Chapitre 37
« Mais seulement, faire face à un monstre faisait-il aussi de nous un monstre ? »
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James émit un feulement se voulant intimidant et protégea son visage à l'aide de ses bras quand mon épée fendit l'air pour s'abattre vers lui dans un sifflement. Je tordis mes lèvres quand il recula sous la puissance de mon geste, plus blême. Mon sang se déversait dans mes veines comme de la lave en ébullition afin d'accentuer la rage qui m'engourdissait, comme si elle cherchait à me contrôler entièrement.
— Pauvre James, sifflai-je en pressant mon épée vers lui tandis qu'il la repoussait difficilement à l'aide de son appendice. Tu étais déjà un monstre, mais maintenant, tu en as l'aspect. Si ce n'est pas malheureux.
Sa mâchoire claqua dans le vide et je louchai sur ses crocs aiguisés. Il me repoussa avec son tentacule qui percuta mon visage. Un peu sonnée, je reculai suffisamment pour m'éloigner de lui, et je clignai des paupières pour reprendre mes esprits, ma mâchoire me brûlant.
— Je préfère être un monstre plutôt qu'un pitoyable Ange ! renchérit-il. Je me doutais que tu n'étais pas normale !
Un rire moqueur me secoua les épaules, et j'ourlai mes lèvres en un sourire mesquin. Soudain, je m'élançai vers lui pour donner un coup contre son flanc. Il recula en arrondissant ses yeux de surprise, et je m'empressai de bondir en arrière pour ne pas être assaillie par son appendice fouettant l'air dans des sifflements menaçants.
— Que t'est-il arrivé ? Qu'as-tu subi, pour devenir ainsi, toi qui étais un Humain ? demandai-je d'une voix à peine audible.
— Il m'est arrivé la plus belle des opportunités, décréta-t-il. La mort de Brooke a été une aubaine.
Je ne laissai aucune émotion me trahir, bien que ses paroles me heurtèrent avec violence. J'avais bien compris que la mort de Brooke était l'une des raisons de sa métamorphose, mais il manquait quelque chose... Nous ne devenions pas des créatures monstrueuses en perdant un être cher, du moins pas de manière physique. Ça pouvait nous impacter jusqu'à assombrir notre cœur, quitte à nous faire sombrer, mais influencer notre apparence ?
Non, il y avait autre chose...
Néanmoins, James confirmait nos soupçons... Avant qu'il ne devienne ainsi, il était rongé par ses vices. Son être était parfaitement enclin à sombrer tant... Était-ce là le seul facteur changeant une personne ? J'en doutais...
— Ah oui ? Et qu'as-tu de plus, maintenant que tu es devenu cette chose immonde ? De la force ? Cette chose ignoble qui traîne dans ton dos ?
Je coulai un rapide coup d'œil à Axel qui ne bougeait pas, tétanisé par ce qui se déroulait sous ses yeux. Son teint blême ressortait son regard affolé, quand ses membres tressautaient, agités par l'effroi. Rapidement, je reportai mon attention sur mon adversaire qui me toisait, et quand il afficha un sourire, mon sang se glaça de dégoût.
— Pas seulement ! J'ai aussi plus de...
Je profitai de son moment d'inattention pour frapper. Le regard plongé dans le sien, j'assaillis ses cellules nerveuses. Ses paupières se pressèrent avant qu'il ne pousse un hurlement effroyable, se joignant au souffle du vent. Il retomba à genoux, les mains plaquées contre ses tempes, le visage écarlate à cause de la douleur. Une veine pulsa au niveau de son visage quand il se mit à tressauter.
— Plus de quoi ? répétai-je innocemment. Pas plus de génie, en conséquent.
Sans jamais me détourner de lui, je m'approchai en laissant mes doigts resserrer mon arme, les lèvres tordues en un rictus sinistre, sourde à ses hurlements qui s'intensifiaient, sans jamais atteindre mon cœur fermé à l'empathie.
— Devenir un monstre n'a rien de positif, James, éludai-je. Tu as fait des choses impardonnables en étant Humain, sans ressentir une once de pitié, mais maintenant... Maintenant, regarde-toi... Que risques-tu de faire, désormais ? Ton air angélique ne trompera plus personne.
