Chapitre 23 : Plus on est de fous, plus on rit...

— Keyra ?!

Les deux amis se retournèrent. Une jeune femme tenant un bébé dans les bras s'avança vers eux. Keyra fronça les sourcils, essayant de se rappeler l'endroit où elle avait aperçu ce visage familier. Lorsque son regard se porta sur la fillette qu'elle avait en main, un éclair de lucidité la frappa. C'était la femme de l'incendie. Le sourire sur le visage, Keyra voulu partir à leur rencontre, mais des bras la retinrent sur place. Finalement, la jeune mère arriva à leur niveau.

— Je ne me suis pas trompée. C'est bien vous, s'exclama la mère de l'enfant. Dieu soit loué ! Je vous revois enfin. J'ai eu tellement peur que quelque chose vous soit arrivé.

— Je n'aurai rien laissé lui arriver, répliqua Hermann sur un ton sévère.

— Oui c'est vrai, répondit la dame en forçant un sourire.

Voyant l'effet que produisait son nouvel ami sur la jeune femme, Keyra tenta de calmer le jeu. Elle repéra un kiosque a proximité.

— Ça vous dit un café ? On ferait mieux de s'asseoir pour parler, au lieu de rester debout ici. On risque de gêner le passage aussi.

La jeune dame acquiesça. Sa main tenant toujours celle de Keyra, Hermann se dirigea vers le kiosque qu'elle avait désigné. Ils prirent place autour d'une table et commandèrent quelques boissons.

— Je n'ai pas eu le temps de vous remercier la dernière fois, à cause de... de ce qui s'est passé. J'ai essayé de vous retrouver afin de savoir comment vous alliez, mais personne n'a pu me renseigner.

— Ah ! Ne vous en faites pas, je vais bien...

— ... Et ce n'est pas grâce à vous ! compléta Hermann sans laisser le temps à son amie de terminer sa phrase.

Il lui en voulait pour ce qui s'était passé. S'il n'avait pas été là, les conséquences auraient été plus dramatiques. Non seulement Keyra, mais aussi le bébé auraient été dans une situation critique. Et ce n'était sûrement pas la vitesse de tortue du voisinage qui allait aider à quoi que ce soit. La jeune mère se confondit en excuses, la voix pleine de remords. Keyra adressa un regard réprobateur au dirigeant de l'agence. Mais ce dernier resta impassible.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? poursuivit-il, imperturbable.

— Eh bien... Je... J'ai... balbutia-t-elle. À vrai dire, c'était de ma faute, finit-elle par avouer.

Elle leur jeta un coup d'œil afin d'examiner leurs réactions. Une forte surprise était lisible sur le visage de la dame qui avait sauvé la vie de sa fille, tandis que celui de son sauveur demeurait insondable. Il avait l'air effrayant. Prenant son courage à deux mains, elle leur expliqua finalement ce qui s'était passé.

— Je devais me rendre au marché et comme elle dormait, j'ai demandé à ma voisine de venir veiller sur elle. J'ai oublié de fermer la bouteille de gaz et je suis partie. Quand je suis revenue, j'ai vu que ma maison était en feu. J'ai essayé de rentrer, mais ils m'ont empêché. C'est là que vous êtes arrivés...

Ses yeux s'embuèrent, mais elle papillonna des cils afin de libérer discrètement les gouttes d'eau qui menaçaient de sortir de ses yeux.

— Où était votre voisine si vous lui avez demandé de surveiller la petite ? questionna Hermann.

—  Quand je lui ai demandé plus tard, elle m'a confié qu'elle s'est rendue dans la cuisine avec son smartphone pour se rafraîchir. Une autre voisine l'a appelé et elles sont sorties discuter, pour ne pas réveiller ma fille, apparemment. C'est de là que le feu est parti.

— Toute une bande d'écervelées ! s'exclama monsieur Mensah, hors de lui. Il n'y en a pas une pour rattraper l'autre. À cause de votre négligence, elles ont toutes les deux failli perdre la vie !

