Chapitre 29 : Moment d'intimité

Se hissant légèrement sur la pointe des pieds, elle ferma les yeux, son cœur battant à tout rompre. Elle n'entendait plus la musique, ni les rires autour d'eux. Plus rien n'existait, sinon ce mince espace entre eux. Dans un geste décidé, elle combla la distance. Leurs lèvres se trouvèrent enfin, scellant ce souhait qu'ils partageaient en silence.

N'ayant plus de force pour l'affronter, Keyra évita son regard et s'excusa auprès de lui. Sans lui donner le temps de s'expliquer, la jeune fille s'éloigna de lui. Il la suivit des yeux et vit qu'elle se dirigeait vers les toilettes réservée aux femmes. Le PDG de M. Design s'en voulait. Il avait l'impression qu'il venait de la rejeter. Et pourtant, seul Dieu savait à quel point il était fou de cette fille.

Cet échange intime n’échappa à aucun des regards présents dans la salle. Ce baiser venait balayer tous les doutes quant à leur relation. Le geste de Keyra venait comme une réponse, confirmer les rumeurs qui secouaient l’entreprise depuis peu. Le message était on ne peut plus clair. Ils formaient bel et bien un couple.

Hermann, incapable de rester immobile après ce moment chargé de tension, se dirigea dans la même direction qu’elle. Il décida de l’attendre à la sortie des toilettes. Après une dizaine de minutes passées à tenter de reprendre contenance, Keyra sortit, légèrement rougissante. Elle heurta de plein fouet le torse d’Hermann, qui l’attendait, les bras croisés et le regard grave.

— Il faut qu’on parle.

Le ton qu’il employa lui fit froid dans le dos. Son cœur bondit, comme celui d’une enfant prise en faute. Keyra se mordit les lèvres. Elle savait déjà ce qu’il allait lui dire, mais elle ne voulait pas lui laisser l’occasion de la faire vaciller. Alors, elle prit les devants.

— N’oublie pas que pour cette soirée, tu es mon petit ami, déclara-t-elle avec un sourire qui se voulait léger. Alors, j’ai tous les droits sur toi. Considère ça comme une petite vengeance pour ce qui s’est passé le jour du Nouvel An.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et s’échappa presque, laissant derrière elle, un Hermann légèrement sonné. Il resta figé un instant, les mots de Keyra résonnant dans son esprit. Il se doutait bien que son inaction tout à l'heure l’avait blessée, mais il n’était pas sûr de pouvoir répondre à ses attentes sur le moment. Avec tout ce qui s’était passé ce soir-là, il craignait de ne pas savoir se contenter d’un simple geste, aussi sincère soit-il. Ce n’était ni l’endroit ni le moment adéquat. C'est ce qu'il tenait à lui expliquer, mais la demoiselle sembla s'être de nouveau réfugiée dans sa coquille.

Tu vas me rendre fou un de ces jours, Keyra, pensa-t-il en soupirant.

Finalement, il retourna dans la salle principale. Le jeu des numéros était déjà terminé. Il repéra rapidement Keyra assise au bar. Bien décidé à la rejoindre, il fit quelques pas dans sa direction, mais monsieur Meney l’accosta à cet instant précis.

— Monsieur Mensah, laissez-moi vous présenter un ami très influent dans le secteur des matières premières.

Hermann, bien qu’agacé par ce contretemps, ne pouvait pas refuser. Il accepta poliment, non sans jeter un dernier regard à Keyra, toujours assise au bar.

De son côté, la jeune femme sentit son regard sur elle, mais elle fit mine de ne pas s’en apercevoir. Son cœur battait toujours aussi fort.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu sembles perturbée.

Julie s'était approchée discrètement de sa potentielle future belle-sœur. Keyra leva les yeux vers elle, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres.

— J’ai peut-être commis une erreur tout à l'heure.... Je ne sais pas comment rectifier le tir à présent, répondit-elle d’une voix calme, mais trahie par un voile d'incertitude.

Julie prit place à ses côtés, parfaitement consciente de ce qui la perturbait. Elle n'avait rien manqué de la scène qui s’était déroulée un peu plus tôt, et surtout, de la réaction d’Hermann. Et pourtant, elle était sûre d'une chose. Son cousin ne restait pas indifférent au charme de la demoiselle. Elle avait vu une tendresse qui émanait de son regard, cette douceur infinie qui ne trompait pas.

— Tu veux parler du baiser de tout à l'heure, n’est-ce pas ? lui demanda-t-elle, sans détours.

