Chapitre 18 : Sentiments éclaircis

Pourquoi ? Pourquoi est-ce que ça m'a fait si mal de la voir ainsi ? Pourquoi est-ce que je n'ai pas réagi lorsqu'elle m'a enlacé ? Peut-être qu'elle avait besoin que je la console, que je lui dise que tout irait bien et que je suis là pour elle. Peut-être avait-elle besoin d'entendre ces mots si réconfortants ! Pourquoi n'ais-je rien fais bon sang ?

Dans un état second, il envoya son poing valser sur la table tandis que ses mâchoires se serraient dans un mouvement synchronisé. La réunion avait repris depuis peu mais il n'arrivait pas à se concentrer sur ce qui était dit. Toutes ses pensées étaient désormais focalisées sur cette jeune fille qui était partie précipitamment. Il revoyait son visage baignée de larmes, ses yeux brisés par la détresse. Elle avait l'air mal en point. Mais il savait que son problème à elle se situait au niveau du psyché. Et il était très bien placé pour savoir que dans ce genre de moment, c'était très facile de commettre l'irréparable. Son cœur se serra à cette idée. Il ne pouvait pas la laisser seule, pas après ce qui s'était produit.

— Hermann ! Hermann ?! Tu es avec nous ?

La voix de madame Kouadio lui parvint à l'oreille. Il était hors de question qu'il perde une minute de plus dans cette salle alors que Keyra faisait face à ses démons. À la surprise générale, il se leva d'un bond.

— La réunion est suspendue jusqu'à nouvel ordre, annonça-t-il en rassemblant ses affaires.

Avant qu'ils n'aient le temps de l'interroger sur ses raisons, monsieur Mensah avait déjà quitté la salle de conférence,  attendant impatiemment que l'ascenseur vienne. Sans perdre une seconde de plus, il s'engouffra rapidement dans l'appareil. Il se précipita hors de l'agence et courut jusqu'à sa voiture comme si sa vie en dépendait. Hermann démarra en trombe, direction la maison de la plage.

Angoissé, monsieur Mensah poussa la porte d'entrée. Elle était entrouverte. Lentement, il appela son assistante mais aucun son ne lui parvint. Il s'avança dans le salon qu'il trouva désert. Il sentit son cœur se serrer un peu plus. Ayant perçu du bruit en provenance de la cuisine, Hermann s'y rendit. Craignant de revoir ce spectacle déplaisant qui l'avait abattu par le passé, il avançait à pas de loup.

Depuis l'encadrement de la porte, il aperçut la jeune fille qui lui donnait dos. Quelque peu rassuré, il s'apprêtait à rebrousser chemin quand il remarqua que la jeune fille cherchait désespérément quelque chose. Curieux, il s'adossa contre le mur, les bras croisés sur la poitrine, l'observant. Lorsqu'enfin elle se retourna un sourire étirant ses lèvres, tenant dans sa main l'objet qui avait captivé son attention depuis tantôt, Hermann vit rouge. Elle tenait un couteau. Elle avait un putain de couteau dans les mains. Hermann se précipita vers elle et le lui arracha immédiatement, voyant qu'elle le rapprochait dangereusement de son autre main. L'ustensile atterrit sur le parquet, à quelques mètres d'eux. Keyra écarquilla les yeux quand elle le vit. Il n'était pas censé être là. Sa surprise passée, elle réalisa qu'il la tenait à présent par ses épaules.

— QU'EST-CE QUI TE PRENDS BON SANG ? TU PENSES QUE C'EST ÇA LA SOLUTION ? ragea-t-il en désignant le couteau d'un geste du menton.

Keyra fronça les sourcils, marquée par l'incompréhension.

— TU IMAGINES UN INSTANT CE QUE J'AURAIS RESSENTI SI J'ÉTAIS ARRIVÉ UNE SEULE SECONDE TROP TARD ? À QUOI TU PENSAIS BON SANG ? D'ACCORD TU TE SENS MAL, MAIS TU PENSES QUE C'EST UNE RAISON SUFFISANTE POUR VOULOIR METTRE FIN À TES JOURS ? tempêta monsieur Mensah.

— Pour quoi ? répliqua mollement Keyra, toujours intriguée par son attitude

Il lâcha ses épaules et prit son visage en coupe.

— Est-ce que tu imagines seulement combien j'ai eu peur que tu te fasses du mal ? Sais-tu à quel point j'étais inquiet à ton sujet ? Est-ce que tu sais à quel point j'ai eu peur de revivre ce cauchemar ? Heureusement que je suis arrivé à temps. Tout ira bien maintenant. Oui, tout ira bien à partir de cet instant. Je te protégerait quoi qu'il en coûte... je ne veux pas te perdre.

