Chapitre 36
« Pourquoi forcer un coffre, mis à part lui faire perdre de sa valeur en lui retirant le secret qu'il gardait ? »
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L'air semblait ondoyer sous les battements silencieux de mes ailes, quand la brise du vent venait fouetter mon visage tant j'allais vite, fendant le ciel avec nervosité, mon regard cherchant Axel. L'angoisse m'étouffait, quand la colère grondait dans mes veines, comme un orage prêt à tout ravager.
Une plume se détacha de mes ailes pour s'éloigner de moi, alors que je m'approchais du sol, écoutant mon instinct angélique me soufflant qu'Axel n'était pas loin. Un bruit en contre-bas me conforta à l'idée que je n'étais plus loin. J'étendis mes ailes en m'approchant de l'herbe pour ralentir et, bientôt, j'atterris sans émettre le moindre bruit. D'un geste, je scrutai les alentours, les sourcils froncés.
Le ciel noir s'opposait à la couleur terne de la pelouse qui s'agitait sous la brise nocturne. Les arbres qui m'encerclaient me donnaient l'impression d'être prise au piège. Il n'y avait pas une seule étoile qui perçait les ténèbres, ce soir.
Je rentrai mes ailes avant d'avancer en tendant l'oreille. Quelque chose, en mon sein, me hurlait de continuer de marcher. Je savais qu'Axel se trouvait tout près. Je le pressentais.
Après quelques minutes, je l'aperçus se tenir plus loin. Seul. Hésitante quant à ce que je devais faire, je me décidai à me cacher derrière un sapin, curieuse quant à ce qu'il faisait ici sans quiconque pour l'accompagner. Mais un sentiment plus léger repoussa bien vite mes doutes.
Eytan n'était pas présent. J'étais donc arrivée à temps ?
Un soupir m'échappa malgré moi. Le soulagement afflua dans mes veines. Oui. Il ne s'en était pas pris à lui.
Cependant, une question persistait : que devais-je faire, désormais ? Attendre sans mot dire ? Le rejoindre ?
« Patiente un peu. »
La voix d'Eytan vibra, rampante sous ma peau, et me raidit. Avant que je ne recule, j'aperçus Axel se tendre, et son regard noisette crocheta le mien pour me figer. Je retins ma respiration en appréhendant la suite. Il m'en voulait toujours, je le savais, alors comment allait-il réagir en me voyant ici, face à lui ?
Je m'attendis à voir la colère teindre ses traits, mais ce fut la surprise qui voila son regard, peut-être même de la crainte. Il entrouvrit les lèvres en me dévisageant avec attention.
— Elora ? demanda-t-il, visiblement surpris de me voir ici.
D'un pas maladroit, je m'approchai de lui en me triturant les doigts nerveusement, et j'affichai un sourire timide pour masquer mes interrogations.
— Je suis surprise de te voir ici, Axel ! feignis-je. Je ne m'y attendais pas !
Et voilà que je commettais une autre faute. Je détestais le mensonge, je m'étais toujours dit que c'était peut-être l'un des pires actes que l'on pouvait faire, mais j'étais la première à remodeler la vérité.
Je mentais à tout le monde depuis un moment, avais-je seulement été réellement sincère ? Je n'avais pas été honnête en venant sur Terre, puisque j'avais prétendu être envoyée pour protéger les Hommes. Je cachais la vérité à mes proches concernant le pacte scellé avec Eytan, et je continuerai de leur cacher.
Là n'étaient pas mes pires fautes. Oh oui, j'en avais commis un tas, peut-être était-ce pour cette raison qu'il m'arrivait tant de misère ? Peut-être était-ce pour ça, que je commençais à voir le Paradis se détourner de ma foi ternie ?
Axel continua de m'observer avant qu'il n'affiche un sourire à peine perceptible, et j'aperçus son aura trouble s'agiter autour de lui. Cette constatation m'arracha un froncement de sourcil.
— Je dois avouer que je ne m'attendais pas à te voir non plus, me révéla-t-il.
Ce fut à son tour de s'approcher, tout en continuant de me détailler, toujours animé par un doute profond. Peut-être hésitait-il à m'envoyer promener ? Ou attendait-il une explication plus approfondie ? Des excuses ?
