Peu après son arrivée, Morgane devait s'occuper du repas : elle était la princesse, mais elle était aussi une femme et devait savoir cuisiner. Cependant, Alzaïr vit avec horreur que la petite fille se blessait rapidement avec un couteau. Il l'empêcha d'y toucher et s'occupa de tous les repas pour la sécurité de tous.

Lorsqu'elle eût atteint dix ans, Morgane en eut assez de manger uniquement avec une fourchette et une cuillère. Elle avait donc, pour cela, un plan. Elle étudia tout le jour la manière de se comporter à table grâce à un livre que lui avait prêté sa fée marraine.

Elle arriva, confiante, au repas du soir et demanda à son dragon de lui donner un couteau. Elle voulait lui prouver qu'il était possible pour elle de couper sa viande, maintenant qu'elle savait comment faire.

Il lui donna un couteau à beurre, mais on voyait bien qu'il était inquiet. Il ne voulait pas qu'elle se blesse. Si un problème survenait, il s'en voudrait toute sa vie.

Elle s'assit, le dos bien droit, le couteau dans la main droite, la fourchette dans la main gauche, et entreprit de couper son haricot vert. Alzaïr refusait de lui donner un couteau qui puisse couper de la viande, elle devait donc se contenter de cela.

Mais le couteau glissa et, bien que ce couteau à beurre ait été le moins aiguisé du monde, elle s'entailla le doigt. Désespéré, il lui prit le couteau des mains.

« -Plus jamais je ne t'autoriserai à toucher à un couteau. Réussir à se blesser avec ça en coupant un haricot vert, ça ne s'est jamais vu.

-J'y arriverai, la prochaine fois ! Promis ! C'était un accident !

-Hors de question.Que feras-tu s'il tu te coupe encore ? Il y aura des cicatrices sur tes jolies mains ! »

Elle croisa les bras et bouda pendant trois jours. Mais Alzaïr avait une volonté de fer, lorsqu'il s'agissait de la sécurité de la princesse. Elle décida alors de s'entraîner en secret. Elle envoya une lettre à son père en lui expliquant son problème : elle ne savait pas manier le couteau et cela l'inquiétait pour son avenir de princesse.

Elle reçut, quelques jours plus tard, un colis : plusieurs livres expliquant le maniement du couteau et leur secret. Elle étudia chacun des ouvrages. Ils étaient tous différents de celui sur les manières de la table. L'un d'eux expliquait comment éviter de se blesser lorsqu'on maniait une arme. Elle pensa que ce devait être pareil pour les couteaux de table.

Tous ses livres proposaient des exercices intéressants, alors elle décida de les faire. Pendant que son dragon était occupé à dormir sur son tas d'objets en or, elle se faufila dans les cuisines et prit tous les couteaux qu'elle trouva. Elle retourna dans sa chambre et dessina à la craie des cibles sur sa porte en bois.

Elle fit exactement ce que ses livres lui demandaient de faire. Elle prit un couteau de la manière dont ils expliquaient et le lança sur la cible. Le premier alla se planter dans le bois de la porte, loin de la cible. Le second rencontra le mur de pierre et tomba au sol. Le troisième rencontra aussi le mur de pierre, mais pour s'y planter parfaitement. Son coup avait été vraiment fort. Enfin, le quatrième atteignit sa cible, en plein cœur. Elle continua encore et encore jusqu'à ce qu'elle n'aie plus de couteaux. Tous les autres se plantèrent dans la cible, là où elle avait décidé de viser.

Se disant qu'elle était plutôt douée, elle voulut les récupérer, tous, pour recommencer. Mais peut importait la force qu'elle y mettait, aucun ne voulait se déloger. Alzaïr arriva dans sa chambre au moment où elle essayait de retirer celui qui était planté dans le mur. Il marqua un temps de pose devant la scène.

« -Oh, on t'a attaquée, princesse ? Dis moi où est passer ton agresseur ! Et moi qui dormait... Je n'aurais pas dû faire de sieste !

-Du calme, Alzaïr. C'est moi qui aie planté ce couteau dans le mur. Il en va de même pour tous les autres sur la porte. »

Il regarda le panneau de bois et resta silencieux. Une goutte de sueur perla sur son front.

