Chapitre 4 : Une entrevue de taille

Hermann sortit du bureau de sa sœur comme une furie pour rejoindre le sien mais la pièce était déserte.

Keyra brillait par son absence. Immédiatement, Hermann appela mademoiselle Vianney pour lui demander où est-ce qu'elle se trouvait. Celle-ci l'informa qu'elle avait quittée l'agence peu après qu'il soit allé voir Angela, et sans dire où elle allait.

Keyra descendit du taxi qu'elle avait emprunté et régla la course. Ses yeux se posèrent immédiatement sur un grand building avec pour inscription en lettres dorées Salon de thé. Sans plus tarder, elle entra dans la bâtisse et chercha des yeux la raison de sa présence dans ce restaurant. Monsieur Enoh, principal fournisseur de M.Design. Ne l'ayant jamais vu auparavant, Keyra s'adressa à un serveur qui passait par là et lui demanda la table réservé au nom de Monsieur Enoh. Ce dernier l'accompagna à ladite table avant de retourner à ses occupations. Keyra salua l'homme qui se trouvait en face d'elle.

— Monsieur Enoh ?

Le concerné la regarda un instant et s'écria.

— Mademoiselle Tancey ?

Keyra lui sourit avant d'ajouter.

— Oui c'est bien moi. Bonjour monsieur, je viens de la part de monsieur Mensah. Je suis son assistante.

Monsieur Enoh se leva pour la saluer. C'était un homme dans la quarantaine environ, de taille moyenne, un peu rondelet et dont les traits du visage témoignaient de son entrain et sa joie de vivre. Son ensemble costume pagne de couleur vert pâle lui allait parfaitement et sa calvitie naissante n'enlevait tout de même rien à son charme. Il passa de l'autre côté de la table et lui tira la chaise.

— Je m'imaginais à votre voix au téléphone que vous étiez belle mais je me rends compte que j'avais tort. Vous êtes une vraie déesse. Un Apollon au féminin.

Keyra se mit à rire en entendant ces paroles. Il était vraiment sympathique mais ce n'était pas la raison pour laquelle ils se trouvaient tous les deux à cette table et elle lui en fit part poliment.

— Merci pour vos compliments monsieur, mais j'aimerais qu'on se concentre sur la raison de notre rencontre.

— Bien entendu. Et je pense qu'on devrait se passer des vous. On sera beaucoup plus à l'aise en se parlant de manière familière.

— Ça me va, répondit-elle en souriant légèrement.

Victor Enoh opina du chef et appela le serveur que Keyra avait rencontré plutôt quand elle le cherchait. Il passa les commandes et ils se mirent à discuter du problème qui les réunissait en ce lieu.

Près d'une trentaine de minutes plus tard, après avoir énormément discuté, monsieur Enoh avait compris que la rumeur selon laquelle M.Design était en faillite provenait de leurs concurrents directs KHAMA Fashion. En fait il s'était retiré pour ne pas avoir à subir de pertes mais après les maintes explications de Keyra, il était revenu sur sa décision. E.Prod était de retour à la table pour le plus grand soulagement de Keyra et l'agence toute entière par la même occasion.

À la fin de leur entrevue, Victor l'avait invité à passer du temps ensemble dans un cadre autre que le travail mais elle avait décliné poliment son offre avec pour prétexte un emploi du temps super chargé. De plus, elle avait remarqué les traces de l'alliance sur son annulaire. Il l'avait sûrement retiré pour des motifs qui ne la concernait point.

Keyra s'empressa de prendre un taxi pour retourner à l'agence. Monsieur Mensah avait sûrement dû demander de ses nouvelles. Les nombreux appels manqués affichés sur le répertoire téléphonique le confirmaient. Elle avait complètement oublié d'informer mademoiselle Vianney avant de partir pour le rendez-vous et allait très certainement en payer les frais connaissant le tempérament de son patron.

***

— Keyra ? l'interpella Stéphanie dès qu'elle mit pied dans l'agence. Monsieur Mensah t'attends dans son bureau. Il t'a demandé plusieurs fois mais impossible de te joindre, je pense qu'il est en colère.

— Merci de m'en avoir informé Phanie, j'y vais de ce pas, répondit Keyra après que la réceptionniste l'eût informé de ce qu'elle savait déjà.

