Chapitre 16 : Acte de bravoure ou pure folie ?

— Tu penses que c'est de la folie ?

Angela délaissa le dossier sur son ordinateur et fixa son cadet qui avait l'air nerveux, le visage souriant.

— Laisse-moi d'abord te poser une question, tu l'aimes ?

— À en mourir, répondit André.

— Dans ce cas je n'ai pas d'inconvénients. Vous vous aimez tous les deux et c'est l'essentiel.

— Pourtant Hermann m'aurait dit exactement le contraire s'il était là, fit remarquer André.

— Nous avons tous eu des expériences différentes qui ont façonnées notre façon de voir certaines choses. Tu n'as pas à te conformer à l'avis de tout le monde. Je n'ai qu'un seul conseil à te donner, suis ton cœur, répondit la plus âgée.

— T'es incroyable Angie, merci beaucoup, s'exclama-t-il en se levant pour lui faire une accolade.

La concernée lui sourit.

— Tout ce qui m'importe, c'est que mes chers petits frères chéris soient heureux.

— Et tu le fais très bien, la rassura André. Tu viendras avec moi après le boulot n'est-ce pas ?

Angela fronça les sourcils d'incompréhension.

— Pour m'aider à choisir la bague, lui rappela son puîné.

— Ah oui, bien sûr.

— En passant, tout ça doit rester entre nous. Pas à un mot à Alice, sinon elle risquerait d'en parler à Alicia par mégarde et ma surprise sera ruinée.

— Elle sait très bien garder les secrets pourtant.

— Je préfère ne pas prendre le risque.

— Okay, cette affaire restera entre nous, le rassura Angela.

André sortit du bureau de sa sœur plus confiant que jamais.

***

Keyra émergea difficilement de son sommeil. Elle avait passé une nuit horrible. Ses souvenirs la tourmentait et le fait qu'elle doive se rendre tous les jours à l'agence ne l'aidait en rien. Bien entendu, elle s'entendait à merveille avec les autres employés mais ce n'était pas là son problème majeur. Keyra soupira et se leva difficilement. Pareillement que les autres fois, la jeune fille s'était de nouveau réveillée dans le lit. Quand elle avait demandé à monsieur Mensah la raison quelques jours auparavant, il lui avait sorti que c'était sûrement dû à son somnambulisme. Pourtant la jeune fille n'avait jamais eu ce problème par le passé. Apeurée par le fait d'en avoir dit plus qu'il ne le fallait, elle n'avait pas voulut poursuivre son interrogatoire.

Monsieur Mensah sortait de la salle de bains au moment où elle finissait de dresser le lit. Elle le salua et décida d'aller prendre une douche. Leur cohabitation forcée ne les arrangeaient aucunement mais ils avaient trouvé le moyen de s'entendre. De plus, les deux semaines arrivaient bientôt à terme et ils pourraient enfin avoir droit à leur propre intimité. Mais en attendant l'échéance, il fallait qu'ils se supportent encore un peu. Prise d'un soudain vertige, Keyra dû se rattraper à l'épaule de son patron pour ne pas tomber dans les vapes.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu vas bien ?

— Ça va, c'était juste un léger vertige.

Elle lâcha son épaule et se dirigea finalement vers la salle de bains. C'était le weekend et elle n'avait pas besoin de travailler mais elle ne comptait pas non plus rester enfermée entre quatre murs.

— J'ai deux trois choses à faire, tu veux rester ici ? lui demanda monsieur Mensah lorsqu'elle revint dans la pièce.

— J'ai crû comprendre qu'il y avait plein d'endroits à visiter. Je compte en profiter pour faire un peu de tourisme. J'ai entendu parler du grand marché, de la promenade et tout ça. J'ai envie de tout visiter. Je pourrais faire des emplettes et apporter quelques souvenirs à ma famille et aussi à mes amies.

— Que dirais-tu de commencer par le grand marché ? C'est sur mon chemin, je pourrais te déposer avant de continuer.

— Ça me va, s'exclama Keyra le visage illuminé par son sourire.

Elle prit son sac en bandoulière et le précéda à la sortie. Ils grimpèrent dans le véhicule et il démarra. Sur le chemin, Keyra profita du silence pour contempler le paysage qui se profilait devant ses yeux. Tout avait décidément changé. Elle aussi, avait changé. Son téléphone sonna, la coupant de sa rêverie. C'était un appel vidéo d'Alice. Keyra sourit et décrocha. Le visage souriant de son amie lui apparut. Vu sa tenue, elle devait être soit à la plage ou à la piscine.