Les mâchoires crispées, ses mains formèrent un poing sur la table. Devant l'ire grimpante de son ami, Keyra posa sa paume sur son poing et chercha à établir un contact visuel.

Calme-toi. Ce n'est pas la peine de lui en vouloir, elle en a déjà souffert, semblait-elle lui dire.

Ayant compris le message, il inspira un bon coup afin d'évacuer sa colère. Il déforma son poing, mais garda la main de Keyra en captivité. La demoiselle lui sourit, fière de lui.

— Heureusement que rien de grave n'est arrivé, fit constater Keyra afin de détendre l'atmosphère. Mais au fait, elle s'appelle comment notre petite princesse ?

— Kylie, répondit la mère.

Keyra et Hermann échangèrent un regard, plus que surpris par sa réponse.

— Alors, de savoir que tu as sauvé la vie à l'homonyme de ta mère te faire te sentir moins coupable ? lui chuchota-t-il a l'oreille en se penchant vers elle.

Keyra hocha la tête en guise de réponse. Le visage souriant, elle demanda à la jeune demoiselle si elle pouvait prendre la fillette dans ses bras.

— Bien sûr !

Hermann lâcha sa main et Keyra tendit les bras vers la petite Kylie. Comme si elle l'avait reconnue, la fillette lui offrit un grand sourire et se laissa porter par sa sauveuse.

— Comme tu es mignonne ! s'exclama Keyra. P'tite bout'chou. Tu veux la prendre ? demanda-t-elle lorsque la fillette tendit ses petites mains vers son patron.

— Pourquoi pas ! Allez viens là.

Keyra lui tendit l'enfant qui semblait bien plus contente qu'avec elle. Pour rendre l'atmosphère moins pesante, mademoiselle Tancey ne se dérangeait pas pour poser toutes les questions qui lui passaient par la tête à la mère de la petite. Ainsi, ils apprirent qu'elle se prénommait Aya. Elle était effectivement du même âge que Keyra et avait obtenu son Brevet de Technicien Supérieur en option Communication Visuelle, il y a quelques mois à peine. Son petit ami, donc le père de l'enfant, était aussi étudiant comme elle. Mais n'étant pas prêt à être père, il lui avait demandé d'avorter. Elle avait refusé. Conséquence, il avait coupé tous les liens avec elle. Abandonnée par ses parents, Aya dû faire face à la grossesse toute seule. Son enfant étant désormais sa priorité, elle préféra stopper ses cours, le temps de se trouver un travail ainsi qu'un toit où dormir. Lorsque ces deux choses fut réglées, elle décida par la suite de poursuivre ses études afin d'avoir au moins le diplôme.

— Qu'est-ce que tu fais maintenant ? Je veux dire, comme travail.

— Je suis serveuse dans un restaurant. Ça me permet au moins de nous prendre en charge, ria-t-elle.

— Quelle est ta spécialité ? demanda Hermann, la petite Kylie toujours dans ses bras.

— Je sais faire des montages vidéos de qualités et réaliser des affiches publicitaires, répondit la jeune mère. Tenez, voici quelques exemples.

Pour appuyer ses dires, elle tendit son téléphone vers eux afin de leur montrer ses conceptions. Effectivement, ils étaient plutôt réussi. Keyra semblait subjuguée. Mais quant à savoir si l'homme était impressionné, c'était difficile à savoir.

— Vous ferez de très beaux parents, observa Aya en les voyant jouer avec sa progéniture.

— Nous n'avons pas le type de relation que tu penses, s'empressa de clarifier la jeune fille, les joues légèrement rougies. On est juste amis.

— Désolée, j'ai crû comprendre autre chose... s'excusa-t-elle.

— T'inquiètes.

Ils continuèrent à discuter. Enfin, c'était plutôt Keyra et Aya qui échangeaient, Hermann étant plus occupé à barbouiller avec la fillette. Lorsque le ciel commença à s'obscurcir, la jeune mère leur annonça qu'elle allait rentrer. D'ailleurs, il était aussi temps pour eux d'en faire de même. Hermann rendit la fillette à sa mère. Après avoir payé pour leur boissons, Aya les remercia sincèrement. C'était sûrement la dernière fois qu'ils se voyaient.