Elle prit les escaliers en direction du bureau de son patron. Bien que ce soit un supplice pour ses pieds, elle préférait ça plutôt que de prendre les ascenseurs. Arrivée devant le bureau, Keyra frappa trois coups à la porte comme à son habitude. Aucune réponse ne lui parvint. Elle réitéra son geste mais toujours rien.

Il a sûrement dû avoir une réunion d'urgence, c'est peut-être la raison pour laquelle il m'a autant appelée, se dit Keyra.

Elle ouvrit prudemment la porte et avança d'abord son visage. La pièce était déserte. Il n'y était vraiment pas. Keyra entra et se mit à travailler. Dès qu'elle avait un peu de temps libre, elle en profitait pour se concentrer sur la tâche qui lui avait été confiée dès le premier jour de son embauche. La date butoir était encore un peu loin mais elle préférait ne pas prendre de risque.

Concentrée sur son travail, elle n'avait pas entendu les pas de monsieur Mensah dans le couloir. Lorsque la porte du bureau s'ouvrit brutalement, Keyra sursauta et rencontra les iris noirs de colère de son patron.

— Où étais-tu ? lança-t-il sur un ton furibond.

Keyra ouvrit la bouche pour répondre mais fut vite interrompue par la voix de son patron.

— Tu penses que l'agence est un moulin et que tu peux y entrer et sortir à ta guise ? dit-il en haussant le ton. Pourquoi n'as-tu pas décroché mes appels ?

— Je...

— Ici, l'interrompit-il, ce n'est pas un endroit pour se pavaner n'importe où !

— Je le sais et je vous prie de m'excuser pour mon acte irresponsable, répondit Keyra. Mais la raison pour laquelle je suis sortie et que je n'ai pas pu prendre vos appels c'était parce que j'étais à un rendez-vous avec monsieur Enoh. Mon téléphone était sous silence et je...

Monsieur Mensah se mit à rire. Elle se fichait clairement de lui. C'était évident. Ses mâchoires se contractèrent pour marquer sa colère. Il la fixa durement avant de la plaquer violemment contre le mur. Keyra poussa un cri à cause de la douleur lorsqu'il empoigna fermement ses bras. Son regard s'était durcit.

— Tu me prends vraiment pour un idiot pas vrai? Tu ferais mieux de me dire où tu étais vraiment au lieu de mentir.

— Mais je vous dis la vérité. J'étais vraiment avec monsieur Enoh. Si vous ne me croyez pas, vous n'avez qu'à l'appeler pour vérifier.

Il la fixa pendant d'innombrables secondes comme s'il cherchait un quelconque indice.

— Depuis quand le connais-tu ? Ça ne fait que quatre jours que travailles ici.

— Justement hier, avant que vous ne me viriez de chez vous, j'avais découvert pourquoi les fournisseurs se retiraient tous l'un après l'autre. Seulement vous ne m'avez pas laissez parler. C'était en fait un coup de nos concurrents. Les gars de KHAMA Fashion.

La porte d'entrée s'ouvrit. Tous deux convergèrent leurs regards vers cet intrus. C'était Sandrine, l'une des assistantes d'Angela. Celle qui était au service recrutement. Hermann lâcha enfin Keyra et recula. Cette dernière pu souffler enfin.

— Comment oses-tu nous déranger ? Tu ne sais plus frapper aux portes avant d'entrer comme cela dans un bureau ?

— Excusez-moi mon... mon... Monsieur, bégaya-t-elle. Mais j'ai frappé à la porte et plus d'une fois. Je me suis dit que vous étiez peut-être..

— Épargne-moi tes sornettes et dis-moi plutôt pourquoi tu es là.

— Hum, c... c'est... c'est madame Sandey qui m'envoie chercher votre assistante, mademoiselle Tancey. Elle m'a dit que c'était urgent.

Keyra jeta un coup d'œil à son patron. Celui-ci donna son approbation d'un signe de la tête et elles sortirent du bureau. Seul, Hermann se mit à réfléchir à ce que Keyra lui avait dit à l'instant avant que Sandrine ne les interrompt. Il était vrai qu'elle avait voulu lui parler et qu'il l'avait rabrouée. Mais, qu'est-ce qui lui prouvait qu'elle était vraiment avec monsieur Enoh durant cette demie heure d'absence ? Et puis, comment ça se faisait qu'elle le connaisse ? Elle était nouvelle dans l'agence. Le téléphone fixe sonna, le tirant de sa réflexion interne.

