Chapitre 5

« Pouvions-nous avoir la paix quand on savait que c'était la guerre dans le cœur des êtres aimés ?  »

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— Concentre-toi, Elora, m'ordonna Tyler en tournant autour de moi.

Le regard rivé dans celui de Tyler, je scrutais ses traits dans l'espoir d'appréhender ses gestes. Comme moi, il n'exprimait rien. Ses cheveux roux, attachés en un petit chignon, dévoilaient son visage recouvert de taches de rousseur, mais aussi de balafres qui se résorbaient à vue d'œil. Une entaille traversait son front, et ses lèvres, serrées en une mine concentrée, intensifiaient son teint rougi par l'effort.

L'armure qu'il portait, peu encombrante, d'un gris mat, s'adaptait à sa carrure et à ses mouvements. Un foulard rouge entourait sa taille et s'agitait à chacun de ses gestes. Ses deux épées, croisées en croix, reflétaient la lueur rouge enveloppant son corps quand ses ailes battaient en silence dans son dos. Le bout de ses plumes, d'une magnifique couleur dorée, se voyait souillé par du sang. Son sang.

Ma mâchoire se crispa quand il m'envoya une réplique cinglante, probablement dans l'espoir de me faire réagir, et je fis un pas vers lui. La lueur qui traversa son regard de jade ne m'échappa pas : un mélange d'inquiétude et d'agacement. Impatient, il laissa des flammes jaillir autour de moi. Avec maladresse, je laissai une lueur bleutée envelopper mon corps meurtri par les nombreux coups reçus depuis que l'on s'entraînait, et mes grandes ailes blanches se replièrent pour éviter d'être touchées par le brasier crépitant.

— Allez ! insista-t-il encore. Réagis ! entendis-je.

Je tendis ma main, protégée d'un gantelet s'étendant jusqu'à mon coude, et sentis mon énergie s'enflammer dans mes veines. Ignorant le tremblement de mes doigts et ma vue troublée par une profonde angoisse, je laissai jaillir une petite boule aquatique se former au creux de ma paume pour qu'elle prenne plus d'ampleur.

— Oui, enfin ! C'est bien ! Maintenant, éteins le feu avec ! m'encouragea mon ami.

Ma vision s'assombrit encore plus, comme voilée d'un rideau sombre, et je fermai les paupières un bref instant : mauvaise idée. De nombreuses images m'assaillirent pour mieux me tourmenter. Je revis le regard vide de Brooke, lorsque le Démon lui avait dérobé son âme. J'entendis ses suppliques se mêler à d'autres cris, plus lointains, et mon sang se glaça en ressentant encore la puissance titanesque d'Eytan. Ma respiration s'alourdit, comme mon corps qui semblait ne plus supporter le poids de mon armure. Mes émotions étaient pesantes, écrasantes.

Il fallait que je me concentre. Il fallait que je réussisse à repousser mes angoisses...

— Vas-y, Elora !

Le visage cadavérique de Brooke continua de me hanter sous mes paupières avant qu'il ne prenne des traits différents, bien plus familiers. Je rouvris brusquement les yeux en sentant ma gorge s'obstruer, et j'aperçus l'eau tournoyer autour de moi en ondulant avec violence, sans émettre pourtant le moindre bruit. Sa forme se fit plus intimidante encore, et quand sa fraîcheur s'échoua sur mon visage crispé, mon cœur loupa un battement. Je refermai vite mes doigts, hantée par mes souvenirs.

L'eau implosa en des milliards de gouttelettes qui s'abattirent sur mon corps brûlant de peur, sans pourtant éteindre la flamme qui m'emprisonnait toujours. J'aperçus Tyler voûter ses épaules, et la lumière l'enveloppant se dissipa avant que le feu ne s'éteigne sans laisser une quelconque trace.

— Elora... Tu étais bien partie !

— Pardon, j'ai pris peur..., m'excusai-je.

Il ne répondit pas. Il se contenta de s'approcher de moi en me lançant un regard inquiet, et il rentra ses ailes dans un bruissement. Je fis de même en efforçant un sourire, puis je m'assis par terre en levant le nez vers le ciel nuageux. Mon ami prit place à mes côtés en s'attardant sur les remparts nous encerclant.

Nous nous étions éloignés de Téthys pour nous entraîner dans un coin isolé, où les vestiges d'un passé lointain résistaient sans jamais s'écrouler. Les vieilles fortifications moyenâgeuses se dressaient autour de nous et semblaient vouloir atteindre le ciel infini qui s'opposait au sol rocailleux. Ici, il n'y avait jamais personne. Quoi de mieux qu'un tel lieu pour des Anges en quête de solitude ?

