Chapitre vingt-cinq

🎼 Heaven - Troye Sivan 🎼

PDV Léo

     Estéban et moi sommes en train de manger nos sandwichs et je sens qu'il meurt d'impatience de me poser plein de questions concernant moi et Valentin. Honnêtement, ça me gêne un peu même si c'est mon meilleur ami et qu'on avait l'habitude de parler de ce genre de choses. Je romps le silence et lui pose la première question :

— Pourquoi t'étais pas si étonné qu'on soit ensemble ?

— Parce qu'il faudrait être aveugle pour ne pas le voir, littéralement.

Je lui lance un regard interrogateur et il précise son « littéralement » :

— Je vous avais vus vous embrasser à ton anniversaire.

Aussitôt, j'arrête de boire mon jus d'orange et manque même de m'étouffer avec. Attends, il sait depuis si longtemps ? ! et il ne m'a rien dit ? ! Je ne sais pas ce qui me choque le plus. Estéban le prend plus à la légère et ironise :

— Vous êtes pas très discrets faut dire, hein...

— J'étais bourré, je me défends tout en m'empourprant.

— Alors ça fait depuis ton anniversaire que vous vous tournez autour ?

Je n'aime pas comment il formule les choses. En plus, je n'en sais rien depuis quand on se tourne autour et si on l'a vraiment fait d'ailleurs.

— Tu m'embêtes déjà avec tes questions, je fais remarquer à mon meilleur ami.

— Fais pas genre, tu savais que j'allais t'en poser.

— Hum, je marmonne, pas très convaincu bien qu'il ait raison. Tu veux savoir quoi alors ?

— Tout.

— Ça me paraît beaucoup, je me moque.

— Nan, mais tu vois ce que je veux dire.

— Non, je continue de l'embêter.

— Roh, t'es chiant, il se plaint. Premier bisou ?

— À la soirée du pote de Chris.

— Quoi, sérieux ? ! Ça a commencé tôt !

Je hausse les épaules, toujours un peu gêné tandis qu'il s'enthousiasme :

— Donc mon gage stupide avait marché ?

— Un peu.

— Je suis trop fort !

— T'es surtout un gros débile qui sait pas garder sa langue dans sa bouche quand il a trop bu.

— C'est vrai... mais ça a marché. Qui a embrassé qui en premier ?

Honteux, j'admets à demi-mot :

— Moi.

— Mais dis-moi, t'es bien plus aventureux que je ne le croyais !

— Tais-toi ou je réponds plus à tes questions.

— Ok, ok, au temps pour moi ! s'excuse mon meilleur ami en levant les bras en l'air. Alors, le premier " je t'aime " ? !

— Valentin quand il était bourré au premier de l'an.

— Ça ne m'étonne pas de lui, sourit Estéban.

Moi, non plus, ça ne m'étonne pas de lui. Valentin est le premier à l'ouvrir, mais dès que c'est pour parler de sentiments, il n'y a plus personne. Alors, ce n'est pas étonnant qu'il l'ait dit pour la première fois suite à une consommation d'alcool.

— Et toi, le premier " je t'aime " ?

— Le jour où on s'est mis ensemble, le 14 février.

— C'est toi qui lui a demandé ?

Je hoche la tête et ma réponse positive a l'air d'étonner Estéban qui l'exprime d'ailleurs :

— Je pensais pas que ça serait toi qui ferait ce pas là, dis-donc !

— Moi, non plus. Il est pas si courageux que ça niveau sentiment Valentin.

— J'ai bien l'impression, effectivement ! Premier dodo ensemble ?

— T'es bête ou quoi, on dormait déjà ensemble avec qu'on soit en couple.

— C'est vrai, vous étiez déjà ensemble sans l'être.

Encore une fois, je hausse les épaules tandis que j'attends une autre de ses questions à la noix. Je me saisis d'ailleurs de ma canette, mais à peine je bois que je manque encore une fois de m'étouffer lorsqu'il demande :

— Votre première fois ?

— Mais ça va pas de me poser ce genre de questions quand je bois ? ! Tu veux que je meure ou quoi ? !

Mon énervement a l'air de plus faire rire mon ami que de l'effrayer, à mon plus grand désespoir. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ce genre d'ami ?

— Bah quoi, c'est une question assez basique.

— Pas si basique que ça non. Surtout que tu sais ma position là-dessus.

— Oh oui, je suis bête, désolé. Donc vous avez rien fait ?

