Chapitre 30 Partie 1/2 : Une bouffée d'air frais
Chapitre 30 Partie 1/2 : Une bouffée d'air frais
La lumière filtrée par les rideaux peignait des traînées dorées sur les draps froissés. Le jour, s'insinuait lentement dans la pièce, effleurant le visage paisible de Keyra. Elle dormait toujours, blottie contre Hermann, sa tête reposant sur sa poitrine qui se soulevait lentement au rythme de sa respiration. Les ombres longues du matin s'estompaient peu à peu, chassées par la chaleur croissante des premiers éclats de lumière. Hermann, immobile, contemplait les reflets cuivrés qui dansaient dans les mèches de ses cheveux. Il y glissa ses doigts, les caressant tout doucement. Déjà réveillé avant que l'aurore ne meure, Hermann n'avait pas eu le cœur à bouger. Tant pis pour son jogging matinal, il avait préféré rester et savourer cet instant. Il s'amusait des expressions qu'elle affichait parfois dans son sommeil, ses sourcils se fronçant brièvement ou ses lèvres murmurant des mots qu'il ne parvenait pas à saisir.
Il aurait voulu rester encore un peu plus, la voir se réveiller dans ses bras. Mais les événements de la veille ne le lui permettaient pas. Si elle se réveillait et le trouvait là, dans son lit, elle risquait de se sentir mal à l'aise, voire de regretter cette proximité. À contrecœur, Hermann se décida enfin à se lever. Il se dégagea avec une précaution infinie, ses mouvements mesurés au centimètre près pour ne pas troubler son sommeil. Une fois debout, il s'éloigna sur la pointe des pieds et referma doucement la porte derrière lui.
Alors qu'il marchait lentement vers sa propre chambre, une question, persistante, l'assaillait. Qu'est-ce qui était réel dans tout ça ? Se pourrait-il qu'elle partage elle aussi ses sentiments ? Elle avait réagi si naturellement à ses baisers, à ses caresses. Et pourtant, il savait que l'alcool brouillait les frontières de ce qui était sincère. Était-ce vraiment elle ? ...ou tout simplement les effets de l'alcool ? Perdu dans ses pensées, Hermann arriva enfin dans sa chambre, se laissant tomber sur son lit. La journée ne commençait pas sous les meilleurs auspices, mais une conversation l'attendait, un peu plus légère... mais tout aussi gênante.
- Bonjour !
La voix de Julie, surgissant de nulle part, le fit presque sursauter. Il tourna la tête et la trouva adossée contre le mur, un sourire malicieux aux lèvres.
- Alors, t'as vraiment passé la nuit avec elle ? lança-t-elle, les yeux pétillants de curiosité.
- Pas vraiment l'heure des blagues, marmonna l'homme.
- Vous avez donc passé la nuit ensemble, conclut-elle, avançant de quelques pas. Intéressant ! Hé dis, vous avez joué à Je t'aime, moi non plus ? Ou... c'était quelque chose de plus intime ? ajouta Julie, bien décidée à le faire réagir.
- Rien qui ne te concerne ! trancha-t-il sèchement.
- Oh ! Quelqu'un n'en a pas eu assez apparemment, rétorqua-t-elle en se moquant gentiment. T'en fais pas. La clé du succès en toute chose, c'est de savoir prendre son temps. Pas de précipitation.
Hermann roula des yeux, un sourire contrarié effleurant ses lèvres. Il avait appris à ignorer les piques de Julie, mais cela ne l'empêchait pas d'être agacé pour autant.
- Par contre, tu devrais te dépêcher de lui dire ce que tu ressens vraiment, histoire de ne pas laisser passer ta chance, ajouta-t-elle, son ton taquin dissimulant à peine une touche de sagesse. Tu sais, nous les femmes avons besoin d'être rassurées en ce qui concerne les sentiments.
- Laisse-moi tranquille Julie !
Loin de se décourager, sa cousine haussa un sourcil et poursuivit.
- Allez, fais pas l'autruche. Tu risques de la perdre si tu continues à jouer au type distant.
Il avait besoin de calme, mais sa cousine ne partageait pas son avis. Alors, d'un bond, il se leva de son lit. La tenant par les épaules, Hermann la dirigea vers la porte afin de l'expulser de sa chambre.
- Écoute-moi frangin, je le dis pour ton...
