Chapitre 25 : La belle et la bête

L'alarme du téléphone sonna. D'un geste lourd, la demoiselle Tancey tendit le bras vers la commode afin de taire l'appareil. Les cheveux en bataille, elle se leva lentement de son lit et se dirigea vers la salle de bains. Complètement réveillée après sa douche chaude, la jeune fille s'habilla et descendit rejoindre les autres au salon. Elle trouva Michelle et Junior dans la salle à manger.

— Hermann est déjà debout ? demanda-t-elle après les avoir salués.

— Oui, il est dans la cuisine, lui répondit la nounou.

— Mmmh ! saliva Keyra d'avance. Ça veut dire qu'on aura un festin au petit déj. Je vais le rejoindre...

Environ trois jours s'étaient écoulés depuis leur conversation au bord de la plage. En y repensant, elle avait l'impression que ce n'était qu'à cet endroit là qu'ils pouvaient parler à cœur ouvert. Elle s'approcha de lui à pas feutrés afin de le surprendre, mais elle s'arrêta net dès qu'elle se rendit compte qu'il était au téléphone.

— ...Il n'y a pas plus casse-pieds que toi Alex ! souffla son ami, l'air exaspéré.

Oh c'est Alex ! s'exclama intérieurement la jeune fille. Voulant lui laisser un peu d'intimité, Keyra retourna sur ses pas. Mais à peine voulu-t-elle franchir le seuil de la porte qu'elle s'arrêta net.

— Je te préviens, tout ce que je t'ai raconté reste strictement entre nous..... Ne le répète pas à personne, surtout pas à qui tu sais ! .... Si jamais Alice apprend que je suis amoureux d'elle, elle ne me laissera jamais tranquille.

Elle sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. La demoiselle se hâta de sortir de la pièce et se cacha dans l'angle de la porte. Tout devint clair dans sa tête. Il était effectivement amoureux de son amie, mais tenait à ce que cela reste secret. Elle ne s'était donc pas trompée.

Je devrais m'en réjouir. Mais, mais pourquoi je n'y arrive pas ? À la place c'est un énorme malaise que je ressens.

Sentant ses yeux devenir flous, Keyra passa sa main et découvrit avec stupéfaction des gouttes d'eau translucides. Elle pleurait. Mais pourquoi ? Son ami avait enfin trouvé quelqu'un qui l'intéressait, après sept années de souffrance. Des larmes de joie. Oui, c'était sûrement des larmes de joie. Keyra les essuya d'un revers de la main, retourna dans la salle à manger et s'assit comme si rien ne s'était passé.

Peu de temps après, Hermann les rejoignis et installa la vaisselle. Keyra l'aida. Le téléphone de son ami sonna. Il resta en retrait pour parler un moment.

— Je sais Hilda. Non, je n'essaie pas de te mener en bateau. D'ailleurs je ne l'ai jamais fait... Évidemment, nous serons tous là. Parfait, on se retrouve plus tard.

Ayant raccroché le téléphone, Hermann rejoignit le reste de la bande afin de prendre le petit-déjeuner. Dès qu'il s'assit, Keyra entama la prière et ils purent enfin manger.

— Hilda tient absolument à rencontrer Junior avant qu'il ne parte. Et vu que nous sommes libres aujourd'hui, on pourra y aller, annonça Hermann après le repas.

Enthousiaste à l'idée de retrouver les enfants du refuge, Keyra s'empressa de desservir la table, aidée par Michelle. Même si la situation semblait être revenue normale depuis sa conversation avec Hermann, la jeune fille avait été troublée par les propos de son ami. Elle n'arrêtait pas d'y repenser. Elle se sentait mal à l'aise, mais n'arrivait pas à mettre de mot sur ce qui la dérangeait. Peut-être que sa journée avec les enfants pourra l'aider à penser à autre chose.

— Qui est Hilda ? s'enquit Junior, curieux de savoir qui était cette personne qui désirait tant le voir.

— C'est la tante d'Hermann, et tu verras, elle est très sympathique, l'informa Keyra tout en faisant la vaisselle. Oh j'allais oublier. Quand tu la verras, ne dis surtout pas tante Hilda.