— J'ai vraiment été heureuse de vous revoir. Ma fille et moi, nous vous devons une fière chandelle.

— Remercie Dieu plutôt, on aurait pu ne pas passer par là, répondit Keyra.

— ... Ou être là, sans n'y pouvoir rien faire, rajouta monsieur Mensah.

Keyra lui adressa un regard dans le style C'était obligé de lui dire ça ? Mais il l'ignora royalement et glissa sa main dans sa poche. Hermann en sortit une carte qu'il tendit à la demoiselle en face d'eux.

— Tiens ! Passe demain à dix heures à cette agence avec ton CV. J'ai un ami qui travaille là-bas. Quant au reste, ça va dépendre de tes capacités.

Surprise, Aya accepte la carte de visite et les remercia une fois de plus, les yeux humides. Elle se sentait infiniment reconnaissante envers eux. Après un dernier au revoir, elle prit une direction opposée à la leur. Keyra quant à elle se tourna vers son nouvel ami.

— La pauvre, tu lui as fait peur ! remarqua-t-elle. Tu joues les durs, mais au fond t'es vraiment quelqu'un de bien.

— Si tu parles de la carte de visite, je l'ai fait pour la petite, pas pour elle. Et puis comme je l'ai dit, le reste dépendra de ses capacités, répliqua Hermann en se dirigeant vers la voiture, mademoiselle Tancey sur ses talons.

***

La voiture se gara enfin devant la maison de la plage. La nuit avait déjà jeté son manteau étoilé sur la ville. Les deux amis sortirent de l'engin et passèrent le seuil de la maison. Exténuée, Keyra se dirigea directement vers sa chambre afin de prendre une douche. Le corps rafraîchit et vêtue de son pyjama Bob l'éponge, mademoiselle Tancey descendit les escaliers. Son ventre n'arrêtait pas de crier famine depuis qu'ils étaient rentrés. Monsieur Mensah aussi devait être affamé. Lorsqu'elle se rendit dans la cuisine, c'est avec joie et stupéfaction qu'elle vit deux assiettes de pâtes dressées fièrement sur la table à manger. Il s'en était déjà occupé.

— Il se fait tard. J'ai donc opté pour quelque chose de rapide.

Les yeux brillants de bonheur, Keyra lui adressa sa reconnaissance sans pourtant prononcer un seul mot. Hermann sourit et se débarrassa du tablier avant de s'asseoir en face d'elle.

— Cha fait du bien, complimenta la jeune fille, la bouche pleine après avoir effectué sa prière habituelle.

— Mange doucement. La nourriture ne vas pas s'envoler, lui conseilla l'homme.

— Cha, Cha ne richque pas d'arriver.

Il entama son plat, son regard figé sur celle qui faisait battre son cœur plus vite que la normale.

— Tes repas sont toujours aussi succulents. C'est un délice ! En tout cas, je ne cesserai jamais de te le dire, tu as raté ta vocation.

— Si ça te plaît tant que ça, je cuisinerai pour toi plus souvent.

— Tu ferais ça ?! Pour moi ? demanda-t-elle pour s'en assurer.

En guise de réponse, il hocha la tête. Immédiatement, les yeux de la jeune fille scintillèrent d'une myriade d'étoiles. C'est fou ! Il suffit d'un rien pour te rendre heureuse, pensa Monsieur Mensah.

— Elle sera certainement chanceuse celle qui partagera ta vie, observa Keyra sur un ton rêveur. C'est vrai quoi ! Tu as un talent extraordinaire pour la cuisine et une alchimie incroyable avec les enfants, énuméra-t-elle sur le bout des doigts. Qu'est-ce qu'elle pourrait demander de plus ?!

Ne pouvant se retenir, Hermann éclata de rire. Elle était certainement la plus folle de toutes les filles qu'il connaisse.