Il la fit sortir, et lui claqua la porte au nez avant qu'elle ne puisse terminer sa phrase.
- .... Bien ! lança-t-elle malgré tout, sa voix étouffée par la porte close. Petit ingrat, l'entendit-il marmonner, avant d'entendre ses pas, descendant les escaliers.
Une fois seul, le calme revint dans la pièce, mais il n'arrivait pas à apaiser le tumulte dans son esprit. Julie avait raison sur un point. Si ce qu'il avait ressenti, ce qu'il avait vu dans les yeux de Keyra, était réel, il ne pouvait pas ignorer la situation plus longtemps.
***
Un soupir s'échappa des lèvres de Keyra alors qu'elle s'éveillait doucement, encore prisonnière d'une étrange torpeur. Elle ouvrit un œil, puis l'autre, son esprit engourdi par les relents d'alcool de la veille. Un léger mal de tête pulsait à ses tempes, mais ce n'était rien comparé à l'agitation confuse de ses pensées. Des bribes d'images lui revenaient, floues et fragmentées, comme des morceaux d'un puzzle mal assemblé. Elle se souvenait d'une chaleur réconfortante, d'une main ferme glissant doucement sur sa chute de reins, et d'un souffle contre ses lèvres. Son cœur s'accéléra malgré elle.
Instinctivement, elle tendit la main sur le côté, cherchant la source de cette sensation familière. Ses doigts ne rencontrèrent que le vide et le froid des draps froissés. Elle s'immobilisa un instant, le regard perdu dans le vide. Il n'était pas là. Elle laissa échapper un soupir, mi-déçue, mi-soulagée, en retirant sa main. Un rêve, c'en était forcément un, se dit-elle en se redressant. Comment aurait-elle pu vivre un tel moment avec lui ? C'était absurde, tout simplement. Elle passa une main dans ses cheveux en désordre, les joues en feu.
Les jambes encore flageolantes, Keyra se leva doucement et se dirigea vers la salle de bain, ses pieds nus glissant sur le parquet. L'envie de se rafraîchir et d'apaiser l'étrange chaleur qui persistait en elle l'emportait sur tout le reste. Elle se glissa dans le jacuzzi, l'eau chaude parcourait sa peau, lui procurant une sensation de bien-être. Au bout de quelques minutes, elle se décida à sortir du jaccuzi et s'enroula dans une serviette moelleuse. Ses pas la menèrent devant le miroir embué, où elle s'arrêta pour essuyer la buée d'un revers de main. En fixant son reflet, son regard se figea soudain.
Sur le côté gauche de son cou, juste au-dessus de sa clavicule, une marque sombre, presque ronde, et légèrement violacée, attirait son attention. Elle fronça les sourcils, approchant son visage du miroir pour mieux l'examiner. On aurait dit... un suçon. Impossible ! pensa la jeune fille en effleurant la marque des doigts. Celle-ci d'ailleurs était légèrement sensible, mais elle ne pouvait pas croire ce que son esprit lui soufflait.
- Une piqûre de moustique, c'est tout ! murmura-t-elle comme pour se convaincre de cette hypothèse qui lui semblait plausible.
Pourtant, en croisant son reflet, les fragments de souvenirs revinrent avec plus d'intensité. Les lèvres d'Hermann effleurant les siennes, ses baisers légers couvrant son visage et descendant dans son cou, la tendresse de ses mains sur sa taille, l'intensité de son regard. Un frisson la parcourut, mais elle secoua la tête pour chasser ces pensées.
- Keyra tu ne devrais pas boire autant ! lâcha-t-elle, sur le ton de la réprimande, indexant son reflet dans le miroir.
Elle enfila rapidement des vêtements, bien décidée à ne pas se laisser submerger par ces idées troublantes. Malgré elle, son esprit continuait à rejouer ces bribes de souvenirs qu'elle voulait croire rêvés.
***
Keyra dévala les escaliers à toute vitesse, impatiente de raconter à Michelle ce qui s'était passé lors de la soirée. Après tout, c'était elle qui l'avait aidée à se préparer pour le gala.
- Michelle tu ne croiras jamais ce qui...
Elle s'interrompit net, abasourdie. Julie et son époux étaient assis à table, prenant le petit-déjeuner en compagnie de son ami, Michelle ainsi que Junior. Tout comme la marque dans son cou, elle ne comprenait pas la raison de la présence du couple Kouadio à la maison de la plage. Du moins, elle ne s'en souvenait pas. Était-elle vraiment aussi ivre la veille ?