— Tu dois te servir davantage de ton pouvoir, Elora, on en aura forcément besoin face à ces Démons.

— Je le sais bien, mais je ne suis pas à l'aise avec..., bougonnai-je en profitant de la brise nocturne.

Et c'était une honte. Si j'avais plus de contrôle sur mes émotions, Brooke serait peut-être encore en vie. Si elle était morte, c'était à cause de moi. Incapable de me défendre, j'avais laissé ce Démon lui prendre son âme sans que je ne puisse m'interposer. Écrasée par la peur, ma raison s'était tue quand mon cœur s'était époumoné dans l'espoir que je balaye mes angoisses pour la protéger.

J'étais pathétique.

Mes yeux me brûlèrent quand l'image de l'Humaine s'immisça encore dans mon esprit. Impossible d'oublier son regard vide. Son visage éternellement figé. Son cœur à jamais silencieux.

— Je suis sûr que tu finiras par le contrôler, Elora. Avec de l'entraînement, tu y arriveras, me souffla Tyler dans l'espoir de me rassurer.

Le sourire qui fleurit sur mon visage le détendit. J'espérais tant qu'il dise vrai. Je voulais réussir à contrôler mes pouvoirs, à ne plus être esclave de mes angoisses.

— Tu m'as bien amoché ! s'exclama-t-il ensuite en s'attardant sur une balafre creusant sa peau laissée à découvert. Regarde mon armure ! Va falloir que j'y fasse attention, si je ne veux pas qu'elle se casse. J'ai pas de rechanges sur Terre, moi !

Mon corps sembla s'alléger quand un rire m'échappa. Il avait le don de me remonter le moral.

Puis je baissai les yeux vers mon haut à bustier fait d'un métal gris ardoise s'ouvrant dans mon dos pour permettre à mes grades ailes de se déplier sans encombre. Mes genoux étaient protégés par une armure en forme d'ailes qui s'harmonisaient avec mes bottines d'une légèreté sans pareille : pratique pour ne pas me ralentir lorsque je me battais. Je frôlai en silence mes épaulières qui s'étendaient jusqu'à mes omoplates en déglutissant.

Nous nous entraînions depuis pratiquement deux heures. Si Tyler avait préféré se servir de son Fêkir pour me faire face, je m'étais plutôt défendue avec mon épée. J'étais bien plus à l'aise avec une arme qu'avec un pouvoir.

Mais ça m'avait été bien inutile face à l'armure de mon ami.

Les cuirasses des Anges étaient forgées par les plus grands forgeurs célestes, et elles nous permettaient de nous déplacer facilement sans que nos gestes ne soient ralentis. Les métaux utilisés ne se trouvaient que chez nous, dans l'Yvren : la terre des Anges.

De plus, en tant que célestes, nous possédions de nombreux pouvoirs, en dehors de notre Fêkir. Il nous était possible de guérir les autres, d'attaquer les cellules nerveuses d'un adversaire pour le sonner, voire le tuer selon ses protections, ou parfois se servir d'une force invisible comme une barrière empêchant les personnes de nous approcher, de nous couper du monde extérieur.

En venant sur Terre, j'avais emmené l'une de mes nombreuses armures pour me rappeler sans cesse qui j'étais réellement. Que, même ici, j'étais une Guerrière. Une Ascendante.

Divers rangs existaient chez les Anges, tel que les Gardiens, les Sentinelles, qui se devaient de surveiller l'Yvren, les Messagers, les Légats des Troupes : ceux formant les plus puissants Guerriers, et d'autres encore.

Au sein des Guerriers, il y avait aussi plusieurs grades. Les Elites étaient les plus puissants, formés par les meilleurs Légats, ils affrontaient les ennemis sur des terrains hostiles, bien souvent adverses, donc en territoire inconnu. Leurs aptitudes étaient bien souvent exceptionnelles, tout comme leur Fêkir, leur donné inné. Ils apprenaient davantage de choses que nous, comme la téléportation, ou avaient une perception bien plus développée que la nôtre, pourtant bien aiguisée.

Nous, les Ascendants, repoussions les Démons pénétrant nos terres pour s'attaquer à notre peuple. Notre rôle était peut-être moins utile que celui des Elites, mais notre présence était importante pour pouvoir protéger nos territoires. Ensuite, il y avait les Soldats, qui nous aidaient lorsqu'il y avait une attaque, mais ils étaient souvent auprès des habitants pour leur venir en aide.