— Pourquoi ?

— D'après ce que je sais, elle n'aime pas entendre le mot tante derrière son prénom. Alors soit tu l'appelles Hilda ou tante.

— Bizarre quand même, marmonna le jeune garçon.

— Je dois vraiment venir aussi ? l'interrogea à son tour Michelle. Je veux dire, si ma présence n'est pas requise, j'aimerais rejoindre mon petit ami pour cette journée. Bien entendu, je serai de retour ce soir.

— Laisse-moi en parler avec Hermann, répondit Keyra.

La nounou acquiesça de la tête et elles terminèrent le ménage en parlant d'autres choses.

— Hermann ? appela Keyra, ne voyant son ami nulle part.

— Je suis dans le bureau, l'informa une voix étouffée derrière la porte de ladite salle.

— Je peux entrer ? demanda Keyra en ouvrant la porte, ayant déjà franchi le seuil.

Il leva les yeux de son ordinateur et les posa sur elle un bref instant avant que ses lèvres ne s'étirent en un sourire. De nouveau, la demoiselle ressentit cette douce chaleur se répandre dans tout son corps. Pour une raison quelconque, elle aimait cette sensation. Ou alors c'était le fait de savoir que ses sourires lui étaient adressés qu'elle aimait. Quoi qu'il en soit, cela ne lui déplaisait guère, peu en importait la raison.

— Tu es déjà entrée Keyra, lui fit-il remarquer.

— Oups ! reprit la jeune fille sur un ton faussement innocent.

Elle s'avança vers son ami et s'assit près de lui.

— Ne me dis pas que tu es encore en train de travailler ? C'est bien d'être travailleur mais tu risques de t'abîmer les neurones à force d'avoir le nez dans ton ordi.

— Je suis en train de régler quelques détails par rapport à une affaire importante. Je t'en parlerai quand tout sera ok.

— D'accord, mais n'abuse pas, lui conseilla-t-elle.

— C'est compris Alice, répondit-il en riant alors que la demoiselle sortait de la pièce.

Un pincement au cœur, elle se retourna vers lui et fronça les sourcils.

— Alice ? demanda Keyra.

— Ta façon de me parler tout à l'heure, on aurait dit Alice.

— Ah ! fut tout ce qu'elle trouva à répondre. Oh au fait, avant que je n'oublie. Michelle demande la permission de voir son copain cette journée vu que nous serons tous au refuge.

— C'est d'accord pour moi, répondit-il de nouveau concentré sur son ordinateur.

Ce sentiment de malaise encore présent, Keyra l'abandonna dans le bureau et retourna au salon. Elle en profita pour appeler sa famille afin d'avoir de leurs nouvelles.

***

La 4×4 d'Hermann se gara devant le refuge. Il klaxonna pour signaler sa présence. Le gardien se hâta d'ouvrir le grand portail afin de le laisser entrer. Il stationna l'engin dans l'enceinte de la spacieuse cour. Sans plus attendre, Keyra bondit hors de la voiture. Un peu déboussolé, Junior sortit lui aussi du véhicule.

— C'est grand ! constata le jeune garçon.

— Je ne te le fais pas dire. Et tu verras, c'est encore plus chouette à l'intérieur.

— On y va ou vous allez continuer à discuter à l'extérieur ? s'enquit Hermann.

À l'unisson, ils pénétrèrent enfin dans la bâtisse. Sans surprise, Hilda les attendait. Elle se précipita vers eux et embrassa son neveu avant de s'intéresser à Keyra.

— C'est toi Junior ? demanda-t-elle au jeune garçon.

— Bonjour tantie, oui c'est moi.

— Oh comme il est mignon ! s'exclama-t-elle.