Keyra tourna lentement la tête vers elle, surprise par sa franchise.

— Vous êtes tous aussi directs dans votre famille ?

Julie éclata de rire face à cette remarque. Il était vrai que les Mensah n’étaient pas du genre à tourner autour du pot.

— Un peu, oui. répondit-elle en se replaçant confortablement dans son siège. Mais si tu préfères ne pas en parler, c’est pas grave non plus.

Keyra la scruta longuement Elle possédait ce même sourire chaleureux qu'Angela, ce qui la rendait quasiment maternelle. Même si elle n'avait eu que quelques brefs échanges, la jeune fille sentait qu'elle pouvait se confier en toute sécurité. Au final c'était ça. Ce qu'ils avaient tous en commun ce n'était pas cette franchise, mais ce sentiment de sécurité qu'ils procuraient aux gens qu'ils côtoyaient. Même si sa rencontre avec Hermann ne fut pas des plus belles, elle ne pouvait nier qu'il y avait en lui ce magnétisme qui le rendait digne de confiance. Tout comme les autres membres de sa famille.

— Je ne sais pas ce qui m’a pris, souffla-t-elle enfin. Sur le moment, j’ai cru que c’était réciproque... Mais je me suis sûrement trompée. J’ai agi sans réfléchir. Là maintenant, je me sens complètement perdue. Il va m’en vouloir, c’est sûr.

Julie l’écoutait en silence, sans l’interrompre. Keyra avait besoin de décharger son cœur. Puis, après un moment, elle se tourna vers le barman.

—  Deux verres de Bora-Bora s'il vous plaît.

— Tout de suite m'dame ! répondit le serveur.

D’un geste rapide et habile, il commença à mélanger les ingrédients, secoua le tout dans le shaker et versa la préparation dans deux grands verres glacés. Il y ajouta des pailles décoratives et les déposa devant les deux femmes.

— Merci, répondit Julie, tendant un verre à Keyra.

La jeune femme hésita, jetant un regard suspicieux à son verre.

— Je ne bois pas d'alcool.

— C'est un cocktail de fruits avec une faible dose d'alcool. Ça ne te fera pratiquement rien, lui assura Julie.

Après quelques secondes de réflexion, Keyra accepta le breuvage que lui tendait madame Kouadio. Elle porta le cocktail à ses lèvres. La boisson se répandit dans sa gorge, étanchant la soif subite qui s'était emparé d'elle. C'était délicieux. Elle entama gorgée par gorgée, avant de finalement finir le contenu d'une traite.

— Tout est flou dans ma tête, murmura-t-elle, les yeux baissés. Je suis complètement perdue. Je ne sais même pas par où commencer pour gérer tout ça. Je veux plus que de l’amitié de sa part, mais je sais aussi que c’est trop demander. Je ne suis pas celle qu’il désire, malheureusement. Je tente de me contrôler, de me mettre des barrières, mais à chaque fois qu’il me regarde, je perds mes moyens.

Quelques larmes vinrent perler au coin de ses yeux. Keyra papillonna des cils afin de les chasser précipitamment, comme pour se défendre contre sa propre vulnérabilité. Puis, d’une voix plus tremblante, elle commanda un autre verre du même cocktail.

— Je connais mon cousin, répondit Julie d’une voix calme, mais assurée. Et une chose est certaine. Tu ne le laisses pas indifférent. J'en mettrais ma main à couper qu’il partage aussi tes sentiments.

Keyra secoua doucement la tête, une pointe de tristesse dans le regard.

— Non, Julie. Je sais que ce n’est pas le cas. Il n’y a pas de place pour moi dans son cœur. Et je n’ai pas besoin de consolation.

— Tu te trompes, murmura Julie en posant une main sur l’épaule. À mon avis, il faudrait que vous ayez une vraie conversation. Si vous voulez éviter de tomber dans un malentendu, vous devez parler ouvertement, lui conseilla sa nouvelle amie.

Après avoir enfin réussi à se débarrasser de monsieur Meney et de son nouvel associé qui ne cessait de lui coller aux basques, Hermann se dirigea précipitamment vers le bar. Il avait aperçu sa cousine et Keyra un peu plus tôt et s’inquiétait de savoir où elles en étaient. Lorsqu'il arriva, il vit Keyra assise seule, la tête adossée contre la table, semblant perdue dans ses pensées.

— Keyra ! appela-t-il.

— Mmh ?!