Oui, j'étais une Ascendante, et pourtant, j'étais ici, sur Terre, et non auprès des autres Guerriers. Tout comme Tyler.

Mon cœur se serra à cette pensée. Avant que mes démons ne puissent obscurcir un peu plus ma raison, Tyler retira ses gantelets et agita ses doigts.

— Je commence à être fatigué ! Vivement que je rejoigne mon lit.

Et il ajouta dans un râle :

— C'est dans ces cas-là que j'aurais voulus qu'on nous enseigne la téléportation !

— Hélas pour nous, nous ne sommes pas des Elites, donc la téléportation nous passe sous le nez, lui rappelai-je en souriant avec malice.

— Ouais, je sais, marmonna-t-il avant de s'allonger sur l'herbe, le nez plissé. Est-ce que le Fœrî te manque ? Tu es sur Terre depuis bien plus longtemps que moi, et tu n'es pas retournée dans notre village depuis un long moment. Tu ne te sens pas nostalgique ?

Je ne répondis pas de suite. Les lèvres pincées, je m'égarai dans la contemplation du ciel, le cœur plus léger. J'étais sur Terre depuis si longtemps que j'en avais perdu la notion du temps. J'avais hésité à retourner chez moi plus d'une fois avant d'entendre parler de Téthys, cette ville dans laquelle j'étais depuis maintenant quelques mois. Et je devais avouer qu'ici, le temps passait vite, même si je pensais bien souvent à mon monde.

— Si, un peu, avouai-je en m'allongeant à mon tour. Beaucoup de personnes me manquent, là-bas.

Puis je tournai la tête vers Tyler, la mine resplendissante.

— Mais lorsque je me sens triste d'être loin du Fœrî, je me dis que les Hommes sont dans le besoin, et que j'ai fait le bon choix en venant sur Terre.

Mon sourire se fit plus large quand il hocha la tête, les yeux rivés dans les miens, illuminés pourtant par un éclat chagriné. Oui, je me rassurais bien souvent en me disant que si j'étais sur Terre, c'était pour aider les Humains alors que dans mon monde, les habitants étaient protégés par les Anges.

Ils n'avaient pas besoin de mon aide. Du moins, c'était ce que j'aimais me répéter pour ne pas regretter mes choix.

— Tu sais, je ne me serais jamais douté qu'ici, le monde ressemblait au nôtre, me confia mon ami en se détournant pour s'attarder sur une étoile qui repoussait par sa brillance les nuages gris.

— Moi non plus. Faut avouer que la Terre a de nombreux points communs avec le Fœrî.

Les légendes faites par les Hommes prétendaient que le monde des Anges s'appelait le Paradis, et qu'il accueillait les âmes défuntes pour qu'elles puissent vivre une vie paisible et éternelle. Mais le Paradis n'existait pas.

Le Fœrî était vaste et ô combien complexe. Il y avait l'Yvren, la terre des Anges, donc, et l'Irragin, celle des Démons, mais aussi d'autres lieux où vivaient diverses créatures.

Il existait aussi différents villages, des montagnes enneigés, des fleuves, de vastes océans, des déserts... Une frontière séparait nos deux mondes. Invisible aux yeux des Humains, elle se situait au sommet d'une montagne périlleuse appelée l'Aôtu. Un Homme, en plus de ne pas pouvoir percevoir cette barrière, ne pouvait pas la franchir, du moins, s'il la traversait, il ne se passait rien.

L'Yvren n'était pas un Paradis. Ce n'était pas au-dessus des nuages, protégés par un portail doré, ni habités par des êtres célestes sans défauts, ni par des âmes défuntes vivant une vie paisible. Au contraire. Là-bas, la mort existait. La nuit tombait. Les ténèbres planaient, et les guerres persistaient. Il n'y avait rien d'utopique. Ce monde imaginé par les Humains n'existait pas.

Mais s'il avait des défauts, il avait aussi d'innombrables qualités. Des lieux féeriques se trouvaient dans le Fœrî et monteraient à quel point ce monde était unique et vaste. J'avais vu des forêts d'améthyste s'étendre à perte de vue, s'opposant à des rivières dorées cascadant sur des bois enchanteurs aux arbres rougeoyants animés de chant de créatures incroyables. Oui, des panoramas inimaginables s'offraient à nous, là-bas, et cela me manquait terriblement, je devais l'avouer.