S'il était déjà corrompu, maintenant, son corps représentait à son tour la malveillance qui l'animait. Il était si facile de cacher ses vices derrière un artifice. De simples paroles pouvaient changer un rôle, de doux sourires parvenaient à mentir, et des regards illusoires faisaient pleuvoir des coups de poignard.
Le monde serait si simple s'il permettait aux monstres tapis derrière un visage angélique de laisser ressurgir leur véritable aspect.
James gémit, incapable de répondre, tiraillé par mes assauts. Il entrouvrit des yeux larmoyants pour me supplier en silence et, avec violence, j'assénai un coup contre sa tempe. Son corps retomba sur le côté dans un son étouffé. Je relevai la tête en ignorant les appels plaintifs de mon cœur commençant à ressentir de la peine. D'un geste contrôlé, je redressai mon épée afin de lui porter un coup fatal, mais le regard d'Axel heurta le mien pour me couper le souffle.
Je ne pouvais pas tuer James devant lui...
Le blond ne me quittait pas des yeux. Sa bouche entrouverte montrait toute sa terreur et ses prunelles semblaient vides. Face à sa mine effrayée, ma gorge se noua et mes épaules se tendirent. De plus, à ses côtés, se trouvait le corps vaporeux de Brooke. Elle observait le corps de James, l'air attristé. Je m'empressai de redescendre lentement mon arme, la bouche sèche. Le fantôme me lança un coup d'œil avant de disparaître.
Peinée, je réaffrontai le regard d'Axel en avalant péniblement ma salive, et j'articulai d'une voix blanche :
— Tu voulais savoir si j'avais une bonne excuse lorsque je ne suis pas venue à notre rendez-vous, réussis-je à dire entre deux souffles.
Il ne répondit rien. Son air choqué ne m'empêcha pas de poursuivre :
— Est-ce suffisant comme explication ?
L'Humain cligna rapidement des paupières avant de lancer un coup d'œil horrifié à James, inconscient. Ma main libre, agitée par le doute, se plongea dans mes cheveux humidifiés par la sueur, et je déglutis encore.
J'avais l'impression que mon crâne allait exploser. C'était insupportable. Je me sentais pitoyable.
Monstrueuse.
Son regard me jaugeait, comme si j'étais une autre personne. Il m'observait comme si j'avais commis la pire des atrocités. Oui, il me toisait d'une manière qui me laissait penser qu'il entrevoyait tous les vices qui se terraient au fond de moi.
Mais seulement, faire face à un monstre faisait-il aussi de nous un monstre ?
— T'avait-il donné rendez-vous ? me renseignai-je en ignorant ma gorge obstruée. Voulait-il te voir pour une raison particulière ?
Aucune réponse. Le silence dominait. Pas même les battements frénétiques de mon cœur ne pouvaient le briser. Ni même ma respiration hachée. Rien. Sauf sa voix qui, à ce moment-là, semblait éteinte.
— Est-ce qu'il t'a fait du mal ? insistai-je.
Malgré mes jambes lourdes, je m'avançai. Il recula, comme si ma présence l'effrayait. Je me figeai, blessée par son mouvement. Bientôt, il secoua la tête, et un léger poids se retira de mes épaules tendues.
— Non, il ne m'a pas fait de mal.
Lorsque sa voix s'éleva, je retins ma respiration en contemplant ses yeux éteints.
— Et, à vrai dire, c'est moi qui voulais qu'il vienne me voir, reprit-il.
Axel détailla mon visage et ses traits s'assombrirent, couverts par un sentiment étrange. Un rire sans joie traversa l'orée de ses lèvres avant que sa bouche ne se déforme en une grimace. Face à son aura agitée et à son air répugné, la honte me gagna. Il me donnait l'impression d'être un insecte, un insecte qu'il ne tarderait pas à écraser.
— Tu sais, poursuivit-il. Tu ne vaux pas mieux que lui.
D'un geste, il désigna James du bout du menton, et je me figeai un instant, surprise par ses propos. Lentement, il s'approcha de ma misérable personne en me toisant toujours avec dégoût.
— Un monstre. Voilà ce que tu es, Elora.