Elle leva la tête lentement, regardant un peu partout avant de finalement croiser son regard. Un sourire fatigué se dessina sur ses lèvres.

— T'es de retour ! s'exclama-t-elle, enthousiaste.

Hermann tiqua. Ses joues étaient rosies et ses yeux semblaient vaguer, comme si elle peinait à rester concentrée. Il remarqua alors le verre vide devant elle.

— Combien de verres as-tu pris ? s'enquit-il, inquiet.

Keyra leva lentement son index gauche, puis l’index droit, comme pour faire le décompte de ses consommations, avant de sourire d’un air presque idiot.

— Juste deux verres ? répéta-t-il, un sourcil haussé, sceptique.

— J'sais plus… C’était tellement bon, alors j'ai redemandé un verre, puis un autre, et encore un autre… énuméra-t-elle en comptant sur ses doigts, un sourire béat accroché à ses lèvres.

Hermann soupira, une pointe d'agacement dans le regard.

— Je vois… Allez, viens, on rentre !

Il s’approcha d’elle, l’aidant à se relever. Mais en voyant qu’elle avait du mal à tenir debout, il la soutint fermement par la hanche. Ils firent quelques pas, quand soudain, Julie surgit devant eux, visiblement interpellée par la scène.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-elle en scrutant l'état de Keyra.

Hermann tourna les yeux vers elle, le ton tranchant.

— Je devrais plutôt te poser la question ! Elle était déjà soûle quand je suis arrivé. Tu étais avec elle, comment tu as pu laisser ça arriver ? Bon sang, Julie !

Julie s’arrêta un instant, offensée par la réprimande.

— Pourquoi tu t’en prends à moi ? On discutait et, d’accord, je lui ai proposé un verre, mais…

— Mais rien ! la coupa Hermann, la colère perceptible dans sa voix. Elle a une faible tolérance à l’alcool. Regarde dans quel état elle est maintenant ! Tu aurais dû mieux t’en occuper.

Julie ouvrit la bouche pour répondre, mais se tut devant la fermeté du regard de Hermann. Elle savait bien qu’il avait raison.

— Je...

— Je la ramène, coupa-t-il sèchement. Présente des excuses à monsieur Meney et aux autres de ma part. Merci.

Sans un autre mot, Hermann tourna les talons, soutenant Keyra qui commençait à chanceler. Julie resta un instant là, contrariée par les mots de son cousin.

***

Avec la musique ambiante à l’intérieur, ils n’avaient pas remarqué que le temps avait radicalement changé dehors. Une pluie battante tombait maintenant, couvrant les rues de gouttes glacées. Debouts devant l'entrée, Hermann attendait que le voiturier leur ramène leur véhicule. Dès que ce fut fait, il se tourna vers la jeune fille.

— Keyra, viens on y va !

Keyra qui s'était entre-temps accroupie, se leva d'un bond et, avant qu'il ne puisse réagir, l’enlaça.

— Tu es enfin revenu me chercher, Simon ! Pourquoi tu as mis autant de temps ? Je t'ai tellement attendu !

Pris au dépourvu, il répondit dans un murmure doux, en la serrant contre lui.

— Désolé, c'est de ma faute. Je n’aurais pas dû te laisser seule aussi longtemps, Trésor. Tu me pardonnes ?

Elle répondit en se blottissant contre lui, acquiesçant d'un léger mouvement de tête, son souffle chaud effleurant son oreille.

— Ne me laisse plus jamais seule, gronda-t-elle doucement, mais fermement.

— Promis, lui répondit-il avec un sourire en coin. On y va ?

Elle se détacha à regret, le suivant docilement jusqu'au véhicule. Dès qu’ils furent installés, Hermann démarra, mais la voiture n'eut pas le temps de faire quelques mètres que le moteur commença à faiblir. Il ralentit, puis s'arrêta complètement.

— Ce n'est pas le moment de nous lâcher, bon sang !

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Keyra.

— La voiture est tombée en panne, répondit Hermann d’un ton frustré. Il pleut des cordes, je ne peux pas vérifier ce qui ne va pas maintenant. Laisse-moi réfléchir.

Hermann soupira. Il n’avait d’autre choix que de demander de l’aide à sa cousine. À contrecœur, il sortit son téléphone et composa son numéro.

— Julie, j'ai besoin de ton aide.

Face à la situation, le couple Kouadio se hâta de quitter la fête. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent en trombe, afin de secourir les deux amis.