Avant qu'il ne réponde, elle l'enlaça. Bien qu'il détestait être touché par des inconnus, Junior se laissa quand même faire. Hilda se releva après avoir posé un baiser sur le front du jeune garçon. Si elle le pouvait, elle l'aurait serré dans ses bras toute la journée. Sans raison aucune, elle avait l'impression de le connaître depuis toujours, comme s'il était un membre à part entière de sa famille. Après avoir échangé les banalités d'usage, Hermann suivit Hilda dans une pièce retirée. Il fallait qu'ils discutent de quelques points importants concernant le refuge. Accompagnée de Junior, Keyra parti à la rencontre des autres enfants. Ravis de la revoir, ils l'encerclèrent en moins d'une minute. La jeune fille était vraiment heureuse de les revoir. Ils lui avaient manqué. Elle était d'autant plus heureuse que Junior se soit rapidement familiarisé avec eux. Même s'il semblait avoir quelques à priori, il avait tout de même l'air de s'y plaire.

— Keyra, raconte-nous une histoire s'il te plaît, plaida Ayden.

— Oh oui, une histoire s'il te plaît, renchérit le reste de la bande, Junior y compris.

— Mmmh d'accord ! répondit-elle sans se faire prier. Quel genre d'histoire voulez-vous entendre ?

— C'est toi qui décide !!!

Elle réfléchit pendant de longues minutes à l'histoire qu'elle pourrait leur raconter avant de s'écrier :

— Je sais ! Je vais vous raconter l'histoire de la belle et la bête, à la sauce de Keyra ! termina-t-elle dans un rire, un clin d'œil à l'appui.

Curieux d'en savoir plus, un silence s'installa naturellement dans le salon. Assis en cercle, ils convergèrent unanimement le regard vers la conteuse du jour. Debout au milieu de son assistance, Keyra se racla la gorge. Telle une actrice de pièce théâtrale, elle prit la parole.

— Écoutez public, écoutez ! L'histoire que je vais vous raconter n'est pas comme tous les contes de fées. C'est une histoire particulière, unique en son genre. Comme vous n'en aviez jamais entendu parler auparavant..

Dans les anciens temps, au temps de la magie et des sortilèges, vivait une jeune demoiselle qui adorait lire. Entourée d'une famille aimante, elle n'avait jamais vu la nécessité d'explorer le monde extérieur. Toutes ses aventures, elle les vivait grâce à ses livres qui réussissaient à la transporter. La demoiselle vivait une vie paisible jusqu'au jour où, en rentrant à la maison, son père fut attaqué par un ours ! Grrrrrrr !! L'ours grogna, montrant des crocs acérés. La couleur de ses yeux vira à un rouge menaçant, renforçant la peur du pauvre vieil homme.

Les ours ont des crocs ? l'interrompit Maël. Je pensais que seuls les loups pouvaient en avoir.

— Eeeh bien, c'est une sorte de croisement entre un ours et un loup, répondit Keyra du tac au tac.

— Oh oh je sais, on n'a qu'à dire que c'est un loupours ! suggéra Aydden.

— Si vous voulez, approuva Keyra, avant de reprendre son histoire.

Le loupours attaqua le vieil homme et d'un coup de gueule, lui arracha la jambe droite. Malgré la douleur et la peur qu'il ressentait, l'homme réussit à se sauver et à retourner au village, là où il savait que la créature ne pouvait plus rien lui faire. La barrière magique le protégeait. Mais épuisé par toutes ces émotions fortes, il s'écroula à l'entrée du village. Dès qu'ils le virent, tous les villageois s'empressèrent d'aller à sa rescousse. Le vieux Jean, tel était son nom fut transporté dans l'établissement qui leur servait d'infirmerie pour l'époque.

— Oh non, pauvre monsieur Jean ! compatit Aline.

— Oui tu as raison, pauvre monsieur Jean, répliqua Keyra la mine triste.

Rapidement, on informa la famille du vieux Jean. L'état de sa jambe n'était vraiment pas beau à voir. Tout le monde était peiné. Mais le vieux Jean, lui se sentait coupable d'infliger une telle souffrance à ses proches.

— Mais chetais pas sha faute, barbouilla Lucie.

— Peut-être. Mais tu sais, quand tu aimes des gens, tu ne peux pas supporter de les voir tristes, surtout quand c'est en partie à cause de toi. C'est comme ça qu'est la vie, lui expliqua Keyra, le regard assombri.