— Tous ces compliments pour de la nourriture.

— Je suis sérieuse ! répliqua Keyra.

Il leva les mains en évidence pendant quelques secondes, comme pour admettre sa défaite.

— Au fait, tu te sens mieux ?

Keyra hocha la tête, sans prendre le temps d'analyser. Lorsqu'elle entama sa énième bouchée, elle réalisa soudainement le non dit dans sa question. Toute cette journée passée au refuge, c'était uniquement dans le but de lui remonter le moral. Marchant lentement sa nourriture, elle leva les yeux de son assiette et le fixa.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit Hermann.

— Merci. Merci infiniment pour cette journée Jojo, ça m'a fait du bien. Vraiment.

— Tant mieux. J'ai besoin de ma pile à idée en pleine forme pour demain.

— Compris chef oui chef ! répondit-elle sur un ton militaire, la main en position de salut avant de se mettre à rire.

Cette journée vécue était de loin la plus belle de toutes depuis le début de leur séjour dans cette ville. Dans la bonne humeur, ils degustèrent leur repas. Chacun des deux amis, ressentant un sentiment indescriptible avec les mots.

***

Quelques jours plus tard.

Les rénovations de l'agence se déroulaient sans ambages. Mais c'était surtout l'entrain des membres de l'équipe qui rendaient les choses plus gaies. Keyra ne savait pas si c'était dû au fait qu'elle et monsieur Mensah soit devenus amis, mais elle trouva que la communication entre eux était beaucoup plus fluide, sans tension ou pique sous cape. Et elle aimait cette atmosphère.

Exténuée, c'est avec satisfaction que Keyra vit arriver l'heure de pointe. Mais plus encore, c'était l'heureux jour de paie. Elle allait enfin pouvoir s'acheter le collier qu'elle avait vu en boutique. S'il n'avait pas été vendu jusque là bien sûr. Profitant du fait que monsieur Mensah était en réunion, la demoiselle se rendit dans un guichet à quelques mètres de l'agence afin d'effectuer le retrait. Bien avant, elle avait pris le soin de l'en avertir par SMS.

Une fois ce détail réglé, elle retourna sur ses pas. Son patron avait sûrement déjà terminé sa réunion et devait être en train de l'attendre. Ils avaient pris l'habitude de rentrer ensemble. Effectivement quand elle arriva, Keyra le vit adossé contre sa voiture, le téléphone collé à l'oreille. Son téléphone vibra dans sa main avant de se couper presqu'aussitôt.

— Tu en as mis du temps.

— Désolée, j'ai eu un peu de mal avec la carte. Mais c'est bon maintenant, répondit-elle.

— Monte ! On y va.

Keyra acquiesça et contourna la voiture afin de prendre place à ses côtés.

— Tu pourrais faire un détour par le marché s'il te plaît ? lui demanda-t-elle en attachant sa ceinture. J'aimerais récupérer un bijou que j'ai vu la dernière fois.

— D'accord.

Arrivés à l'entrée du marché, il stationna la voiture et tout deux en sortirent. Hermann saisit la main de son amie dès qu'il arriva à ses côtés.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Keyra, surprise par son geste.

— De cette façon, je serais rassuré que tu ne prendras pas un risque inutile au cas où il y a un incendie ou autre dans les parages.

— Mais c'est gênant. Et puis, vu la manière dont tu m'as prise la main, les gens risquent de se méprendre sur nous.

— Je te gêne ? répliqua-t-il.

— Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Mais...

Il s'arrêta un instant, l'obligeant à faire de même. Elle le sonda de ses yeux perçants. Hermann lâcha sa main et la posa dans le creux de ses reins, la rapprochant un peu plus de lui. Il se pencha légèrement en avant, vers son visage.

— Et comme ça, ça l'est pour toi ? murmura-t-il à ses oreilles.

La demoiselle sentit ses joues se chauffer à cause de cette soudaine proximité. Son visage revêtit une teinte cramoisie. Pendant un instant, elle avait crû qu'il allait l'embrasser.