— Un peu quand même si...

C'est vrai que j'avais dit rien avant le mariage, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Surtout quand on ne sait pas vraiment pourquoi on le fait.

— Toi, t'as rien fait avec Danielle ? je m'intéresse.

J'aime bien le fait qu'Estéban soit croyant et pratiquant comme moi, car on se comprend sur plein de choses, ce qui n'est pas le cas de Valentin. Estéban et moi attendons tous les deux le mariage avant un quelconque rapport, du moins avant pénétration, étant donné où nous sommes déjà allés avec Valentin...

— Pas de pénétration non, mais on a déjà fait d'autres trucs.

— Nous aussi, j'admets un peu honteux. Mais ça me met mal à l'aise à chaque fois.

Autant quand j'ai bu, je me laisse totalement aller et je m'en moque, autant le lendemain je flippe complètement. Surtout parce que Valentin et moi sommes deux gars et que la Bible proscrit explicitement tout type de contact charnel entre deux personnes du même sexe.

— Pourquoi ?

— Parce que si j'étais un bon chrétien, je résisterais mieux à la tentation et...

Je n'arrive pas à dire le reste, mais Estéban ne semble pas s'en rendre compte puisqu'il commente :

— C'est ta définition du bon chrétien, il y n'en a pas une pour moi. D'ailleurs, tous les chrétiens ne choisissent pas de ne pas avoir de rapport avant le mariage. Pourquoi tu le fais toi surtout ?

J'allais lui répondre du tac au tac car c'est une évidence pour moi depuis petit, mais sur le moment, je ne sais pas. Vraiment, intrinsèquement, je ne sais pas. Je le fais parce qu'on m'a dit que c'est ce que fait un bon chrétien et que je veux être un bon chrétien.

— Pour être un bon chrétien ? je propose, pas du tout sûr de moi.

— T'as pas l'air sûr de toi.

— Nan, je ne le suis pas en fin de compte.

— Parce que, si je peux me le permettre, tu fais ce qu'on t'a dit et appris d'un bon chrétien. Tu subis plus ta foi plus que tu ne l'écoutes, j'ai l'impression. Mais c'est important que tu t'écoutes, surtout parce que Dieu te conduira toujours sur le bon chemin, alors fais-toi confiance.

— T'es en train de me dire d'avoir des rapports ?

— Ça, c'est peut-être ce que t'as entendu. Moi, je te dis juste d'être en phase avec ta foi à toi, et pas avec celle des autres.

Cette conversation me rend muet, mais pourtant elle est si nécessaire. Parce que forcément, de sortir avec quelqu'un du même sexe que moi, soulève beaucoup de questions vis-à-vis de ma foi. Suis-je un bon chrétien si je suis avec Valentin ? On ne m'a jamais donné cette impression dans la communauté en tout cas.

— Tu voulais dire quelque chose par rapport au fait d'être un bon chrétien tout à l'heure, non ?

Mince, il avait bien remarqué en fait. Toujours aussi peu confiant, j'avoue tout bas :

— Parce que si j'étais un bon chrétien, je ne serais pas avec quelqu'un du même sexe que moi.

— Tu le penses vraiment ? demande Estéban, visiblement peiné.

— En même temps, c'est la réalité.

— Mais comment tu fais pour être avec Valentin si tu penses qu'il te détourne du chemin du bon chrétien ?

Abattu, je hausse, une fois de plus, les épaules. Justement, je ne le fais pas. C'est pour ça que je l'avais quitté. C'était trop dur de passer mon temps à me battre contre moi-même. Cependant, ça n'a pas vraiment arrangé les choses sans Valentin. C'était encore plus la tempête en moi. J'ai l'impression d'avoir plusieurs courants qui me parcourent simultanément et qui me demandent de faire des choses opposées. Et c'est vraiment dur à vivre au quotidien.

— Tu en penses quoi de ça ? je questionne Estéban vaguement.

— De l'homosexualité ?

Pas à l'aise avec ce mot, je me contente d'acquiescer de la tête.

— Que si ça existe, c'est que Dieu l'a voulu. Et que tous les êtres humains sont des enfants de Dieu au même titre.

— Tu ne penses pas qu'ils sont malades alors ?