Il n'y avait aucun espoir qu'il puisse remarcher. Comment aurait-il pu ? Le loupours lui avait arraché la jambe. Mais notre demoiselle refusait d'admettre cela. Elle avait lu dans ses livres qu'il existait une rose spéciale, capable de redonner vie à des morts. Son père pourrait avoir une chance de remarcher si jamais elle pouvait obtenir cette rose magique. L'inconvénient, c'est qu'elle fleurissait une seule fois en un siècle, dans un château situé en plein cœur de la forêt maudite. Heureusement, d'après les informations qu'elle avait, la prochaine floraison aurait lieu dans deux mois.

"N'y vas pas, l'avertit sa mère lorsqu'elle lui appris son projet. C'est risqué et tu n'es même pas sûre que la rose existe réellement"

"Si je l'ai lu dans les livres, c'est qu'elle existe bel et bien. Je dois essayer, ne serait-ce que pour père"

"Non, je ne te laisserai pas y aller"

Belle était désespérée. Elle voulait sauver son père, mais ne voulait pas non plus désobéir à sa mère. Après avoir passé deux jours et deux nuits à réfléchir sur le sujet, elle trouva qu'il valait la peine qu'elle tente sa chance. Alors le troisième soir, elle prit ses affaires et se faufila discrètement hors du village. Ses livres avec elle, Belle marcha en direction de la forêt maudite. Tout le long du chemin, elle entendait des murmures qui l'appelaient, parfois c'était des chants incroyablement magnifiques. Sachant qu'il s'agissait de pièges des créatures maléfiques, Belle fredonnait une chanson que son père lui chantait quand elle était plus jeune afin de se concentrer sur sa mission. Après cinq longues journées à marcher sans cesse, elle avait l'impression de tourner en rond. Elle revoyait les mêmes arbres, les mêmes paires d'yeux qui la scrutaient sans discrétion. Épuisée et apeurée, elle s'assit contre un tronc d'arbre et se mit à pleurer.

"Maman avait peut-être raison, la rose millénaire n'est qu'un mythe. Je risque de mourir dans cette forêt maudite et personne ne trouvera jamais mon corps."

— Oh non, elle abandonne déjà ?

— Chuuut Aydden !!! Arrête de l'interrompre, le gronda l'une des aînés.

— C'est bon, je me tais.

Tout en pleurs, elle s'endormit contre l'arbre. Dans son sommeil, une fée des fleurs s'approcha d'elle et la regarda intensément. Ces fées étaient connues pour être sévères envers tout ceux qui osaient s'aventurer dans la forêt maudite. Car c'était un lieu dédié uniquement à tous les êtres dotés de pouvoirs surnaturels. Et les humains n'avaient pas le droit d'y aller. Mais bien avant de l'exécuter, Elle ferma les yeux et se connecta à l'esprit de Belle.

— Elle va la tuer ? ne put s'empêcher de demander le jeune garçon aux yeux vairons.

— Aydden !!! le grondèrent-ils en chœur.

— Quoi ?! se défendit le concerné.

"Jeune demoiselle, ta cause est pure et tes intentions sont nobles, murmura la fée après avoir examiné ses pensées. Pour cela, je t'accorde le privilège de traverser cette forêt. Une fois sortie, tu verras enfin le château que tu cherches tant. Cependant, prends garde à ton cœur, car les apparences sont souvent trompeuses !"

Après avoir prononcé ces paroles, elle pointa son index vers le cœur de Belle. Un halo de lumière jaune se forma au bout de son doigt pendant quelques instants et devint progressivement blanc. La fée sourit et disparue comme elle était arrivée. Le lendemain matin, Belle se réveilla. Elle avait l'impression d'avoir rêver la nuit dernière. Mais étrangement, elle se sentait pleine de courage et avait l'impression qu'elle pouvait affronter n'importe quel danger. Notre jeune demoiselle se leva donc et se remit en marche. Après trois jours de longue marche, elle aperçut cette fois au loin, une tour. C'était le château qu'elle cherchait. Heureuse, Belle se mit à courir, ignorant les appels lugubres qui devenaient de plus en plus fort.