— Je...

Retenant un sourire moqueur, il se détacha d'elle et lui prit la main avant de reprendre sa marche. Il venait de trouver son nouveau passe-temps.

— Les gens peuvent penser ce qu'ils veulent. Je n'en ai rien à foutre. Nous savons ce qui est vrai et c'est suffisant pour moi. Conclusion, ta requête est inaccessible.

La jeune demoiselle inspira un bon coup afin de se calmer. Reprenant ses esprits, elle lui indiqua le chemin à suivre. Main dans la main, les deux amis franchirent le seuil de la boutique. Un discret sourire se dessina sur le visage du gérant lorsqu'ils les vit. Ayant suivi sa réaction, Keyra retira subtilement sa main de celle de monsieur Mensah et s'avança vers lui.

— Bonsoir monsieur. Vous vous souvenez de moi ?

— Bonsoir monsieur-dame, répondit-il calmement.

Après quoi, il leur tourna dos et farfouilla un moment dans certaines de ses affaires sur une étagère qui lui faisait à présent face. Un coffret en main, il se retourna vers eux, plaça l'objet dans leur direction et l'ouvrit.

— Vous êtes bien celle qui a commandé ce collier, n'est-ce pas ?

— Oui, c'est bien moi ! s'exclama Keyra, heureuse qu'il l'ai mise de côté pour elle.

Hermann se rapprocha d'eux et saisit l'objet entre ses mains. Il l'observa pendant un moment, puis s'adressant au gérant, lui demanda le prix du bijou.

— Ça coûte huit mille francs.

Sans discuter, il reposa le collier dans le coffret. Glissant sa main dans sa poche, il en sortit son portefeuille, y retira un billet de dix mille qu'il tendit à l'homme. Surprise, Keyra posa sa main sur la sienne pour l'en empêcher.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je te l'achètes, nous sommes bien venus pour ça non ?  répliqua-t-il, les sourcils arqués.

Keyra secoua la tête.

— Justement. Je peux me le payer, tu n'as pas besoin de le faire à ma place.

— Eh bien j'ai décidé de te l'offrir.

— Mais je comptais l'offrir à Alice en fait. J'ai trouvé ça super beau et j'ai directement pensé à elle. Si tu me l'offres, comment j'aurais le cœur de le lui remettre ?

— Si nous parlons bien de la même Alice, elle n'aimera pas. Elle préfère les bijoux de marques.

— C'est vrai que de nous deux, c'est toi qui l'a connais le mieux, réalisa-t-elle, un léger pincement au cœur. Bon on fait comme ça. Tu me prends celui-là et je lui trouverai autre chose.

Il hocha la tête pour approuver. Hermann se tourna de nouveau vers le gérant qui jusque-là n'avait dit mot et lui tendit le billet, laissant le soin à Keyra de trouver le cadeau idéal pour leur amie.

— J'ai une meilleure suggestion pour vous, proposa le patron après avoir rendu la monnaie du jeune homme.

— Laquelle ?

— Un instant.

Il lui tourna à nouveau le dos et chercha encore un bon moment. Finalement, il revint vers le soupirant de la demoiselle aux yeux ensorcelants et lui présenta un autre écrin. Monsieur Mensah l'ouvrit et y découvrit un magnifique collier. La couleur argentée de la chaînette ainsi que sa finesse lui donnait un éclat de diamants. Le médaillon, formé d'un double cœur était suffisamment grand pour y glisser une photo.

— Combien pour celui-là ? s'enquit Hermann.

— Votre prix sera le mien.

— Vous êtes bien étrange.

Un large sourire se dessina ur le visage du monsieur avant qu'il ne réplique.

— Ce collier est spécial, tout comme l'élue de votre cœur. Il a une valeur sentimentale inestimable. Ce petit bijou que vous tenez entre vos mains a été le témoin de trois générations d'histoires romantiques. Elle sera donc parfaite pour en débuter une autre tout aussi belle.