C'est honnêtement la version que j'ai la plus entendue. Les chrétiens autour de moi ne semblent pas fondamentalement détester ou haïr les personnes homosexuelles, car elles sont juste malades à leurs yeux. Elles sont des âmes égarées et qui ont besoin d'aide pour retourner sur le droit chemin, sinon elles ne seront jamais réellement heureuses. Voilà ce qu'on m'a inculqué alors, forcément, c'est pas facile d'être un malade.

— Je ne sais pas, je me suis jamais réellement posé la question. Je ne crois pas non, me répond avec honnêteté mon meilleur ami.

Et le fait qu'il me dise que je ne sois pas malade me provoque les larmes aux yeux. Parce qu'il a beau être croyant et pratiquant comme moi, il ne pense pas que je suis malade. Et ça fait du mal. Estéban remarque mes larmes au coin des yeux et s'inquiète :

— Ça va ?

Je hoche la tête puis chasse mes larmes de mon tee-shirt à rayures.

— C'est juste que j'ai pas l'habitude d'entendre ce genre de choses.

— Tu devrais alors t'entourer et écouter que ce genre de personnes. Et puis, tu sais que tu peux en parler à notre Père.

— Tu crois ? Tu ne penses pas qu'il va en parler à ma mère ?

— Il n'y a pas de raison, non. Tu connais le secret de la confession. Ta famille ne sait pas alors ?

— Non, elle ne sait pas que je suis avec Valentin, mais elle sait que Valentin est gay.

— Elle a réagi comment ?

— Mal... Depuis, ma mère et Charlotte ne parlent plus pareil de lui. Tu comprends pourquoi je ne leur dis pas...

— En soi, il vaut mieux que tu le dises dans un endroit sain et quand tu le veux, je pense. Tu sais, je voulais pas être lourd quand je faisais des blagues à ce sujet...

— Je sais, t'inquiète pas, je commence à bien te connaître.

Un sourire né sur mon visage et Estéban me le rend. Ça fait du bien de se savoir soutenu et d'avoir quelqu'un à qui parler de mes doutes, autre que Valentin. Surtout que j'ai des doutes et questions à son sujet dont je n'ai pas envie de lui faire directement part.

— Et la famille de Valentin, elle l'a bien prise ?

— Aux dernières nouvelles, personne ne sait qu'il est gay ni qu'on sort ensemble. Pourtant, Dieu sait qu'il m'embête parfois sur le fait que je sois gay ou pas.

— Mais il sait que ta famille sait qu'il est gay ?

— Oui.

— Du coup, il a bien su leur réaction.

— Bah oui, je réponds encore une fois à l'affirmative sans comprendre où il veut en venir.

— Peut-être alors qu'il a peur que sa famille réagisse de la même manière que la tienne ou pire.

Clairement, je n'avais pas pensé à ça. Surtout que Valou est le fifils à sa Maman et que pour rien au monde elle ne renierait son fils. J'ajoute d'ailleurs à Estéban :

— Je ne vois pas pourquoi sa mère réagirait mal, elle n'est même pas croyante.

— Et alors ? Des homophobes, il y en a partout. Ne crois pas que les chrétiens en ont le monopole.

Je me tais, un peu honteux mais aussi étonné d'entendre le terme "homophobe ». C'est rare que j'entende ce mot. Je ne sais même pas ce qu'il veut dire exactement. Est-ce que ma mère et ma sœur le sont, homophobes ?

— Oui, je sais.

— Et t'as dit que Valentin t'embêter avec ton orientation sexuelle, c'est-à-dire ?

— Étant donné que lui, il est gay, il veut que je le sois aussi alors que je ne crois pas que je le sois.

— Comment ça « il veut » ?

— Et bien, quand parfois on parle de ce genre de choses, il paraît agacé que je dise que je ne suis pas gay.

— En même temps, quand deux gars sortent ensemble, on dit généralement qu'ils sont gays.

— Oui, je sais, mais je ne suis pas gay ! je m'emporte légèrement.

— Ok, de toute façon, on s'en fiche.

— Non, justement, j'ai pas l'impression qu'on s'en fiche. Parce que Valentin ne s'en fiche pas, ni ma mère ni ma grande sœur. Ils veulent tous ce que je me définisse, mais je ne sais pas moi-même qui je suis alors comment je pourrais le faire ? ! je souffle, à bout. J'en ai marre de toutes ces histoires.

— Hey, Léo, ne te prends pas la tête au pire. Tu sors avec Valentin et c'est tout. Le reste tu t'en fiches.