En constatant que le silence était maître des lieux, je me dandinai nerveusement en lançant des coups d'œil autour de moi, comme si cela me permettrait d'avoir une réponse quant à ce que je devais faire. C'était angoissant de voir que même le vent n'émettait plus le moindre souffle, comme si lui-même appréhendait la suite. Comme si le temps s'était figé.
— Que fais-tu ici à une heure aussi tardive ? finis-je par oser lui demander, brisant ce silence de plomb.
Mes paroles le firent reculer, pourtant, il afficha un sourire. Un sourire ô combien lointain qui n'atteignit pas ses yeux.
— Je me promenais, m'avoua-t-il dans un souffle, j'avais besoin de prendre l'air... Et toi ? Ça pourrait être dangereux de venir par ici, surtout quand on sait qu'il se passe beaucoup de choses, en ce moment, dans cette ville.
La honte assécha ma bouche. Je cherchai rapidement un énième mensonge dans l'espoir de trouver une réponse valable, avant que je ne me tende, écrasée par le dégoût. Un dégoût à mon égard. Je me sentais coupable de lui mentir autant, mais je ne pouvais décidément pas lui avouer qu'un Démon en avait après sa vie, et que si j'étais ici, c'était pour le protéger.
— J'avais aussi besoin de prendre l'air, me contentai-je de répondre en haussant les épaules avant d'ajouter devant son regard sceptique, et puis, je ne veux pas vivre dans la peur.
— Peut-être, oui, mais ce n'est pas prudent, Elora.
Autre haussement d'épaules. Devant ses grands iris noisette, la honte s'intensifia en mon sein, et j'entrouvris la bouche en hésitant, mes mots se confondant entre mes lèvres, et je parvins à dire :
— Axel... Je suis désolée pour la dernière fois...
Son regard se durcit avant de s'égarer, comme s'il se perdait dans ses souvenirs. Son sourire s'effaça au profit d'une moue blessée. Et, à nouveau, le silence régna, nous recouvrant de son drap écrasant, alors que mon cœur s'endiablait, comme s'il cherchait à s'enfuir.
Moi aussi, je voulais m'enfuir.
— Je t'ai attendue longtemps, murmura enfin le blond. Pratiquement deux heures. Je pensais que tu avais eu un accident, je m'inquiétais, Elora. Je t'ai cherchée des excuses, mais pour quoi, finalement ?
La culpabilité, comme un serpent vicieux, enserra ma gorge pour me donner l'impression de m'étrangler sans pitié, tout en envoyant son poison dans mon cœur. Les yeux rivés sur l'étudiant, je ne parvins pas à répondre, prise de pitié. Comment avais-je pu lui faire cela ? Lui qui s'était toujours montré si bienveillant avec moi, malgré mes réserves ? Il ne méritait pas mes mensonges.
— J'aurais pu m'en aller au bout d'une quinzaine de minutes, poursuivit-il, mais je ne l'ai pas fait... Tu sais pourquoi ?
Je ne répondis rien, les lèvres closes. Il m'observa un moment, son aura s'agitant davantage. Sa voix tressautée, alors que son regard blessé m'affrontait.
— Parce que j'avais confiance en toi, et je pensais que tu avais une bonne raison pour ne pas venir...
Un rire jaune roula dans sa gorge pour me percuter de plein fouet, et je ressentis cela comme une claque. Des sueurs froides perlèrent le long de ma nuque avant que je ne baisse les yeux, honteuse, ne supportant plus son regard brillant de tristesse. De déception.
Oui, j'avais déçu un Humain, moi qui avais toujours eu envie de les protéger et de leur donner le sourire.
J'avais blessé un ami.
— J'ai mis du temps à me faire à l'idée que tu ne viendrais pas, et ça a été dur de me dire que tu m'avais simplement mis un lapin.
Un frisson longea mon échine et mon estomac se tordit. Je relevai avec rapidité le nez vers lui pour chercher ses yeux, et je secouai la tête.
— Non, je... Excuse-moi, Axel. Je voulais vraiment venir te voir... Seulement, j'ai eu un empêchement. J'avais mes raisons...
— Ah oui ? s'enquit-il dans un rire jaune. Et c'est quoi l'excuse, cette fois ? Cherche bien, car la dernière fois, ton mensonge était nul.