Même s'il restait peu convaincu de la véracité des propos du vendeur, monsieur Mensah se devait d'admettre qu'il restait cependant magnifique. Il était à la fois simple, mais agréable à regarder. Comme si une force magnétique vous obligeait à l'admirer, à l'image de celle à qui il comptait l'offrir. Le bijou lui irait à la perfection.

— C'est bon, je le prends, répondit Hermann.

L'homme emballa soigneusement le collier et le tendit à son nouveau propriétaire. S'assurant de l'avoir bien rangé dans sa poche, il sortit du magasin.

Il chercha la demoiselle des yeux aux alentours sans aucun succès. Où est-ce qu'elle était encore passée ? Elle était juste censée trouver un autre cadeau pour son amie, pas s'éloigner. L'inquiétude l'ayant atteint malgré lui, Hermann continua ses recherches, les oreilles bien tendues, espérant qu'il n'y ait pas un autre incendie. Elle était vraiment douée pour le mettre dans toutes sortes d'états. Il songea à l'appeler quand son téléphone vibra dans sa poche. Il s'en saisit immédiatement. Par chance, c'était son numéro.

— Où est-ce que tu es ?

— J'ai dû m'éloigner sans pouvoir t'avertir. Mais ne bouge pas, on te rejoins, répondit la jeune fille.

— On ? interrogea-t-il.

Mais l'appel se coupa sans qu'il n'obtienne une quelconque réponse. N'ayant visiblement pas le choix, il se vit contraint de faire le pied de grue. Quelques bonnes dizaines de minutes plus tard, Keyra apparu enfin dans son champ de vision, accompagné d'un jeune garçon. Il était donc la raison derrière son On. Lorsqu'elle arriva à sa hauteur, Keyra remarqua par elle-même la conséquence de ses actes irréfléchies.

— Je suis désolée, entama-t-elle pour désamorcer la bombe d'entrée de jeu. J'aurais dû penser à t'avertir plus tôt.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? s'enquit monsieur Mensah en baissant le regard sur le jeune garçon qui l'accompagnait.

— Il a été séparé de sa mère depuis quelques heures lorsqu'ils sont entrés dans le marché. J'ai voulu l'aider à la retrouver, j'ai même appelé sur le numéro qu'il m'a donné mais rien n'a faire. Ça sonne occupé, et elle reste injoignable, résuma Keyra. Je lui ai proposé de venir avec moi, le temps qu'on puisse retrouver sa mère. Et tu ne vas pas le croire. Vous avez le même prénom !

Hermann assimila ses dires et s'abaissa au niveau du garçonnet. Il semblait avoir six ans, sept tout au plus.

— Comment tu t'appelles ? interrogea-t-il.

— Hermann Junior Kra, répondit le garçon.

— Tu vois, je te l'avais dit, rajouta la demoiselle.

— Vous devez être l'homme de qui elle parle depuis tout à l'heure. Jojo, je crois.

— Je t'avais dit de ne pas sortir ce nom devant lui, lui reprocha Keyra entre ses dents.

Hermann leva les yeux vers elle afin de la confronter. La jeune fille détourna le regard, soudainement intéressée par les alentours. Il reporta son attention sur le petit garçon et lui demanda des informations supplémentaires. Apparemment, c'était la première fois qu'il se rendait dans cette ville, accompagné de sa mère dans le but de rendre visite à ses grands parents qu'il ne connaissait pas encore. Elle a voulu leur acheter certaines provisions et dans le tumulte de la foule, leurs mains ont été séparés. S'étant retrouvé seul, il a tenté de suivre le chemin qu'elle avait sûrement pris mais il avait finit par se perdre. Déboussolé, il s'assit sur un banc pour l'attendre en espérant qu'elle revienne sur ses pas, guettant avec attention tous les passants. C'est à ce moment-là que Keyra le vit et se proposa de l'aider à la retrouver. Hermann assimila les informations du petit garçon.

— Elle est toujours aussi bavarde votre amie ? demanda-t-il à l'homme. Elle n'as pas arrêté de parler depuis qu'on s'est rencontrés.