Lorsqu'elle arriva à proximité, Belle réalisa que le château était bien plus grand que ce qu'elle avait imaginé. Si j'ai trouvé le château, cela signifie que la rose millénaire existe bel et bien ! s'exclama Belle. Avec zèle et courage, elle poussa la grille du grand portail qui grinça. Des oiseaux s'envolèrent au-dessus de sa tête. Elle entra timidement, explorant des yeux les environs. Il semblait n'y avoir personne. Et puis, le château présentait un aspect lugubre. Elle n'osait pas s'avancer plus. Alors qu'elle envisageait de se retourner, un bruit sourd se fit entendre. Boum ! La porte venait de se refermer. Apeurée, Belle se résolue tout de même à avancer. Ce sinistre château semblait plus effrayant que la forêt maudite.

Résolue et déterminée, Belle traversa l'allée et pénétra à l'intérieur du château.

"Qui ose s'introduire dans mon palais ?" rugit une voix effrayante.

"Veuillez pardonner mon impudence, s'excusa Belle de sa douce voix. Je suis à la recherche de la rose millénaire "

"Elle n'existe pas. C'est un mythe. Vous pouvez vous en aller"

Je ne peux pas avoir fait tout ce chemin en vain, pensa la demoiselle. Bien qu'elle ne voyait personne, Belle s'agenouilla.

"Il s'agit peut-être d'un mythe, mais j'en ai besoin pour sauver mon père. J'y crois fermement messire. Je vous en conjure, si la rose est bien réelle, laissez-moi la cueillir. Je... Je suis prête à vous servir en échange le temps qu'il faudra"

"Me servir ?" Un autre rire macabre emplit la pièce. "J'ai déjà tout ce que je veux à ma disposition, que pouvez-vous m'offrir de plus ?

"Dans ce cas, je vous offrirai ce que j'ai de plus précieux... Mon cœur !" répondit Belle avec courage et franchise.

"Votre cœur ?! Soyez sérieuse ! Pourriez-vous aimer un tel être ?!"

Aussitôt la phrase achevée, une fumée sombre se matérialisa devant la demoiselle. Belle ferma les yeux à cause de la surprise et toussa, sous l'effet de la fumée. Lorsqu'elle les rouvrit, c'est une créature des plus hideuses qu'elle vit en face d'elle. Il était tellement hideux, qu'aucun mot de ce monde ne pouvait le décrire. N'ayant le cœur à supporter cela, Belle fut contrainte de détourner son regard.

"Vous ne pouvez même pas supporter de me regarder, comment pourriez-vous me donner votre cœur ?" gronda la Bête de sa voix terrifiante. Soit ! Vous pourrez me servir aussi longtemps que je le voudrais, en échange vous pourrez obtenir la rose.

Ne s'attendant pas à un tel retour de situation, elle s'inclina face contre terre.

"Je vous remercie de votre indulgence"

"Ne criez pas victoire trop vite, il y a des contraintes"

— Va-t-il lui donner du fil à retendre ? demanda Maël.

— On dit du fil à retordre et pas retendre, n'est-ce pas Keyra ? corrigea Junior..

Keyra acquiesça, le sourire aux lèvres avant de reprendre l'histoire.

"Vous devrez affronter mon visage chaque fois que vous me servirez, sans sourciller, avec un sourire sincère. Obéissez aux ordres que je vous donne et tout ira bien pour vous"

Ainsi, Belle se mit au service de la Bête. Bien que les débuts furent difficiles, compte tenu de l'apparence de son nouveau patron, Belle le servait du mieux qu'elle pouvait. Au fur et à mesure qu'elle passait du temps, Belle arrivait à supporter son apparence. De plus, tous les êtres enchantés du château étaient toujours prêts à l'aider, et à prendre sa défense. Étrangement, elle appréciait de plus en plus passer du temps avec la Bête. Après pratiquement un mois et demi de loyaux services, Belle réalisa qu'il n'était pas aussi méchant que son apparence ne laissait croire. Son apparence mise de côté, il était d'une agréable compagnie et ses qualités surpassaient largement ses défauts physiques.