« -P...Princesse Morgane... Ce n'est pas vous qui avez fait ça, tout de même... »

Oh, il la vouvoyait, c'était mauvais signe. Était-il en colère ?Pourtant, elle ne s'était absolument pas coupée ! N'était-ce pas génial ?

« -Mais regarde, Alzaïr, je n'ai aucune blessure ! Je vais enfin pouvoir manger avec un couteau ! Et puis, ces exercices étaient vraiment amusants ! Mais je n'arrive pas à retirer les couteaux...

-Tu peux m'expliquer comment tu as pu mettre autant de force dans un lancer ? Es-tu croisée avec un ogre ?

-Hé, tu es méchant... Shrek est un ami de la famille, mais nous ne partageons pas le même sang...

-Et je fais comment, pour te préparer la viande que j'avais prévue pour le repas de ce soir ?

-C'est bien le problème... Qui pourrait déloger ces couteaux du bois et de la pierre ? »

Le regard d'Alzaïr rencontra celui de Morgane et ils réagirent en même temps.

« -Le roi Arthur ! »

Ils invitèrent donc le roi Arthur pour ce service. Puisqu'il était justement de visite chez le père de Morgane, il arriva dans la journée. Lorsqu'il entra dans la chambre de Morgane, son visage se décomposa. Alzaïr comprenait tout à fait cette expression.

« -Je n'ai jamais vu ça.

-Je suis d'accord. Je pense que notre princesse a un don pour le lancer de couteaux.

-Et elle a une force surhumaine. Et à ce que je vois, elle sait très bien viser. Je serais toi, dragon, je ferais attention, elle pourrait être dangereuse.

-Je n'arrive même pas à être en colère contre elle pour avoir utilisé ces couteaux en cachette.

-Dites-moi,princesse Morgane, où avez-vous appris à lancer ainsi ? Et depuis quand ?

-J'ai lu plein de livres dessus pendant des jours, et je m'y suis mise aujourd'hui. J'ai trouvé ça marrant, je n'hésiterais pas à recommencer. D'après mon livre, c'est aussi une bonne manière de se débarrasser des intrus, alors ça me sera utile, plus tard !

-Vous êtes un prodige dans cet art, princesse. Je vous félicite. Cependant, vous devriez faire attention à votre force. »

Il délogea chaque couteau comme s'ils avaient été coincés dans du beurre. Alzaïr ne sut déterminer qui des deux, entre le roi et la princesse, avait le plus de force.

« -Ce fut très amusant. Je n'avais pas revécu cette expérience avec Excalibur depuis bien longtemps. Si vous décidez de recommencer et que vous n'arrivez pas à les déloger, n'hésitez pas à m'appeler.Je viendrais dès que j'en aurais l'occasion. »

Il fit un baise-main à la princesse ainsi qu'une révérence et serra la main du jeune garçon avant de partir. Alzaïr croisa les bras devant Morgane.

« -Me cacher ça n'était pas très malin de ta part. Si tu t'étais gravement blessée, je n'aurais pas pu être là pour te sauver.

-Mais tout va bien, tu le vois ! Puis je suis totalement immortelle... Même la plus profonde des blessures ne pourrait me tuer. Alors, je t'ai prouvé que j'arrivais à manier le couteau. Je peux manger avec un couteau cette fois ? S'il te plaît ! J'ai travaillé dur, pour ça !

-Tu comptes continuer à lancer des couteaux comme ça ?

-Oui, c'est un super jeu ! Tu devrais essayer aussi !

-Sérieusement...Morgane... Je ne sais plus quoi faire...

-Accepte ! Alleeeeeez ! »

Alzaïr finit par céder. Le soir-même, elle se coupa avec son couteau à beurre, comme la dernière fois. Cependant, Alzaïr comprit que s'il ne laissait pas la princesse s'exercer, elle n'y arriverait jamais. Alors il la laissa faire et elle pu manger avec un couteau à chaque repas à partir de ce jour.

Et ce fut ainsi que la passion de Morgane pour le lancer de couteau commença, et où une amitié naquit entre le roi Arthur et le dragon Alzaïr.