---âge de la princesse: neuf ans. Âge du dragon: douze ans---

Alzaïr,sous sa forme de dragon, était impressionnant. Il était immense,probablement de plus de deux mètres de haut, et presque autant de large. Pourtant, il était loin d'avoir fini sa croissance. Il n'avait que douze ans.

Sachant cela, Morgane ne cessait de l'observer, plus émerveillée qu'effrayée. Il ne s'en rendait qu'à peine compte, puisqu'il était trop occupé à surveiller l'entrée de la tour en grognant.

Elle essaya de tirer sa queue, mais il ne bougea pas.

«-Viens jouer! Je m'ennuie!

-Tu crois que j'ai le temps de te tenir compagnie? N'importe qui peut arriver d'une minute à l'autre.

-Pff, papa m'a dit que je suis encore trop petite pour qu'un prince vienne me chercher. Ils n'ont même pas encore posté les annonces!

-Et alors? On ne sait jamais.»

Elle s'assit sur la queue du dragon, comme si c'était un banc et croisa les bras. Il ne grimaça même pas. Pourtant, ça devait faire mal...

«-Faut-il que je pleure, pour que tu viennes me tenir compagnie? Tu m'as consolée quand papa et maman sont partis.

-Hors de question que tu pleures pour ça! Tu es une princesse, pas un bébé!

-Alors je vais m'asseoir par terre!»

Elle s'exécuta. Le sol était encore plein de poussière, une partie vola autour d'elle, remuée par les mouvements de sa longue robe. Elle était assise par terre, les jambes écartées, comme un petit garçon l'aurait fait.

Le dragon tourna sa tête vers la princesse et paniqua. Elle allait se salir! Ce n'était pas ainsi que devait agir une princesse! Comment réagirait sa tutrice si elle apprenait qu'il avait laissé une princesse faire cela?

«-Relève toi!

-uniquement si tu viens jouer avec moi.

-D'accord,je jouerais avec toi! Mais relève toi!»

Elle épousseta sa robe après s'être relevée, un grand sourire aux lèvres.

«-Mais...apprends moi à jouer...

-Tu n'as jamais joué?

-Non, on ne m'a jamais laissé jouer... je suis né pour garder la tour et la princesse...et uniquement pour ça.

-Laisse moi t'apprendre alors! Par contre, je te veux humain! Comment pourras-tu prendre le thé si tu as de si grosses pattes?

-Le thé..?»

Il se transforma en humain puisqu'elle se mit à insister. Elle lui prit la main et le dépêcha vers sa chambre.

Il s'assit là où elle le lui ordonna et se retrouva face à quelques ours en peluche.

Elle ramena une théière vide et des tasses et commença à servir une boisson inexistante.

Elle s'assit avec les peluches, se tenant bien droite et commença à parler de sujets vides de sens, dignes d'un noble.

Il la regarda comme si elle était folle. Elle lui expliqua alors le jeu. Il s'agissait de faire semblant de prendre le thé avec des amis imaginaires. Il ne comprit pas l'intérêt, mais ne dit rien pour ne pas vexer la princesse.

Dix minutes après, il y avait une cuillère plantée sur la table. Il ne s'était pas rendu compte de ce qu'il avait fait, trop absorbé par le fait qu'il s'ennuyait.

«-Voyons Alzaïr, ce n'est pas ainsi que doit se comporter un gentleman! Tu recevras une punition!»

Était-il un gentleman depuis le début, assis ainsi, nu, au milieu de peluches?

Elle s'approcha de lui et essaya de lui donner une légère claque, mais il esquiva. Elle recommença, mais il esquiva de nouveau.

À la fin, ils finirent par se battre sans se faire mal, avant qu'il ne chatouille la petite princesse. Ils rirent tant qu'ils en avaient mal aux côtes.

«-En fait, le thé n'est pas amusant... je préfère me battre avec toi!

-Tu penses que c'est un jeu digne d'une princesse?

-Ben oui, on a le droit de tout faire, non? Et puis, il faut bien savoir se battre pour éviter les ennemis...»

Ainsi,la princesse arrêta de faire semblant de prendre le thé. Alzaïr, lui, était heureux: il avait appris à jouer et à s'amuser. Alors, à partir de ce moment, il prit son rôle un peu moins au sérieux et joua plus souvent avec la princesse.