— Salut ! lança Keyra sur un ton enthousiaste.

— Hey, comment tu vas ?

— Bien, et toi alors ?

— C'est le weekend alors je suis venue à la plage histoire de me détendre. Ça fait du bien je te jure. Pour faire court, je profite de ma vie à fond depuis que The Devil est parti, lui répondit Alice en riant.

Keyra se racla la gorge, espérant que son patron n'ait pas compris ce à quoi elle faisait allusion.

— Au fait t'es où ? T'es en voiture ? s'enquit le mannequin.

— Oui, je suis avec monsieur Mensah.

— Ah super. Tourne l'écran vers lui.

— Euh t'es sûre ? demanda Keyra étant donné qu'elle était en bikini.

C'était d'ailleurs un superbe bikini de couleur noire et blanche à motifs fleuris dont les côtés étaient ouvert, laissant deviner son ventre super plat. Sa poitrine assez moyenne était mise en valeur par le haut du bikini et le bas ne cachait pas grand chose. Mis à part son intimité, ses magnifiques jambes sveltes étaient dénudées. Keyra ne savait pas si c'était l'effet du soleil mais son teint noir était plus éclatant que d'ordinaire. Pour la première fois, elle voyait son amie dépourvue de tout artifice. Ses cheveux d'un noir brillant lui arrivaient à peine sur ses épaules. Keyra pu distinguer un miniscule grain de beauté en dessous de son œil gauche. Avec ou sans maquillage, Alice était décidément une bombe.

— Bah oui. Qu'est-ce que t'attends ? Allez ! la pressa Alice.

— Okay, m'agresse pas, répondit la jeune fille.

Elle tourna l'écran vers son patron. De toutes façons, il avait entendu leur conversation et s'il n'avait pas protesté, c'est qu'il voulait certainement lui parler aussi.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il, les yeux rivés sur la route.

— Doucement, tu as mangé du lion au réveil ou quoi ? Comment tu trouves ma tenue ? demanda-t-elle en faisant défiler le téléphone le long de son corps pour qu'il ait une meilleure vue.

Sans qu'elle ne sache pourquoi, la demoiselle Tancey se sentit en colère contre son amie. Pour elle, Alice ne devrait pas s'exhiber ainsi devant monsieur Mensah. En parlant de ce dernier, il lui jeta un bref regard avant de se concentrer de nouveau sur la route. Il forma un ok avec ses doigts.

— Superbe, répondit-il.

— Juste la tenue ? se plaignit Alice.

Tu es superbe, se corrigea-t-il en riant légèrement.

— Tu aurais dû commencer par-là, répliqua miss Henderson en riant elle aussi.

Les deux amis s'entretint pendant un long moment et semblaient ne pas s'intéresser à celle qui tenait le téléphone.

Si elle désirait tant que ça lui parler, pourquoi m'avoir appelé dans ce cas ? se plaignit Keyra de son for intérieur.

La mine boudeuse qu'elle affichait ne passa pas inaperçu aux yeux de monsieur Mensah.

— Alice, je te rappellerai plus tard. Je suis au volant et ce n'est pas pratique de devoir tourner la tête à chaque fois pour te parler, lui expliqua-t-il.

— C'est ok, prends soin de toi. Et toi aussi Keyra.

Keyra lui offrit un sourire avant qu'elle ne raccroche le téléphone. Elle poussa un soupir de soulagement à la fin de l'appel d'Alice. 

Quelques minutes plus tard, la voiture de monsieur Mensah se gara à quelques pas de l'entrée du grand marché. Keyra en descendit. Monsieur Mensah lui apprit qu'elle disposait d'environ une heure et qu'il reviendrait la chercher à la même place. Elle acquiesça et il s'en alla. Agrippant son sac, Keyra inspira un bon coup et se dirigea vers l'entrée du marché.