Ses dires me repoussèrent en arrière, comme si mon corps avait été frappé. Le pensait-il ? J'avais beau espéré que cela soit dû au choc, mais je n'y croyais pas. Pas quand je voyais la rancœur transpirait par tous ses pores.
— J'ai fait ça pour te protéger, m'insurgeai-je. Aurais-tu préféré que je le laisse s'en prendre à toi ?
Un autre rire l'agita, ce qui m'arracha un frisson glacial, donnant l'impression qu'une lame gelée s'abattait contre ma poitrine. Il se rapprocha encore pour me surplomber, ses yeux noisette heurtant les miens et les traits tordus par la colère, l'amusement.
— Me protéger ? répéta-t-il.
Il sembla s'adoucir lorsque j'opinai, mais il secoua la tête en riant, ce qui m'arracha un énième tressaillement.
— Mais Elora, je ne suis pas en danger, moi.
Soudain, ses yeux devinrent entièrement noirs alors qu'il entrouvrait la bouche. Une langue fourchue claqua l'air et ses dents acérées grincèrent. Je me tendis et, avant que je ne recule, un déchirement résonna jusqu'à mes oreilles sifflantes, et un appendice percuta de plein fouet mon ventre.
Le choc me projeta plus loin. Je roulai sur quelques mètres, le souffle coupé. L'estomac meurtri, je relevai la tête vers Axel et aperçus, trop tard, son tentacule s'élancer vers moi pour m'asséner un coup dans la mâchoire. Mes muscles se nouèrent douloureusement, quand ma joue me lancina.
Malgré la stupeur qui m'habitait et mes jambes vacillantes, je me relevai en dévisageant l'étudiant, les poumons en feu et le cœur boiteux, trahi par l'être que je pensais être un ami.
— Tu... Toi aussi..., balbutiai-je, la bouche sèche.
— Suis-je un bon acteur, Elora ? demanda-t-il d'une voix moqueuse. Tu ne t'en serais jamais doutée, n'est-ce pas ?
Bien sûr que je ne m'en serais jamais doutée... Il n'avait rien qui laissait penser qu'il était aussi monstrueux... Même si son aura était incernable, je n'avais jamais remarqué une once de malveillance en lui. Rien.
Mais c'était vrai que je n'y avais pas vu de pureté non plus... Il avait masqué son halo pour me mener sur une fausse piste. Depuis le début, Axel se jouait de moi. Il m'avait manipulé si aisément, sans que je ne le soupçonne jamais...
Bon sang, j'avais été si naïve...
— Tu sais, reprit-il. Depuis la première fois que je suis venu vers toi, Elora, j'avais pour but d'en finir avec ta misérable vie.
Ma gorge se noua un peu plus, enserrée par les griffes de la peine. Je dévisageai ses traits, encore chamboulée. Il n'avait plus rien de l'homme que j'avais rencontré. La lueur de bienveillance qui illuminait ses iris avait été remplacée par un voile noir. Les ténèbres avaient dévoré l'entièreté de ses yeux. De son être. Son visage entier faisait peur à voir.
Tout était effroyable, chez lui. Que ça soit sa langue fourchue, ses canines, mais aussi le tentacule qui remuait dans son dos.
— Le moment opportun pour en finir, c'était lors de notre rendez-vous, me confia-t-il. Mais ton ami n'était pas loin. Zachary a donc fait le nécessaire, mais tu as survécu. Il faut dire que tu es résistante, pour un Ange aussi faible.
Ses lèvres se redressèrent davantage pour qu'il humecte ses canines de sa langue fourchue. Il me rappelait un serpent. Appâter pour mieux nuire. J'avais été stupide...
— J'ai cru qu'il serait facile de te charmer, de t'amadouer, mais tu as résisté à mes avances. Tu ne m'as vraiment pas facilité la tâche, Elora. Et maintenant encore, tu perturbes mes plans. Tu n'étais pas supposée venir ici, je devais seulement voir James !
Enfin, mon corps réagit, balayant le choc qui me figeait. Je m'apprêtai à fondre vers lui, mais il me devança en envoyant son tentacule dans ma direction. La chose informe s'enroula autour de ma gorge pour la presser et me couper le souffle. Suffocante, je levai le menton, mes pieds se détachant du sol.