Si seulement, c'était plus simple. Mais ce ne l'est absolument pas. Alors son « ne te prends pas la tête » me fait juste plus culpabiliser qu'autre chose. Parce que le reste, on ne s'en fiche pas justement et il me pourrit même la vie.

Alors que nous nous levions pour aller nous dégourdir un peu, Estéban me dit :

— Tu seras le meilleur des chrétiens si tu t'aimes déjà.

Je lui souris, pas très convaincu, puis marche à ses côtés.

PDV Valentin

     Comme prévu, je mange avec Caleb ce samedi midi pendant que Léo est avec Estéban. Je lui demande d'ailleurs par SMS où ils comptent manger. Ça me fait sourire parce qu'ils vont manger Subway tandis que nous c'est kebab : pas le même apport calorique. Ça ne m'étonne pas des deux autres. Je le fais d'ailleurs remarquer à Caleb et ça le fait aussi sourire.

Étant donnée qu'il fait beau, on décide d'aller se poser près du port. On parle pas beaucoup, trop concentrés sur le fait de manger. Puis, finalement, Caleb fait remarquer :

— Ça faisait longtemps qu'on avait pas fait un truc tous les deux.

— Ouais, c'est vrai.

Je sais que ce n'est pas un reproche de sa part, mais une simple constatation. Cependant, forcément, je m'en veux un peu. D'un autre côté, je suis pas avec Léo aujourd'hui alors je m'en veux un peu moins.

— Il s'en ait passé des choses depuis cet été, putain, je souffle.

— C'est clair.

— T'es curieux pour moi et Léo ?

— C'est votre vie privée.

Moqueur, je lui donne un coup de coude puis le charrie sur ce qu'avait dit Estéban lorsqu'on a avoué aux gars qu'on était ensemble avec Léo.

— Alors comme ça tu croyais pas au fait qu'on finirait ensemble avec Léo ?

— Parce que t'y croyais toi peut-être ?

— Non, t'as raison. Parfois j'y crois toujours pas d'ailleurs.

Un peu plus sérieux, Caleb s'enquiert :

— Pourquoi ?

— Parce qu'il m'a déjà quitté alors il pourra le refaire.

— Il s'est passé quoi d'ailleurs ?

— Moi-même, je ne le sais pas trop. Tout ce que je sais, c'est qu'on était bien ensemble puis il a fallu d'une discussion avec son cousin pour que ce soit fini.

— Ils avaient parlé de quoi ?

— Son cousin avait compris qu'on était ensemble et Léo a flippé de ce que j'ai compris.

— Vous en avez jamais parlé ?

— Pas trop non, Léo reste vague sur le sujet.

Caleb ne dit rien d'autre mais pourtant je comprends à son silence que ça serait important qu'on en reparle avec Léo. On finit de manger nos kebabs puis Caleb me demande, comme s'il me demandait l'heure :

— T'es gay du coup ?

— Euh, ouais. Ça te dérange ? je réponds pas trop sûr de moi.

Je n'ose pas trop le regarder dans les yeux alors je fixe mon kebab bien entamé.

— Non, je m'en fous. Je m'en doutais de toute façon.

Étonné, je me tourne vers lui et lui demande explications.

— Cet été, je me doutais avec ce Tristan. Il s'est passé un truc avec lui, non ?

Je hoche la tête puis lui précise, un peu gêné :

— Ma première fois.

— Léo le sait ?

— Yep.

— Et lui, il est gay ?

— Il ne dit pas qu'il l'est non.

Je dois utiliser un certain ton un peu amer car Caleb devine :

— Ça te dérange ?

— Un peu. J'ai l'impression qu'il s'éloigne de la réalité, de nous deux, deux mecs ensemble, et qu'il se cache dans son monde imaginaire quand il dit qu'il n'est pas gay.

— Tu lui en as parlé de ça ?

— Bof, j'ai l'impression que si je le fais, ça va tout niquer.

Je finis mon kebab puis m'essuie rapidement les mains. Caleb finit par me demander :

— Mais t'es heureux avec lui quand même ?

— Oui, je réponds sans hésiter. Bon, sauf quand il me quitte ou m'ignore, j'ironise à moitié.

— C'est tout ce qui compte alors. Je suis content pour vous deux.

Mon ami pose une main réconfortante sur mon épaule et je lui souris. Je lui lâche un « merci » puis on part marcher, histoire de digérer la merde qu'on vient d'ingurgiter.