- Bonjour Keyra, salua Julie, d'un ton enjoué.
Keyra s'approcha prudemment, bien que surprise. Elle répondit à leur salut avant de contourner la table pour s'installer sur le seul siège libre, à côté d'Hermann.
- Comment tu te sens ? demanda Michelle.
- Ça va, répondit Keyra avec un sourire forcé.
- Prends ça, recommanda Hermann en posant devant elle, un verre d'eau presque plein. C'est de l'eau, et un peu de bicarbonate de soude, parfait pour la gueule de bois, rajouta l'homme, voyant son regard interrogateur.
Keyra se saisit du verre d'eau et en but une gorgée. Le goût étrange la fit grimacer.
- J'ai l'impression de voir un couple marié depuis des décennies, soupira Julie, d'un ton faussement exaspéré.
Pendant que Michelle et Junior riaient sous cape, Maxime donna un discret coup de pied à sa femme. Keyra quant à elle, se contenta de manger en silence, tentant d'ignorer la scène. Julie se tut un bref instant, mais ne tarda pas à briser le silence.
- Dis Keyra, c'est quoi cette marque sur ton cou ? demanda-t-elle, désignant le suçon bien visible, laissé par son cousin.
Prise de court par sa question, Keyra avala sa nourriture de travers. Une subite quinte de toux s'empara d'elle. Sous le regard amusé de Julie et Michelle, Keyra but une gorgée d'eau afin de reprendre contenance. Comment expliquer ce qu'elle-même ignorait ?
- Une piqûre de moustique, répondit Keyra, d'une voix mal assurée.
- Oh ! Il devait être sacrément gros ce moustique, rajouta Julie pour la titiller.
C'était trop. La dernière remarque de madame Kouadio provoqua l'hilarité générale, à l'exception des deux concernés.
- Personne ne croira que tu es muette si tu ne dis rien, tu sais ! lâcha Hermann, à l'endroit de sa cousine.
La concernée leva les mains en l'air, en signe d'abdication. Même si Keyra semblait ne pas saisir les sous-entendus, elle s'étonnait de voir Julie se montrer sous un autre jour. Au bureau, elle affichait une sérénité implacable, quasiment sévère, à l'image de son cousin. Mais en privé, elle ressemblait à un mélange de personnalité d'Angela et d'Alice.
Alice ! Keyra avait, l'espace d'un instant, oublié les raisons pour laquelle elle avait décidé de prendre du recul par rapport à son ami. Le baiser audacieux qu'elle avait volé à Hermann, la nuit précédente, lui revint en mémoire, aussi vif que s'il venait de se produire. Ce souvenir, à la fois doux et troublant, l'envahit, la laissant désemparée. Elle se sentit prise entre deux feux. D'un côté, son désir de loyauté envers son amie, et de l'autre, les sentiments naissants et sincères qu'elle éprouvait pour Hermann, qu'elle n'arrivait plus à ignorer. Les contradictions se bousculaient dans son esprit, et elle se sentait prisonnière de ses émotions.
La matinée passa rapidement. Le couple Kouadio avait quitté la maison après le petit-déjeuner, en raison de leur fils de trois ans qui les attendait impatiemment. Hermann, quant à lui, était sorti depuis peu. Keyra avait joué un moment avec Junior, mais, épuisé, il s'était rapidement rendu dans sa chambre pour dormir. Il ne restait donc plus que Keyra et Michelle, qui avaient maintenant un moment de tranquillité.
- Qu'est-ce qui s'est passé hier, lors du gala ? s'autorisa enfin à demander Michelle après s'être retenue toute la matinée.
Keyra haussait un sourcil, ne comprenant pas tout de suite la question.
- Quand vous êtes rentrés hier, tu étais ivre. Monsieur Mensah te portait dans ses bras. Apparemment, c'est ce couple qui vous a raccompagné, puisque vous n'êtes pas revenus avec sa voiture, expliqua Michelle, son regard insistant, cherchant des réponses.
Un frisson parcourut Keyra. Elle se remémora vaguement la soirée, mais tout était flou, comme s'il y avait une brume qui dissimulait les détails essentiels. Elle prit une profonde inspiration avant de répondre.