— Qu... Qu'es-tu ? parvins-je à dire entre deux souffles.
— Ah ! J'attendais cette question ! s'esclaffa-t-il.
Sa prise autour de ma gorge se fit plus forte. Ma vue se troubla à cause de mon manque d'oxygène, mais je gardai mes yeux plongés dans les siens en affichant un air répugné. Haineux. Si je sentais mes forces s'amenuiser, la colère était plus forte, elle m'animait, me poussait à le défier. Elle était si tenace.
— « Wrashar. »
Un frisson parcourut mon épiderme. Je grinçai des dents en luttant pour ne pas sombrer dans les méandres de l'inconscience, réfléchissant à ses dires. Ce mot...
— Est-ce que ça te dit quelque chose ? Oh, à en juger par ta tête, oui, tu vois de quoi je parle.
Axel rit et, d'un geste habile, il me jeta contre un arbre. Mon corps heurta le tronc avec violence, et la douleur me coupa encore la respiration, avant que le goût du sang ne se forme dans ma gorge. Les yeux mi-clos, je crachai sur l'herbe en passant une main à l'arrière de mon crâne en gémissant. J'aperçus mes doigts recouverts d'hémoglobine, et la colère s'accrut.
— Sais-tu ce qu'est un Wrashar ? m'interrogea Axel.
Je m'aidai du tronc pour me relever et le dévisageai, encore un peu sonnée. D'un pas calculé, il s'avança en dévoilant ses dents dans un sourire carnassier.
— Non ? s'enquit-il. Dommage. Eh bien, regarde-moi. Voilà ce qu'est un Wrashar.
Les membres meurtris et la nuque en sueur, je l'examinai en essayant d'ignorer la douleur. Ses yeux noirs rappelaient deux trous abyssaux, vides d'un quelconque sentiment. Ses fines lèvres, retroussées sur des canines tranchantes, laissaient entrevoir sa langue fourchue. Son visage, déformé par la fureur, mais aussi l'amusement, semblait être couvert par des écailles couleur chair, discrètes, au niveau de son front. Et ce tentacule... Cette monstruosité d'une longueur phénoménale fouettait l'air dans des sifflements menaçants. Sa couleur sombre ne laissait aucune lumière la recouvrir de sa chaleur. Un goût acide sembla remonter dans mon estomac pour le malmener. J'étais répugnée.
Axel fit un autre pas. Je me ruai vers lui en ignorant les plaintes de mon corps, et je tentai de sectionner son appendice, mais il intercepta mon assaut en faisant un énorme bond en arrière et, pendant un instant, j'eus l'impression qu'il volait.
— Prévisible, Elora ! se moqua-t-il en bondissant encore pour atterrir sur l'épaisse branche d'un arbre.
Un juron m'échappa. Je levai la tête vers lui en ignorant les palpitations apeurées de mon pouls, les mains moites. Dire que j'avais été trompée par sa chaleur bienveillante... Je me sentais si honteuse d'avoir été bernée aussi bêtement. Comment avais-je pu être aussi aveugle ? Aussi naïve ? J'aurais dû me méfier davantage de lui...
— Maintenant que j'y pense, et qu'on peut enfin être honnêtes, tous les deux, est-ce que tu te rappelles de la bibliothécaire ? m'interrogea Axel curieusement.
Une décharge me traversa. Oui. Je m'en souvenais. Axel avait eu un drôle de comportement en s'adressant à elle, avant que je ne découvre qu'Eytan se servait de son corps.
Le soir même, j'avais rêvé que le Démon s'en prenait à elle. Le corps de la pauvre Humaine avait été retrouvé, et son triste état m'avait confirmé que mon songe était un message. Son visage à jamais figé m'avait tourmenté un long moment, et il continuerait encore de me hanter.
En repensant au visage sombre d'Axel, ce jour-là, je compris. Je me décomposai, bouleversée.
— C'était toi, chuchotai-je. Tu l'as tuée !
— Jamais plus ! rit-il. Pauvre femme. Elle est morte d'une manière atroce, tu sais ?
