Chapitre 3

« Le présent était trop souvent oublié. Les humains s'inquiétaient seulement d'un moment qui n'était devenu qu'un lointain souvenir, ou d'un futur qui ne viendrait jamais. »

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Les astres brillaient. Les étoiles se défiaient : laquelle illuminerait le plus le ciel ? C'était un magnifique spectacle. La lune pleine resplendissait, si loin pourtant.

Les astres me fascinaient. Malgré les nombreuses recherches, il y avait encore tant de mystère dans cet univers. Même les êtres surnaturels tels que moi ne connaissions pas tous les secrets du monde.

Et Dieu seul savait qu'il y en avait beaucoup.

Assise en attendant Tyler, je me défaisais de ce monde qui n'était pas le mien. Un monde bien plus proche de l'enfer que du paradis. Et, en observant ce ciel, j'oubliais mes tracas de tous les jours. Je profitais simplement.

Les Hommes oubliaient souvent de vivre le présent. Ils s'inquiétaient d'un moment qui n'était devenu qu'un lointain souvenir en un las de seconde, ou d'un futur qui ne viendrait jamais. Ils perdaient du temps à s'interroger, à appréhender, et oubliaient de profiter. Aucune certitude de voir un lendemain. Alors pourquoi ne pas vivre au jour le jour ?

Enfin, je n'étais pas mieux. Je me focalisais constamment sur mon passé, sur mes souvenirs, et je finissais par regretter de ne pas en avoir profité davantage. Mais en faisant ça, j'oubliais de vivre l'instant T.

Mon sang se figea lorsqu'un bruit sinistre résonna à mes oreilles, semblable à un hurlement. De nombreuses ombres noires s'envolèrent pour quitter un arbre desséché en poussant des croassements.

Des corbeaux.

Leurs ailes battirent en synchronisation pour se joindre aux battements frénétiques de mon cœur. Tous volèrent dans des directions opposées, s'éparpillant dans le ciel pour le teinter de nuances couleur encre.

Ma raison me chuchota que leur envol annonçait quelque chose de terrible.

Troublée, je me relevai, la sueur dévalant ma nuque. Les corbeaux m'effrayaient. Parfois, des Démons prenaient cet aspect pour passer inaperçus aux yeux des Humains. Pourtant, beaucoup ressentaient un malaise en voyant ces volatiles, car dans diverses légendes, ces oiseaux présageaient la mort.

Un croassement rauque me fit sursauter. J'aperçus un corbeau m'observer, et face à ses yeux d'un bleu étincelant, je me figeai net. Quand il croassa encore, je reculai d'un pas. Ses plumes noires luisaient sous les rayons de la lune, alors que ses impressionnantes serres agrippaient avec fermeté la branche sur laquelle il se tenait.

Les sueurs froides qui s'écoulèrent le long de mon échine intensifièrent mon malaise, et en sentant l'angoisse assombrir ma vision, je compris que ce n'était pas qu'un simple corbeau.
Tout dans mon être me le hurlait.

L'oiseau croassa sans détacher son regard de ma personne. J'avais l'impression que ses iris me transperçaient, sondaient mon âme. Quand il déploya ses grandes ailes, et qu'il fonça vers moi, je m'empressai de me protéger de visage à l'aide de mes bras en retenant mon souffle.

Au dernier moment, il plana au-dessus de moi en laissant ses serres frôler ma peau brûlante. Il s'éloigna en silence, me laissant seule, pantelante, assaillie par un effroi glaçant.

— Ah ! Enfin, je te trouve !

Autre sursaut. Tyler s'approcha de moi, tout sourire, mais face à mon teint livide, ses sourcils se froncèrent tandis que son air joyeux s'effaçait. Je croisai les bras contre ma poitrine en affichant une moue plus confiante, histoire de ne pas éveiller son inquiétude.

— Pourquoi voulais-tu que l'on se retrouve ici ? me demanda-t-il en me dévisageant encore. C'est désert, et il est tard. J'espère que c'est pour une raison intéressante !

Encore perturbée par le corbeau, je déglutis et chassai mes pensées sombres pour me recentrer sur mon ami.

— Bonsoir à toi aussi, Tyler. Je vais bien, merci. J'ai également passé une bonne journée, c'est gentil de demander.

Face à son sourcil arqué, je poursuivis, les épaules moins tendues :

— Fais-moi confiance, j'ai mes raisons.

— Est-ce lié à ton amie disparue ?

— En partie, oui...

Le visage de Brooke s'immisça dans mon esprit pour enserrer mon cœur. La dernière fois que je l'avais vue, c'était avant-hier, lorsqu'elle m'avait raconté que James lui avait craché des horreurs. Depuis, elle était introuvable. Ses amies n'avaient plus aucune nouvelle, et ça me rendait dingue.