***

Installés à l'arrière de la Toyota Fortuner, Hermann, visiblement soulagé d’avoir de l’aide, profita du trajet pour s’excuser auprès de Julie.

— Si j'avais vraiment pris tes mots à cœur, tu crois que tu serais en train de me parler là, dans ma voiture ? lui répondit-elle, d’un ton léger mais compréhensif. T’en fais pas, j'ai déjà informé monsieur Meney. Il enverra quelqu'un pour gérer ta voiture.

Maxime, concentré sur la conduite sous la pluie battante, veillait à rester prudent. Le bruit incessant des gouttes frappant le toit de la voiture emplissait l’espace, accentuant le silence qui régnait à l'intérieur.

— Jojo, chante-moi une chanson, s'il te plaît !

La voix de Keyra brisa ce silence lourd qui s'était imposé.

— Jojo ? répéta Julie, surprise de l’entendre utiliser ce surnom.

— Oui ! répondit Keyra, un sourire malicieux sur les lèvres, tout en se penchant légèrement vers Julie et Maxime. Laissez-moi vous dire un secret, murmura-t-elle. Quand on était petits, il avait l’habitude de chanter pour moi chaque fois que je le lui demandais.

— Vraiment ?

Maxime ne put retenir son sourire amusé. Julie échangea un regard avec son cousin. Je ne sais pas de quoi elle parle, sembla-t-il lui dire sans un mot. Mais dans sa tête, il savait qu'elle devait assurément parler de Simon !

— S'il te plaît, Jojo, juste une, insista Keyra, la voix enfantine pleine de supplique.

— Oui, Jojo, fais-nous plaisir. Une seule chanson, rien qu’une, appuya Julie avec un sourire taquin.

Elle n'allait tout de même pas laisser passer une telle occasion de charrier son cousin, surtout quand il semblait si gêné. Hermann s'enfonça dans son siège et lui adressa un regard assassin. Il ferma les yeux, réfléchissant à ce qu'il pourrait bien chanter. Le chant n'était pas vraiment ce que pouvait qualifier comme son centre d'intérêt. En plus, il n'écoutait pas vraiment de musique. Mais après un instant de réflexion, une chanson qu'il avait entendue en boucle dans la playlist de Keyra ces derniers jours lui revint en tête. Il l'avait retenu, malgré lui.

You know I want you
It's not a secret I try to hide
You know you want me
So don't keep saying our hands are tied

Les paroles de la chanson flottèrent dans l’air tandis qu'Hermann, totalement imperturbable, continuait sur sa lancée. Julie, surprise, écarquilla les yeux, sa bouche formant un parfait O. Maxime, de son côté, esquissa un sourire amusé en le regardant à travers le rétroviseur. Pour éviter leur regard insistant, Hermann préféra se concentrer sur l’autrice de cette requête.

— Oh, je connais cette chanson ! s’écria Keyra, toute excitée.

Serein, Hermann poursuivit sans hésiter. Il était prêt à se ridiculiser pour faire plaisir à Keyra, tant qu’elle était heureuse.

You claim it's not in the cards
And faith is pulling you miles away
And out of a reach from me
But you're hearing my heart
So who can stop me if I decide it's on my destiny?

Julie, incrédule, se tourna vers son mari et chuchota.

— Pince-moi, je dois rêver !

Maxime se contenta de sourire en silence. C'était à peine si Julie reconnaissait son cousin. Était-ce vraiment lui, celui qui n’avait jamais chanté pour personne d’autre que sa mère ? Si après tout ce qui s’était passé ce soir, il osait dire qu’il n'était pas amoureux de cette demoiselle, elle ne le croirait pas une seconde. Julie, toujours avec son téléphone en main, prit celui de son mari et chercha rapidement la version karaoké de la chanson. Autant rendre les choses intéressantes jusqu'au bout.

What if we rewrite the stars?
Say you were made to be mine
Nothing could keep us apart
You'll be the one I was meant to find
It's up to you, and it's up to me
No one could say what we get to be
So why don't we rewrite the stars?
And maybe the world could be ours tonight

Keyra, qui le regardait avec une admiration sans bornes, s'approcha de lui et lui tapota doucement le bout du nez en souriant.

You think it's easy, antonna la jeune fille à son tour, le regard fermement ancré dans celui de son ami.
You think I don't wanna run to you,
But there are mountains
And there are doors that we can't walk through

— Je me sens de trop tout à coup. Regarde-les, ils sont à nouveau dans leur bulle, mumura Julie à son époux, sur un ton amusé.