Son regard se fixa sur moi. Il bondit hors de la branche pour atterrir dans un silence de plomb, à quelques pas de ma personne. Un nuage de poussière se forma autour de lui suite au choc pour me prendre à la gorge.
— Tu as été crédule, décréta-t-il. Il me semble que tu as un don qui te permet de voir l'avenir. Mais tu as tellement été perturbée par ce Démon que même tes songes ont été manipulés par ta naïveté. Ton rêve t'a fait croire qu'il était le coupable du meurtre de cette Humaine. Tu aurais pu la sauver... Tu aurais pu, mais tu ne l'as pas fait. Elle est morte par ta faute.
Ses paroles semblaient étouffer tant mon cœur battait fort. Par ma faute. J'avais été stupide... Si stupide. Je m'étais persuadée qu'Eytan était derrière le meurtre de cette bibliothécaire, et le fait qu'il ait pris possession d'Axel avait amplifiée mes doutes. J'aurais dû m'en douter. Lorsqu'il tuait quelqu'un, Eytan ne laissait aucune trace. Le corps de l'Humaine avait été retrouvé dans un sale état. Ses jambes carbonisées auraient dû me faire comprendre...
Si j'avais compris avant, elle serait peut-être encore en vie...
— Tu voulais que je pense qu'Eytan soit la cause de sa mort, finis-je par gronder. Pourtant, il avait pris possession de ton corps !
Je me perdis dans le brouillard de mes souvenirs en ignorant le nouveau frisson qui me parcourut. Quand Axel avait menacé la bibliothécaire, son regard était resté inchangé, preuve qu'il était bien lui-même, et qu'Eytan n'avait pas pris possession de son corps à ce moment-là...
Cet indice, aussi minime soit-il, aurait pu me faire réagir.
— Oui, avoua-t-il en marmonnant. Il avait bien pris possession de mon corps. Je n'avais pas prévu ce petit incident.
Devant son air renfrogné, je fus assaillie de questions. Cette rancœur, dans sa voix. Cette haine dans ses yeux. Ils semblaient se connaître... Si Eytan avait pris possession de son corps, c'était pour avoir des réponses. Mais à quel sujet ? Qui étaient-ils, l'un pour l'autre ?
— Il m'a eu par surprise, à ce moment-là. Ce Démon est imprévisible, termina Axel en crachant dédaigneusement.
Au moins, nous étions d'accord.
— Pourquoi as-tu fait cela ? l'interrogeai-je d'une voix blanche.
Son appendice s'agita avec violence et son sourire se fit plus large. Il envoya le tentacule vers moi, mais je bondis sur le côté en m'empressant d'envoyer ensuite ma jambe frapper son flanc droit, agacée. Il recula à cause du choc en crachant de colère.
Avant que je ne puisse lui porter un autre coup, le tentacule fondit vers moi. Je me baissai pour parer son assaut et, en me relevant, je titubai, les muscles meurtris. En voyant la chose informe me foncer à nouveau dessus, rapide, je reculai et trébuchai, puis je m'empressai de rouler sur le côté pour ne pas être saisie par la gorge.
Mon cœur se figea ensuite quand je remarquai mon épée plus loin. Je l'avais fait glisser en évitant ses attaques... Axel, devant mes traits affolés, sourit. Avant que je ne puisse agir, il se jeta sur mon arme pour la faire glisser plus loin, hors de ma portée. La fureur me contrôla, me contraignant à me redresser pour foncer vers lui, et avant qu'il ne recule, j'abattis mon poing contre sa mâchoire. La douleur déforma son visage, et il me faucha les jambes pour me faire encore tomber. Son tentacule s'enroula ensuite autour de mon cou pour me forcer à me soulever. Je gémis sous les plaintes de mon corps martyrisé, essoufflée.
— Tu es tellement pathétique, Elora, s'amusa-t-il. Pourquoi est-ce que je fais tout ça, à ton avis ?
— Toi... James, Zachary... Vous êtes différents..., parvins-je à articuler.
— Différents ? Nous sommes tous les trois des Wrashars, comme tant d'autres, tu dois le savoir, nous sommes nombreux.