- Je ne sais pas trop... C'est tout un flou dans ma tête. Je me souviens qu'on était à la soirée, on a dansé, et après, j'ai discuté avec Julie. Mais tout ce qui a suivi... je n'en ai aucun souvenir, expliqua-t-elle en détournant légèrement les yeux.
Elle évita délibérément de parler du baiser qu'elle avait volé à Hermann. Ce moment la mettait à l'aise chaque fois qu'elle y pensait. Elle ne songeait qu'à une seule chose, l'oublier. Michelle, cependant, semblait un peu sceptique. Elle s'approcha un peu plus près de Keyra, cherchant dans ses yeux une vérité qu'elle avait du mal à cerner.
- Hier soir, quand il m'a demandé de te faire prendre un bain, j'ai vu des traces de rouge à lèvres sur son visage. T'es sûre qu'il ne s'est rien passé entre vous ?
Un choc traversa Keyra. Son cœur rata un battement. Et si, dans son état d'ivresse, elle avait agi impulsivement ? Et si, comme la première fois, elle s'était abandonnée à ses émotions sans réfléchir ? Des éclats de souvenirs surgirent alors dans son esprit, comme celui des flashs des appareils photos. Des lèvres qui se touchaient, d'abord timidement, puis plus intensément. Un baiser, une touche, un murmure... mais tout semblait se dissiper dès qu'elle essayait de le saisir. Elle passa une main sur le front, un geste désespéré pour chasser cette confusion.
- J'ai beau réfléchir, je... je ne me souviens de rien. Je t'assure, lâcha-t-elle d'une voix douce, un peu perdue dans ses pensées.
Malgré ses paroles, la sensation persistante du baiser restait en elle. Une sensation qui ne se dissipait pas, à l'image d'une trace indélébile sur la peau. Michelle, voyant son trouble, haussa les épaules avec un léger sourire, tentant de détendre l'atmosphère.
- Mmh, pas grave. Et désolée si je suis trop curieuse.
Keyra releva la tête, l'air un peu embarrassée.
- Mais non, je...
Son téléphone vibra sur la table, coupant court à leur échange. D'un geste vif, elle attrapa son téléphone et répondit, voyant le nom d'Alicia s'afficher à l'écran.
- Oui, allô ? s'empressa-t-elle, intriguée par l'appel inattendu.
- Félicitations ! s'écria Alicia à l'autre bout du fil. On est officiellement tantes, Keyra !
Keyra s'arrêta net, ses sourcils se fronçant sous l'effet de la surprise.
- Hein ? Attends... quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Patricia a accouché ! lança Alicia, la voix débordante de joie. Deux bébés, Keyra. Des jumeaux ! Un garçon et une fille !
Le téléphone manqua de glisser des mains de Keyra alors qu'elle poussait un cri de pure joie, si perçant qu'il résonna dans toute la pièce. Michelle, prise de court, bondit sur son siège.
- Non, tu plaisantes ?! s'écria-t-elle en se levant d'un bond, les yeux écarquillés.
- Je te jure que non, répondit Alicia en riant. Tout le monde va bien, ils sont en pleine santé.
Keyra sautilla sur place, incapable de contenir son excitation. Elle frappa doucement ses mains contre ses joues comme pour se convaincre que ce n'était pas un rêve.
- Oh mon Dieu, oh mon Dieu ! Alicia, c'est incroyable ! hurla-t-elle, les yeux brillants de larmes de joie.
- Ce qui est encore plus incroyable, répondit sa sœur, c'était de voir Paulin s'écrouler. Le pauvre, il s'est évanoui dès qu'il a vu les bébés.
Keyra éclata d'un rire si contagieux que Michelle, bien qu'ignorant la situation, ne put s'empêcher de sourire.
- Sérieusement ? Ce grand gaillard s'est évanoui ?! Oh mon Dieu, ce n'est pas possible ! Il va en entendre parler toute sa vie !
Elle était pliée de rire, des larmes de bonheur perlant au coin de ses yeux. Mais au-delà de l'humour, une immense émotion de joie la submergeait.
- Après cinq ans de mariage... ils les attendaient tellement, ces petits bouts... souffla-t-elle, la gorge nouée par l'émotion.
Elle tourna des yeux pétillants vers Michelle, incapable de contenir sa joie.
