Alzaïr faisait les comptes, éclairé par la lueur des chandelles qu'il avait allumées de ses flammes. Il était bien concentré sur chaque chiffre, bien plus que ne l'aurait été un comptable passionné.

Alors qu'il venait de terminer une multiplication fastidieuse, il entendit des pas dans l'entrée. Il leva la tête. Il n'avait pas entendu la porte d'entrée s'ouvrir, mais Morgane, à cette heure-là, ne descendait pas. Elle jouait avec Sauron et Vol de Mort au Scrabble. Ganon devait s'émerveiller de la beauté des souris qui dormaient paisiblement et aucun oiseau n'aimait rester dans la tour une fois la nuit tombée.

Curieux, il sortit de son bureau pour trouver, non sans surprise, un homme vêtu d'un simple short de bain, de tongs et de lunettes de soleil.

Depuis quand cette tour attirait les touristes, se demanda-t-il. Mais il se retint de poser cette question, qui aurait pu lui faire perdre toute crédibilité.

« Qui va là ? »

« Oh, mais quel beau jeune homme ! »

Le dragon, qui venait de prendre son épée, fronça les sourcils. L'homme avait un accent britannique et son ton laissait penser qu'il n'était pas un simple paysan.

« Que faites-vous ici à cette heure ? Les horaires d'ouverture pour récupérer la princesse sont passées. »

« Oh, il y a une princesse ici ? Je l'ignorais. Cela explique la hauteur particulièrement importante de cette tour. »

« Je vais vous demander de partir. »

« Je n'en ai pas envie. »

Alzaïr eut un mouvement de recul, surpris. Quelle insolence ! Venir dans cette tenue et lui parler ainsi... Il allait vraiment voir tous les cas possibles et imaginables...

« Vous n'avez pas le choix de partir. Sauf si vous avez besoin urgemment d'un refuge. »

« Non, je n'en ai juste pas envie. »

Sur les nerfs, Alzaïr chargea avec son épée dans le but d'assommer cet intrus, mais lorsqu'il frappa, rien ne se trouva sous l'arme. Il se retourna alors, et vit que l'homme était adossé au mur et bâillait. Il était particulièrement rapide, pour un touriste.

Comprenant qu'il allait devoir utiliser plus de force et de vitesse, il se transforma en dragon. Pensant impressionner l'étranger et ainsi le faire fuir, Il se dressa de toute sa hauteur devant lui.

Il le regarda sans broncher. Il lui sourit même et retira ses lunettes pour mieux le voir, dévoilant des yeux couleur lavande émerveillés.

« Quel beau spécimen ! Un fils du Roi Dragon. Ce n'est pas tous les jours qu'on en croise. Tu m'intéresses, d'autant plus que ta forme humaine est absolument exquise. »

« Pardon ? »

« Eh bien, comme je l'ai dit, tu es un beau jeune homme... »

« Et comme je l'ai dit, vous devez partir d'ici. »

« Pas envie. »

Le dragon grogna et claqua ses dents, mais l'homme ne fit pas mine de bouger. Lorsque Alzaïr décida de l'attraper pour de bon entre ses griffes, il ne récupéra que du vide. Il tourna la tête à droite et à gauche, cherchant celui qui avait disparu.

« Je te manque déjà pour que tu me cherches avec tant de passion ? »

Il grogna. Comment l'intrus avait-il fait pour se retrouver à l'autre bout de la pièce ? Il chargea vers lui de nouveau, et cette fois, il vit l'homme disparaître devant ses yeux. Il trembla de colère lorsqu'il entendit bâiller derrière lui.

Il se retourna et essaya de ne pas paraître désemparé face à la position de l'étranger. Assis tranquillement, les jambes croisées comme dans un fauteuil confortable, les pieds ne touchant pas le sol, il flottait au milieu du hall d'entrée. Il lança un sourire provocateur au dragon, tout en faisant apparaître une tasse de thé dans sa main avant de siroter la boisson comme si personne ne cherchait à l'attaquer.

« Tu ne viens pas me chercher ? »

Plus en colère que jamais, Alzaïr ne cessa de le charger, mais quoi qu'il puisse faire, cet étrange touriste l'évitait sans même avoir besoin d'un claquement de doigts. Il continuait à flotter dans la pièce, tandis que les meubles partaient en morceau sous la force du dragon.

Ce ne fut que lorsque les murs commencèrent à trembler qu'on entendit une voix de femme, provenant de quelques étages au-dessus, vociférant des mots indignes d'une noble, encore moins d'une princesse.

Avant qu'ils n'aient pu réagir, une dizaine de couteau épingla le short de bain de l'homme au mur. Pris par surprise, il n'eut pas le temps d'éviter les armes et ne pouvait maintenant plus bouger. Mais il n'était pas le seul : Alzaïr était entouré de couteaux de lancer, si bien qu'il ne pouvait plus non plus se libérer.

Une jeune femme aux longs cheveux violets, vêtue d'une robe rouge et d'un serre-taille blanc et doré, arriva peu de temps après. Elle avança, le dos droit et les poings croisés sur les hanches, une lame dans chaque main, vers les deux hommes.

« Alors là, je veux qu'on m'explique immédiatement ce qui se passe ici ! »

Elle criait si fort que les murs tremblaient encore plus que lorsque le dragon l'avait percuté pour la quatrième fois.

