Dayana ouvrit les yeux. Elle se trouvait dans sa chambre, au château. Elle s'aperçut rapidement que quelque chose clochait. Au-delà de la grisaille extérieure, il faisait sombre, bien trop sombre. Comme si la lumière s'échappait peu à peu à travers les interstices des portes, des fenêtres, et même à travers la pierre.
Elle se rua dans le couloir, à la recherche de ses parents. Elle alla dans leur chambre, mais ils n'étaient pas là.

Peut-être qu'ils sont dans la salle du trône, en train de discuter avec des nobles, pensa-t-elle, dans une vaine tentative de se rassurer. Depuis qu'elle était debout, un sentiment de danger lui nouait l'estomac à lui faire mal.

Elle courut jusqu'à la salle du trône. En chemin, elle se rendit compte qu'elle ne croisait personne. Ni domestiques, ni seigneurs et dames, personne. Comme si le château était vide. La panique monta en elle. Elle accéléra et ouvrit les portes de la salle avec fracas. Elle balaya la pièce du regard, mais aucun signe de vie. Elle avait même l'impression qu'il faisait encore plus sombre. Une douleur aiguë lui vrilla l'estomac. Elle l'ignora, déterminée à ne pas laisser la peur l'engloutir. La petite fille fouilla chaque chambre, chaque salle, chaque placard, mais elle ne trouva rien ni personne.

Elle s'arrêta en plein milieu d'un couloir, haletante, en nage dans sa chemise de nuit. Bientôt, elle ne verrait plus rien dans l'obscurité grandissante.

Soudain, un souffle glacial effleura sa nuque. Elle se retourna rapidement. Personne.

Une voix malveillante sussura à son oreille :

Tes parents sont morts. Tout le monde est mort ici. Il ne reste plus que toi. Tu es seule, et tu resteras à jamais seule.

Dayana se réveilla en sueur.

Bouleversée, elle se leva et s'approcha du lit de ses parents afin de s'assurer qu'ils étaient bien là. Leur visage serein et leur respiration calme rassurèrent la princesse. Ils dormaient paisiblement. Elle poussa un soupir de soulagement. Ils étaient là et ils allaient bien.

Ne voulant pas déranger leur sommeil, elle marcha sur la pointe des pieds et sortit.

- Princesse, que faites-vous ? chuchota le garde posté à l'entrée de la chambre.

Elle l'avait complètement oublié.

- Je vais simplement boire un verre d'eau.

- Je me dois de vous accompagnez.

- Je ne vais pas loin, c'est juste un verre d'eau, et si vous m'accompagnez il n'y aura plus personne pour surveiller la chambre.

- ... C'est pas faux... répondit le garde, un peu confus. Bon, très bien, mais faites vite ! La nuit est faite pour dormir, pas déambuler dans les couloirs.

- Je me dépêche, promit-elle en descendant les escaliers.

Sur le chemin menant aux cuisines, Dayana vit la maîtresse de l'auberge assise dans un fauteuil devant la cheminée.

Intriguée, elle s'assit sur celui adjacent au sien. Le feu émettait une douce chaleur bienveillante.

Comme Gretta, pensa l'héritière, se tournant vers elle.

La patronne la regarda et lui sourit.

- Vous ne dormez pas, Princesse ?

- Non, dit-elle simplement.

- Quelque chose vous tracasse ?

- J'ai juste fait un cauchemar.

- Voulez-vous m'en parler ?

Elle hésita quelques instants, puis se décida à le lui raconter.

- J'étais seule dans le château, je ne croisais personne, ni nobles ni serviteurs. Il faisait très sombre. J'ai commencé à courir dans tous les sens à la recherche de mes parents. Pendant des heures j'ai erré sans trouver personne, puis une sorte d'ombre siffla à mon oreille "Tes parents sont morts, tout le monde est mort ici, il ne reste plus que toi" ... après je me suis réveillée.

- N'y pensez plus Princesse, ce n'était qu'un cauchemar. dit Gretta avec bienveillance. L'esprit nous joue parfois des tours et s'amuse à imaginer le pire.

- Vous avez raison... Vous ne dormez pas non plus, remarqua Dayana, Pourquoi ?

- J'aime profiter du calme de l'auberge la nuit.

Un silence s'ensuivit. La jeune fille regarda les flammes danser dans l'âtre.

Soudain, la femme déclara :

- Vous avez des cheveux magnifiques, Princesse.

Surprise par le compliment, Dayana la remercia en rougissant. Elle porta une main à ses longs cheveux blonds que sa mère avait tressés pour la nuit.

- A ma connaissance, reprit Gretta, vous et vos parents êtes les seules du Royaume à avoir des cheveux aussi dorés. C'est un peu votre marque de royauté personnelle. Votre chevelure vous distingue des autres. Ainsi, peu importe où vous allez, on vous reconnaîtra toujours en tant que membre de la famille royale.

Dayana réfléchit quelques instants à ses propos. Elle n'avait jamais fait attention, mais elle réalisa que l'aubergiste avait raison. Parmi toutes les personnes qu'elle avait vu au château, domestiques, gardes, nobles, tous étaient bruns ou châtains.

La petite fille bailla à s'en décrocher la mâchoire.

Lorsqu'elle se leva pour retourner dans sa chambre, Gretta prit de nouveau la parole :

- Vous savez, Princesse, même lorsque tout va mal, que tout est ténèbres autour de vous, cela finit par s'arranger, il suffit d'être patient et persévérant, et je serai là pour vous aider en cas de besoin.

N'écoutant plus que d'une oreille, l'héritière hocha de la tête, puis partit, sans passer par les cuisines. Elle avait oublié pourquoi elle était descendue en premier lieu.

***

Les jours se suivirent, se ressemblant tous. Dayana finit par se lasser de voir les mêmes paysages défilés par la fenêtre du carrosse. Les prairies, forêts et champs étaient certes magnifiques mais leur contemplation ne nécessitait pas une journée entière. Elle discutait parfois avec ses parents, mais la plupart du temps elle dormait pour essayer d'échapper à l'ennui.

Cependant, elle fut parfaitement réveillée lorsqu'ils furent attaqués...