- Ma sœur a accouché, Michelle. Des jumeaux, tu te rends compte ?
Michelle hocha la tête avec un sourire chaleureux.
- Félicitations ! C'est merveilleux.
Keyra reporta son attention sur Alicia.
- Je veux les voir ! Ils sont encore à l'hôpital ? Je veux leur rendre visite tout de suite !
Un silence gêné s'installa de l'autre côté de la ligne.
- Keyra... tu es toujours à Bouaké.
La joie de Keyra vacilla un instant, remplacée par un soupir de frustration.
- Je sais, mais c'est vraiment... injuste. J'aurais tellement voulu être là, avec elle.
- Je sais, reprit Alicia d'une voix compatissante. Je vais te prendre plein de photos des bébés sous tous les angles. T'en fais pas, tu les verras dès que possible. Et quand tu reviendras à Abidjan, tu pourras les prendre dans tes bras.
Keyra essuya une larme solitaire sur sa joue, un sourire tendre revenant illuminer son visage.
- Merci, Alicia. Dis-leur que je les aime fort. Patricia, Paulin, et... mes petits neveux.
Après avoir raccroché, elle resta un moment silencieuse, un sourire mélancolique sur les lèvres, tandis que Michelle l'observait avec curiosité.
- Alors ? Qu'est-ce qui se passe ? demanda cette dernière, impatiente d'en savoir plus.
Keyra releva les yeux, rayonnante malgré l'émotion qui l'étreignait.
- Patricia, ma grande sœur a accouché de jumeaux. Un garçon et une fille ! Après cinq années d'attente... c'est comme un rêve qui se réalise.
Michelle hocha la tête, visiblement touchée par l'histoire.
- Tu dois être tellement fière d'elle.
- Tu parles que je le suis. Elle a traversé tellement d'épreuves pour en arriver là... Si seulement je pouvais être là maintenant.
Michelle posa une main rassurante sur son épaule.
- Tu les verras bientôt, et je suis sûre qu'ils seront fiers d'avoir une tata aussi extraordinaire que toi.
Keyra rit doucement, essuyant ses yeux.
- Merci, Michelle.
Elle se redressa soudain.
- Oh, j'ai oublié ! Alicia va m'envoyer des photos !
Elle se pencha sur son téléphone, impatiente, alors que Michelle la regardait avec un sourire attendri, savourant cette scène empreinte de joie. Les mains encore tremblantes d'excitation, Keyra ferma les yeux un instant pour savourer pleinement cette nouvelle.
- Je vais être tata... murmura-t-elle..
Michelle s'approcha doucement et lui tapota le dos avec un sourire chaleureux.
- Et pas qu'une fois, deux fois d'un coup, super tata Keyra, plaisanta-t-elle.
Keyra éclata de rire, ses larmes de joie se mêlant à son rire léger.
***
Le soir était tombé, enveloppant la maison de la plage dans une douce quiétude. La brise légère soufflait à peine, et la lumière dorée des derniers rayons du soleil effleurait l'eau calme. Keyra était assise sur la balançoire, son regard perdu dans l'horizon. La lune traçait un sentier lumineux sur l'eau. Des bruits de pas foulant le sable se firent entendre. Dans les minutes qui suivirent, la demoiselle sentit une personne s'asseoir à ses côtés. Elle n'avait pas besoin de tourner la tête pour savoir que c'était lui. Sans dire un mot, ils observèrent la scène qui se déroulait devant leurs yeux. Au bout d'un moment, Keyra se décida à briser le silence. La voix faible et hésitante, elle se lança tout de même.
- Je... Je suis désolée par rapport à hier, ... le baiser, murmura-t-elle sans le regarder. C'était... impulsif. Je n'ai pas réfléchi. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, ni te faire sentir que... je cherchais à... franchir une ligne.
Elle sentit son regard insistant se poser sur elle. Hermann se tourna légèrement vers elle. Après un court instant de silence qui avait suivi ses excuses, son ami laissa échapper un léger soupir.
- Tu l'as fait en qualité de ma petite amie, répondit-il l'air sincère mais tout de même amusé. Si ça peut te rassurer, je ne l'ai pas pris en mal.