Le ton de sa voix s'était adouci. Ses derniers mots s'étaient évanouis dans un murmure. Hermann posa sa main dans son dos et l'attira à lui. Avant qu'elle n'ait eu le temps de comprendre ce qui se passait, sa tête rencontra le torse de son patron. Elle sentit son autre main se glisser sur son dos. Même si cela lui semblait irréel, c'était exactement ce dont elle avait besoin. Ces mots réconfortants mais emplis d'inquiétude lui avait fait énormément de bien. Lentement, elle agrippa ses bras autour de ses épaules. La jeune fille ferma les yeux et enfoui son visage dans sa poitrine. Soulagé, il posa l'extrémité de son menton sur sa tête, les yeux clos.

Le téléphone de Keyra sonna, gâchant ainsi la magie de cet instant aussi agréable qu'insolite. Keyra se détacha de lui et posa une pomme verte sur la table avant de se saisir de son téléphone. À la vue du fruit, Hermann réalisa qu'il s'était trompé sur toute la ligne. Elle n'avait jamais voulu se couper les veines comme il l'avait pensé mais plutôt peler cette pomme. Comment avait-il pu être aussi aveugle pour ne pas l'avoir remarqué ? Peut-être la peur ou l'inquiétude avaient eu raison de lui. Ou alors les deux. Il monta dans sa chambre pour mettre ses idées au clair, laissant par la même occasion un peu d'intimité à Keyra.

— Allô !

— Allô mon chou à la crème, répondit une voix de l'autre côté de l'appareil.

— Patricia ! s'exclama la benjamine.

— Il n'y a pas qu'elle tu sais, surgit une autre voix.

— Alicia ! Quelle bonne surprise, clama Keyra avec une telle vivacité dans la voix. Comment allez-vous ? Je sais que j'avais promis vous appeler mais avec le boulot qui s'enchaîne ici, c'est un peu difficile de trouver un peu de temps.

— C'est pourquoi nous avons pris l'initiative de t'appeler, la rassura l'aînée.

— Vous me manquez tous tellement si vous saviez, avoua la jeune fille.

— Toi aussi tu nous manques ma puce, répliqua Patricia.

— Dis comment ça se passe là-bas ? enchaîna Alicia. Tu arrives à gérer ?

— Dans l'ensemble oui, même si le travail est intense. J'arrive à m'en sortir, répondit Keyra sachant pertinemment que ce n'était pas la réponse que ses sœurs attendaient.

— Keyra, tu sais très bien qu'on ne te parle pas du boulot. De toutes façons avec ton patron, c'est toujours le travail qui prime.

Keyra soupira et se laissa choir dans l'une des chaises de la table à manger. Rien que de penser au simple fait d'évoquer cela, elle avait déjà la voix chevrotante.

— C'est horrible Patty. Chaque fois que je ferme les yeux ou que je me rends dans un endroit, ces souvenirs me reviennent. Je n'arrive pas à les refouler mais le plus difficile, c'est quand je dois me rendre à l'agence, confia-t-elle à ses sœurs en prenant soin de ne pas mentionné l'incident qui s'était produit.

Elle n'avait pas envie de les inquiéter plus que ça.

— Attends, tu veux dire que l'agence est...

Keyra ferma les yeux comme pour rassembler son courage et prit une profonde inspiration afin de répondre à la cadette.

— Oui Alicia, c'est exactement ce que tu penses.

— Oh ma chérie, on est tellement désolées pour toi, répondit Patricia sur un ton compatissant.

Comme si ses yeux avaient reçu le feu vert, ses larmes perlèrent le long de ses joues mais Keyra les essuya d'un revers de la main. Elle ne voulait pas inquiéter ses sœurs encore plus qu'elles ne l'étaient. Pour autant qu'elle les connaissait, Keyra s'était rendue compte qu'elles lui cachait quelque chose.

— Bon ! Assez parlé de moi maintenant. Dites-moi comment vont les autres. Papa, Maman et Tante, comment vont-ils ?

— Maman et Tante vont très bien. Tu n'as pas à t'inquiéter pour elles, commença Alicia.

— Et Papa ? Comment il va ? s'enquit-elle, une pointe d'inquiétude dans la voix.

— Il...

— Il va très bien lui aussi, répondit Patricia avec empressement. Ne t'inquiètes pas ma puce. Écoute, ce n'est pas qu'on a envie de te laisser, mais...

— Je comprends, ce n'est pas grave. Je vous rappelerai quand j'aurais un peu de temps libre.