Ayant quitté la partie réservée aux produits vivriers plus tôt, la jeune fille déambulait à présent du côté du comptoir des artisans. Admirative, elle s'arrêtait presque devant chaque objet d'art qu'elle rencontrait. Masques, statuettes, sculptures sur bois, vases, objets céramiques. Keyra en était fortement émerveillée. Mais encore plus devant cette statue fabriquée en argile noire qui représentait une femme portant un pagne en deux tons dont la couleur verte dominait amplement sur le reste. La première moitié du pagne cachait sa poitrine assez généreuse révélant ainsi son ventre et l'autre partait de sa fine taille jusqu'à ses pieds. Ses bras levés vers le ciel se perdaient dans les branches des feuillages au dessus de sa tête, cachant un peu son visage. Si ses souvenirs étaient intacts, elle devait représenter la fertilité dans une ethnie mais elle ne se souvenait plus de celle dont il s'agissait.

Ayant pris quelques souvenirs pour ses amies, elle recommença à errer, cette fois du côté des tisserands. Les vêtements fabriqués dans le style local était leur spécialité. À la vue de ces vêtements, une idée lui traversa la tête. Elle en parlerait sûrement à son patron. Keyra s'approcha d'eux. Son admiration prit le dessus et elle s'autorisa à poser quelques questions sur leur méthode de travail, questions auxquelles ils se donnaient d'y répondre à cœur joie. Les touristes, ce n'était pas ce qui manquait dans le coin. Alors d'une certaine manière, ils y étaient habitués. Après avoir échangé leurs contacts, Keyra reprit son activité. Il y avait tellement de choses à voir, à visiter. Les bras à présent chargés, Keyra ne pouvait tout de même pas s'empêcher de s'extasier devant chaque étal. Le comptoir des artisans était sans doute la meilleure attraction de cette ville.

Faisant fi des charges pesant sur ses bras, elle s'arrêta devant une boutique. Hésitant un court instant, elle se décida finalement à entrer. Le magasin proposait des bijoux dans le style purement traditionnel. Un bijou attira cependant son attention. C'était une chaîne fabriquée à partir de perles qui ressemblaient à des petits coquillages blancs. À première vue, elle semblait banale mais quand les reflets de la lumière se posaient sur elle, on avait l'impression qu'elle scintillait de toutes les couleurs. C'était un spectacle tellement beau à voir.

Keyra s'approcha et contempla l'objet assez longtemps pour que le propriétaire de la boutique la remarque. Il s'avança vers elle et lui demanda si l'objet lui plaisait. La jeune fille répondit par l'affirmative avant de demander le prix. Le proprio le lui indiqua mais son visage se décomposa et une mine déçue prit forme. Le prix était assez raisonnable mais elle avait malheureusement épuisée tout l'argent de poche qu'elle avait en sa possession. Keyra sortit du magasin et promis au gérant de repasser un autre jour, le faisant promettre à son tour de mettre la chaîne de côté pour elle. À peine était-elle sortie qu'elle se heurta avec un homme qui devait avoir à peu près la même taille que monsieur Mensah. Certains de ses sacs trouvèrent refuge au sol. Grommelant, elle se baissa pour remettre chaque chose à sa place. L'homme en question était parti sans même s'excuser pour ce désagrément.

— Vous avez de la chance que je ne vous ai pas vu, autrement je vous aurais fait votre fête, maugréa-t-elle.

***

Voilà près de dix minutes de plus que mademoiselle Tancey faisait le pied de grue au point de rendez-vous fixé par monsieur Mensah. Il avait dit une heure au maximum mais il en mettait du temps. Pour ne rien arranger, le soleil d'aplomb avait asséché sa gorge. Pour ne pas mourir carbonisée, elle se réfugia sous le parasol d'une dame qui vendait de l'alloco*. La faim la tenaillant, Keyra s'acheta un plat d'alloco qu'elle dégusta en un rien de temps. Un coup de klaxon retentit. Plus ravie d'avoir pu se remplir la panse avant son arrivée, Keyra afficha un grand sourire et remercia la bonne dame pour sa gentillesse avant de se diriger vers la voiture de son boss.

— Tu as dévalisé tout le marché ou quoi ? s'exclama-t-il le visage marqué par la surprise à la vue de tous ses sacs.

Keyra ne releva pas sa remarque et se contenta de mettre les paquets dans le coffre. Elle ouvrit la potière de la voiture et s'apprêtait à entrer quand elle stoppa net son acte. Les sourcils froncés, elle dirigea son regard vers son patron.

