Chapitre 11



Trois semaines plus tard, Tara s'était prêtée volontaire pour planter de nouvelles plantations dans le jardin qui bordait la bâtisse lorsqu'un groupe de passants s'arrêtèrent près des hautes grilles. Cela en devenait presque une habitude. Depuis le dîner qu'elle avait partagé avec lui, Tara ne l'avait plus jamais revu. Difficile de reconnaître qu'elle avait apprécié ce moment. Elle se souvenait encore de leur échange sur la cuisine de son pays et la façon dont il avait souri lorsqu'elle avait tout simplement dévoré son tajine en savourant chaque saveur jusqu'au bout de ses doigts. Certaines filles racontaient qu'il était parti. Mais personne en connaissait les véritables raisons. Tapotant la terre sous le regard de Tina, elle baissa les yeux sur la fleur qu'elle venait de chérir toute l'après-midi. Le soleil tapait fort, elle pouvait sentir chaque rayon du soleil laissait une trace sur son visage si peu habitué à cette lumière vive. Les passants déposèrent des fleurs à l'entrée, certains d'entre eux cherchaient vainement à savoir où était leur souverain. Mais les gardes qui surveillaient l'entrée ne bougeaient pas. Ils demeuraient impassibles. Complètement muets devant la détresse de ces citoyens amoureux de leur roi. Depuis le jour où elle avait passé les portes de ce château, Tara avait tout de suite su qu'il regorgeait de mystères et de froideurs...

Derrière ces tristes visages, se cachait quelque chose de plus profond et personne ne semblait vouloir en connaître la cause.

- Quand devons nous partir ? Demanda-t-elle en se relevant.

Tina croisant les bras, le regard triste. Le mois allait bientôt prendre fin et Tina n'avait pas totalement réussi à atteindre son but. Célia était toujours aussi folle, Lindsay avait fait quatre crises qui avait suscité l'intervention d'un garde en fonction, Louise avait reçu un avertissement après s'être faufilée dans la nuit noir pour aguicher un garde. Et c'est à ce moment précis qu'elle avait compris ce que le roi lui avait expliqué. Fou furieux, le garde avait ramené Louise dans le harem, les yeux noirs de colère, exigeant à la directrice de la tenir à distance de la garde royale. Si en apparence ces hommes faisaient froid dans le dos, leur droiture forçait l'admiration.

Quant à elle, Tara avait l'impression d'être une cause perdue.

Attrapant le sceau d'eau, Tara mit sa main en visière dans l'attente d'une réponse. Mais Tina semblait si désespérée qu'elle ne répondit rien et se contenta de lui sourire pour se donner contenance.

Tara ouvrit la bouche pour insister mais la referma très vite lorsqu'une voiture noire s'arrêta brutalement à l'entrée. Tous se retournèrent vers le brouhaha que venait de créer l'arrivée brutale de cette jeep luxueuse.

- Qui est-ce ? Demanda Louise.

- Tara, je crois que c'est pour toi.

Elle ?

Tara considéra Tina avec un regard incrédule avant que son frère sorte de la voiture en claquant bruyamment la portière.

Son cœur se gonfla de joie, des larmes jaillirent de ses yeux écarquillés de surprise. Elle abandonna le sceau et s'élança vers les grilles pour le rejoindre.

Les gardes le laissèrent immédiatement passer comme s'ils étaient déjà au courant de sa visite. Klaus ôta ses lunettes de soleil et une bouffée d'oxygène lui donnait l'énergie suffisante pour se jeter dans ses bras.

- Trésoro, comme tu m'as manqué, murmura ce dernier avec émotions.

Une larme roula sur sa joue. Tara se sentait moins seule et de nouveau aimée. Un sanglot s'échappa de sa gorge.

- Où...est Meredyce ? Demanda-t-elle en la cherchant des yeux.

La femme de son frère semblait être absente du voyage.

- Elle est enceinte, lui rappela-t-il doucement ; C'est elle qui m'a poussé à venir.

Tara esquissa un sourire tremblant.

- Tu veux bien me montrer ? Demanda-t-il d'une voix grave en fixant froidement l'un des gardes posté devant le mur émaillé d'une pierre blanche.

Tara pivota les talons sous les murmures des autres filles. Tina salua son frère d'une brève poignée de main et reporta son attention sur Célia.

En pénétrant dans la chambre dans laquelle elle dormait depuis plus de trois semaines, Tara se garda d'expliquer l'histoire de cette bâtisse fraîchement rénovée. Klaus était connu pour ses changements d'humeur assez brutal.

- C'est très agréable, commenta-t-il sans plus ; Tu t'y sens bien ? Est-ce que tu es bien traitée ?

Tara hocha de la tête.

- Je m'y sens bien, je...

Klaus baissa son regard sur les puzzles qu'elle avait créé. Il semblait aussi désespéré qu'elle l'avait été en les faisant. Sa bouche forma un rictus des plus révélateur.

- Hormis ça, as-tu fait des progrès trésoro ?

Tara baissa la tête en guise de réponse et fit traîner son pied sur les dalles opaques.

- Je sors dehors, précisa Tara.