Dans un premier temps, elle sembla soulagée. Mais lorsque son esprit lui ramena les quelques flashs de la soirée d'hier, un malaise se dessina sur son visage. Elle désirait connaître la vérité sur ce qui s'était réellement passé. Triturant ses doigts, elle se tourna à son tour vers lui. S'efforçant de le regarder dans les yeux, la jeune fille lui posa la question qui lui brûlait tant les lèvres.
- Est-ce que... hormis le baiser, est-ce que quelque chose de plus intime se serait passé entre nous ? s'enquit Keyra, d'une voix prudente.
Cette question, Hermann s'y attendait. Il avait passé la journée à cogiter sur la réponse qu'il lui donnerais. D'ordinaire, il aurait dit simplement la vérité. Mais il avait au fond de lui cette impression qu'il devait prendre en considération les sentiments de son amie.
- Qu'est-ce que tu en penses ? répondit-il, d'un ton mêlant prudence et malice.
Keyra détourna le regard, un rire nerveux s'échappant de ses lèvres. Peu importe à quel point la situation lui semblait malaisante, elle voulait être fixée.
- Je demande parce que depuis ce matin, j'ai comme des bribes de souvenirs. C'est très flou, j'arrive pas à m'en souvenir clairement, expliqua-t-elle.
- Ça te gênerait de savoir que quelque chose aurait pu se passer entre nous ?
Il la poussa volontairement au pied du mur, voulant avoir une réponse concrète.
- Eh bien, nous sommes amis. Et entre amis, il y a certaines limites à ne pas franchir. Alors pour te répondre en toute franchise, je....
Elle n'avait pas besoin d'en dire plus. Ses mots étaient simples et clairs. Ils semblaient empreints d'une frontière invisible qu'elle n'était pas encore prête à franchir.
- Il n'y a rien eu, lâcha-t-il avec calme, comme pour lui venir en aide.
Keyra se tourna vers lui, une lueur de soulagement dans le regard. Hermann lui sourit, et se rapprocha un peu plus d'elle.
- Il ne s'est rien passé entre nous, reformula-t-il. Tu peux être rassurée.
La jeune fille lui offrit un sourire sincère. Elle se sentit soudain plus légère, comme si un poids lui avait été retiré de la poitrine. Hermann se contenta de la fixer, répondant à son sourire. Un jour viendra où il lui dirais la vérité sur ce qui s'était réellement passé. Mais pour l'instant, elle n'était pas encore prête à l'entendre. Comme pour effacer toute trace de malaise qui subsistait encore entre eux, Elle tenta de ramener la conversation sur un terrain plus léger.
- Ah au fait... Patricia a accouché, annonça-t-elle, les yeux brillants d'une joie qu'elle avait de la peine à contenir. Ce sont des jumeaux, un garçon et une fille. Ils les attendaient depuis tellement de temps.
Hermann haussa un sourcil, un sourire effleurant ses lèvres.
- C'est une merveilleuse nouvelle ! s'exclama l'homme.
- Ça je ne te le fais pas dire ! Regarde comme ils sont beaux, s'extasia la demoiselle en lui montrant les photos qu'elle avait reçu d'Alicia un peu plus tôt dans la journée.
- Pauvres boutchous, t'avoir comme tante c'est pas gagné !
Keyra releva son visage vers lui, l'air offusqué par cette remarque.
- Qu'est-ce que vous avez tous à douter de moi ? Alicia m'avait sorti la même chose quand on a appris la grossesse de Patricia.
Hermann se mit à rire, sans retenue. Piquée au vif, la jeune fille lui donna un léger coup sur le torse. Son acte ne fit qu'accentuer le rire de son ami.
- Arrête de te moquer, je ferais une super tante. Vous verrez tous !
- J'ai un doute là-dessus, ajouta-t-il pour la titiller.
- C'est méchant, bouda Keyra en croisa les bras sur la poitrine, lui tournant le dos.
- Bien bien, je t'accorde le bénéfice du doute, repris Hermann.
Un rire étira les lèvres de la demoiselle aux yeux ensorcelleurs lorsqu'elle se retourna vers lui. Sans qu'il ne puisse se contrôler, il l'attira à lui et la serra dans ses bras. Bien que surprise, Keyra ne chercha pas à se libérer. Bien au contraire, elle ferma les yeux, s'enivrant de son parfum tandis que ses bras se resserrèrent autour de son dos. Une brise légère souffla. La soirée s'étendait autour d'eux, paisible. Une bouffée d'air frais et apaisante, effleura leurs corps.
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