Sauf que, comme Saint-Malo c'est pas si grand, on finit par croiser Estéban et Léo. Automatiquement, Léo et moi nous sourions timidement et donc assez niaisement. On décide alors de rester tous ensemble et ça fait du bien de passer un moment tous les quatre.

À la fin de la journée, je n'ai pas envie de rentrer chez moi et, surtout, de quitter Léo. Alors, je lui propose à l'improviste de venir chez moi. Je ne pense pas que ça dérangera ma mère de toute façon : elle a l'habitude qu'il soit à la maison.

Ça tombe bien, Léo a l'air dans le même état d'esprit car il accepte très facilement. On quitte alors les gars puis on va chercher des affaires chez lui avant de prendre le bus, tout ça très rapidement. C'est seulement le cul assis bien tranquillement dans le bus qu'on souffle enfin. Je lui demande alors comment s'est passé son repas avec Estéban :

— Très bien, ça faisait du bien le voir tout seul.

— Oui, je comprends. Ça m'a fait du bien de voir Caleb tout seul aussi.

— Toi aussi, t'as eu le droit à un interrogatoire ?

— Ça va, tu connais Caleb. Par contre, toi, ça a dû y aller avec Estéban.

— Oui, pas mal, forcément.

— Mais ça a été quand même ?

— Mais oui, t'inquiète pas, il se moque de mon ton préoccupé.

Je pose alors naturellement ma main sur sa cuisse puis la retire aussitôt que je réalise où nous sommes : dans un bus, bondé de monde, et dont nous connaissons des personnes de notre ville. Léo est tout aussi gêné que moi tandis que ce petit geste provoque un silence entre nous deux. Ne voulant pas que le malaise s'installe, je pars sur un autre sujet plus léger et la conversation est repartie.

Lorsque nous arrivons chez moi, il est déjà dix-huit heures passées. Alors que je m'apprête à prévenir ma mère de la présence de Léo, celle-ci descend les escaliers. Je fais d'ailleurs une drôle de tête en voyant qu'elle est toute apprêtée : robe, jolie coiffure et même maquillage. Ça ne s'arrête pas là car elle enfile également des escarpins. Et bien ! C'est quoi ce bordel ? !

— Bonsoir, Léo, sourit ma mère.

J'aime pas du tout ça, cette attitude trop enjouée. Je fais d'ailleurs mon râleur en me plaignant :

— Tu m'avais pas dit que tu sortais ce soir.

— Ça s'est fait au dernier moment, tu connais les filles.

— Hum.

— Je vous laisse de l'argent pour des pizzas si vous voulez ce soir, ok ?

Je hoche la tête tandis que ma mère dépose des billets sur le meuble de l'entrée. Je la fixe ensuite se regarder dans le miroir puis elle m'embête, comme elle le fait souvent en ce moment :

— Oublie pas de me présenter ta copine.

Puis, elle file tandis que je boude toujours. Cependant, je ne veux pas que Léo le remarque sinon il va encore se moquer de moi et dire que je suis « un fifils à sa maman ». Je fils alors au salon et m'assois pour prendre mon téléphone, faisant distraction. Toutefois, Léo ne m'a pas suivi ce qui m'étonne. Je retourne alors dans le hall d'entrée et le trouve toujours planté au même endroit, les bras croisés contre le torse en plus. Ne comprenant pas sa pose théâtrale, je lui lance :

— Bah quoi ?

— « Oublie pas de me présenter ta copine », c'est censé vouloir dire quoi ?

Aussitôt, ça fait tilt dans ma tête et, aussitôt, je comprends mieux sa réaction qui est d'ailleurs totalement justifiée. Je m'approche alors de lui, mais il n'a pas l'air de le vouloir. Je force alors un peu pour décroiser ses bras et enroule mes mains autour de son bassin. Un petit sourire en coin, je lui avoue :

— J'avais oublié de te dire, une fois j'ai dit à ma mère que j'étais avec quelqu'un.

— Hum.

— Sauf que j'ai paniqué et j'ai dit que c'est une fille. Et, pour te dire à quel point j'ai été débile, j'ai dit qu'elle s'appelait Léa.

— Effectivement, c'est pas très malin.

— Je suis désolé de ne pas te l'avoir dit plus tôt.

— Bah ouais, j'ai eu peur moi.

— Désolé.