Cependant, hormis elle, la Bête recevait quotidiennement la visite d'une fée très belle et charmante. La fée était gentille et douce. Elle aussi, s'était liée d'amitié avec tous les êtres enchantés du royaume. Elle traitait la Bête avec sincérité et ne semblait jamais dégoûtée de son apparence. Même si Belle était ravie de le voir se lier d'amitié avec une autre, elle ressentait tout de même un sentiment étrange vis-à-vis de la fée. De la jalousie ! Elle était jalouse de le voir si proche d'une autre. Mais elle ne pouvait rien y faire. La Bête semblait être heureux de passer du temps avec la fée.

Un soir, la Bête fit appeler Belle dans ses quartiers. Voyant qu'elle était triste, il lui révéla un jardin de rosiers qu'il avait cultivé lui-même au fil des dernières années. La Bête lui confia qu'il y consacrait tout son temps libre et lui montra l'objet de la quête de Belle : La rose millénaire. Bien qu'elle était ravie de savoir que ses efforts seraient bientôt récompensés, Belle était encore plus triste de savoir qu'elle devra quitter la Bête.

"Pourquoi êtes-vous triste dernièrement ?"

"Vous ne me croirez sûrement pas messire, mais quand je songe à l'idée de vous quitter, mon cœur se sent triste."

"Vous m'êtes chère Belle. Vous êtes la première amie que je me suis faite dans le monde humain. Je ne vous oublierai jamais."

Elle était ravie d'apprendre que la Bête tenait aussi à elle. Mais ce n'était pas suffisant, car elle venait de prendre conscience de ses sentiments.

— Belle était amoureuse de la Bête. Elle ne le voyait plus comme la Bête, ni comme un simple ami. Elle désirait être avec lui, à chaque étape de sa vie, continua Keyra, le regard dans le lointain. Mais il était clair que ses sentiments n'étaient pas partagés..

Les larmes au bord des yeux, Keyra ressentit une tristesse indicible dans son cœur. Finalement c'était ça. Ce sentiment étrange qu'elle ressentait chaque fois qu'elle était en présence de son ami, et cette soudaine jalousie envers Alice. La jeune demoiselle réalisa alors qu'elle était tombée amoureuse d'Hermann. Elle ferma les yeux et se calma, s'efforçant de garder une voix claire pour poursuivre l'histoire.

Mais même si elle ne pouvait rester à ses côtés, Belle était ravie qu'il ait trouvé un partenaire qui lui convienne. Lorsque la rose millénaire eut enfin éclot, la Bête en fit cadeau à Belle, la remerciant d'avoir respecté sa parole. Il s'approcha d'elle et l'enlaça. Un tourbillon de lumière dorée les envahit, d'abord faible puis de plus en plus fort. Quelques instants avant que le tourbillon disparaisse, Belle aperçut brièvement un beau jeune homme qui lui souriait à la place de la Bête. Il avait des allures princières. Elle tendit la main vers lui, mais le tourbillon doré disparue et Belle fut projetée. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle réalisa qu'elle était à nouveau chez elle, la rose millénaire en main. Heureuse, Belle se servit des pétales et en fit un potage. Dès que la nourriture fut prête, elle couru vers son père et lui fit boire la soupe. Au bout de quelques cuillerées, il se sentit revigoré. Et comme par enchantement, tous les membres de son corps étaient en place, et en parfait état. Belle versa des larmes en regardant dans la direction de la forêt maudite.

"Merci mumura-t-elle, à la fois triste et émue"

— Fin de l'histoire ! cria Keyra !

Des cris de protestations s'élevèrent parmi son auditoire.

— Quoi ? Ça ne peut pas finir comme ça !!! Elle doit rester avec la Bête. Ils sont faits pour être ensemble, c'est comme ça dans tous les contes de fées.

— Malheureusement, répondit Keyra, la vie n'en est pas une. Mais ils restent amis, c'est aussi bien n'est-ce pas ?

— Pas du touuuut !!!! protestèrent-ils en chœur.

