Chapitre cinq
— Prêt à perdre ?
— À gagner plutôt, je défie Léo qui remet ses lunettes de piscine en place.
Nous nous positionnons alors tous deux contre le muret puis faisons un décompte avant de plonger. Je me dépêche alors de nager jusqu'au mur opposé puis de revenir. Et, à ma surprise et déception, mon meilleur ami m'y attend déjà.
Bien que Léo ne soit pas un grand sportif - dans le sens où il n'aime pas trop ça - il adore cependant la natation. Et, ça tombe bien, moi aussi. Alors, on a décidé d'aller nager ensemble tous les vendredis soir. Et on finit toujours par une course après notre petite heure de longueurs. Normalement, je le bats, assez souvent en tout cas, mais il semblerait que ce ne soit pas le cas ce soir.
Après notre séance de sport finie, nous allons nous poser dans le jacuzzi et profitons de la chaleur et des bulles du petit bassin. Détendu, je demande à mon meilleur ami :
— Tu vois ton père ce week-end ?
— Oui, il rentre. Mais si c'est pour être de mauvaise humeur comme la dernière fois, je préférais qu'il ne rentre pas. Parfois, je préférais qu'il ne vienne plus.
Je n'aime pas quand les gens disent ce genre de choses. Ils ne savent pas ce que c'est d'être privé de l'un de leurs parents et, si cela devait arriver, ils seraient en réalité bien dévastés. Ce genre de phrase dite en l'air montre bien qu'ils n'y connaissant rien.
Je baisse alors la tête, ne voulant pas dire à Léo ce que je pense réellement de sa remarque. Cependant, le châtain semble le remarquer car il s'excuse :
— Ce n'est pas ce que je voulais dire, Valentin. Enfin, j'ai pas pensé à toi en disant ça. C'était maladroit, désolé.
— C'est bon, Lou, te fatigue pas. C'est rien, je mens comme je le fais habituellement lorsque ce sujet s'invite dans ma vie.
— Arrête de dire que c'est rien à chaque fois. On me l'a fait pas à moi, je sais très bien que ça te blesse à chaque fois.
— Si tu le sais, tais-toi alors, je riposte, sur la défensive.
— Sympa.
Réalisant que je suis un idiot de traiter mon meilleur ami ainsi, je m'excuse à demi-mot :
— Tu sais très bien que c'est parce que je suis énervé que je dis ça.
— Ça aussi, je le sais.
— Désolé, Lou, je souffle tout en sortant du bassin à bulles.
Je me dirige alors vers ma serviette ainsi que ma gourde d'eau dont je bois la moitié. Je sens le regard, que je devine inquiet de Léo, mais aucun de nous ne sait que dire. Je m'en veux que ce soit d'ailleurs le cas.
Nous partons alors nous doucher et c'est seulement une fois que nous sommes dans une cabine tous les deux pour nous changer que je décide de me livrer un peu sur le sujet :
— Il me manque, je soupire.
— Je sais.
— Non, justement, tu ne sais pas. Et j'en ai marre qu'on me réponde savoir quelque chose que vous n'avez jamais vécu.
Je baisse la tête, assis sur le petit banc, à l'étroit avec Léo. Il me fixe, inquiet, sa serviette enroulée autour de sa hanche. Il enfile d'ailleurs rapidement un tee-shirt. Je continue alors mon petit moment confession :
— Je pensais que j'y arriverais mais non. Je pense souvent à lui, tu sais,je me demande toujours s'il va mieux, s'il a commencé une nouvelle vie, s'ilpense à moi et Emma, s'il a essayé de récupérer notre garde. Parfois, j'en aimarre, vraiment marre, Lou, je balance avec tristesse.
Je pose ma tête dans mes mains et pousse un long soupire. Ça m'a fait du bien le dire à vive voix car j'en parle peu aussi honnêtement. Léo ne parle plus et je me dis que je n'aurais peut-être pas dû lui en parler.
— J'ai l'impression d'être un putain de bébé.
— Ne dis pas ça, Valou. Tu as raison : je ne peux pas comprendre. Même si mon père est souvent absent, il est quand même présent dans ma vie alors non, je ne peux pas entièrement comprendre ce que tu ressens. Mais, je veux bien essayer de comprendre. Je suis sûr que ça te ferait du bien d'en parler un peu, propose-t-il d'un air sincère.