Je dépose alors un petit baiser à la commissure de sa lèvre à droite puis à gauche. Puis, voyant qu'un sourire naît sur son visage, je dépose mes lèvres sur les siennes. Moi qui en avais envie depuis que je l'ai vu pour la première fois aujourd'hui, je suis ravi et je crois que lui aussi. On s'embrasse alors quelques minutes puis nous nous rendons au salon. On se fait un petit apéro avec que des cochonneries du style saucisson et gâteaux apéro et on se prend même des bières. On regarde ensuite un truc de merde à la télé et choisissons nos pizzas qui arrivent dans moins d'une heure.

On passe alors un bon moment tous les deux à manger nos pizzas devant Koh Lanta. Je ne fais d'ailleurs que me marrer aux remarques de Léo qui est vraiment dans le jeu.

— Arrête de te moquer ! il s'insurge.

— Je me moque pas, je feins tout en ouvrant ma deuxième bière.

Léo n'a pas l'air convaincu et on commence alors à se chamailler. Au final, il se retrouve à califourchon sur moi à essayer de me chatouiller de partout. Sauf que je me sors de son emprise et inverse nos positions, lui bloquant les poignets du mieux que je puisse avec mes mains. Un petit sourire en coin, j'observe Léo essayer de se défaire de ma prise. C'est alors à mon tour de le chatouiller et j'adore entendre son rire retentir dans la pièce.

Puis, fatigués tous les deux de s'être gentiment battus, je m'étale paresseusement sur lui. Léo passe alors sa main dans mes cheveux et les caresse, ce qui me fait sourire. On reste un petit moment comme ça puis je viens déposer des petits bisous dans sa nuque. Au fur et à mesure des baisers, je sens que l'ambiance joueuse change. Nos respirations qui s'accélèrent le confirment bien tout comme le besoin de contacts mutuels.

Au bout d'un moment, on monte car on ne regarde même plus la télévision. Avec nos deux sourires niés, on part s'installer sur mon lit pour reprendre nos baisers. Encore un moment que j'adore. Au bout du, je ne sais combien baisers, mon haut puis le sien disparaissent. Je retrouve alors le contact agréable de sa peau contre la mienne. Ça n'était pas arrivé depuis les vacances au ski et, pourtant, qu'est-ce que c'est agréable. Je me perds d'ailleurs totalement dans ce moment et profite de chaque baiser, de chaque toucher et de chaque caresse. On finit même par se retrouver en simple boxer tous les deux et ça devient difficile de résister à l'envie.

Cependant, je sens que Léo est de moins en moins entreprenant alors je m'en inquiète automatiquement.

— Ça va ? je m'enquiers.

Ce dernier ne me répond pas et s'enroule plutôt dans ma couette. Je le regarde faire, ne comprenant pas ce soudain changement de comportement. Je me glisse alors sous la couette, à ses côtés, et le serre dans mes bras, son dos contre mon torse. Au bout de quelques secondes, sans que je ne l'anticipe, Léo explose en sanglots et je culpabilise aussitôt. Est-ce que je suis allé trop loin ? Est-ce qu'il ne voulait pas quelque chose ? Est-ce qu'il n'a pas aimé quelque chose ? Un peu affolé, je le retourne et me saisis de son visage en larmes.

— Qu'est-ce qu'il y a, Léo ? J'ai fait quelque chose qu'il fallait pas ?

Mes questions lui font d'autant plus pleurer puis il finit par balbutier, entre deux sanglots :

— C'est pas toi, c'... c'est moi... Je.... Je suis désolé.

Désarçonné, je me contente de le serrer contre moi et de caresser son dos. Au bout de longues minutes qui me brisent le cœur, Lou se calme. Je lui propose alors :

— Tu veux en parler ?

— Je sais pas.

— Moi, j'aimerais bien, j'aime pas te voir comme ça.

— Moi, non plus, j'aime pas être comme ça.

— C'est parce qu'on était dénudés ?

— Un peu oui.

— Tu voulais pas ?

— Si, mais...

Léo a du mal à continuer sa réponse alors il relève son visage, qui était contre mes clavicules. On se fait ainsi face, chacun sa tête sous son bras. Je caresse d'ailleurs le sien du bout des doigts. Patient, j'attends que Léo soit prêt à me répondre.

— On a parlé de ça avec Estéban, cet après-midi.

— Ça ? de sexe ? je demande précision.

Le châtain en face de moi se contente de hocher la tête et je m'intéresse :

— Et ?

— Et, on a parlé du sexe et de notre religion.