« Je n'arrive même plus à me concentrer à cause du bruit que vous faites ! Même Sauron a mis deux bonnes minutes à placer le mot DES ! Trois pauvres lettres ! Alzaïr ! Depuis quand détruis-tu le mobilier ? Tu as intérêt à tout remplacer d'ici demain midi ! Quant à vous, étranger, vous pouvez m'expliquer cette tenue ? Et ce que vous faites ici à cette heure si tardive ? »

Alors même que l'homme n'avait cessé de se montrer indifférent face aux attaques d'un dragon, il dû bien s'avouer vaincu face à la prestance de cette femme. Il répondit alors à ses questions sans hésiter.

« Je suis ici parce que je voulais aller chercher des champignons. Lorsque j'ai vu de la lumière, je suis entré par curiosité. »

« Vous êtes allé chercher des champignons dans cette tenue ? »

« J'ai simplement passé la journée à la mer. Comme j'avais envie d'une bonne omelette aux champignons, je suis arrivé dans cette forêt. »

« Vous allez me dire que vous revenez de la plage, alors qu'il n'y en a pas à moins de cent lieues d'ici ? » (*100 lieues = 482,803 km)

« Bien sûr. »

Elle fit mine de lancer son couteau.

« Si vous ne me répondez pas la vérité, je planterai ce couteau de manière à abimer ce si beau visage. »

« Je ne mens jamais. Sauf lorsqu'on me demande si les remèdes anti-rides de mes concurrents fonctionnent. »

« Vous voulez vraiment finir empaillé dans cette tour ? Je vous demande la vérité. Si votre réponse est toujours la même, eh bien... Vous ferez une décoration plutôt sympathique. »

Avant même qu'elle finisse sa phrase, l'homme disparu, laissant son short de bain toujours fixé au mur. Lorsque la princesse tourna la tête, il était face à Alzaïr, parfaitement nu, à genoux et tendait au dragon un bouquet garnit de roses rouges.

De son accent anglais le plus rond, il se présenta :

« Florence Wintermoon, Mage des contrées britanniques, et duc d'une terre dont je ne me souviens jamais le nom, pour vous servir. Je vous jure sur mon honneur et ma vie que je reviens de la mer et suis venu chercher des champignons qui ne poussent que dans cette forêt. Lorsque j'ai vu de la lumière dans cette tour, j'y suis entré. »

La tête tournée vers le mur opposé à lui, le visage rouge, Morgane ne savait trop si elle devait l'étrangler ou le croire. Après tout, qui pouvait bien entrer chez des étrangers, juste par curiosité et, qui plus est, en maillot de bain ?

Mais venant d'un homme qui venait de se présenter parfaitement nu tout en offrant un bouquet de fleurs venant de nulle part à son gardien, cela ne devrait pas tant l'étonner. Elle soupira, d'autant plus fort lorsqu'elle se dit que, malgré tout, il n'était pas le pire cas qu'elle ait pu croiser jusque-là.

Elle souffla, puis pris une grande inspiration pour se calmer.

« Eh bien, duc Wintermoon, plutôt que de faire apparaître des fleurs et ainsi tenter de séduire mon dragon, pourquoi ne vous rhabiller, espèce de pervers accro aux baguettes magiques ! »

Florence claqua des doigts et se retrouva parfaitement habillé d'une robe de mage. Ses cheveux bouclés et bruns devinrent longs, lisses et d'un blanc pur, sa peau auparavant pâle devint hâlée, seul ses yeux demeurèrent lavande.

« J'ai même repris ma véritable apparence, cela devrait vous satisfaire ! »

Morgane et Alzaïr en restèrent sans voix, alors que le Mage sourit.

« Eh bien, Fils du Roi Dragon, auriez-vous un coup de foudre ? Rassurez-vous, il en va de même pour moi. Votre forme humaine, plus tôt, m'a fait croire que je voyais un ange ! Mais il me faut partir, maintenant. Je reviendrai, ne vous inquiétez pas ! En attendant, languissez-vous de moi ! À bientôt ! »

Sans un mot de plus, il disparut. Les yeux des deux autres restèrent fixés à l'endroit où Florence se tenait un peu plus tôt. Lorsqu'enfin ils reprirent leurs esprits, Morgane sourit.

« J'ai l'impression que mon dragon a trouvé son prince avant moi ! »

Alzaïr grimaça. Il aurait pu rougir sous cette forme, il aurait pris la couleur d'une pomme.

« Tais-toi donc, Morgane, et libère-moi si tu veux que je remette de l'ordre dans cette pièce. »

En partant se coucher après une telle soirée, Alzaïr en avait oublié le reste de ses comptes.

Oh, bonjour à vous, mes chers lecteurs, mes chères lectrices ! Je me suis beaucoup appliquée sur cette partie, qui introduit un nouveau personnage que j'ai beaucoup aimé écrire !

Florence Wintermoon a été créé avec mon meilleur ami et lecteur Pacpac ! Quant au nom qui lui a été donné, c'est une référence à un webcomic qui me fait beaucoup rire : Winter Moon ! Il est en anglais, mais je vous mets le lien si vous êtes intéressé ! Florence est le nom d'un des personnages ! Cependant, le personnage que j'ai créé n'est pas tout à fait le même que celui de Winter Moon...
Enfin, encore merci d'être là, de lire et de voter pour cette histoire ! Bonne journée à vous !

Winter Moon - Line Webtoon : https://www.webtoons.com/en/fantasy/winter-moon/list?title_no=1093&page=1