En parfait ami qu'il est, il passe un bras réconfortant autour de mes épaules et je viens directement me blottir contre lui. Il caresse alors doucement mon épaule dénudée et ça me réchauffe au niveau du ventre. Il est décidément trop fort à me faire sentir vivant, et si bellement. Me sentant vraiment bien, je décide de continuer de me confier :
— Même si c'est dur de l'admettre, ça me fait mal. Je repense à tous nos moments et je n'arrive pas à croire ce que me dit ma mère. Je devais sûrement être trop petit pour m'en rendre compte mais je ne vois pas mon père comme un... alcoolique, j'admets la gorge un peu plus serrée. Je-, il a toujours été un bon père et puis, du jour au lendemain, mes parents divorcent et on m'enlève mon père. Je me sentais si perdu, si seul. J'en voulais à ma mère car moi, tout ce que je voyais, c'était qu'on m'éloignait de mon père, sans raison. J'étais en colère contre ma sœur aussi : elle n'a jamais pleuré tandis que moi si, beaucoup même. Finalement, je crois que c'est elle qui en a le plus souffert car, elle, elle comprenait tout. Elle n'avait peut-être qu'onze ans, mais elle subissait tout. Et de ne pas savoir comment il va aujourd'hui, ça me bouffe. Il y a tellement de questions et elles sont toutes sans réponses. C'est pesant.
Mes paroles sont désordonnées et je m'étonne d'avoir autant parlé d'un sujet dont je ne parle que très peu en général. Léo a cette capacité à me mettre à l'aise et à réussir à me faire dire tout ce que j'ai sur le cœur. Bien que je lui aie déjà parlé de mon père, je l'ai toujours fait avec un ton léger et détaché, comme si ça ne me faisait rien alors que c'était tout le contraire. Je ne confiais jamais mes sentiments et me contentais de balancer ça comme ça.
Les larmes me montent aux yeux et, pour que Léo ne le voit pas, je ferme les yeux et cache ma tête contre son torse. Je passe également mes mains autour de sa taille et il vient aussitôt encercler mon corps de ses petites mains. Il dessine alors des petits cercles vers mon omoplate droite et ça a le don de me calmer. Je le remercierais jamais assez de réussir à prendre aussi soin de moi. Il n'y a que lui qui le fasse aussi bien, voire qui le fasse tout court.
— Il faut que tu parles, Valou'. Tu vas encore plus souffrir si tu n'en parles pas. Alors, promets-moi de parler, peu importe à qui, juste parle.
— Oui, je murmure contre son tee-shirt qui sent bon.
Je sais très bien que je n'en parlerais pas. À qui et à quoi bon, de toute façon ?
— Il faut que tu en parles à ta mère, même si c'est dur. Toutes les personnes que je connais et qui gardent tout pour elles en souffrent énormément un jour. C'est un poids et temps que tu ne t'en seras pas débarrassé, tu ne pourras pas avancer.
Un petit silence s'installe tandis que nous restons dans la même position. Nous sursautons finalement lorsque le téléphone de Léo vibre et que son père nous prévient qu'il nous attend dehors. Tout juste décrochés l'un de l'autre, mon ami me sourit, affectueusement je crois, et je me change à mon tour.
Nous nous dépêchons de nous changer puis filons à la voiture du père de Léo, les cheveux encore mouillés.
— Alors cette piscine ? demande Thierry, le père de mon meilleur ami.
Ne voulant pas répondre, car fatigué, je laisse Léo le faire à ma place :
— Très bien, j'ai même battu Valentin à notre dernière longueur, répond Léo tout en me lançant un petit sourire dans le rétroviseur.
Je lui rends alors son sourire avant de regarder par la fenêtre. Nous arrivons assez rapidement chez Léo et je monte dans sa chambre avant de directement sauter dans son lit, crevé.
— Fais-moi un peu de place, bouclette.
Je m'exécute et me décale pour lui laisser de la place. Je fixe ensuite son plafond et ris tout seul sous le regard interrogateur de Léo.
— Je pensais juste que tu n'avais pas de moustique écrasé au plafond.
Et de le dire à voix haute me fait encore plus marrer parce que c'est stupide. Pas si stupide, puisque Léo rigole également.
— Personnellement, je comptais mettre des étoiles sur mon plafond, pas des moustiques.
— Hey ! Ne te moque pas de mon sens original de la décoration ! je lance à l'attention de mon meilleur ami en lui pinçant la hanche.