Mais ce n'était pas suffisant elle le savait. Son frère avait tant misé d'espoirs sur ce voyage qu'elle n'avait pas le cœur à lui révéler la triste réalité.

Alors son frère, serra ses mâchoires et déclara ;

- Alors il me semble inutile de rester cinq jours de plus, tu es d'accord n'est-ce pas ?

- Tina n'y est pour rien tu sais ? Chuchota Tara.

- Non, admit-il à son plus grand soulagement ; Je l'ai eu au téléphone et c'est elle qui m'a dit de venir. Elle m'a dit qu'elle avait échoué à cause de ce délais trop court pour régler chaque problème.

- Oh...elle doit être si triste.

- Pas autant que je le suis trésoro, murmura Klaus en lui prenant la main ; Je suis navré d'avoir...

- Ne le sois pas, coupa-t-elle en sentant son ventre se contracter d'une violente douleur ; Je...j'ai fait des efforts mais ce n'est pas suffisant je le sais bien.

- Tu n'as rien à te reprocher, assura son frère en plantant un baiser sur son front.

Puis il retourna pour soulever sa valise et la posa sur le lit.

- Meredyce t'a préparé une belle chambre.

Au lieu d'en être heureuse, Tara se retint de fondre en larmes. Une fois de plus, Klaus allait devoir se sacrifier pour elle. Elle vivrait chez lui au milieu d'un foyer sur le point de voir le jour et elle serait à jamais la petite fille que l'on traine comme un boulet...

- Tu seras heureuse, ajouta-t-il avec force.

Non, il se trompait. Elle ne serait pas heureuse. Un brouhaha extérieur se fit de nouveau entendre mais Tara ne s'en inquiéta pas et se concentra sur son frère qui rangeait ses vêtements le regard tristement perdu dans le vide.

Mohammed venait de quitter le véhicule sur ses deux jambes. Si elles lui rappelaient souvent qu'elles étaient encore un peu faible, Mohammed inspira profondément en admirant son château avec la sensation de revivre un peu. Après trois semaines d'exercices intensifs, ses efforts avaient fini par payer. Il remarchait enfin. Mais son retour ne s'arrêtait pas simplement au château il le savait. Bientôt il devrait faire face à son pays qu'il avait abandonné. Leur compassion à son égard n'avait pas de limite. Il se sentait égoïste de les avoir si longtemps délaissés. Mais maintenant qu'il était maître de son corps, Mohammed avait bien l'intention de reprendre le contrôle de chaque détail qui l'entourait même le plus insignifiant.

- Doucement votre altesse, conseilla Aziz.

- Je sais ce que je fais mon ami, assura-t-il d'une voix ferme.

Mohammed s'approcha du petit groupe qui s'était figé à son arrivée. Il déporta son regard sur la jeep garée devant les grilles et se tourna vers l'un de ses hommes.

- Qui est-ce ?

- Un certain monsieur Kreighton votre altesse, il vient récupérer sa sœur.

Mohammed demeura impassible devant ses hommes mais au fond de lui, un mélange de confusion l'empêcha un instant de réfléchir.

- Pour quelle raison ? S'enquit-il d'une voix si grave que le ciel parut subitement s'assombrir.

- Le voyage prend fin dans cinq jours, il semblerait que madame Thomas ait demandé à ce qu'elle parte plus tôt.

Son garde inclina respectueusement sa tête essayant de cacher à son roi que cette femme avait échoué. Mais Mohammed n'était pas stupide. Il suffisait de la regarder pour lire dans ses yeux l'échec cuisant qu'elle venait d'essuyer.

Il marcha vers elle, la laissa exécuter une révérence puis posa son regard sur la fenêtre qui donnait sur la chambre de la jeune femme.

- Votre majesté, quelle bonne surprise de vous voir remarcher, s'exclama Tina en déglutissant péniblement ; J'avais peur de partir sans vous remercier pour votre accueil.

- Notre contrat stipulait que le séjour durerait un mois n'est-ce pas ?

- Ou..oui...

- Je vous en donne deux supplémentaires, lâcha-t-il alors qu'elle reculait devant sa hauteur.

Décontenancée celle-ci cligna des yeux.

- En êtes-vous sûr ? Vous...

- Oui, assura-t-il baissant son regard sur l'une des filles ; Et pour l'amour du ciel appelez du renfort ! Vous échouerez encore si vous persistez à travailler seule.

- Notre centre n'avait pas les moyens pour du personnel supplémentaire.

- Je vous offre la possibilité de rectifier ça, dit Mohammed en s'approchant plus près ; Aziz se chargera de tout.

Tina porta sa main à son cœur en bafouilla un flot de remerciement. Mohammed serra ses mâchoires en apercevant la chevelure brune de la jeune femme. Une haute silhouette s'affairait autour d'elle. Il la vit plier l'un de ses vêtements. Inenvisageable était le terme approprié à la situation. Il avait beau faire tout son possible pour ignorer les ébauches de son départ, pour lui...c'était inenvisageable. Une force intérieure le poussait à interrompre cette scène qui se déroulait sous ses yeux.

Mais Mohammed redoutait une seule chose. Un détail redoutable qui l'empêchait d'avancer.

La réaction de la jeune femme lorsqu'elle le verrait.

Debout.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top