Prenant un air victimisé, Hermann approuva d'un geste de la tête.

— Comment vous faites pour le supporter ?

— J'ai fini par m'y habituer, répondit-il au jeune garçon.

— Je suis toujours là vous savez, clama Keyra, outrée par ce qu'elle entendait.

Il se remit debout sur ses pieds et lui demanda de lui passer le numéro qu'elle avait appelé. À son tour, il tenta d'émettre un appel. Mais chaque tentative se soldait par un échec. L'appel était rejeté.

— Tu es sûr que c'est le bon numéro ? s'enquit Hermann.

— Oui. Je le connais par cœur.

— Ça ne passe pas. Donne-moi celui de ton père, on aura sûrement une réponse.

— Je ne le connais pas. Il ne vit pas avec nous. Par contre, je peux vous donner celui d'oncle Tony.

— Vas-y.

Hermann Junior lui communiqua le numéro du concerné. Mais le résultat restait le même. Il était automatiquement redirigé vers la messagerie vocale. Monsieur Mensah laissa un message, informant de la situation du petit garçon et raccrocha.

— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? interrogea la jeune demoiselle.

— On va le signaler à la police pour qu'il retrouve sa mère au plus vite, répondit son ami.

— Oui c'est vrai qu'elle doit être morte d'inquiétude à l'heure qu'il est, rajouta Keyra. 

Le soleil commençait à disparaitre derrière les nuages, ses faisceaux s'étant quelques peu affaibli. Dès qu'ils furent installés dans la voiture d'Hermann, il démarra immédiatement en direction du commissariat le plus proche.

Après avoir été soumis à un interrogatoire, Hermann Junior dû se répéter encore une fois, afin d'expliquer les circonstances qui l'ont conduit à être éloigné de sa mère. Puis, le commissaire le libéra et ce fut le tour de Keyra de répondre à ses questions. Monsieur Mensah n'échappa pas à la règle. Après avoir rempli des formulaires, le petit groupe sortit du lieu de justice. Hermann avait pris le soin de laisser ses coordonnées au cas où le chef de la brigade aurait des informations. Quant au sort du petit garçon, ce dernier semblait l'avoir abandonné entre leurs mains.

— Et s'il restait avec nous, le temps que nous retrouvons sa mère ? suggéra Keyra, les yeux scintillants.

La prenant dans les bras, monsieur Mensah la mis de côté.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Il n'as nul part où aller Hermann. L'idéal serait qu'il reste avec nous, répliqua Keyra.

— Non. Le mieux, c'est qu'il reste au refuge. Hilda pourra prendre soin de lui et il sera entouré d'enfants de son âge. Il sera plus à l'aise que s'il est avec nous. Sans compter que nous sommes tout le temps occupé à l'agence. On ne va tout de même pas le laisser tout seul, si ?!

Son raisonnement était logique, mais la demoiselle n'était pas décidé à se séparer de lui, peu importe la raison. Elle l'avait trouvé, elle devait s'assurer qu'il retrouve sa mère. Ses arguments, Keyra les fit bien comprendre à son ami. Sachant qu'elle était très obstinée et qu'elle risquait de lui faire la tête éternellement, Hermann pesa le pour et le contre mentalement. Il jeta un coup d'œil au garçon.

— Bon, c'est d'accord. Il peut rester avec nous, répondit-il finalement.

— Vraiment ? s'exclama Keyra, ravie qu'il soit revenu sur sa décision.

Elle lui sauta littéralement au cou. Son stock d'enthousiasme étant intarissable, elle se chargea d'annoncer la nouvelle à l'enfant. Et elle était plus heureuse que le concerné lui-même. C'est sur cette décision que le groupe, une fois de plus grimpèrent dans la voiture. Mais cette fois-ci, pour un retour à la maison de la plage.  

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4266 mots !

Salut tous ! J'espère que vous allez bien ! Voili voilou, le chapitre est enfin disponible.
Ça vous a plu ? Dites-moi tout 🎉🎉🎉

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