Maxime lui fit signe de se taire et de continuer à filmer, un sourire en coin sur les lèvres. Elle acquiesça silencieusement et se concentra sur la scène qui se déroulait devant elle.

I know you're wondering why
Because we're able to be just you and me within these walls
But when we go outside
You're gonna wake up and see that it was hopeless after all

No one can rewrite the stars
How can you say you'll be mine?
Everything keeps us apart
And I'm not the one you were meant to find
It's not up to you, it's not up to me,
When everyone tells us what we can be
And how can we rewrite the stars?
Say that the world can be ours tonight

Keyra, tout à coup plus tendre, entrelaça ses doigts à ceux de Hermann et posa doucement sa tête contre son épaule. Fermant les yeux, elle le suivit dans les dernières notes de la chanson.

All I want is to fly with you
All I want is to fall with you
So just give me all of you
It feels impossible
It's not impossible
Is it impossible?
Say that it's possible

And how do we rewrite the stars?
Say you were made to be mine
And nothing can keep us apart
'Cause you are the one I was meant to find
It's up to you, and it's up to me
No one could say what we get to be
And why don't we rewrite the stars?
Changing the world to be ours

You know I want you
It's not a secret I try to hide
But I can't have you
We're bound to break and my hands are tied

Les dernières notes s’éteignirent à peine que Keyra ferma les yeux, la tête posée contre l’épaule d'Hermann. Julie, après un instant de silence, appuya sur arrêter l’enregistrement et se tourna vers son cousin, le regard pétillant de malice.

— Hé frangin, j’ignorais que tu étais fan de comédies musicales !

— Elle s’est endormie, observa simplement Hermann, ignorant délibérément la remarque de sa cousine.

Julie, voyant que sa provocation n’avait aucun effet, continua tout de même, son sourire s’élargissant.

— Vous êtes tellement gênants, tous les deux ! Je me sentais de trop !

Elle mima un bruit de dégoût avant de se ressaisir, plus amusée que jamais.

— Tu n'avais qu'à ne pas regarder et à te boucher les oreilles aussi.

— Je te rappelle à tout hasard que c’est ma voiture ! Quoi qu’il en soit, je me demande comment Angela et les autres vont réagir en voyant votre prestation romantique de tout à l’heure.

Fière de son coup, Julie lui montra un aperçu de la vidéo, mais réussit à éloigner l’appareil à temps avant que Hermann ne tende la main pour le lui arracher.

— Calme-toi ! Tu ne pensais quand même pas que j’allais être la seule à profiter de ce magnifique spectacle que vous nous avez offert, si ? N’oublie pas que dans la famille, on se partage tout !

Hermann ne répondit pas. À quoi bon ? Julie était aussi têtue qu'Angela, et il savait pertinemment qu'elle diffuserait cette vidéo à toute la famille si l'envie l'en prenait. Il n’avait plus qu’à se préparer à recevoir leurs taquineries.

***

La voiture se gara enfin devant la maison de la plage. La pluie, qui s'était mise à tomber abondamment un peu plus tôt, avait cessé, laissant place à une calme fraîcheur. Hermann souleva délicatement Keyra, prenant soin de ne pas la réveiller. Julie, attentive, l'aida à ouvrir la porte, et ensemble, ils pénétrèrent dans la maison.

À l'intérieur, Michelle s'était endormie sur le canapé en attendant leur retour. Dès qu'elle entendit la clé tourner dans la serrure, elle se leva précipitamment, cherchant à comprendre la situation. Elle aperçut Hermann accompagné de deux visages qui lui étaient inconnus.

— Il se fait tard. Il n’est pas prudent de rouler à cette heure. Restez ici pour la nuit, proposa-t-il d'un ton assuré. Vous repartirez demain... C'est le weekend, vous n'avez rien à y perdre.

Il se tourna alors vers Michelle, ajoutant.

— Je m'occupe de Keyra. Ne t’inquiète pas, aide-les à s’installer.

Il se dirigea vers la chambre de Keyra après avoir laissé les instructions. Michelle le suivit tout de même et l'aida à ouvrir la porte avant de faire ce qui lui avait été demandé. Bien que se demandant ce qui avait bien pu se passer pour qu'ils reviennent dans cet état, Michelle se garda de poser des questions. Dès qu'elle quitta la pièce, Hermann posa Keyra dans son lit avec précaution, craignant de la réveiller. Mais lorsqu’il tenta de se relever, il sentit les bras de Keyra s’accrocher à son cou.