Ça n'a pas vraiment l'air de le déranger, ce qui est bien dommage, puisqu'il il souffle, l'air d'imaginer :
— Ça serait stylé d'avoir des étoiles. Plein d'étoiles.
— Qui veilleraient sur toi la nuit, je complète.
— Ouais. Je vais le noter ! déclare le châtain en descendant rapidement
et vivement du lit.
— De quoi ? je demande en me redressant sur mes coudes.
— Notre idée ! répond Léo comme si c'était évident. Je ne veux absolument pas oublier.
Le voyant se saisir d'un crayon et d'un carnet, je comprends son idée et la complète :
— Tu pourrais aussi noter notre idée de la patinoire et de l'appartement. Ah et Disneyland aussi !
Un immense sourire se dessine sur le visage de Léo à peine ai-je dit « Disneyland ». Il en est complètement fou depuis l'enfance.
— Je note tout ça !
Le châtain à lunettes vient s'allonger à mes côtés, sur le ventre, et écrit d'autres idées :
— Bon, on a dit le plafond étoilé, Disneyland, commence-t-il à écrire.
— Notre futur appartement où nous allons vivre en collocation.
— Oui, super important ce projet ! s'enthousiasme-t-il en se dépêchant de l'écrire.
Cette idée d'appartement, elle est rapidement née en début d'année avec Léo. On s'est dit qu'on vivrait en collocation quand on ferait nos études après le lycée et je compte bien réaliser cette promesse. Ça serait trop bien !
— La patinoire.
Léo continue de prendre des notes puis relève la tête avec un grand sourire.
— On complétera le reste plus tard, conclut-il en pliant la feuille.
Je prends le crayon ainsi que la feuille et écris « LDNE » pour les initiales de Liste De Nos Envies. Léo sourit et je glisse le papier dans ma poche de jean. Il prend ensuite son Ipod et se lève comme s'il prenait une photo. En fait, il prend une photo et je le comprends lorsqu'il me demande de sourire. Je m'exécute puis lui demande ce qu'il fabrique.
— D'après toi, je te prends en photo, idiot !
— Pourquoi ? je hausse les sourcils.
— On s'en fout pourquoi, hausse-t-il les épaules.
— Viens dessus avec moi dans ce cas.
C'est ainsi qu'on passe une petite heure à prendre des photos de nous deux puis à faire des Dupsmash. Je suis d'ailleurs mort de rire lorsqu'il fait "Mon précieux" du Seigneur Des Anneaux. Il s'accroupit avec une boule dans ses mains pendant que je le filme. On les a ensuite regardés et, franchement, on s'est bien marrés, commesouvent ensemble en fait.
— Je vais me chercher à boire. Tu veux quelque chose ?
— À manger ? je propose.
— Bien entendu, sourit d'un air moqueur Léo.
Ce dernier part de la chambre et j'en profite pour m'allonger sur le ventre. Je traîne alors sur Youtube en attendant le mécheux.
— J'ai ramené des scoubidous ! s'écrie joyeusement mon meilleur ami en débarquant dans la chambre.
Je souris avant d'ajouter, les yeux fixant le paquet de bonbons :
— Tu sais me parler, toi.
— Et comment !
Ce débile se précipite ensuite vers moi et s'allonge sur mon corps.
— Je vais...mourir, je suffoque pour le faire chier.
— Pfff. N'importe quoi ! Fais-moi de la place alors.
Je me décale donc et il s'assoit à côté de moi. Je mange de suite un fil bleu puis en donne un Léo qu'il aspire comme un sauvage. Je l'embête ensuite en en mangeant trois autres d'affilé sans lui en passer aucun. D'un simple regard, mon ami me fait remarquer :
— Tu m'en dois trois.
Aussitôt demandé, aussitôt fait. Sur ma lancée de conneries, je prends le bout du scoubidou dans ma bouche et lui fais comprendre que, s'il veut son scoubidou, il doit venir prendre l'autre bout. Ne pensant pas vraiment que Léo allait le faire, je suis assez étonné lorsque c'est réellement le cas. Il arrache alors le bout de bonbon avant que nos lèvres se rencontrent.
— La belle et la bête version moderne, je souris.
Tout ce qu'il trouve à me dire est :
— Ne change pas de sujet, tu m'en dois toujours deux et demi.