— Allô ? fit-il.

— Allô, monsieur Mensah. C'est Victor à l'appareil.

— Ah Victor, comment vas-tu ?

— Je vais bien merci et toi?

— Je vais bien aussi merci. J'étais justement en train de songer à la manière dont tu t'es désisté de la commande.

— Hum, c'est justement pour ça que je t'appelle. À vrai dire, quand je me suis retiré je n'avais aucune intention de revenir. Mais ton assistante à réussi à me convaincre. En plus de son joli minois, elle a l'art oratoire. Bref, tu as bien fait de l'envoyer car E.Prod est de retour avec vous. Nous allons honorer la commande déjà effectuée.

Hermann fut pris au dépourvu. Ainsi, elle était vraiment allée le voir et avait même résolu le problème. Il l'avait blâmée à tort et il s'en rendait compte.

— J'en suis ravi, répondit Hermann sur un ton professionnel.

Il déposa le téléphone et alla s'asseoir derrière son bureau.

— Alors elle était vraiment en sa compagnie, murmura-t-il pour lui-même. Et hier quand elle m'a dit qu'elle avait trouvé, c'était de ça qu'elle parlait ?

Il soupira et ferma les yeux. Il l'avait accusée à tort certes, mais il ne comptait pas lui présenter ses excuses. Après tout, s'il s'était disputé avec sa sœur ce matin, c'était à cause d'elle.

***

À la fin de la journée, qui entre autre s'était à peu près bien déroulée, Keyra se rendit à la demeure de son patron pour récupérer son scooter et rendre le sweat qu'elle pensait appartenir à monsieur Nestor à ce dernier. Malgré le petit accrochage avec son patron, la journée s'était bien déroulée pour elle vu qu'elle avait réussi à faire revenir le plus important des fournisseurs de M.Design.

Pour le reste, ils disposaient d'assez de temps pour en rechercher d'autres et bien plus compétents que ceux qui s'en étaient allés. En fait, M.Design était une entreprise qui fabriquait elle-même ses articles à partir des matières premières que lui procuraient leurs fournisseurs. Outre la maison de production, l'agence était le centre même de M. Design car c'était là que les mannequins faisaient la promotion de leurs articles. Plus précisément des vêtements d'adultes. Hommes comme femmes. Cela faisait à peine cinq ans qu'ils étaient établis sur le marché mais ils jouissaient déjà d'une forte notoriété auprès des consommateurs. Ils avaient même une filiale à Bouaké, ville natale du PDG ce qui faisait qu'ils étaient connus aussi bien dans les grandes villes qu'à l'intérieur de la Côte d'Ivoire. Leur styliste était parmi l'un des meilleurs de ce pays mais manquait cruellement d'inspiration depuis quelques temps, ce qui rejaillissait entre autre sur l'agence.

Keyra avait pris soin de se renseigner sur l'agence. Et ce matin lorsque madame Sandey l'avait appelée, elle n'avait pas raté cette chance d'avoir plus amples informations. Une fois devant la demeure de son patron, Keyra sonna. Quelques instants plus tard, on vint lui ouvrir. Keyra entra et demanda au domestique qui lui avait ouvert où se trouvait monsieur Nestor. Ce dernier la conduisit jusqu'à l'arrière-cour où il faisait la toilette de Sly.

— Hum, bonsoir monsieur Nestor.

Le majordome se tourna vers elle et la salua aussi avant de lui demander si elle voulait voir monsieur Mensah vu que ce dernier était rentré un peu plus tôt. Keyra répondit par la négative et lui affirma qu'elle était venue le voir lui. Alors il délaissa ses occupations un instant et s'avança vers elle.

— Nestor vous écoute. Vous avez besoin de quelque chose ?

— Non pas du tout. Je voulais vous remercier de m'avoir prêté votre pull hier. Autrement j'aurais attrapé froid. Voici, je vous le rends, dit-elle en lui tendant l'habit soigneusement emballé.