— Tu veux encore m’abandonner, c’est ça ? murmura-t-elle, les yeux à demi-ouverts.

— Pas du tout. Je craignais juste de te réveiller, répondit-il en la rassurant.

Voyant qu’elle cherchait à se redresser, il l’aida. S’asseyant près d’elle, il lui demanda.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Sans répondre, Keyra se rapprocha de lui et posa sa tête contre sa poitrine. Elle ferma les yeux, écoutant le rythme de son cœur, qui, petit à petit, s’accéléra. Elle esquissa un sourire, puis se redressa pour lui faire face. Sa main droite se posa sur sa poitrine, et elle scruta son regard, une lueur de curiosité dans les yeux.

— Ton cœur… il bat vite, remarqua-t-elle d'une voix douce. Un peu comme le mien. Tu ressens aussi ces milliers de chevaux qui galopent dans ta poitrine ?

Hermann ne put s’empêcher de rire à sa remarque.

— Pas tout le temps. Seulement quand une certaine personne est près de moi, répondit l'homme en caressant doucement ses cheveux.

Les yeux encore somnolents, Keyra pencha la tête sur le côté, un air faussement boudeur sur le visage.

— Qui donc ?

— Celle que j’aime. Il marqua une pause, et posa sa main sur celle de Keyra qui se trouvait encore sur sa poitrine. Chaque fois qu’elle est près de moi, trop près de moi, mon cœur s’emballe. Comme maintenant, ajouta-t-il.

— Elle en a de la chance, répondit Keyra, en retirant lentement sa main.

D’un air pensif, elle se déplaça pour s’asseoir à une certaine distance de lui. Hermann, intrigué par son changement d’attitude, se rapprocha et lui demanda, inquiet.

— Qu’est-ce que tu as ?

— Tu refuses toujours de me dire qui c’est. C’est parce que tu ne me fais pas confiance ?

Hermann la regarda longuement, profondément touché par ses mots.

— Petite folle, bien sûr que je te fais confiance. C’est juste que je ne suis pas sûr que tu sois prête à entendre cette vérité. Je ne veux pas risquer de briser notre amitié, j'y tiens énormément.

Keyra croisa les doigts, pensive, mais finit par sourire.

— Promis juré, notre amitié n’en sera pas affectée.

Hermann, amusé, sourit à son tour.

— Puisque tu y tiens tellement…

Il la fixa intensément pendant un instant avant de prendre une profonde inspiration.

— La seule personne qui me hante, qui me fait perdre patience, que j’ai envie de protéger, celle dont je suis fou amoureux… c’est toi, Keyra.

Un long silence suivit. Keyra, choquée par sa déclaration, détourna le regard, un petit sourire moqueur aux lèvres.

— Tss, menteur ! lâcha-t-elle, le visage rougit par ses aveux si abrupts.

Le sourire d'Hermann ne se figea pas. D’un geste tendre, il prit son menton entre ses doigts et la força à se tourner vers lui, rapprochant son visage du sien.

— Regarde-moi ! insista-t-il, son regard profond ancré dans le sien.

Elle se résigna, plongeant ses yeux dans les siens, perdue dans la sincérité de ses paroles.

— S'il y a bien une chose que je déteste par-dessus tout, c'est qu'on me mente. Alors de mon côté, je mets un point d'honneur à être honnête en toutes circonstances. Keyra je t'aime, et ce n'est pas un mensonge.

Il la fixa un moment, avant de capturer ses lèvres avec une douceur infinie. Sans opposer de résistance, Keyra ferma les yeux et se laissa emporter dans ce baiser. Lorsqu’il se détacha doucement d’elle, il posa son front contre le sien, ses mains encadrant tendrement son visage.

— Me crois-tu maintenant ? murmura Hermann, son souffle chaud contre sa peau.

Keyra secoua lentement la tête, les yeux baissés, évitant de croiser son regard.

— Eh bien soit ! répondit-il, la frustration teintant sa voix.

Sans attendre, il l'embrassa de nouveau, cette fois avec une passion dévorante. Il voulait qu'elle comprenne, qu'elle ressente à travers ce baiser tout l'amour qu'il nourrissait pour elle. Plusieurs émotions se bousculaient dans la tête de Keyra, mais la demoiselle se laissa emporter par ce tourbillon de sensations qui la submergeait. Chacun de ses baisers, de ses gestes résonnaient dans son cœur comme une douce symphonie, effaçant temporairement toute confusion dans son esprit.

