lèvres longuement. Mais son lourd regard pesait sur elle.
- Vous êtes un homme, bredouilla-t-elle les joues cramoisies.
- Merci, je le savais déjà, murmura-t-il sans ironie dans la voix ; Je demeure toujours le même.
Terriblement nerveuse, Tara secoua imperceptiblement de la tête.
- Vous n'avez pas à...faire ça, je suis sûre que vous avez des responsabilités bien plus importantes à vous occuper qu'une fille dont l'histoire inspire un élan de pitié qui me rappelle à chaque fois pourquoi je suis ici.
Tara déglutit sous le silence perçant du roi. L'avait-elle blessé ? Allait-elle payer pour ça ?
Cruellement seule, la présence de son frère lui manquait déjà. Elle regrettait amèrement d'avoir accepté de rester.
- Je n'éprouve aucune pitié pour vous mademoiselle Kreighton, dit-il enfin ; je suis seulement venu vous dire que ma promesse reste inchangée. Personne ne vous fera du mal.
Elle voulait tant le croire.
- Je n'en doute pas, murmura-t-elle tout simplement, dévoré par un feu inconfortable qui remplissait ses joues à mesure qu'elle entendait ses chaussures se rapprocher.
Oppressée, Tara osa relever les yeux. Immédiatement elle prit peur. Dorénavant il était maître de ses mouvements. Il émanait de lui une telle force qu'elle parvenait difficilement à soutenir son regard férocement planté dans le sien.
- Vous n'avez pas à avoir peur de moi.
- Pourtant je le suis, rétorqua-t-elle si vite qu'il fit un pas en arrière ; Qui ne le serait pas ?
Aucune arrogance passa dans son regard.
- Et pourtant vous êtes ici, lui fit-il remarquer ; Vous auriez pu repartir avec votre frère et vous ne l'avez pas fait.
Parce qu'elle espérait ne plus le revoir. Mohammed Al Zahar avait le profil d'un séducteur expérimenté. Et maintenant qu'il était libre, elle avait la certitude qu'il serait accaparé par de multiples voyages, de réunions, de réceptions...
- Je veux essayer de guérir, ce voyage est ma dernière chance.
- Je comprends, dit-il d'une voix si douce qu'elle eut du mal à ne pas frissonner.
Tara se leva avant de se rasseoir soudain affaiblie par un mal intérieur. En réalité sa tête lui tapait. Un sourd martèlement l'empêchait de se lever. Un coup de soleil peut-être ? Une insolation ?
Mohammed sentit sa respiration devenir erratique. La jeune femme le voyait comme une menace. elle regrettait même sa guérison. Le lien mystérieux qui s'était établi entre eux était sur le point de se rompre. Mohammed serra les dents, serra ses poings le long de ses hanches. Une force mystérieuse l'empêchait de partir. Et si en apparence elle semblait rougir, maintenant son visage devenait de plus en plus écarlate. Alerté par son regard soudain livide, Mohammed fronça des sourcils.
- Vous semblez mal, est-ce que tout va bien ?
- J'ai un peu mal à la tête.
Sa voix lui avait parue extrêmement faible.
- Depuis combien de temps êtes-vous exposée au soleil sans protection ?
Mohammed s'avança malgré les craintes de la jeune femme et lui fit savoir qu'il allait poser sa main sur son front. Elle n'avait pas réagi.
Son front était brûlant.
- Vous avez une insolation, déclara Mohammed en lui prenant son poignet pour vérifier son pouls.
Il battait si vite et si fort qu'il pouvait le sentir contre son pouce. Elle tentait de résister à son approche tant bien que mal. Mais ses forces étaient en train de la lâcher. Sa peau diaphane avait brûlée au soleil. Si elle n'était pas traitée tout de suite, la situation allait empirer.
Le vision de Tara se brouilla subitement. Il n'avait jamais été aussi proche d'elle. Péniblement elle tenta de relever les yeux mais ses paupières étaient si lourdes qu'elle les rabaissa aussitôt.
- Vous pouvez crier, hurler, vous débattre si vous le souhaitez mais vous devez immédiatement voir un médecin.
Avant qu'elle ne puisse réagir, avec la grâce d'un félin, il la souleva dans ses bras dans lesquels, Tara perdit conscience.
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