— Ce n'est rien. Vous pouvez le garder. Par contre, vous avez oublié le vôtre ici. Attendez que Nestor aille le chercher.

— Mais je ne peux pas le garder.

— Nestor a beaucoup d'autres pulls mademoiselle. Vous pouvez le garder. Nestor reviens, il s'en va chercher votre sweat.

— Vous êtes vraiment gentil. Pas comme le patron.

— Monsieur Mensah est aussi gentil. Il a toujours été bon envers Nestor.

— Nous n'avons apparemment pas la même définition du mot gentil, marmonna-t-elle car il était déjà un peu loin pour l'entendre.

Peu de temps après, monsieur Nestor revint vers elle avec son vêtement et le lui tendit. Keyra l'en remercia encore une fois. Il retournait à ses occupations quand elle l'apostropha pour lui demander où se trouvait son scooter car elle ne l'avait pas vu en rentrant.

— Ah, monsieur a demandé à ce qu'on ramène le scooter chez vous. Le chauffeur l'a déjà fait. Ne vous inquiétez pas pour ça.

— Quoi ? s'exclama la jeune fille. Il vous a dit de la ramener chez moi ?

— Oui mademoiselle. Il y a un problème ?

— Où il est ? Où se trouve monsieur Mensah ? demanda-t-elle sur un ton colérique.

— Monsieur est dans son bureau privé mais Nestor ne comprends pas très bien ce qui se passe.

Keyra ne lui répondit pas et se dirigea vers l'entrée de la maison monsieur Nestor la suivant, essayant de la persuader de s'arrêter. Il ne l'avait pas annoncé et si elle débarquait ainsi, c'était lui qui en paierait les frais mais la demoiselle ne voulait rien entendre. Keyra entra comme une furie dans le bureau de son patron. Ce dernier fut surpris de la voir à son domicile.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ?

— Pourquoi vous avez fait ramener mon scooter chez moi sans m'en parler ? demanda-t-elle sans détour. Je vous avais pourtant bien demandé de ne rien faire de la sorte. Alors pourquoi ?

— En quoi est-ce mal que j'ai fait ramener ton engin ? Tu devrais plutôt me remercier au lieu de te plaindre, répliqua-t-il sur la défensive.

Nestor fit irruption à ce moment-là et regarda la dispute entre ces jeunes gens sans pour autant oser s'y mêler.

— Vous remerciez ? Pour quoi devrais-je vous remercier ? Vous n'avez faire que me pourrir ma journée. D'abord vous m'avez malmenée ce matin sans raison aucune mais je n'ai rien dit. Mais là, je vous avais simplement demandé de ne pas l'envoyer chez moi et vous avez fait exactement le contraire.

— Mais bon sang en quoi est-ce différent que je l'ai ramené chez toi ou que tu sois venue le chercher ? Cela revient au même.

— Ce n'est pas pareil du tout. Si je vous ais demandé de le laisser ici, c'est parce que j'ai mes raisons.

— Lesquelles ?

— Vous n'avez pas besoin de le savoir, dit-elle avant de lui tourner le dos pour s'en aller.

Il la regarda partir, le visage marqué par la surprise. Il la trouva étrange. Lui faire une scène juste parce qu'il avait voulu l'aider. Keyra s'en allait quand le majordome de son employeur l'arrêta.

— Mademoiselle, monsieur ne voulait que vous aider vous savez.

— Si c'était vraiment le cas monsieur Nestor, il aurait fait ce que je lui avais demandé.

— Monsieur Mensah n'est pas si méchant que vous voulez bien le croire. Hier soir, il a demandé à Nestor d'aller chercher l'un de ses pulls et vous le passer pour ne pas que vous attrapiez froid.

— Quoi ? Ce... ce pull lui appartient ?

— Oui mademoiselle. Monsieur s'inquiétait pour vous et avait peur que vous...

— S'il était autant inquiet que cela monsieur Nestor, le coupa-t-elle, il ne m'aurait pas réveillée en m'aspergeant.