— Vous avez entendu ? demanda-t-elle sur un ton assez grave.

— Quoi ? s'enquit monsieur Mensah, n'ayant justement rien entendu.

— À l'aide... aidez-moi... à l'aide !

Cette fois, c'était assez clair. Bien que la voix était un peu étouffée, il s'agissait bel et bien d'un appel à l'aide.

— On devrait aller voir ce qui se passe, suggéra l'assistante de monsieur Mensah.

— Keyra attends ! cria Hermann, mais la jeune fille s'était déjà élancée en direction de la provenance de cette voix.

La connaissant, monsieur Mensah détacha sa ceinture de sécurité avec empressement et sortit. Prenant soin de verrouiller la voiture, il se mit à la poursuite de son assistante.

En arrivant, il vit un attroupement de personnes devant une maison en feu. Son cœur se serra quand il ne vit pas la silhouette de Keyra parmi la foule. S'approchant d'un homme âgé, il lui demanda ce qui se passait. Celui-ci lui répondit dans un français approximatif.

— Ah mon fils, c'est le feu qui a brilé le maison d'une femme là. Sa enfant est coincée dedans. On pelé les piers depuis mais il y a personne qui venir.¹

— Il y a un bébé à l'intérieur vous dites ? demanda Hermann, plus inquiet que jamais.

— Oui c'est ce que ze viens de dire oh. Mè y a une petite fille là qui est rentrée quand même. On voulit arrêter elle mais elle pas écouter nous oh. Elle dit nous lâche, moi même y a sais pas ce lâche dire. Ma petit, ti connais ce que lâche là il veut dire ? Depuis moi arrêté ici, moi pas lâché oh.²

— La jeune fille dont vous parlez, est-ce qu'elle est grande de taille et claire ? Elle portait un jeans bleu et une chemise jaune fleuri à longue manche ? s'enquit-il en accentuant sa description par des gestes.

— Ah oui, c'est elle. C'est la folle de toute à l'heure qui est entrée, intervint une voix derrière lui.

Hermann se retourna et fit face à un homme assez maigrichon.

— Qu'est-ce que vous dites ?

— Elle est arrivée essoufflée comme vous et quand elle a entendu que le bébé de cette dame était encore coincée à l'intérieur, elle s'est précipitée pour y entrer. On a essayé de l'en empêcher mais elle nous a traités de lâche, termina-t-il en haussant les épaules.

— Keyra ! murmura-t-il.

Il avait l'impression que son cœur se tordait dans sa poitrine tant il avait mal. Sur son visage, une expression horrifiée avait pris forme. Peur, angoisse, colère. Tous ces sentiments se disputaient en lui. Le feu consumait toujours la maison devant ses yeux impuissants malgré le fait que les jeunes tentaient de l'éteindre avec des seaux d'eau. Mais le puits assez éloigné d'eux ne facilitait pas les choses. 

— Il faut que je la sauve !

Il promena ses yeux autour de lui à la recherche d'une solution dès l'instant où il avait finit sa phrase. Parmi les quelques bagages qui avaient pu être sauvés, il remarqua un drap. Sous le regard inquisiteur des gens présents, il se saisit du linge et arrêta l'un des jeunes qui se dirigeait vers la maison dans l'espoir de la sauver. Hermann prit le seau d'eau et y trempa l'entièreté du drap. Sans l'essorer, il le passa autour de ses épaules, veillant à bien se couvrir. Ignorant les avertissements des uns et des autres, il se précipita lui aussi à l'intérieur.

Malgré la fumée qui brouillait sa vue, Keyra avait réussi tant bien que mal à trouver l'enfant grâce à ses pleurs. C'était une petite fille potelée d'environ neuf mois. Dès que Keyra la prit, la fillette s'arrêta de pleurer. Attendrie devant sa mignonne face, la jeune fille essuya ses larmes et la serra contre elle, rassurée que rien ne lui soit arrivé.

— Tout ira bien joli bébé, nous allons sortir d'ici, chuchota-t-elle à l'oreille de l'enfant pour la calmer et la bercer.

Elle regarda autour d'elle. Le feu prenait de l'ampleur. Il fallait à tout prix protéger le bébé. Keyra la reposa dans son berceau et l'enfant se remit à pleurer.

— Chut, chut. Tout ira bien mon bébé. Tu vas bientôt retrouver ta maman, répéta-t-elle à l'enfant tout en retirant sa chemise.