Je me mordis les lèvres en retenant un flot de paroles hésitant. Mais à quoi bon ? Je n'avais aucune excuse valable, du moins, elles ne l'étaient pas pour un Humain. Je ne pouvais pas lui dire la vérité... Il ne me prendrait pas au sérieux.
Mon sang frappant mes tempes, je n'entendis pas Axel s'approcher de moi. Il se pencha un peu pour ancrer ses yeux bruns dans les miens, et mon souffle se coupa en y lisant de l'amertume.
— C'est bien ce que je pensais, siffla-t-il.
— Je ne peux pas en parler, Axel, parvins-je à dire.
Ses traits affichèrent un air agacé, et il siffla de mécontentement, vexé. Je déglutis en ignorant la honte qui ne cessait de me dévorer.
— C'est personnel, ajoutai-je à voix basse. Tu peux le comprendre, n'est-ce pas ? Tu as certainement eu des problèmes à régler, toi aussi, des problèmes dont tu n'avais pas la force d'en parler...
L'étudiant s'adoucit un peu suite à mes dires, alors j'en profitai pour continuer :
— Nous avons tous notre jardin secret, d'une certaine manière, des choses qui nous tourmentent sans qu'on ne puisse le dire à voix haute. Il est difficile de tout dévoiler à notre sujet.
Ses sourcils se froncèrent alors que je me détournais, écrasée par son regard brillant d'un drôle d'éclat. Qui voulais-je leurrer, en tenant ce discours ? J'étais le genre de personne qui cherchait à faire parler les autres, à percer leurs secrets, en pensant que cela leur permettrait de voir leur cœur s'alléger... Pourquoi forcer un coffret, mis à part lui faire perdre de sa valeur en lui retirant ce qu'il renfermait ? C'était son contenu, qui lui donnait de l'importance. Une fois qu'on l'avait ouvert pour découvrir ce qu'il cachait, on se débarrassait de lui.
N'était-ce pas les non-dits qui faisaient d'une personne ce qu'elle était ?
— Je comprends que tu m'en veuilles, Axel, mais sache que lorsque je te dis que je suis désolée, je suis sincère.
Il ne dit rien. Devant sa mine indéchiffrable, je compris que mes paroles n'avaient pas eu leur effet escompté. J'étais déçue qu'il m'en veuille toujours, mais au moins, je lui avais dit ce que j'avais sur le cœur.
— Voilà, murmurai-je. En espérant que tu passeras à autre chose, Axel.
Je reculai avant de lui tourner le dos, les muscles raidis et la gorge serrée. Lorsqu'un léger courant d'air souffla sur ma joue pour m'arracher un frisson, je tournai le nez pour croiser le regard brillant de Brooke.
Son corps vaporeux étincela, vacilla, quand ses lèvres s'ouvrirent pour laisser un seul mot s'en échapper :
« Wrashar. »
Encore cet étrange mot... Mais que signifiait-il donc ?
Brooke lança un coup d'œil affolé autour d'elle, contempla l'Humain qui se trouvait dans mon dos, et avant que je ne puisse réagir, elle disparut. Surprise par son apparition soudaine, je clignai des paupières avant de regarder Axel par-dessus mon épaule.
— Est-ce que ça va, Elora ? Tu es toute pâle, me fit-il remarquer, méfiant.
La voix profonde et rauque d'Eytan fit écho dans mon crâne et intensifia ma perplexité. Malgré mes oreilles sifflantes, j'entendis un bruit de pas s'approcher, se mêlant aux propos du Démon :
« La partie peut commencer, Elora. »
Un flot de sentiments contradictoires se déversa dans ma poitrine. J'ignorai mes jambes devenues coton et retins un juron entre mes dents serrées, déstabilisée par la voix d'Eytan, ainsi que les paroles de Brooke.
— Axel ? Je...
Le nouvel arrivant se tut et écarquilla les yeux en m'apercevant. En reconnaissant James, mon sang cogna violement dans ma poitrine. Il blêmit devant mon air meurtrier et lança un coup d'œil à Axel qui m'observait sans mot dire, toujours perplexe quant à mon comportement.
Une légère tension m'écrasa de son poids. Je pris une profonde inspiration pour calmer mes nerfs et reculai en ignorant les deux hommes, et je m'éloignai avant que la voix de James ne claque dans mon dos, semblable à un coup de fouet :
— Je ne regrette pas mes agissements avec Brooke. Elle était inutile à mes yeux. Et qu'elle en vienne à l'acte était le meilleur choix qu'elle ait pu faire.