Alors qu'il la tenait, la main de son ami descendit lentement dans sa chute de reins, avant de la rapprocher davantage de lui. Leurs lèvres se livraient dans une danse passionnée, deux âmes connectées par un profond désir et une affection mutuelle. Il s'écarta légèrement et la contempla, laissant leurs souffles s'emmêler. Elle soutint son regard, sans sourciller. Hermann lui sourit, une lueur d'adoration dans les yeux. Sa main toujours présente dans sa chute de reins, il la tira plus près de lui, l'entraînant dans une étreinte, empreinte de leurs sentiments indicibles.

Avec douceur, il les fit basculer sur le lit, ses bras autour d'elle, ses lèvres explorant chaque parcelle de sa peau. Keyra noua ses bras autour de son cou, une vague de désir la traversant. Elle lui faisait perdre tout contrôle. L'amour qu'il ressentait pour elle, le bouleversait. C'était bien plus qu'un simple sentiment. C'était une sorte de désir profond, mêlée au besoin d'être avec elle, là à l'instant. Il la voulait entièrement. À elle seule, elle occupait ses pensées, envahissant chaque recoin de son cœur.

Il quitta ses lèvres, pour couvrir de baisers son front, ses joues, ses yeux, descendant lentement dans son cou, y apposant une marque légère, en guise de témoignage de ce précieux moment. Il releva son visage et la contempla à nouveau, la respiration haletante. Elle était magnifique, plus que magnifique. Ses cheveux éparpillés sans grâce autour d'elle, son maquillage légèrement effacé et ses joues teintées d'une douce couleur rosée. Elle était plus qu'une simple beauté. Elle était la perfection incarnée. Et lui, Hermann Jonas Mensah se sentait emporté par cette vision.

Il se redressa, et sans un mot, se pencha à nouveau pour saisir ses fines lèvres, voulant savourer chaque instant de cette proximité. Elle laissa échapper un léger gémissement quand il approfondit son baiser. Hermann sentit son désir croître en lui, telle une vague déferlante et incontrôlable. Il la désirait ardemment et sans partage. Qu'elle ne soit qu'à lui, rien qu'à lui. Pour ce soir, le lendemain, les jours et les nuits à venir. Pour toujours, et à jamais. Il se savait égoïste de penser ainsi mais il n'en avait cure. Il l'aimait. Et l'amour, disait-on était parfois égoïste.

Mais au fond de lui, la voix de la raison se fit entendre. Ce n'était pas le moment. Il s'arrêta brutalement, sa conscience lui rappelant la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle n'était peut-être pas totalement consciente de ce qui se passait. Lui, en revanche, si. Il ne pouvait pas aller plus loin, pas dans ces conditions.

— On en reste là pour l'instant, murmura-t-il tout bas, en caressant doucement ses joues rosies.

Toujours perdue dans ses émotions, Keyra le regarda. Puis timidement, elle lui posa la question qui lui taraudait l'esprit.

— Tu... tu peux le redire encore une fois ?

— Je t'aime ! répondit-il sans détour, la voix emplie de sincérité.

Les joues de la demoiselle s'empourprèrent à nouveau. Elle détourna le regard, son esprit en pleine ébullition.

— Comment tu fais pour le dire aussi aisément ?

— Tout simplement parce que c'est la vérité, répondit-il en la dévisageant intensément.

— Tu es tellement direct, c'en est déconcertant.

Il éclata de rire, d'un rire doux avant de lui tapoter doucement le bout du nez.

— Je pars maintenant. Je dirais à Michelle de venir t'aider à prendre ton bain. Bonne nuit petite tomate.

Il l'embrassa sur le front et se leva. Une fois dans le couloir, il s'adossa contre la porte et ferma les yeux un instant afin d'inspirer profondément. Heureusement qu'il avait su s'arrêter à temps. Sinon, il s'en serait voulu toute sa vie. Il passa ses doigts sur ses lèvres, effacant toutes traces de rouge avant d'aller trouver Michelle.

— Michelle, je vais devoir te déranger encore une fois. Keyra est un peu soûle, est-ce que tu peux l'aider à prendre son bain s'il te plaît ?

— Bien entendu, j'y vais de ce pas.

Après avoir vu Michelle partir, Hermann se dirigea vers sa chambre. Il s'étendit sur son lit, le cœur encore en effervescence après sa confession. Il avait enfin osé lui avouer son amour, même si les circonstances n'étaient pas idéales. Mais malgré tout, il se sentait plus léger, heureux de l'avoir fait. Il se leva, se dépêcha de retirer ses vêtements et se glissa sous la douche, en sifflotant, l'esprit encore flottant dans les nuages de ses émotions.