— C'est entendu mon cœur. Prends soin de toi, bisous.

— Bisous, bye !

Le contact fut rompue après ces derniers mots. Keyra soupira. Il était maintenant clair qu'elles lui cachaient quelque chose.

***

— Alicia qu'est-ce qui t'as pris ? Tu étais sur le point de tout lui dire purée, tempêta l'aînée.

— Mais elle mérite d'être tenue au courant de la situation de Papa, répliqua Alicia.

— Je n'en disconviens pas. Mais tu as aussi remarqué à quel point elle souffrait. Elle ne vas pas bien et on ne fera qu'aggraver les choses si elle apprenait pour Papa. Tu sais très bien à quel point il compte pour elle. Alicia, réfléchis y deux secondes. Elle aurait été capable de tout lâcher pour revenir ici.

La jeune styliste se laissa choir dans la chaise de l'hôpital. Elle camoufla son visage avec ses mains. Patricia poussa un soupir. Elle s'assit précautionneusement aux côtés de sa sœur en raison de l'état de son ventre et posa sa main sur son dos.

— Papa va s'en sortir, t'inquiètes pas. Mais avec ce que tu viens de faire, c'est sûr et certain que tu lui as mis la puce à l'oreille.

— Je suis désolée, s'excusa Alicia la voix brisée.

— Ce n'est pas grave Chouchou. On informera Keyra quand Papa ira mieux. Elle nous en voudra certainement mais au moins son inquiétude sera moindre.

Sa cadette acquiesça et assécha ses larmes. Patricia l'attira délicatement vers elle. Sa tête posée sur l'épaule de son aînée, la jeune styliste semblait retrouver peu à peu ses esprits. Paulin s'avança vers elles, un air inquiet.

— J'ai fait aussi vite que j'ai pu quand tu m'as appelé. Comment vas beau papa ? s'enquit-il.

— Le docteur s'occupe de lui, nous n'avons pas plus de nouvelles que toi, lui répondit son épouse.

— Espérons que tout aille pour le mieux, s'exclama-t-il, un brin d'inquiétude dans la voix.

Paulin s'assit près de sa femme et posa sa main sur la sienne en la caressant doucement. Patricia lui sourit et reporta son attention sur sa jeune sœur. Leur père irait mieux. Elle en était convaincue.

Confiné dans sa chambre depuis qu'il avait quitté son assistante, Hermann n'avait de cesse à réfléchir. Étendu sur son lit, le bras gauche lui servant d'oreiller et le genou droit posé en quatre sur l'autre pied, son esprit faisait miroiter tous les instants qu'il avait vécu avec Keyra. Depuis son embauche jusqu'à leur arrivée dans cette ville. Hermann inspira profondément et ferma les yeux. Une scène familière s'imposa devant ses châsses.

Avant qu'elle ne puisse se libérer de son emprise, Hermann en profita pour caresser ses joues. Du bout des doigts, il dessina le contour de ses lèvres. Ces lèvres qui l'obsédaient depuis un moment. Sentant que la respiration de sa vis-à-vis se faisait saccader, il releva les yeux vers elle. Il y avait une sorte de trouble dans son regard, comme si elle redoutait ce qu'il s'apprêtait à faire.

Dans un moment d'hésitation, il alterna le regard entre ses yeux envoûtant et ses lèvres captivantes. Guettant un quelconque signe de sa part, Hermann se pencha en avant quand il vit qu'elle avait les lèvres légèrement entrouvertes. Les yeux clos, il y apposa un chaste et doux baiser. Quelques secondes s'écoulèrent sans qu'elle n'émette un quelconque signe d'objection. Hermann mordilla alors ses lèvres, lui demandant l'accès. Il eut l'impression que le monde autour d'eux avait cessé d'exister. Comme si la barrière qui les opposaient  était tombée. Hermann la sentit se cambrer lorsqu'il posa sa main dans sa chute de reins pour accentuer le baiser.

À sa grande surprise, il sentit la main de Keyra se poser avec timidité sur son torse, faisant accélérer les battements de son cœur. Un sentiment de bonheur l'emplit lorsqu'elle répondit avec ferveur à son baiser. Une vague de désir profond embrasa tout son être. Pensant que ce fantasme serait assouvi une fois qu'il aurait eu gain de cause, Hermann réalisa qu'il en voulait encore plus. Il avait cette envie de découvrir chaque parcelle de sa peau, de son corps. Il l'attira délicatement un peu plus vers lui, laissant sa poitrine s'écraser contre son torse.