Elle repéra le biberon d'eau du bébé qui était posé sur le lit. Keyra lui fit boire un peu avant de l'ouvrir et verser quelques gouttes sur le vêtement avant d'y envelopper l'enfant, veillant à couvrir son visage pour ne pas qu'elle respire la fumée. Keyra se mit à toussoter.

Bon Dieu aide-moi !

La jeune fille déchira son T-shirt jusqu'à la limite de son soutien-gorge, laissant son ventre à découvert, et s'en servit comme cache-nez. Keyra reprit la fillette -désormais protégée- et tenta de se frayer un chemin. Mais les flammes formaient une sorte de muraille. Keyra commençait à avoir le vertige. Elle avait une sensation de déjà-vu et de déjà-vécu.

Cette fois-ci, personne ne mourra de nouveau par ma faute.

Sans qu'elle ne s'en aperçoive, des larmes roulèrent sur ses joues. Elle avait l'impression qu'une énorme boule oppressait sa poitrine. Malgré le cache-nez de fortune qu'elle s'était fabriqué, Keyra avait de plus en plus du mal à respirer. De plus, la chaleur qui émanait des flammes se faisait indéniablement ressentir sur sa peau. Elle serra l'enfant contre elle. Ignorant sa douleur, Keyra avança tant bien que mal et se retrouva dans ce qui semblait être le salon. Un grincement provenant du haut se fit entendre. Machinalement, elle leva les yeux et vit que le plafond était en train de céder sous l'influence du feu. Elle eût à peine le temps de reculer qu'une partie du plafond s'échoua au sol, faisant s'élever les flammes devant elle.

— Aaah ! cria-t-elle dans un instant de panique.

Emmitouflé dans le drap, Hermann entendit le cri de détresse de Keyra. Il avança prudemment jusqu'à l'endroit où elle se trouvait. Hermann la vit, tenant fermement le bébé contre elle mais il lui était impossible de la rejoindre. Les flammes dansaient devant lui comme pour le narguer, l'empêchant ainsi d'aller la sauver.

— Keyra ! appela-t-il.

La jeune fille qui avait les yeux fermés les rouvrit. Lentement, un sourire se dessina sur son visage. Elle semblait être dans un état second.

— Tiens bon, je vais vous sortir de là, la rassura-t-il.

Cette phrase, ce n'était pas la première fois qu'elle l'entendait. Mais la dernière fois qu'elle l'avait entendue, elle les avaient définitivement perdue.

— Ne vous occupez pas de moi, sauvez l'enfant !

Keyra toussota de nouveau. L'air commençait à se comprimer dans ses poumons. Sa vue se brouillait lentement. Ces mots aussi, ne lui étaient pas étrangers. Le scénario se répétait, malgré elle. Hermann réussit à se frayer un passage et les rejoignit. Keyra lui tendit le bébé.

— Sauvez l'enfant en premier lieu.

— Ne raconte pas de telles inepties Keyra, je ne pars pas sans toi !

— Le feu prend de l'ampleur, nous ne pourrons pas sortir d'ici à trois. Rendez d'abord le bébé à sa mère.

— Soit nous sortons d'ici tous les trois, ou nous mourrons ensemble. À toi de voir.

— Nous perdons du temps monsieur Mensah. Prenez la petite et sortez de là. Je vous en prie, supplia-t-elle. Vous pourrez revenir me chercher plus tard. Allez-y ! Je m'en sortirais.

Devant son air insistant, Hermann dû se résigner. Elle avait raison. Bornée comme elle l'était, c'était une perte de temps d'essayer de la raisonner.

— Je reviendrais te chercher. Tiens bon.

— Je sais, murmura-t-elle.

Le bébé dans ses bras, Hermann réussit à se faufiler hors de la maison, sous le regard ébahi de la foule qui s'était rassemblé. La mère de l'enfant en question se précipita vers lui, le visage baigné de larmes.

— Mon bébé ! s'exclama-t-elle, les larmes coulant sur sa joue. Je ne vous remercierai jamais assez pour ce que vous avez fait.

— Vos remerciements vous pouvez vous les garder, parce que s'il arrive quoi que ce soit à celle qui est piégée à l'intérieur, je vous jure que vous regretterez le simple fait d'être en vie !