Lorsqu'elle réalisa que le vêtement se trouvait toujours dans sa main, elle revint sur ses pas afin de le retourner à son véritable propriétaire. Sans dire un mot à son endroit, Keyra tendit le bras vers lui pour lui remettre le pull mais il ne bougea pas d'un poil. Il ne faisait que la fixer. Ses iris rencontrèrent ceux de la jeune fille. Il arqua un sourcil et la regarda, un sourire moqueur au coin des lèvres. Même si la situation était loin d'être drôle, il se délectait du plaisir de la voir si en colère pour des choses qui lui semblaient futiles. Réalisant qu'il ne prendrait pas le vêtement, Keyra prit sa main avec force et y déposa le pull avant d'ajouter

— Je n'ai pas besoin de vos faveurs. Je peux très bien me débrouiller toute seule. Je ne veux pas avoir à vous devoir. Vous comprenez ça ? dit-elle sur un ton ferme.

— Attends une minute ! lui lança-t-il alors qu'elle tournait les talons pour partir. Justement en parlant de ça, j'ai quelque chose pour toi.

Il se dirigea vers la table et ouvrit un classeur. Il en sortit un papier et le lui remit, son sourire moqueur toujours scotché aux lèvres. Keyra le fixa, les sourcils froncés pendant un moment avant de s'intéresser finalement au papier. C'était une facture. Elle comprit sur le champ ce qu'il voulait dire mais ses yeux faillirent sortir de leurs orbites quand elle vit le montant inscrit sur la feuille. Le total des frais coûtaient huit cent mille francs. Cela dépassait largement la somme dont elle avait besoin pour pouvoir opérer son père.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Le montant est trop élevé pour toi ? demanda-t-il pour la titiller en la voyant faire des yeux ronds devant la facture.

Keyra releva la tête vers lui et le regarda.

— Non pas du tout. Je paierais les frais comme je vous l'avais dit. Est-ce qu'il y a une date limite ?

— Oui. Un mois maximum.

Keyra répondit par un hochement de tête et quitta la pièce sous le regard moqueur de son patron.

Et maintenant j'ai bien envie de savoir comment tu vas t'y prendre pour payer une telle somme en si peu de temps mademoiselle Keyra Lartey Tancey.

Keyra sortit finalement de la demeure de son patron marchant lentement et le visage rivé vers le sol avec un air inquiet. Quand elle releva la tête, elle vit la voiture d'Alice qui se dirigeait vers la maison de son patron. Alice l'ayant remarquée s'arrêta et l'interpella. Keyra s'arrêta net et Alice descendit de la voiture pour venir vers elle. Constatant la mine de son amie, elle posa sa main sur son épaule.

— Keyra ? Tu vas bien ?

— Oui ça va, tu étais venue voir monsieur Mensah ?

— Ouais mais voyant l'état dans lequel tu es je ferais mieux de reporter ma visite. Allez monte, je vais te déposer.

Keyra ne chercha pas à contredire son amie qu'elle commençait à connaître maintenant et fit le tour pour monter dans le véhicule. Alice monta et fit machine arrière afin de changer de trajectoire. Keyra avait la désagréable sensation de profiter de la gentillesse d'Alice et lui présenta ses excuses pour ça.

— Mais non ce n'est rien. T'es idiote. Ça me fait plaisir de t'aider. Par contre toi, ça n'a pas l'air d'aller. Tu me parais inquiète.

— Hum c'est juste que...

Keyra ne put terminer sa phrase car des larmes vinrent assaillir ses yeux et sa gorge se noua. Elle essuya rapidement ses larmes avant que son amie ne les remarque. Heureusement, Alice était concentrée sur la route et n'avait donc pas suivie la scène. Lorsqu'Alice tourna enfin la tête vers elle, elle remarqua la facture dans les mains de Keyra.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Rien d'important, répondit Keyra avant de le ranger dans son fidèle sac.

Alice arrêta subitement la voiture et se tourna vers Keyra avec un air rempli de reproches.

— Keyra dis-moi la vérité. Qu'est-ce que tu as ? Je vois bien que ça ne vas pas mais tu refuses de m'en parler. Peut-être tu me considères encore comme une étrangère puisqu'on se connaît que depuis quatre jours.

— Non ce n'est pas ça. C'est juste que mon... mon père doit bientôt subir une opération dans les plus brefs délais sinon il finira aveugle. Mais, nous n'avons pas encore réuni la somme d'argent demandé par le médecin.