J'essaie alors de faire le lien entre les quelques choses que je connais de la religion catholique. Une chose me revient d'ailleurs à l'esprit et je demande à Léo :

— Tu veux pas le faire avant le mariage, c'est ça ?

Après avoir hoché la tête, il précise :

— J'en étais sûr jusqu'à aujourd'hui, mais je ne sais plus trop maintenant.

— Je savais pas, désolé.

— T'as pas à être désolé, je ne te l'avais pas dit.

— Mais pourquoi tu dis que t'en es plus sûr maintenant ?

— Parce que j'avais jamais vraiment réfléchi à pourquoi j'avais décidé de le faire.

— Pourquoi, tu crois ?

— Je crois... parce que ça me fait surtout peur et que ça me donne une bonne raison de pas faire face à cette peur.

— T'as peur de quoi ?

Nos regards ne se quittent pas tandis que je caresse toujours son bras de mes doigts. J'essaye de comprendre ce qu'il me dit bien que ce soit très éloigné de ma conception. J'avais complétement oublié le fait que certains croyants font le choix de ne pas avoir de rapports avant le mariage. Je ne savais même pas que c'était le cas pour mon copain, la honte quand même.

Léo finit par répondre à ma question, pas vraiment à l'aise :

— Du plaisir. De perdre le contrôle.

Une autre bombe à la Léo. Plein de choses me viennent alors en tête. Est-ce qu'il n'a jamais aimé ce qui s'est passé entre nous deux, notamment la dernière nuit au chalet ? Est-ce qu'il regrette ? Je commence aussitôt à être mal à l'aise et ne sais pas vraiment comment réagir.

— Mais, tu t'es jamais forcé, hein ?

Aussitôt, Léo s'étonne et répond rapidement, ce qui me rassure :

— Non, bien sûr que non, mais...

J'aime pas du tout ce « mais ». Ça n'annonce rien de bon...

— Mais ? je m'inquiète, voulant en savoir davantage.

— Mais, parfois, je me sentais mal le lendemain.

— Pourquoi ?

— Parce que j'avais l'impression d'avoir fait quelque chose de mal, de sale.

Je suis content qu'il soit honnête, mais, en même temps, ça fait horriblement mal d'entendre ça. Moi qui ai toujours adoré ces moments, ça me laisse un arrière-goût de savoir que ce n'était pas totalement le cas pour lui. Ça me fait aussi chier de ne pas m'en être assez rendu compte. Je veux dire, je voyais bien qu'il voulait qu'on prenne notre temps, mais je n'ai jamais pensé que c'était parce que ça le faisait sentir mal. Je pensais juste qu'il voulait qu'on ne se précipite pas, ce qui ne me dérange aucunement. Je ne sais plus trop quoi penser actuellement du coup.

— Tu veux qu'on fasse quoi alors ? je questionne, paumé.

— Je ne sais pas, je suis un peu perdu.

Un silence s'installe, un peu lourd tandis qu'on paraît tous les deux réfléchir. En même temps, il y a de quoi avec tout ce qu'il vient de me dire. Puis, Léo finit par briser ce silence pesant :

— Ça te dérangerait si on ne le faisait pas avant le mariage ?

Je le fixe alors sans répondre, n'en sachant vraiment rien. D'un côté, je m'en fiche parce que je ne suis pas avec lui que pour le cul. De l'autre, je ne sais pas ce que ça veut dire « ne pas le faire avant le mariage ». Parce que, clairement, on a déjà fait des choses, donc... En plus, quand il parle de mariage, il parle de celui religieux sauf qu'aux dernières nouvelles, on ne le peut pas. Alors, ça veut dire qu'on aura jamais de rapport ? Je suis complètement perdu et Léo semble le remarquer.

Je finis alors par lui répondre, honnêtement confus :

— Je n'en sais rien, je ne m'étais jamais posé la question. J'imagine que, non, ça ne me dérangerait pas, parce que j'imagine que tu sous-entends pas de rapport avant le mariage.

— Justement, je ne sais même plus ce que ça veut dire. Avant, je pensais que même, se toucher ou se dénuder, c'était trop avant le mariage. Maintenant, je ne sais plus.

— Mais qu'est-ce que tu veux, toi ?

— Être heureux ? il propose, peu sûr de lui, au bout de quelques secondes.

— Et je te rends heureux ? je demande, hésitant.

Léo hoche alors timidement la tête puis me sourit d'une très belle manière. Le trouvant magnifique, j'encadre son visage et l'embrasse le plus sincèrement que je lui puisse pour lui faire comprendre que je l'aime. Parce que, putain, oui, je l'aime.

