Chapitre 2


- Si vous le voulez bien, je vais vous faire visiter l'ensemble des locaux, dit Finch.


Ils se levèrent et gagnèrent le couloir.

L'essentiel des services de l'administration du centre pénitentiaire jouxtait le bureau du directeur.

Comme l'avait indiqué celui-ci, le personnel était composé exclusivement d'hommes, que Finch présenta un à un à David.

L'ambiance ne semblait pas plus gaie que cela mais David eut le sentiment qu'il s'agissait de bons professionnels.

De toute évidence, personne ne semblait être là pour rigoler et, après tout, le sérieux était bien ce qui comptait avant toute autre chose dans ce genre d'endroit, se dit-il.

La visite des bureaux terminée, ils prirent le couloir en sens inverse et, accompagnés de Vince, le gardien-chef, ils repassèrent devant le bureau du directeur pour arriver à une nouvelle porte barreaudée.


- A partir d'ici, nous pénétrons dans l'enceinte de détention, dit Finch pendant que le gardien-chef ouvrait la porte. La règle est stricte : aucun membre du personnel ne doit franchir ce seuil seul. Il faut être deux au minimum, et cela vaut pour vous, David.

- A fortiori pour vous dirais-je même, Monsieur le directeur, rajouta le gardien-chef en levant l'index en l'air à l'intention de David.


Ils parcoururent une vingtaine de mètres avant d'arriver de nouveau à une porte semblable à la précédente, devant laquelle se trouvait un guichet avec deux hommes armés.

Finch les présenta à David, pendant que le gardien-chef leur confiait son pistolet, gardant à sa ceinture une énorme matraque et une paire de menottes, puis il expliqua à David :

- Pas d'armes à feu dans l'enceinte. Si les détenus venaient à s'en emparer...

- Je comprends, dit David.


Il comprenait surtout pourquoi, pour la plupart, les gardiens étaient taillés comme des colosses : en cas d'altercation, ils ne pouvaient compter que sur leur force physique et sur la matraque.

Ils arrivèrent dans une sorte de bloc composé d'un couloir très large et, sur la gauche, d'une série de cellules fermées par des portes munies d'épais barreaux et de serrures impressionnantes.

On devinait que c'était à dessein que le couloir avait une telle largeur : même en marchant au milieu, on se trouvait à deux bons mètres des portes des cellules, à l'abri de toute éventuelle agression perpétrée à travers les barreaux.

Les cellules, assez vastes, comprenaient un lit qui semblait solidaire du mur, une espèce de petit bureau encastré lui aussi dans la paroi, une chaise, un lavabo et un coin avec des toilettes.

Elles donnaient chacune sur l'extérieur, du moins sur la cour intérieure de l'établissement, par l'intermédiaire d'une fenêtre fortement grillagée.


A chaque bout du bloc se trouvait un bureau avec un gardien.

Le premier, vers l'entrée, se leva dès qu'il les vit et salua d'une façon vaguement militaire. Il écoutait la radio sur un transistor dont tout le monde profitait et se hâta de baisser le son.


- Dans ce bloc se trouvent les 10 détenus purgeant des peines de perpétuité. Ils prennent les repas dans leur cellule et sortent une heure par jour pour la promenade dans la cour ainsi que deux autres fois par semaine pour la douche. Voici M. Kinley, un de nos plus anciens pensionnaires, poursuivit Finch devant la première cellule.

Le dénommé Kinley, un noir assez chétif qui semblait âgé d'une soixantaine d'années, s'approcha de la porte et, passant le bras à travers les barreaux, tendit la main.

David regarda Finch qui lui fit un signe à peine perceptible signifiant qu'il ne risquait rien.

Il remarqua, tout en serrant la main de l'homme, que le gardien-chef avait cependant posé le poing sur sa matraque, comme négligemment...


- Bonjour, je suis David Chessman, le nouveau directeur, dit-il.

- Enchanté de faire votre connaissance, dit l'homme en arborant un sourire édenté, même si on dit ici que vous êtes une belle peau de vache !


Finch se rembrunit et toussota.

- Comment cela ? demanda David. Qui peut dire que je suis une peau de vache alors qu'on ne m'a encore jamais vu et qu'on ne me connaît pas dans l'administration pénitentiaire puisque c'est mon premier poste ?

- Les bruits circulent vite, dit le noir en riant. Mais vous n'avez pas l'air d'un trou du cul, et je les reconnais à cent mètres, moi, les trous du cul.

- Kinley, ça suffit ! coupa Finch. Ne manquez pas de respect sinon c'est 8 jours de mitard !

- Eh oh, je ne manque pas de respect en disant au nouveau directeur qu'il n'a pas l'air d'un trou du cul, protesta l'homme.


Finch secoua la tête de droite et de gauche en levant les yeux au ciel. Il fit un signe à David et ils continuèrent la visite.

- Ne prêtez pas attention à ses propos, il raconte toujours des bobards dans ce genre. C'est un provocateur né. Et un conseil, si je puis me permettre : ne dites pas aux détenus que c'est votre premier poste de directeur, ça n'aidera pas à ce que l'on vous respecte, lui chuchota Finch pendant qu'ils passaient devant les cellules.


Ils échangèrent quelques mots assez neutres avec la plupart des prisonniers à l'exception d'un qui dormait et d'un autre qui lisait et n'avait de toute évidence pas envie de quitter son roman.

Le gardien-chef ouvrit une nouvelle porte et ils se retrouvèrent dans un autre bloc, bâti sur le même modèle que le premier mais nettement plus grand.


- Il n'a pas l'air bien méchant ce Kinley, dit David. Vous dites qu'il cherchait à me provoquer ?

- Oui, disons plutôt à vous tester. Ils passent leur temps à ça. D'habitude, il ne serre pas la main, vous savez. Là, il vous a tendu le bras uniquement pour voir si vous oseriez prendre le risque qu'il vous agrippe.

- Oui ? Il est assez âgé et malingre...

- Ne vous fiez jamais à cela, David. Vince, mettez M. Chessman au courant de la raison pour laquelle Kinley est emprisonné ici, je vous prie, dit Finch en s'adressant au gardien-chef.

- Il a décapité sa femme et ses trois gosses avec une hache parce qu'elle avait dit que s'il continuait à boire elle le quitterait. Ensuite il a pris sa voiture, est allé chez ses beaux parents et les a froidement massacrés tous les deux avec la même hache. Quand on l'a arrêté, il a tiré sur les policiers avec un revolver et a abattu un jeune flic de 25 ans marié et père de deux enfants. Il a été condamné à mort trois fois et finalement, allez comprendre, sa peine a été commuée en perpétuité. Il a plaidé coupable et a tout avoué.


David pâlit et avala sa salive.

Finch ne le quittait pas des yeux, épiant l'effet que pouvait faire un tel récit sur ce blanc-bec se réclamant apprenti criminologue.


Buvant du petit lait, il dit suavement :

- Nous voici maintenant dans le couloir de la mort.


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