Oui, ils étaient nombreux à être de telles créatures... Mais comment était-ce possible de changer tant, à la fin ? Qu'est-ce qui provoquait leur transformation, en plus de leurs vices ?
Malgré moi, un rire m'échappa. Axel parut déstabilisé, mais il reprit vite contenance et serra sa prise autour de ma gorge. J'essayai d'inspirer l'air avant de souffler :
— Qu'étais-tu, toi, avant de devenir ainsi ?
Mes paroles semblèrent l'atteindre. La chose autour de moi relâcha un peu ma gorge, et j'en profitai pour m'emplir les poumons, des étoiles dansantes toujours devant mes yeux, le front couvert de sueur et de sang.
— Pas un Démon, je le vois bien, poursuivis-je. Le point commun, entre toutes les personnes métamorphosées, est qu'il n'y a aucune part démoniaque en vous.
De la noirceur, oui, mais ça ne faisait pas de nous un être démoniaque. Qui que nous soyons, nous pouvions être animés par la malveillance, pas la cruauté. Les Hommes en étaient la preuve, et ça ne faisait pas d'eux des Démons.
Avant qu'il ne puisse parler, je m'empressai d'ajouter :
— Est-ce le fait que vous soyez tous animé par une forme de noirceur ?
Son sourire me fit froid dans le dos. Il me toisa un long moment avant de répondre enfin :
— Peut-être, oui... Tu n'es pas si bête. Tu as aussi raison sur le fait que nous n'étions pas des Démons, autrefois.
Il laissa le silence planer alors que j'assimilais ses dires. Donc c'était bien l'aspect sombre tapi dans leur cœur qui leur permettait de changer tant, mais encore ? Il était évident qu'il y avait d'autres facteurs, dans quel cas, une grande majorité d'Humains deviendrait de telles créatures, puisque l'Homme n'était ni trop bon, ni trop mauvais...
— Je n'étais pas un Ange non plus, enchaîna-t-il.
— Un Humain, hein ? Un Humaine habité par l'amertume.
Il fronça les sourcils, heurté par mes dires. J'ourlai ma bouche en un rictus mauvais en poursuivant :
— Qu'as-tu vécu, pour accepter de sombrer tant ? Qu'est-ce qui t'a fait souffrir ?
Je me souvenais encore de ses paroles, lorsqu'il m'avait parlé d'amour. Son air nostalgique et ses dires m'avaient chamboulé. J'avais compris, à cet instant, qu'une blessure couvrait son cœur. Et je savais que sa douleur n'avait pas été feinte. Elle avait été sincère. Vraie.
L'appendice resserra brusquement sa prise pour me troubler la vue et me couper encore la respiration. Un coup d'œil en contre-bas m'arracha un hoquet de surprise. Il me soulevait à quelques pas du sol, comme si je ne pesais rien. Je battis des ailes avec peine pour provoquer une bourrasque, mais le tentacule secoua mon corps, telle une poupée de chiffon, et il me balança à nouveau contre l'herbe.
Un long gémissement m'échappa quand mes genoux éraflèrent des pierres, et mon crâne percuta lourdement le sol. Sonnée, je me relevai malgré tout à l'aide de mes bras fébriles, la vue trouble, ignorant le liquide chaud qui s'écoulait le long de ma tempe, de ma chair dévoilée par mes vêtements déchirés. Faible, je bombai pourtant le torse, prête à l'affronter, encore et encore.
— Arrête d'essayer de me cerner, Elora ! Je ne suis plus l'ancien moi depuis dès siècle. Je ne suis pas un novice comme James, ou même Zachary.
Je sentis une goutte d'eau perler le long de mon visage brûlant. Hésitante, je relevai les yeux pour remarquer que le ciel s'était assombri, et des nuages menaçants commençaient à laisser la pluie s'abattre sur nous.
Axel remarqua mon air perplexe et suivit mon regard. En voyant le ciel gris, un rire le secoua, bien qu'un éclat inquiet anima ses yeux.
— Plus de temps à perdre. Je vais en finir avec toi, Elora. J'ai bien trop traîné. Tu dois avoir une bonne étoile, pour t'en être autant sortie.
Une bonne étoile ? Je n'en étais pas certaine.