Lorsqu'il eut terminé, il se prépara à se coucher, mais il ressentit le besoin de vérifier si Keyra allait mieux. Sur le point de frapper à sa porte, celle-ci s'ouvrit avant qu’il n’ait eu le temps de le faire. Michelle sortait discrètement de la chambre, fermant la porte en veillant à ne faire aucun bruit.

— Je lui ai fait prendre son bain, elle est déjà au lit, l'informa Michelle à voix basse.

— Merci Michelle, tu as assez fait pour aujourd'hui. Tu peux aller te reposer. Je vais prendre le relais.

La jeune dame acquiesça et lui souhaita bonne nuit avant de partir. Hermann entra à son tour dans la chambre, évitant soigneusement tout bruit. La lumière avait été éteinte et remplacée par la veilleuse près du lit. Il s’approcha, observant la silhouette de Keyra endormie. Son pyjama Bob l’Éponge remplaçait la robe de soirée qu’elle portait plus tôt. Elle semblait paisible. Hermann posa la bouteille d'eau qu’il lui avait apportée sur la table de nuit avant de s’incliner légèrement vers elle. Il déposa un langoureux et tendre baiser sur son front.

— Bonne nuit, murmura-t-il doucement, puis se leva pour s'éloigner.

Mais au moment où il s’apprêtait à quitter la pièce, il sentit les mains de Keyra s’agripper aux siennes. Il s’arrêta.

— Tu ne dors toujours pas ? s'enquit-il, étonné.

Keyra se redressa doucement, son regard encore un peu brumeux.

— Reste, s'il te plaît ! supplia la demoiselle, d'une voix fragile.

Elle se dégagea pour lui faire de la place. Ce geste était imprudent, surtout après ce qui s'était passé, mais d’un autre côté, il était peut-être plus sûr qu’elle ne reste pas seule après l’alcool qu’elle avait ingéré. Hermann hésita un instant avant d'hocher la tête, acquiesçant. Il saisit la bouteille d’eau qu’il lui avait apportée.

— Bois un peu d'eau, sinon le réveil sera difficile demain, lui dit-il doucement.

Keyra se força à boire quelques gorgées, et une fois la bouteille vide, elle la posa sur la table de chevet. Hermann s’installa à ses côtés, un léger sourire sur les lèvres. Keyra se coucha à l’opposé de lui, et après quelques secondes, elle lui souhaita une bonne nuit. À peine avait-elle fermé les yeux qu'elle sentit le bras de son ami glisser autour de sa taille, et sa respiration chaude effleurer son cou.

— Dors bien chérie, lui sursurra Hermann à l'oreille, sa voix pleine de tendresse.

— Chérie ? demanda-t-elle en se retournant vers lui, leurs visages se trouvant maintenant si proches.

Hermann se contenta de sourire, un sourire espiègle et tendre à la fois.

— Qui est-ce qui s'est autoproclamée ma petite amie pour la soirée ? répondit Hermann d'une voix suave en caressant ses cheveux. Pour autant que je sache, la nuit n'est pas encore terminée.

— Je...

Keyra resta sans voix, le rouge lui montant aux joues. Les mots lui échappaient, mais son cœur battait fort sous la chaleur de ses paroles.

— Je vais te confier un secret, repris Hermann. J'aime savoir que tu rougis à cause de moi.

Incapable de formuler une réponse, elle enfouit son visage dans la poitrine de Hermann, cherchant à masquer la confusion qui la prenait. Hermann, amusé, la serra un peu plus contre lui et déposa un baiser sur son crâne.

Dommage ! C'est tellement dommage qu'une fois les effets de l'alcool dissipés, tu oublieras tout. Mais ce n'est pas grave, je garderai précieusement cet instant dans un coin de ma tête.

Bercés dans les bras l'un de l'autre, il ne fallut pas longtemps avant que Morphée ne les emporte dans son monde utopique.

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5586 mots !

Hehe ! C'est le chapitre que bon nombre d'entre vous attendaient, n'est-ce pas ? J'ai clairement fait du fan service ici, mais bon, c'était nécessaire à l'intrigue.

À vos claviers ! Je veux savoir ce que vous pensez de cette partie..
À votre avis, comment leur relation évoluera-t-elle ?

Hâte de lire vos pensées !
Kissouilles kissouilles 😚😘❤️

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