On continue alors de parler, à cœur ouvert et sur des problématiques qu'on avait jamais vraiment sérieusement abordées. On reparle notamment de nos résultats de prise de sang qu'on a reçus aujourd'hui. Même si on s'en doutait, on est quand même soulagés de ne rien avoir. Puis, on parle d'autres choses, des choses dont on avait jamais parlé avant comme la masturbation. Je découvre ainsi avec surprise que Léo ne l'a fait que rarement et qu'il s'est senti sale après chaque fois. Je m'étonne alors de nos mentalités totalement différentes concernent le sexe. Je lui fais d'ailleurs part de ce que je pense, sans filtre :

— C'est bizarre parce qu'on a des visions complètement opposées du sexe : pour moi, c'est une source de plaisir alors que, pour toi, c'est une source de stress et de mal être. Pourquoi ?

— Je ne sais pas, parce que j'en ai jamais trop parlé ni entendu parlé dans mon entourage j'imagine. C'est assez tabou.

— On peut en parler, si tu veux.

— Ça me gêne.

— Parce que ça te gêne de parler de boire ou de manger toi ? je m'amuse.

La conversation prend alors un tournant plus léger tandis qu'il me dit que ce n'est pas pareil. On débat alors là-dessus : sur le fait que le sexe soit, ou non, un besoin comme un autre. Au bout d'un moment, Léo finit par me glisser :

— Merci.

— De quoi ?

Même lui ne semble pas vraiment savoir pourquoi alors il répète simplement :

— Merci.

On se prend alors dans les bras l'un de l'autre puis je le dis :

— Je préfère que tu me dises tout de suite quand ça va pas.

— Désolé.

— T'as pas être désolé, c'est moi qui suis désolé que ça n'allait pas là-dessus. Je suis content qu'on en ait parlé.

— Moi aussi, merci.

Cette conversation était nécessaire et me rassure dans le sens où on se fait confiance. Et je pense que c'est important pour que ça fonctionne entre nous alors j'espère que ça va continuer dans ce sens-là.


The truth runs wild
La vérité agit en toute liberté
Like a tear down a cheek
Comme une larme sur la joue
Trying to save face, and daddy heart break
J'essaie de sauver les apparences et le coeur brisé de papa
I'm lying through my teeth
Je mens entre mes dents

This voice inside
Cette voix intérieure
Has been eating at me
M'a bouffé
Trying to replace the love that I fake
Essayant de remplacer l'amour que je simule
With what we both need
Avec ce dont nous avons tous deux besoin

The truth runs wild
La vérité agit en toute liberté
Like kids on concrete
Comme des enfants sur du béton
Trying to sedate my mind in its cage
Essayant d'endormir mon esprit dans sa cage
And numb what I see
Et d'être indifférent à ce que je vois

Awake, wide eyed
Réveillé, les yeux grand ouverts
I'm screaming at me
Je me crie dessus
Trying to keep faith and picture his face
Esseyant de garder la foi et d'imaginer son visage
Staring up at me
Me fixant

Without losing a piece of me
Sans perdre une partie de moi
How do I get to heaven?
Comment puis-je accéder au paradis ?
Without changing a part of me
Sans changer une partie de moi
How do I get to heaven?
Comme puis-je accéder au paradis ?

All my time is wasted
Tout mon temps est perdu
Feeling like my heart's mistaken, oh
Ayant le sentiment que mon coeur s'est trompé, oh
So if I'm losing a piece of me
Alors si je perds une partie de moi
Maybe I don't want heaven?
Peut-être que je ne veux pas du paradis ?

(...)

The truth runs wild
La vérité agit en toute liberté
Like the rain to the sea
Comme la pluie dans la mer
Trying to set straight the lines that I trace
Essayant de mettre en ordre les lignes que je trace
To find some relief
Pour trouver un certain soulagement

(...)

Trying to embrace the picture I paint
Essayant d'accepter l'image que je peins
And colour me free
Et de me colorer librement

🌫️Coucou tout le monde et bienvenue sur ce nouveau chapitre !

Je précise tout de suite que les propos des personnages concernant la religion ne sont que leur opinions à eux et en aucun cas une vérité absolue.

Cela dit, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Je vous dis à la semaine prochaine pour la suite,
D'ici-là, portez-vous,

L :")🌫️

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