Je ne savais plus où donner de la tête, entre sa disparition, et les meurtres qui s'accumulaient. Heureusement que Tyler était là pour mener l'enquête de son côté.

D'ailleurs, j'avais interrogé James au sujet de Brooke, et il m'avait appris que, comme moi, la dernière fois qu'il l'avait vue, c'était avant-hier. Il l'aurait aperçue en compagnie d'un homme. Mais visiblement troublé, il avait été incapable de me décrire le physique de cet inconnu.

Après ça, il m'avait demandé s'il avait encore ses chances avec elle. Il la regrettait, maintenant qu'elle était partie.

Pourquoi ne voyions-nous pas la valeur de quelqu'un avant de la perdre ? C'était étrange d'être indifférent à une personne, et l'aimer éperdument une fois qu'elle n'était plus là. Comment s'en remettre ? Comment combler le vide qu'elle nous laissait quand on savait que, présente, elle s'efforçait de la remplir sans même que l'on s'en aperçoive ? Lorsqu'elle était prête à nous offrir le monde, et ce même si nous ne parvenions pas à lui donner la moindre chose ?

Plus amère à cause de ces pensées, je menai le pas en m'attardant sur cette étendue verdoyante, l'odeur de la terre s'infiltrant dans mes narines. Il n'y avait rien, ici, pas même une maison.

Mais si j'avais demandé à Tyler de me rejoindre, c'était parce que j'avais fait un rêve. Encore une fois. Et cette fois, j'y avais vu Brooke au cœur d'un pré, inconsciente.

Ou morte, me souffla mon cœur.

Tyler me dévisagea avec perplexité, et après quelques minutes de marche, sans trouver un quelconque indice, je soufflai de lassitude. Les ténèbres régnaient en maître autour de nous, comme elles régnaient dans mon cœur.

Je ne pouvais pas abandonner Brooke. Je me devais de la retrouver. Peut-être, qu'après tout, elle allait bien ? Qu'elle avait décidé de s'isoler quelques jours pour se recentrer sur elle ? Que mon songe ne signifiait rien ?

Malgré mes pensées se voulant rassurantes, ma gorge se noua. Si ce rêve n'avait aucun sens, cela signifiait que mon Fêkir, mon donné inné, m'abandonnait. Que mes prémonitions n'étaient plus que des vagues images irrationnelles.

Le chagrin qui s'apprêtait à enserrer ses griffes dans ma poitrine s'amusa de ma peine, prêt à m'aveugler de souvenirs que je ne voulais pas affronter, à me noyer de regrets.

— Oh, qu'est-ce que c'est ? s'exclama mon ami.

Un bijou.

Il me disait quelque chose...

Le pendentif, une croix noire, se voyait ressorti par le col en dentelle.

— Quelqu'un a dû le perdre en venant ici, conclut Tyler.

Quelle perspicacité, me moquai-je intérieurement, mauvaise.

J'étais tellement angoissée que mon humeur se voyait assombrie. Impossible pour moi de me détendre tant que Brooke ne serait pas retrouvée.

— Est-ce qu'il te dit un truc ? m'interrogea-t-il face à mon regard lourd.

Hésitante, je saisis le collier. Ma vision se noircit brusquement, alors que mon souffle se coupa avec violence, comme si on m'avait asséné un coup. Mon sang se glaça dans mes veines, alimenté par un sentiment de malaise. Des sueurs froides perlèrent le long de mon front, et ma tête s'alourdit.

Que... Que se passait-il ?

— Tyler ? l'appelai-je.

Puis je regardai autour de moi, la gorge sèche. Tyler n'était pas là. Il n'y avait personne.

Mes membres se mirent à trembler avant que ma raison ne me hurle de m'enfuir. Mes fibres nerveuses s'agitaient en me sonnant de faire quelque chose. Le danger régnait.

Mais comment pouvais-je m'échapper ? J'amorçai un pas, et un sanglot déchira ce silence de mort. Je me tournai, dans l'espoir de percevoir quelque chose, les mains tremblotantes.

Un coin, plus lumineux, attira mon attention, comme si des rayons perçaient la noirceur omniprésente. Je plissai les yeux de méfiance, puis perçus une silhouette en son sein, baignée de cette chaleur bienvenue, pleurant à chaudes larmes.

Boum. Boum.

Mon cœur accompagna ses sanglots. Le monde sembla tourner en ralenti, alors que je reconnaissais Brooke, le visage baigné de larmes, ses yeux s'agitant.

— Brooke ! m'exclamai-je.