Il avait prononcé ces mots avec une telle haine dans le regard qu'elle recula instinctivement. Au même moment, un cri se fit entendre de l'intérieur. Hermann se précipita de nouveau vers la maison. Il emprunta le même chemin que tout à l'heure. Keyra était à même le sol et se débattait pour retirer son pied qui était prisonnier d'un meuble. C'était la raison de son cri à l'instant. Hermann s'approcha d'elle et poussa de toutes ses forces. Son pied fut enfin libéré.

— Merci, fit-elle d'une voix faible. Attention !

Dans un réflexe conditionné, Hermann se jeta sur Keyra en veillant à les recouvrer tous les deux du drap. Les mains de part et d'autres de son visage, il sentit un poids lourd s'écraser sur son dos, le faisant basculer vers le visage de Keyra.

— Vous allez bien ? s'enquit la jeune fille, inquiète.

Il ne répondit pas et tenta de se dégager du bois qui s'était écrasé sur lui. Keyra toussait de plus en plus malgré son cache-nez. Lui aussi commençait à ressentir les effets nocifs de la fumée. Il fallait impérativement sortir de là.  Hermann réussit à se libérer et souleva Keyra qui était déjà inconsciente.

Tel un héros, Hermann sortit de la maison, tenant Keyra dans ses bras. Il s'éloigna suffisamment de l'objet de leur malheur et la posa à terre. Il lui tapota les joues.

— Ouvre les yeux je t'en prie. Arrête de me faire peur Keyra et regarde-moi. Je promets de ne plus te crier dessus à tout bout de champ mais par pitié ouvre tes yeux. Crie-moi dessus, traite moi de tous les noms, tout ce que tu voudras mais je t'en supplie ouvre tes yeux.

Aucun signe de la part de la jeune fille. Le cœur serré, il approcha son oreille de sa poitrine et entendit les battements de son cœur. Il souffla de soulagement. Elle était toujours en vie. Réalisant l'état dans lequel elle se trouvait, il retira sa veste et la couvrit. Hermann la redressa et la serra contre lui, son visage reposant sur sa poitrine. Il posa son menton sur le sommet de son crâne.

— Qu'est-ce que vous fichez à me regarder ainsi ? Appellez une ambulance bon sang ! cria-t-il aux personnes qui l'avaient entouré, hors de lui.

— Est-ce... est-ce qu'elle va bien ? se risqua à demander la mère du bébé.

Il tourna son regard rougit vers elle. Sans qu'il n'eût à dire quoi que ce soit, elle retourna sur ses pas. Les sirènes des sapeurs pompiers retentirent. Sans leur laisser le temps de s'imprégner de la situation, Hermann les somma de s'occuper de Keyra. Immédiatement, ils lui administrèrent les premiers soins avant de l'évacuer à l'hôpital, Hermann lui tenant la main durant tout le trajet.

________

3830 mots !

Alloco* : Plat typiquement ivoirien à base de bananes plantain frites en rondelle.

¹ : Ah mon fils, c'est le feu qui a brûlé la maison d'une femme. Son enfant est coincé à l'intérieur. Nous avons appelé les pompiers mais depuis, il n'y a personne qui vient.

² : Oui c'est ce que je viens de dire. Mais il y a une jeune fille qui est rentrée quand même. On a voulut l'arrêter mais elle ne nous a pas écouté. Elle nous a traités de lâche. Moi même je ne sais pas ce que lâche veut dire. Mon fils, tu connais la signification de lâche ? Depuis que je suis debout ici, je n'ai pas encore flaculé.

Hellooo les ami.e.s !!! Comment vous allez ? Perso je vais assez bien. Suite à quelques revendications, je publie ce chapitre assez en avance (j'ai pas encore débuté le suivant, ça va chauffer krkrkr 😬). 

Alors, que pensez-vous de ce chapitre ? Il vous a plu ?

- Que pensez-vous de l'action de Keyra ?

-L'attitude d'Hermann envers la mère du bébé est-elle justifiée ?

-Vu comme c'est parti, à votre avis, qui de Keyra ou Hermann réalisera en premier ses sentiments envers l'autre ?🤔

Dites-moi tout en comm's 🤭👉

Nb : Je ferais une surprise à la première personne qui aura la bonne réponse ☺️ bonne chaaaanceuuuh 🙃🙃

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