— Mais désormais, reprit-il. Tu es coincée. Tes amis sont occupés, ils ne viendront pas à ton secours.
Lorsqu'il parla de mes proches, je sentis ma vision se voiler. Axel fit un pas et, soudain, une hache à double tranchant se matérialisa entre ses doigts. Je me mis à trembler quand il se pencha vers moi, et de sa main libre, il pressa mon épaule pour me basculer encore et me faire tomber sur mon arrière-train. Quand le tranchant de son arme effleura ma gorge, je relevai la tête, le sang figé. D'innombrables émotions tournoyèrent dans mon esprit pour frapper mon cœur d'une évidence :
C'était terminé.
— Tu as été tellement naïve, Elora. Serait-ce mon aura, qui t'a trompé ? Tu es si crédule, si faible...
— Faible ? répétai-je. N'est-ce pas toi qui as été possédé par un Démon ?
Et, comme à chaque fois que ce sujet revenait sur le tapis, Axel se rembrunit. Le fait qu'il n'ait pas pu empêcher Eytan de prendre possession de lui le mettait en rogne.
— Oh, mais là n'est pas la question, siffla-t-il en claquant sa langue contre son palais. Je me suis montré imprudent, c'était un petit incident, je te l'ai déjà dit !
Il m'asséna un coup de pied dans l'estomac pour me faire rouler plus loin. Je m'arquai sous la douleur, les oreilles sifflantes, et quand l'odeur du sang effleura mes narines pour me retourner l'estomac, je plissai le nez, nauséeuse.
— De toute manière, comme moi, ce Démon en a après toi. Tu attires les problèmes, à ce que je vois.
Soudain, il releva son arme en l'air. Elle brillait de mille feux, sous les rayons de la lune. Tendue, je regardai la silhouette de cet homme me faire face, prêt à en finir, la pluie continuant de s'abattre sur nos corps. Le ciel pleurait. Mon cœur hurlait. C'était fini. Si ce n'était pas des mains d'Eytan que mon âme me quittait, c'était de celles d'Axel.
— Alors il n'y verra aucun inconvénient à ce que j'en finisse avec ta misérable personne.
Et il abaissa son hache droit vers moi alors qu'un orage éclatait pour illuminer le visage monstrueux d'Axel. Je gardai mes yeux rivés dans les siens, prête à encaisser le choc, acceptant de rejoindre les bras froids de la Mort qui m'attendait.
Et, en seulement quelques secondes, de nombreuses pensées vinrent me tourmenter, ainsi que de nombreuses questions. Pourquoi faisait-il cela ? Qui était-il concrètement ? Mes amis allaient-ils réussir à mener à bien notre objectif ? Allais-je rejoindre mon frère ? Une simple seconde, semblable à des années entières. Un simple battement de cœur pour des centaines d'années écoulées. Un souffle pour une éternité en enfer.
Un éclat m'aveugla un instant, et le tintement de deux armes s'entrechoquant résonna à mes oreilles. Du sang moucheta le ciel pluvieux et gicla sur mon visage trempé. Je pressai vivement les paupières en émettant un souffle horrifié.
— Oh si, j'en vois un, répliqua une autre voix.
Et cette même voix provoqua un millier de fourmillements sur ma peau. Mon ventre se contracta, assailli par un flot de sentiments qui se déversa dans mon être pour le presser douloureusement.
Les yeux écarquillés, je rivai mon regard sur la personne qui s'était interposée entre Axel et moi. Elle bloquait l'arme du Wrashar avec une épée et me tournait le dos, les muscles tendus à l'extrême.
— Eytan, murmurai-je, sous le choc.
Holà petit peuple ! Comment allez-vous ?
Eheh encore un chapitre pour vos beaux yeux ! J'espère sincèrement qu'il vous a plu ! 🥰
Qu'en avez-vous pensé ? Des avis ? 😶
Par rapport à Axel, vous vous attendiez à cette chute ? A ses aveux ? Dites-moi tout!
Et la fin ? Des avis ? 😈
Lâchez-vous ! Envoyez aussi vos théories ! 😏
Bisous les copains ! ❤️
~Chapitre revu~
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