Mais elle ne réagit pas lorsque j'accourus vers elle avec hâte. Elle ne leva même pas le nez vers moi. Inquiète, je posai ma main sur son épaule, mais elle la traversa. L'effroi me submergea à nouveau. J'étais tel un fantôme. Ici, je n'existais pas.

Comme si je n'étais qu'une âme...

Je remarquai le collier en dentelle pendu à son cou, et je compris : ce n'était pas dans le présent.

C'était un souvenir.

Les mains posées contre sa poitrine, elle hurlait de douleur, mais pourtant, aucune blessure physique ne recouvrait son corps tremblant. Son teint blême ressortait ses prunelles brunes et larmoyantes, rougies par les larmes. Ses joues noircissaient à cause de son maquillage, et ses cheveux châtains retombaient négligemment devant son visage déformé par le chagrin. Ses pleurs brisaient ce silence effrayant, mais également mon cœur.

— Tu... Tu ne peux pas comprendre ! hurla-t-elle en posant son regard sur un point fixe. C'est la pire des douleurs !

Elle inspira avec peine pour ravaler ses larmes. Devant ses traits ravagés par la tristesse, je me sentis plus lourde, écrasée par une forte émotion. Tout le chagrin du monde semblait s'être formé dans son cœur meurtri.

Impossible d'ignorer les tremblements de sa voix, ni l'éclat détruit au fond de ses yeux. Comment être sourde aux supplices d'une personne brisée hurlant son désespoir ?

— Et le pire, c'est que je sais que ça n'ira jamais mieux ! Jamais, je n'irais mieux ! ajouta-t-elle avant que sa voix ne se brise. Pourquoi est-ce que la souffrance ne me quitte-t-elle jamais ? Pourquoi les choses mauvaises s'accumulent sans cesse ? Quand serais-je enfin tranquille ? Ai-je fait quelque chose de mal pour subir tout ça ?

Elle renifla et poursuivit :

— Pourquoi, même quand je suis déjà à terre, quelque chose d'autre vient m'écraser, comme si on espérait m'achever ? ...

Ses paupières se fermèrent. D'autres larmes s'écoulèrent le long de ses joues déjà noircies, et à cet instant, elle me rappela une âme errante, bousillée par la vie. Mais n'était-ce pas le cas, au final ? Ne s'était-elle pas vue se faire piétiner plus d'une fois ?

Son armure était trop abîmée pour tenir. Brooke, face à moi, semblait rendre les armes.

— Je n'en peux plus ! sanglota-t-elle. Je suis épuisée ! Vidée ! Je ne ressens plus qu'un énorme trou, ici...

Ses doigts tremblants se posèrent contre sa poitrine, qu'elle tapota en avalant avec peine sa salive. Le souffle du vent s'éleva, comme pour lui apporter une réponse. Surprise, je pivotai. D'où pouvait-il provenir ?

— Quand est-ce que toute cette souffrance cessera ? pleura-t-elle. Je ne suis pas assez courageuse pour en finir... Je... J'ai si mal... Je veux que ça s'arrête. Je ne veux plus ressentir ce vide. J'ai peur. J'ai peur...

Elle tendit les bras, comme si elle attendait qu'on vienne lui arracher le cœur. Comme si elle suppliait quelqu'un de venir l'achever. Je m'attardai sur ses bras couverts de cicatrices blanchâtres, et me sentis nauséeuse. Je savais, pourtant, qu'elle s'était déjà faite du mal, autrefois. Je le savais... Mais c'était si douloureux à voir.

Comment pouvais-je l'aider ? Comment ?

— Brooke, je suis là ! tentai-je.

Le souffle du vent s'éleva encore, moqueur. Mes jambes lourdes me permirent de m'approcher davantage de Brooke, avant qu'elle ne me coupe en ajoutant :

— J'ai besoin que l'on me sorte de là... J'ai besoin... J'ai besoin d'aide...

Sa voix se brisa, et ses sanglots reprirent. Elle plaqua ses mains devant son visage, dans l'espoir de cacher ses pleurs. De les étouffer.

Un mouvement me contraignit à me détourner de Brooke. Une silhouette finit par émerger de l'ombre alors qu'une tension pesante s'abattait sur nous. Elle était écrasante, malveillante. J'en suffoquais.

Une personne vêtue de noire, une capuche rabattue sur la tête pour cacher ses traits, s'avança d'un pas félin. Seuls deux lueurs ressortaient : ses yeux. Sa carrure musculeuse et sa haute stature me firent comprendre qu'il s'agissait probablement d'un homme. Il laissait dans son sillage une ombre prête à tout dévorer sur son passage.

Paralysée, je restai postée près de Brooke en cherchant à distinguer son visage. Mais c'était peine perdue. Plus encore en sachant que rien de tout ça n'était réel. Du moins, à l'heure actuelle.