C'est sur ces murmures de mécontentement que son ami arriva..

— Qu'est-ce qui se passe ? s'enquit monsieur Mensah.

— Keyra nous a raconté une histoire, mais la fin est trop nulle.

— Oh laquelle ?

— Excusez-moi, j'ai besoin d'utiliser les toilettes, barbouilla Keyra, la tête basse.

Elle s'enfuit vers la salle de bains. Quand elle s'assura qu'elle était seule, elle ferma la porte à double tour et commença à pleurer. Pourquoi de tous les hommes de son entourage, il fallait qu'elle ait des sentiments pour Hermann ? Les mots de son ami lui revinrent en mémoire.

Si jamais Alice apprend que je suis amoureux d'elle, elle ne me laissera jamais tranquille.

Elle venait à peine de réaliser ses sentiments pour Hermann, mais son ami lui était amoureux d'une autre. Une autre qui était son amie. Une autre qui l'avait adoptée dès son arrivée à M. Design, qui l'avait défendu face à tous et face au bourreau qu'il était jadis. Keyra pleura à chaudes larmes. Elle s'en voulait, et énormément.

Quand elle se calma un peu, Keyra se rinça le visage et sortit rejoindre les autres. Elle trouva les enfants rassembler autour de son ami. Il semblait leur raconter une autre version finale de l'histoire.

— ..... Ils vécurent heureux et eurent beaucoup enfants.

Cette fois, les enfants semblaient ravis. Keyra souriait du bout des lèvres, mais le cœur n'y était pas. Le reste de la journée passa très lentement au goût de la demoiselle.

***

Keyra claqua la portière de la voiture et se hâta de rentrer de la maison. Elle se dirigea directement vers sa chambre et s'étendit sur son lit après s'être assurée d'avoir verrouillé la pièce. Elle resta étendue pendant un long moment, laissant son esprit vadrouiller partout sauf sur le réel problème. La demoiselle n'avait pas envie d'y penser.

Au bout d'un moment, elle se leva pour prendre sa douche et descendit à la cuisine. Elle trouva Hermann et les autres en train de dresser la table pour le dîner.

— Pile à l'heure, j'allais justement t'appeler pour le dîner.

— Oh non, je ne mangerai pas ce soir. Je vais juste prendre une pomme. Bon appétit à vous, informa Keyra.

Comme elle l'avait dit, elle piocha une pomme rouge dans la corbeille de fruits et se dirigea à nouveau vers sa chambre.

— Keyra attends !

La demoiselle s'arrêta et se tourna pour faire face à son ami.

— Tu es sûre que ça va ? Je veux dire, tu n'as pas l'air dans ton assiette.

— Ça va, t'en fais pas...

Elle lui sourit et lui tourna le dos afin de regagner sa chambre. Malgré ce qu'elle s'évertuait à dire, Hermann sentait que quelque chose n'allait pas chez son amie. Cependant, il ne voulait pas la brusquer. Après tout ce temps passé avec la jeune fille, il savait pertinemment qu'elle resterait aussi muette qu'une carpe tant qu'elle ne s'était pas décidé à en parler de son plein gré. Monsieur Mensah retourna quand à lui à la salle à manger. Dû à l'inquiétude qu'il ressentait à l'égard de son amie, la nourriture passait assez difficilement. Finalement, il se leva de table, emportant avec lui son assiette qu'il débarrassa avant de le poser dans le lave-vaisselle.

Debout devant la porte de la chambre de mademoiselle Tancey, Hermann hésitait. Devait-il frapper à la porte pour lui parler en tête ? Ou devrait-il la laisser tranquille ? Au vu de la mine qu'elle avait affiché toute la journée, il était prêt à parier qu'il s'agissait d'un sujet on ne peut plus sérieux. Finalement, il regagna sa chambre. Il avait une autre idée en tête. Hermann se saisit de son téléphone et composa le numéro de son intermédiaire. Ce dernier décrocha dès la première sonnerie.

— Allô frangin !

— André, j'ai besoin de ton aide.

— Dis toujours.