Je lève alors les yeux au ciel et ça l'amuse.
— Allé, j'attends Armez.
Je saisis un autre fil, de couleur rouge maintenant et en mets une extrémité dans ma bouche et une autre dans celle de Léo. Au début, l'ambiance est assez enfantine et nous sommes d'ailleurs morts de rire. Puis, on se fixe plus sérieusement et la distance entre nos deux bouches est chaque fois plus courte. Ça fait d'ailleurs accélérer mes battements de cœur, sans que je ne le contrôle. Un fil encore et maintenant nos lèvres se sont frôlées. Commençant à être mal à l'aise, je panique un peu et, lorsque nous recommençons, j'arrache le bonbon un peu plus brusquement que je ne l'aurais voulu. Aussitôt, Léo se recule et touche sa lèvre du bas qui saigne légèrement.
— Merde, je suis désolé, Lou ! je m'excuse de suite.
Quel idiot je fais ! S'il ne me faisait pas perdre mes moyens aussi.
— Fallait le dire tout de suite si mes lèvres te dégoutaient tant que ça, il ironise tandis qu'il se lève.
Gêné, je le suis et ce jusqu'à la salle de bain. Il se passe alors un petit coup d'eau sur sa petite blessure puis l'observe dans le miroir.
— Montre.
Je prends alors son menton entre mes doigts et observe la plaie qui saigne toujours un peu. Mon regard remonte ensuite et nous nous fixons alors. L'ambiance étant définitivement trop sérieuse, j'ironise :
— Je vais pas te faire de bisou magique, hein.
Aussitôt, je vois les joues de Léo se réchauffer et ça me fait sourire. Pour lui faire peur, je rapproche un peu mon visage du sien puis, au dernier moment, je dépose un baiser sur sa joue.
— Tu ne m'auras pas aussi facilement pour avoir un baiser, je le nargue tout en retournant dans la chambre.
— Idiot, je l'entends crier de la chambre.
Je suis en train d'attendre Léo, allongé sur le lit, lorsque Jeanne débarque pour nous dire que le repas est prêt. Je la suis donc et récupère Léo en chemin.
Le repas se passe bien. D'ailleurs, le père de Léo n'est plus là pour le repas étonnement. Enfin, ça se passe bien jusqu'à que Charlotte, la plus grande des sœurs de Léo, remarque mon oreille droite percée.
Je l'ai fait en effet pendant les vacances de la Toussaint, avec Léo d'ailleurs, qui n'était pas fan de l'idée. En même temps, dès qu'on sort de l'ordinaire, il a du mal. Vu les coups de regards de sa sœur et la petite remarque de sa mère la première fois qu'elle a vu mon oreille percée, je ne peux pas trop lui en vouloir. Quand on naît dans le superficiel, c'est sans doute difficile de s'en défaire.
Cependant, Charlotte est le genre de chieuse à dire ce qu'elle pense comme si elle était l'intelligence incarnée. Ce qui n'est clairement pas le cas. Elle est même, objectivement bien entendu, une des personnes les plus connes que je connaisse, voire la plus conne. Je pense qu'on aura compris que je ne la pife pas.
— Tu sais que c'est les gays qui portent la boucle d'oreille à droite ?
— Et bien, non je ne le savais pas au moment où je l'ai fait.
Ce qui est vrai, mais à vrai dire je m'en fiche. Même si je l'avais su, je l'aurais fait à droite parce que je voulais le faire à droite. C'est Chris, sans surprise, qui m'a appris que l'oreille droite, c'était généralement les mecs homosexuels qui le faisaient là. Après, c'est pas si loin de ce que je suis de toute façon.
— C'est le genre de choses où on fait attention quand même pour pas être confondu avec des gens de ce genre.
Je ne réplique rien, ne voulant pas faire de scène dans la famille de mon meilleur ami. J'ai peut-être pas encore les couilles de le faire de toute façon. C'est pas comme si j'étais gay et fier de l'être de toute façon. Cette idiote se lance alors dans un discours sur les gays souhaitant, selon elle, tout faire physiquement pour qu'on comprenne qu'ils le sont. Comme s'ils avaient envie que des connes de son genre les regardent ou les jugent.