— Oui, affirma Tyler. La Terre a de nombreux défauts, mais je l'apprécie plutôt bien, mais j'apprécie encore plus les Humains ! Ils sont sympas !

Un rictus attendri étira mes lèvres. Tyler, depuis que je le connaissais, adorait les Hommes. Et il n'avait pas hésité à venir sur Terre pour en apprendre plus sur eux, mais aussi pour les protéger des Démons. Il n'était pas un Ange Gardien, mais parfois, il m'en rappelait un tant il était dévoué et bon avec les autres.

En pensant aux Gardiens, ma gorge se noua avec violence, et je balayai encore mes pensées sans me démunir de mon air joyeux. Il était hors de question que je me laisse submergée par mes propres émotions.

— Oui, ils le sont.

— Tu penses qu'on parviendra à faire face à ces Démons à seulement nous deux ? m'interrogea-t-il en triturant l'herbe du bout des doigts. Le fait que cet Eytan s'ajoute à la partie me fait douter... Je dois avouer qu'il n'est pas commun. Avant que l'autre lâche ne m'attaque par derrière, j'ai senti sa puissance, Elora.

Il avait raison de douter. Je n'avais vu qu'un aperçu de la force de ce Démon, mais la puissance qui émanait de lui prouvait qu'il était dangereux. Les nombreux corps laissés dans son sillage, démunis d'âme, montrait qu'à lui seul, il était une arme. Nous avions affronté un tas d'adversaires, ici ou dans le Fœrî, mais en venant en ville, les choses s'étaient compliquées, nous avions mis du temps à trouver le coupable, et maintenant que nous savions qui il était, sa force menaçait de nous écraser.

— Je ne sais pas, Tyler. Nathan et Aela sont des Démons comme on a pu en affronter tant de fois, mais lui est différent... Il est même bien plus fort qu'un Elite.

— On est dans la merde, quoi.

Je ne pus retenir un éclat de rire face à son injure et son air désabusé.

— Dis donc, toi ! Surveille ton langage ! Quel Ange mal élevé ! ricanai-je.

Sa bouche s'incurva pour lui donner un air espiègle. Cette vision suffit à réchauffer ma poitrine. Il était hors de question que Tyler se laisse abattre. J'avais besoin de lui : de son sourire, de son optimisme.

Impossible qu'il doute de nous. Surtout pas lui...

— Pour en revenir à ce qu'on disait, même s'il semble extrêmement puissant, on ne doit pas perdre espoir. Nous savions qu'il est derrière ces meurtres, reste à savoir pourquoi il fait ça.

— C'est un Démon, Elora. Il cherche seulement à s'amuser. Ils sont ainsi. Ils font du mal pour prendre du plaisir.

— Je doute que ça soit l'unique raison..., marmonnai-je. Nous devons également obtenir des réponses au sujet de ces disparitions. S'il est également derrière tout ça, que fait-il de ces Humains ? Où peuvent-ils être ?

Tyler entrouvrit la bouche pour répondre, mais une voix blanche s'éleva :

« Elora... »

Surprise, je relevai le buste et aperçus Brooke. Face à son corps vaporeux et transparent, je me figeai. En comprenant qu'elle était devenue un Fantôme, la peine me rongea.

Oui. Elle n'était plus qu'une âme appartenant à Eytan...

— Brooke ? Mais pourquoi es-tu là ?

Tyler, tout autant surpris que moi, se releva et observa le corps fantomatique de Brooke, les yeux brillants de tristesse.

Les Hommes, en général, après leur mort, rejoignaient le monde des Morts, et dans certains cas, ils erraient sur Terre en attendant que le portail s'ouvre à eux. S'il leur était fermé, c'était que les âmes avaient quelque chose à régler dans le monde des Vivants.

Dans le cas de Brooke, c'était différent. Elle était prisonnière, démunie d'une quelconque liberté. Entravée à Eytan, il lui était impossible de reposer en paix.

« Je... J'ai besoin de toi. »

Quand je lus toute la tristesse du monde luire dans son regard, la culpabilité que je ressentais déjà s'amplifia. Comment avais-je pu la laisser mourir sans pouvoir agir ? Comment avais-je pu laisser une Humaine telle qu'elle finir entre les griffes de ce monstre ?

Cela faisait-il de moi un monstre aussi ?