— Tu pourrais demander à Alicia de donner un coup de fil à Keyra ? J'ai l'impression qu'elle ne va pas bien, mais elle s'obstine à garder le silence. Il s'agit peut-être d'un sujet assez délicat. Je pense qu'elle sera plus apte à en parler avec sa sœur, expliqua-t-il.

— D'accord je vois, ne t'en fais pas. Je dirais à Alicia de le faire. Mais toi ça va ? Tu ne réponds pas à nos appels, et quand tu le fais c'est pour une raison bien précise.

— Tu me connais André, je suis toujours occupé avec le boulot. Il n'y a pas de soucis à mon niveau, pas besoin de t'inquiéter.

— J'ai entendu dire d'Angela que tu avais finalement emménagé à la maison de la plage. Alors je...

— Je vois. Mais sérieusement, tu n'as pas à t'en faire. J'avoue que les premiers jours étaient assez pénibles, mais je le vis bien maintenant. Je crois que, j'ai enfin tourner la page. Et c'est grâce à Keyra ! répondit-il, un sourire en coin, le regard rêveur.

— Un instant ! Est-ce qu'il y a un épisode que j'aurai manqué ?

— Je t'ai déjà dit la raison pour laquelle je t'ai appelé. Je suis très occupé en ce moment. Je raccroche, à plus tard.

Il raccrocha aussitôt sa phrase terminée, ne laissant pas l'occasion à son aîné de répondre.

Seuls les reniflements se faisaient entendre dans la chambre de la demoiselle Tancey. Elle avait pleuré de tout son soûl. Les yeux rouges et enflés à cause des larmes, Keyra ne cessait pas de se remettre en question. Ce n'était pas le fait d'aimer Hermann qui était un problème en soi. Mais le réel souci, c'est qu'il semblait être intéressé par son amie. Le problème ici, c'était qu'elle désirait un homme qui ne la considérait pas de la même manière qu'elle le voudrait. Pourquoi cette situation lui arrivait-elle ? Elle avait beau réfléchir, mais n'arrivait pas à comprendre. Mais après tout, est-ce que l'amour était quelque chose que l'on pouvait s'expliquer, juste comme ça ? Elle avait toujours pensé que l'amour était quelque chose de beau, et elle avait rêvé de ce jour où son cœur s'attacherait véritablement à une personne. À présent que son vœu s'était réalisé, elle découvrait les prémices de ce qu'on appelle l'amour non partagé. Elle en était encore à ses réflexions quand son téléphone sonna, la ramenant brutalement à la réalité.

— Allô ! dit-elle de sa voix tremblante.

— Mais tu pleures ! s'exclama Alicia à l'autre bout du fil. Qu'est-ce qu'il y a ? Il s'est passé un truc grave ?

— Alicia, je... Je...

Ses sanglots incessants l'empêchaient de former une phrase correcte, faisant grandir l'inquiétude chez sa sœur.

— Calme-toi Keyra. Prends une profonde inspiration et respire.

Keyra s'exécuta. Une fois, puis une deuxième et une troisième fois.

— Maintenant, raconte-moi tout doucement ce qui ne va pas, continua Alicia quand elle sentit que sa sœur s'était quelque peu calmée.

— Je suis une mauvaise personne ! lâcha Keyra, telle une grenade qui venait d'être dégoupillée, provoquant chez Alicia une tornade d'incompréhension.

_____

4855 mots !

Que pourrais-je bien dire pour me faire pardonner ? 😓😓😓

Tout d'abord, bien le bonsoir /bonjour. Je suis ravie de vous retrouver pour la suite de ce roman. Depuis le temps, je me doute d'avoir perdu une bonne partie de mon auditoire, mais c'est mérité et j'accepte ma punition.

Je ne me justifierai pas aujourd'hui, j'espère juste que vous avez apprécié ce chapitre après ce super long moment d'absence.
Une chose est sûre, je suis de nouveau motivée, donc il se pourrait que vous recevrez d'autres notifications.

En attendant que vous me pardonnerez sincèrement, j'espère vous retrouver pour la suite. Sur ce, passez un excellent début de weekend.

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