Lentement, il l'entraîna dans un long et passionné baiser. Keyra se hissa sur la pointe des pieds afin de s'abandonner totalement à lui. Un peu à contrecoeur, il mit fin au baiser quand le souffle commença à leur manquer, leur deux cœurs tambourinant au même rythme. Hermann posa sa main sur ses joues rosies et les caressa. Le regard ancré dans les yeux de l'autre, aucun des deux n'osaient parler, de peur de gâcher ce moment aussi agréable qu'insolite.

Lorsqu'il revint à lui, monsieur Mensah se rendit compte qu'un sourire niais ponctuait ses lèvres. Il se leva soudainement de son lit, l'esprit embrouillé.

Qu'est-ce qui m'arrive ?

Il passa ses deux mains sur sa tête avant qu'elles ne se rejoignent finalement devant ses yeux, ses deux pouces unis soutenant son menton. Comme s'il avait l'intention de le torturer, son cerveau continua à lui faire visualiser absolument tous les évènements qu'ils avaient vécus ensemble. Pourquoi était-il autant obsédé par elle ?

Il était clairement jaloux lorsqu'un homme autre que lui s'approchait d'elle, y compris Alex. Il s'inquiétait plus que de raison quand elle avait un malaise. Il ne supportait pas que d'autres personnes puisse lui faire du mal. Il ressentait non seulement le désir de la protéger en dépit de la situation, mais aussi de la réconforter quand elle était au plus mal. Hermann réalisa que ce qu'il ressentait pour Keyra était plus qu'une simple attirance. Et pour cause, il l'avait déjà ressenti par le passé. Toutes ses actions, tous ses faits et gestes, tout ce qu'il avait bien pu dire ou ressentir. Tout cela ne se résumait qu'en un seul mot : Amour !

— Oh punaise. Je suis amoureux de Keyra ! constata-t-il dans un soupir.

Complètement sonné par cette nouvelle assez déstabilisante, Hermann ne savait comment réagir. Comment pourrait-il interagir avec elle de façon normale dorénavant ? Pourrait-il résister à ses envies de sentir la douceur de ses lèvres sur les siennes ? Mais une chose encore plus importante le turlupinait. Il y a sept ans de cela, il s'était interdit d'aimer à nouveau. Jusqu'à présent il avait toujours su respecter cette règle qu'il s'était imposé.

Aimer, c'est donner le pouvoir à l'autre de vous briser. Cette phrase qualifiait amplement sa vision de l'amour. Mais voilà que tout son univers s'écroulait à présent comme un château de cartes sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit. Hermann cessa de réfléchir. De toutes façons à quoi bon ? Ce n'était pas de cette façon qu'il allait réussir à faire disparaitre ces sentiments.

Mais au fond, ce n'était peut-être pas une si mauvaise chose. Ou du moins, il essayait de s'en persuader. Alex et les autres avaient l'habitude de clamer que l'amour était quelque chose de merveilleux. Malgré son expérience malheureuse, il gardait cependant espoir que les choses se passeraient autrement.

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2534 mots !


Wow ! Wow ! Wow ! J'imagine que bon nombre d'entre vous attendaient ce moment avec impatience 😏😏😏!

Alors, ce chapitre a-t-il été à la hauteur de vos attentes (dans les deux cas, au figuré comme au sens propre).

Oh vous avez remarqué ? La scène du baiser est réapparu mais cette fois du point de vue de "Monsieur Lamoureux" (rho avouez que ce surnom lui va bien 😏🥵🥵)

~ And can you feel the love tonight, it is where we are ~

Oups ! Je crois que j'ai oublié la politesse, m'en voulez pas j'attendais tellement ce moment que même mes larmes sont émues...

J'espère que vous allez bien et que comme d'habitude vous avez passé un excellent moment sur ce chapitre.  I send you a lot of looove. Take care of yourselves 😘❣️❣️

Ah mince, quelle cruche je fais.  Félicitations à  Queen_kadidi_225 pour sa réponse correcte au quizz du chapitre 16 (Acte de bravoure ou pure folie). Bravo ma belle 🥳🥳😊

Il me semble aussi que c'est le premier chapitre de cette nouvelle année. Je tenais donc à vous adresser (une fois de plus) mes vœux les meilleurs ✨✨✨

Nb : Je comptais publier le chapitre 19 avec celui-ci mais je ne sais pas ce qui m'arrive en ce moment, je suis incapable d'aligner ne serait-ce que deux mots. (Dire que le chapitre 20 est déjà prêt 😫) du coup je ne sais vraiment pas quand le prochain chapitre sera disponible. Vraiment désolée les ami.e.s !!!

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