La haine monta en flèche et se déversa comme de la lave dans mes veines. D'un geste agacé, je pivotai vers lui avant de m'avancer, la mâchoire crispée. Mon poing s'abattit contre son visage, et la vision assombrie, je m'apprêtai à frapper encore, mais un rire mauvais lui échappa. Stupéfaite, je le dévisageai, troublée par son aura. Il se massa la mâchoire en me toisant avec amertume, un éclat malveillant étincelant dans ses iris.
— Mais tu ne peux pas le comprendre, Elora. Elle est peut-être morte, mais grâce à elle, ma vie a changé, reprit-il en ancrant ses yeux dans les miens.
Un sifflement de fureur traversa ma bouche asséchée tant la rage qui me dévorait était forte, prête à imploser, mais je l'étouffai en expirant profondément. Je ne pouvais pas lui faire du mal... James rit encore, sous le regard suspicieux d'Axel qui ne prononça pas un mot, l'air perdu.
Comment pouvait-il tenir un discours pareil ? Comment était-il possible de cracher son venin sur une personne qui aurait tout fait pour devenir notre remède ? Brooke aurait été prête à tout pour James, et lui, il ne lui accordait aucun respect. Il en allait même jusqu'à déshonorer sa mort.
Soudain, les ténèbres dévorèrent les yeux de James, ainsi que ses sclérotiques. Je m'empressai de reculer, le souffle court et le cœur serré.
Pas encore.
Avant que je ne réagisse, un appendice déchira son dos dans un gargouillis et fonça dans ma direction. Je me protégeai à l'aide de mes bras, et un violent coup me fit glisser en arrière dans un nuage de poussière. Je calai mes talons contre le sol pour me tenir droite, et de la fumée s'infiltra dans ma gorge jusqu'à mes poumons. Je toussotai, encore sonnée par ce que je venais de voir.
James en était lui, lui aussi.
Il était aussi devenu un monstre.
Évidemment qu'il en était devenu un, Laurie m'avait dit qu'il avait disparu quelque temps, et lorsque je l'avais revu, je l'avais trouvé différent... Pourquoi ne m'étais-je pas méfiée davantage ? Pourquoi, diable, n'avais-je pas écouté davantage mon intuition ?
— Grâce à elle, je suis devenu bien plus puissant, reprit-il en sifflant.
Sa langue fourchue claqua dans l'air et ses lèvres s'ourlèrent pour former un rictus qui m'inspira du dégoût. Prête à lui faire face, je lançai un coup d'œil inquiet à Axel qui semblait sous le choc, tétanisé, les yeux arrondis.
— Axel, éloigne-toi ! m'écriai-je.
Mais James envoya son appendice à nouveau sur moi. Je l'évitai en hésitant. Axel était présent, et il risquait de se faire attaquer, si je n'en finissais pas vite avec mon adversaire. Mais pouvais-je me permettre de me dévoiler comme j'étais vraiment ?
Lorsque le monstre émit un grognement rauque et que ses membres se mirent à tressauter, je me décidai. Je n'avais pas le choix. Pas le temps. Et, au pire des cas, la mémoire d'Axel pourrait toujours être modifiée...
Une lueur azurée m'enveloppa pour aveugler les deux hommes. Mes ailes se déployèrent dans une bourrasque, et je levai la main pour que mon épée se matérialise. Je l'empoignai en toisant James, la mine sombre, encore perplexe quant à sa métamorphose.
— Très bien, James, grinçai-je en cachant mon trouble, tu es devenu plus fort grâce à Brooke ? On va voir ça.
Et je m'élançai vers lui pour m'interposer entre ce monstre et Axel qui était devenu aussi pâle que la mort.
Bonjour les moches ! 🥰
Encore un chapitre en quelques jours à peine ! J'espère qu'il a plu ! 😉
Alors, qu'en avez-vous pensé ?Des avis par rapport à Axel et Elora ? La fin du chapitre ? La fameuse phrase ? Pourquoi Eytan n'est pas venu ? Des théories ? 😶
Je veux touuuuuut savoir ! Lâchez-vous et n'hésitez pas à harceler ! 😋
Bisous ! ❤️
~Chapitre revu~
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