« On dit souvent aux êtres qui viennent de nous quitter de reposer en paix. Seulement, comment être en paix lorsqu'on laisse derrière nous toutes les personnes que l'on a aimées ? Lorsque l'on sait qu'on va leur arracher une partie d'elles et les laisser avec un vide constant dévorer leur cœur ? »

Elle leva le nez pour observer les astres. Elle avait raison... Les personnes qui s'en allaient pouvaient-elles réellement être en paix quand elles savaient qu'elles emportaient avec elles une partie du cœur des vivants qui l'avaient aimées ?

Pouvions-nous avoir la paix quand on savait que c'était la guerre dans le cœur des êtres aimés ?

« Pour que je puisse être en paix, j'ai besoin de voir mon père retrouver un semblant de sourire. Je veux qu'il soit heureux. »

Mais savait-elle seulement que, même si son père retrouvait un semblant de sourire, elle ne pourrait pas reposer en paix ? Comment lui dire ? Comment lui avouer qu'elle était coincée ?

— Je comprends, murmurai-je.

Et je lançai un coup d'œil entendu à Tyler qui sourit avec tendresse au Fantôme.

— On ira voir ton père, je te le promets, ajoutai-je.

Si je ne pouvais pas lui permettre de trouver la paix, je pouvais au moins l'aider à atteindre ce qu'elle désirait : aider son père à retrouver l'ombre d'un sourire.

« Merci infiniment, Elora. Et, je t'en prie, cesse de te sentir coupable. »

Surprise par ses propos, je retins mon souffle. Ses yeux brillèrent un peu avant que son corps ne brille. Les Fantômes étaient plus sensibles que les Mortels aux émotions des autres, mais étais-je autant transparente pour qu'elle ait ressenti toute la culpabilité qui me dévorait ?

« Tu n'es pas fautive. Tu n'y es pour rien, c'est moi, le véritable problème... »

Son corps commença à s'estomper. Je m'apprêtai à dire quelque chose, mais ma gorge nouée m'en empêcha. Si, j'étais fautive. Je ne l'avais pas sauvé...

« Tu ne pouvais pas m'aider, Elora... »

Ma vue se troubla avant qu'elle ne poursuive :

« Je... Je dois te dire une dernière chose. Eytan tient à ce que je te fasse passer un message. »

Quand elle prononça le nom du Démon, mes jambes tremblèrent d'inquiétude. Le Fantôme hésita, et le souffle du vent brisa ce silence religieux sans jamais atteindre son corps vaporeux. Ses yeux luisants nous contemplèrent un long moment avant qu'elle ne murmure :

« Les ténèbres terniront le cœur des Hommes, mais aussi celui des Anges. »

Elle releva le nez vers moi et ajouta :

« Le tien se verra-t-il sombrer ? »

Et elle disparut sans un mot de plus. Le silence plana à nouveau pour nous envelopper de ses paroles sourdes. La brise se fit plus menaçante alors que la pluie, fine et légère, tombait sur nous. Je gardai mon regard perdu dans le vide, tourmentée par la venue de Brooke, mais aussi par ses paroles.

Était-ce là une menace, ou une promesse ?

— Elora, rentrons nous abriter, m'interpella Tyler d'une voix blanche.

Je gardai les lèvres scellées, le sang martelant contre mes tempes, quand le bruit de la pluie semblait être un son lointain. Autre souffle du vent. Une colère sourde s'éveilla dans ma poitrine pour faire bouillonner mon sang.

Le ciel s'assombrit davantage et la pluie se fit plus violente. Tyler me saisit les épaules et me secoua, ses cheveux trempés retombant devant son visage humide. L'éclat affolé dans ses pupilles me sortit de ma torpeur.

— Rentrons, d'accord ? Ce ne sont que des paroles en l'air. Calme-toi, s'il te plaît. Tout ira bien.

Le pouls endiablé, je hochai enfin la tête et le suivis jusqu'à sa voiture, les membres lourds et les cheveux collants mon front. Le bruit de nos pas se joignit au grondement d'un orage, et un frisson me traversa. J'inspirai profondément l'air dans l'espoir d'apaiser la fureur qui grondait dans ma poitrine, se mêlant à l'angoisse.

Oui, ça irait. Je ne devais pas m'inquiéter. Je ne devais pas me laisser submerger.

Comme je l'avais dit à Tyler, nous ne devions pas perdre espoir...

Hello les petits anges ❤️

Voici le chapitre 5, je n'avais pas beaucoup d'idées ... j'espère qu'il vous plaira tout de même 🙈

Lâchez-vos avis ❤️

Bonne soirée ❤️

~Chapitre revu~

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