Je dois avouer que je suis un peu en colère lorsque le repas se termine. Je suis certain que Léo le sait et le sent lorsque nous sommes tous les deux dans sa chambre, mais il ne fait aucun commentaire. Le contraire m'aurait étonné de toute façon. Il a du mal à l'ouvrir face à Charlotte, je l'ai bien remarqué. Je trouve ça un peu triste qu'il s'écrase autant face à elle.
Sans un mot, j'enfile mon bas de pyjama et un vieux débardeur. Léo fait de même, après avoir mis mes vêtements dans un coin, au lieu d'un peu partout sur son sol. Je sais très bien qu'il a horreur que je laisse traîner mes affaires, mais c'est d'autant plus drôle qu'il ne puisse pas s'empêcher de toujours un peu les ranger.
Léo s'allonge ensuite sur son lit avec son ordinateur sorti et me propose :
— Ça te dit un film sur l'ordi' ?
— Yep.
Mon meilleur ami me lance un petit sourire tandis que je le rejoins sous la couette. Nous choisissons alors le film Ted que nous trouvons sur un site de streaming qui va sûrement mettre à plat l'ordinateur de son propriétaire à lunettes.
Au beau milieu du film, le mécheux semble trouver approprié de me demander :
— Tu le savais vraiment pas pour la boucle d'oreille ?
Je tourne aussitôt la tête vers lui, les sourcils froncés. Pourquoi il pense encore à ça ? ! Et puis, il ne va pas s'y mettre lui aussi, si ? Cette famille a décidément un problème avec mon bijou.
— Nan, je l'ai déjà dit. Va falloir arrêter de faire une fixette pour une simple boucle d'oreille. Puis, au pire, faites-vous vacciner contre l'homosexualité, comme ça vous aurez l'esprit tranquille puisque ça vous inquiète tant, je me moque méchamment.
Cependant, Léo me demande, visiblement très sérieusement :
— Il y a vraiment un vaccin contre l'homosexualité ?
N'en revenant pas, j'écarquille les yeux tandis qu'il continue de regarder le film. Ne voulant pas rentrer dans un débat pourtant simple à régler, je continue d'ironiser :
— Nan, mais c'est dommage qu'il n'y en ait pas pour les homophobes et les cons.
C'est au tour de Léo de se tourner vers moi et d'écarquiller les yeux.
— Tu me traites moi et ma famille d'homophobes et de cons ?
— C'était pour rire, je mens à moitié.
— Mouais, boude-t-il tout en croisant les bras.
— Bon ok, homophobes, c'est un peu près sûr. Cons, c'est à vérifier.
— T'es vraiment un idiot, tente de me pousser du lit Léo.
« Pas plus que ta famille », j'ai envie de répliquer mais je sais qu'il va mal le prendre. En même temps, c'est plutôt méchant. Après tout, il n'y a que la vérité qui blesse.
Léo semble avoir fini son moment révélation et se reconcentre sur le film. Nous passons un bon moment et rions bien finalement. À la fin du film, Léo est tout de même en train de s'endormir sur mon épaule et ça me fait sourire. La comédie finie, je propose à mon meilleur ami de dormir.
— Je dis pas non ! baille le châtain en enlevant ses lunettes. Je suis crevé.
— Je vois ça. Je vais juste pisser et je reviens.
— Très classe, il me fait remarquer.
— Je sais.
Après être allé aux toilettes, je remonte et mon regard s'attendrit aussitôt devant la vue qui s'offre à moi : Léo s'est déjà endormi, sa bouche est légèrement ouverte et son torse se soulève doucement. Il devait vraiment être crevé, car je n'ai pas vraiment mis beaucoup de temps.
Je m'approche du lit et prends place à ses côtés après avoir éteint la lumière. Ça a l'air de le réveiller car il bouge et tâtonne jusqu'à trouver mon bras. Il laisse alors ses doigts se balader sur mon avant-bras.
— Ça me rend triste ce que tu dis sur moi et ma famille, il avoue d'une petite voix presque endormie.
Étonné qu'il aborde de nouveau le sujet, je lâche un simple « désolé ».
— J'espère que tu sais que je ne pense pas forcément comme elles.
Je ne commente pas le « forcément » un peu douteux et réplique :
— Tu crois que je serais ami avec toi sinon ?
Léo ne dit plus rien puis revient poser sa tête vers mon épaule, comme devant le film. Ses cheveux chatouillent mes narines, mais je ne bouge pas, trop bien pour le faire. J'aime bien comment nous sommes installés et j'en profite pour m'endormir moi aussi.