Alice fut peinée par la révélation de Keyra. Son amie souffrait autant et elle ne s'en était pas vite rendue compte. Elle la prit dans ses bras pour lui apporter un peu de réconfort. Elle tenta aussi de lui demander la somme dont ils avaient besoin mais Keyra ne voulu par répondre, déjà gênée par l'impression de quémander de l'argent à son amie. Alice n'insista pas plus et mis de nouveau le moteur en marche en direction de la maison de sa nouvelle amie.

Alice gara la voiture exactement à l'endroit où elle l'avait déposée la dernière fois. Keyra l'invita à entrer, chose qu'elle déclina. Elle avait besoin de parler à Angela en toute urgence. Keyra descendit donc du véhicule et la remercia encore une fois malgré les protestations d'Alice avant de se diriger vers sa maison.

Une fois à l'intérieur, elle embrassa ses parents ainsi qu'Alicia qui était déjà revenue du boulot. Après qu'elle ait pris sa douche, sa mère lui demanda de lui expliquer comment et pourquoi son scooter s'était retrouvé chez son patron. En effet, le chauffeur d'Hermann avait décliné son identité et avait expliqué que c'était son patron qui l'avait commissionné. Keyra souffla pour calmer ses nerfs. En plus d'avoir délivré le scooter, il s'était même présenté. Ce monsieur Mensah cherchait vraiment à lui créer des ennuis. Keyra se tourna vers sa mère et lui expliqua les faits. Comme il fallait s'y attendre, cette dernière s'était mise en colère contre ce patron autoritaire qui ne se souciait même pas de la vie de ses subalternes et lui avait ordonné de démissionner le lendemain même. Et c'était justement pour éviter cette situation qu'elle avait demandé à monsieur Mensah de laisser l'engin à son domicile mais il n'en avait fait qu'à sa tête.

— Quoi ? Maman ! Non je ne peux pas démissionner. Je sais très bien quel genre de personne est mon patron. Il cherche à me briser mais il n'y arrivera pas. Maman, je sais que tu t'inquiètes pour moi mais ta fille est forte tu sais. J'ai tes gênes d'Amazone.

Sa mère semblait s'être calmée. C'était moins une. Il s'en était fallu de peu pour qu'elle dévoile tout au sujet de l'opération de son père. Heureusement, il n'en était rien. Après avoir dîné, Keyra se retira dans la chambre qu'elle partageait avec son aînée afin de lui raconter ce qui s'était passé.

— Plus les jours passent et j'aime de moins en moins ton patron. Tu devrais démissionner comme maman te l'a recommandé Keyra.

— Tu sais bien que je ne peux pas. La raison principale pour laquelle j'ai accepté de travailler pour lui, c'est à cause de l'état de papa et tu le sais mieux que quiconque. Je l'ai déjà dit à maman et je te le répète, je suis une battante. Ce ne sont pas quelques petites humiliations qui vont m'affaiblir.

— Oui c'est vrai. J'avais oublié à quel point ma petite sœur était forte et courageuse. Encore plus que moi, répondit Alicia de sa douce voix, la main posée sur la joue de sa cadette.

À chaque fois qu'elle voulait la réconforter, c'était sa manière à elle. Keyra demanda à Alicia de lui raconter sa journée. Celle-ci ne se fit pas prier mais avant de le faire, Alicia lui apprit que Patricia avait réussit à réunir la somme qu'il fallait pour l'opération de leur père. Keyra resta interdite pendant un court instant avant de réaliser l'ampleur de la nouvelle que venait de lui annoncer sa soeur. Soulagée et à la fois heureuse, Keyra sauta de joie et se mit à esquisser des pas de danse, invitant même Alicia à se joindre à elle. Elle n'avait pas pensé que le problème qui l'a préoccupait le plus serait résolu aussi rapidement que ça. C'était comme si on venait de lui retirer une énorme épine du pied. À présent, il ne lui restait qu'à rembourser les huit cent mille qu'elle devait à son patron et après quoi, elle pourrait démissionner enfin. Mais, étais-ce vraiment ce que le futur lui avait préparé ?

________

3973 mots !

Salut les gars, j'espère que ça va chez vous. Voilà comme promis le chapitre 4. J'ai pas eu le temps de le corriger comme il se doit mais j'espère quand même qu'il vous plaira.
Have a nice day ♥️♥️♥️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top