De plus, il m'était impossible de voir l'aura de cet inconnu. Même si ce n'était pas la peine, à en juger par cette ombre qui lui collait à la peau.

Il n'avait rien d'Humain.

L'homme s'arrêta devant la jeune femme sans dire un mot. Ses doigts frôlèrent sa joue avant qu'ils ne redescendent jusqu'à son menton, qu'il pressa pour qu'elle relève le visage vers lui. J'aperçus Brooke entrouvrir les lèvres, son regard se rivant sur les deux étincelles flamboyantes qu'étaient les yeux de l'inconnu.

— Moi... sa voix mit court à ce silence. Moi, je peux t'aider.

Sa voix m'arracha un frisson. L'Humaine, comme happée par l'inconnu, semblait hypnotisée. Ensorcelée.

Impuissante, j'observai la scène, les jambes lourdes, écrasée par cette tension pesante. Pourquoi ressentais-je tant de malaise ? Qui était-il pour me provoquer tant d'inquiétude ? 

Mon cœur sembla s'arrêter quand l'homme tourna le visage vers moi, et je perçus l'ombre d'un sourire sur son visage.

— Elora ! hurla une voix.

Sous le choc, je clignai des paupières en inspirant une grande bouffée d'oxygène, le tête lourde et le sang glacé. Je m'empressai de scruter les alentours pour constater que j'étais de retour dans la réalité. Mes épaules se firent moins tendues à cette constatation, mais l'inquiétude pourtant, persévéra.

— Elora ! m'interpella encore Tyler en me secouant.

Une grimace finit par déformer mes traits en sentant ses doigts s'enfoncer dans mes épaules. Ses yeux agités me détaillèrent, quand son visage se voyait dévorait par l'inquiétude. Je l'aperçus relever l'une de ses mains pour m'asséner un coup, et je m'empressai d'arrêter son geste, surprise.

— Pas la peine ! parvins-je à dire, la bouche pâteuse.

— Bordel, tu m'as fait peur ! s'écria-t-il. Qu'est-ce que t'as eu ? T'étais immobile. On aurait dit une possédée !

Encore sonnée, je ne parvins pas à lui répondre de suite. Une migraine lancina mon crâne et m'aveugla un instant. Tyler souffla de soulagement et tâta mon visage en me détaillant.

— Est-ce que ça va ?

— C'était..., parvins-je à balbutier. C'était... Terrifiant.

Ses sourcils se froncèrent alors qu'il reculait pour me laisser de l'espace. Je finis par m'armer de courage et lui expliquai ce que j'avais vu. Que Brooke s'adressait à un homme. Homme qui m'avait aperçue, j'aurais juré voir un sourire quand son regard avait croisé le mien.

En repensant à ses iris luisants et sa voix malicieuse, menaçante, je blêmis. Tyler, choqué par mes révélations, passa une main dans ses cheveux.

— Tu penses que tu as eu une vision ?

— Je ne sais pas. J'en ai plus eu depuis longtemps... Je...

Je m'interrompis et, Tyler, en comprenant, n'insista pas. Il se contenta de hocher la tête. Non sans peine, je repoussai mes pensées, le corps animé d'un lourd chagrin.

Mon Fêkir me permettait encore de faire des rêves prémonitoires, mais je n'avais plus eu de visions depuis si longtemps. Et je savais que mes songes connaîtraient probablement le même sort.

Oui. Mon donné inné commençait à s'essouffler, et ça me terrifiait.

— Est-il possible que l'homme que tu as vu aies prévu le coup ? m'interrogea mon ami. Tu as assisté à une conversation qui a eu lieu dans le passé, étant donné que, d'après tes dires, Brooke portait encore son collier. Peut-il avoir fait en sorte que tu aies cette vision en touchant le bijou ?

Ma migraine s'intensifia. Les pièces du puzzle se rassemblèrent alors que je gardais le silence. Brooke m'avait raconté qu'un homme lui avait remonté le moral et, coïncidence ou non, j'avais aperçu un inconnu avec elle lors de cette drôle de vision.

Mais qui pouvait-il être ? Un Démon ? Autre chose ? Et que voulait-il de Brooke ?

Il prétendait vouloir l'aider, mais il était évident qu'il ne lui voulait pas du bien...

— Tyler, il faut qu'on retrouve Brooke, et vite ! me hâtai-je de lui dire.

Face à mes traits inquiets, il entrouvrit la bouche, mais j'ajoutai d'une voix blanche :

— Elle est en danger !

Bonsoir ! Voici le chapitre 3 ❤️

Donnez-moi vos avis ! Que pensez-vous de Nathan ? Du type de la vision ?

Lâchez vos commentaires :D bonne soirée ! 😘

~Chapitre revu~

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