Le lendemain matin, je me fais agresser par de la lumière du jour.
Immédiatement, je me cache sous la couette et je grogne :
— Léo, putain, enlève-moi cette lumière.
— Il est neuf heures et on avait dit qu'on regarderait Tokyo Ghoul avant que tu partes.
Je pousse encore un grognement bien qu'il soit totalement vrai que j'ai dit cela la veille. Connerie. Moi qui n'avais jamais regardé d'animés jusqu'à là, du fait de clichés que j'avais, je me retrouve à en adorer un. Et ça tombe bien parce que Léo est un fan de manga et animé alors il m'initie, on va dire.
Je ne bouge toujours pas alors Léo intervient en soulevant brusquement la couette. J'ouvre automatiquement les yeux et je sens mes poils se hérisser à cause de ma chaleur enlevée. Ce débile rigole mais ne me la rend pas.
— Il est l'heure de se réveiller. Il est l'heure de se réveiller. Il est l'heure de se réveiller. Il est l'-
— Ça va, j'ai compris, je m'arrête face à son attitude emmerdante. Dire que je me fais chier à être délicat pour te réveiller, je maugrée.
Le châtain me sourit de toutes ses dents avant de se saisir de vêtements et de me prévenir :
— Je vais à la douche.
— Je peux me laver en même temps ?
— Bien sûr, répond-il comme si c'était une évidence.
En même temps, ça en ait un peu une étant donné qu'on le fait souvent pour gagner du temps. Léo file à la salle d'eau et je le rejoins quelques minutes après. La pièce est légèrement embuée et Léo se trouve déjà sous la douche. Étant donné qu'il s'agit d'une vitre transparente, je peux vraiment tout voir du corps de mon meilleur ami d'où je suis.
Je mets la musique avec mon portable et Lou et moi nous mettons à chantonner. Je m'habille rapidement et je ne peux m'empêcher de loucher sur son corps mouillé. Il est de dos et l'eau coule de ses cheveux fins pour venir ruisseler le long de sa colonne vertébrale. Et même si je ne devrais pas, mon regard descend encore plus bas. Pour la première fois, je m'y attarde. Je sens d'ailleurs un frisson me parcourir de la tête au pied. C'est juste bizarre, et je ne sais pas vraiment comment réagir. Sentant que ma partie inférieure commence à réagir, je détourne aussitôt le regard, le rouge aux joues, mort de honte. Mais qu'est-ce qui me prends bordel ? !
Je tente alors de me concentrer sur mon brossage de dents afin de penser à autre chose. Sur le moment, je suis même un peu énervé contre moi-même de mon comportement et de mes réactions.
Léo finit par sortir de la douche avec une serviette autour de la taille et se sèche les cheveux avec une autre. Une odeur de fraise m'envahit les narines et je dois avouer que ce n'est pas déplaisant. C'est nouveau.
— T'as changé de parfum ?
— Ouais, j'ai fini le mien du coup j'ai dû prendre celui de mes sœurs, se sent-il obliger de se justifier.
— Pas la peine de te justifier, je souris, j'aime bien l'odeur.
Mon meilleur ami me lance un petit sourire timide puis nous finissons notre toilette avant de retourner dans sa chambre. Nous nous posons alors devant son ordinateur et regardons quelques épisodes de Tokyo Ghoul. Puis, Léo se met à dessiner avec de la musique tandis que je joue à un jeu sur mon téléphone. C'est seulement au bout d'une bonne demi-heure que je crois me reconnaître sur son dessin.
Je me rapproche alors du chätain qui est assis près de son bureau, un crayon gris dans une main, une photo de moi sur son téléphone de l'autre. Je déplace ensuite son fauteuil pour m'asseoir à ses côtés. Étonnement je me retrouve tout timide lorsque je lui demande :
— C'est moi ?
Léo hoche la tête tandis que je détaille l'esquisse prenant de plus en plus en forme avec le temps. Le châtain à lunettes m'a dessiné mais avec des traits plus d'animés et je suis vraiment épaté du résultat. De toute manière, c'est dingue comment il s'est amélioré depuis qu'il est petit et surtout depuis le collège. Il m'a, en effet, montré ses carnets de dessin et les progrès sont impressionnants ! Sans cours en plus !
Je suis toujours en train d'observer Léo d'un œil admiratif, tandis que sa grande sœur, Charlotte, débarque d'un coup dans la chambre. Toujours à critiquer quelque chose, elle se dirige vers la fenêtre et l'ouvre tout en se plaignant :
— Ça sent le fauve là-dedans, ouvrez un peu, bande de crades.
Je roule des yeux tandis que Léo pose son crayon pour observer sa sœur s'approcher. Aussitôt, celle-ci fronce les sourcils et critique, comme toujours :
— Encore un de tes délires chelous de trucs asiatiques.
Sans remarquer qu'il s'agit de moi, Charlotte se dirige vers la porte mais lâche un dernier commentaire désagréable avant de partir :
— Tu pourrais faire des activités qui font moins fillettes quand même !
Toujours la remarque blessante de trop. Elle sait malheureusement visée là où ça fait mal. Léo sert le poing puis fixe son dessin, les larmes aux yeux. Ça m'attriste de le voir comme ça, mais ce qui m'attriste le plus c'est que je ne vois même pas un cinquième de toutes les critiques négatives qu'il reçoit. Je passe alors un bras autour de ses épaules et mon meilleur ami pose sa tête sur mon épaule.
Nous restons quelques minutes ainsi, dans le silence qu'a causé Charlotte. C'est seulement quand Léo reçoit une notification sur son téléphone et que je vois l'heure, que je me rends compte qu'il faut que je rentre chez moi. Comme d'habitude, je vais encore être en retard et me faire rouspéter par ma mère. De toute façon, je crois qu'elle s'est faite à l'idée de mon manque de ponctualité quand je rentre de chez Léo.
Étant donné que le châtain est toujours immobile, je le préviens :
— Je vais y aller.
Aussitôt, il semble se réveiller et se redresse sur sa chaise. Je finis alors de faire mon sac, remets le fauteuil en place puis observe Léo, qui a l'air pensif. Il me raccompagne ensuite jusqu'à son hall où, après avoir salué ses parents dans la cuisine, je me chausse. Une fois ceci fait, Léo me prend dans ses bras et je le serre en retour. Ça me fait chier de le laisser après ce qu'a dit sa sœur. Alors, je lui glisse :
— Tu m'envoies un message si ça va pas, ok ?
Léo se contente de hocher la tête. Je le fixe une dernière fois puis pars, le cœur un peu lourd. Je n'aime définitivement pas le voir comme ça.
Je me rends ensuite à l'arrêt de bus puis rentre chez moi. Une fois dans ma chambre, après avoir mangé et subi une remontrance méritée de la part de ma mère, je sors le papier de ma poche « LDNE ». Je souris avant de l'accrocher sur mon mur aimanté. Au moins, je ne risque pas de le perdre.
Comme souvent, mes pensées divaguent à moi et Léo. C'est à assez certain et évident que nous agissons plus que comme des amis. Mais que sommes-nous pour autant ? Et moi, qu'est-ce que je veux que l'on soit ? Je crois que j'ai peur de nous imaginer comme plus qu'amis, car je ne sais pas ce que je pourrais trouver. Je n'ai tellement pas envie de détruire notre amitié ni de perdre Léo. Je me connais, je n'oserais jamais fait le premier pas, j'ai trop peur.
J'ai aussi peur parce que Léo et moi sommes tous les deux des garçons alors si on venait à sortir ensemble, ça voudrait dire qu'on serait gays. Déjà que je me doutais que je l'étais après cet été avec Tristan, cela ne fait que se confirmer avec ce que je ressens pour Léo. Cependant, je ne sais pas trop quoi en penser car j'en ai parlé à personne depuis Tristan. Ce qui est dommage, car je me sens seul par rapport à ça.
Tout ça, c'est définitivement trop flou, comme ce que je ressens envers Léo.
🍬Salut tout le monde !
Nous revoilà pour ce cinquième chapitre qui, j'espère, vous a plu ! D'ailleurs, qu'avez-vous pensé de la confession de V concernant son père ? des interactions entre V & L pendant le chapitre, notamment de la "panique" de V au point de faire saigner L ? xD des interactions entre V & Charlotte, notamment concernant les gays et la conversation qui s'en suit entre V & L ?
Je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau chapitre. Petit avant-goût : il s'agit de la partie 2 des flashbacks 🤫🌊
D'ici-là, portez-vous bien,
L :") 🍬
P.S. : j'ai une sacré tendance à raccourcir V pour Valentin et L pour Léo ;)
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