Chapitre 40 : Révélations
Dayana se réveilla péniblement, avec la désagréable impression de s'être faite piétinée par un troupeau de chevaux. Elle papillonna des yeux et tenta de se lever, mais une main sur son épaule l'en empêcha.
- Doucement, Votre Majesté, fit une voix douce. Vous êtes encore faible.
- Je vais bien, marmonna la princesse machinalement, avant de se rendre compte qu'on l'avait appelée par son titre.
La dernière fois que c'était arrivé, elle était prisonnière d'une noble.
Une vague de panique déferla sur elle et au prix d'un immense effort, elle réussit enfin à ouvrir pleinement les yeux et à se relever sur ses coudes. Elle observa les alentours puis la servante, mais rien ne lui donnait la moindre indication.
- Où suis-je ? s'informa Dayana.
- Mon nom est Marnya et vous êtes en sécurité, chez le mage Luvio Gujkir. C'est lui qui vous a soigné.
- Où sont Freya et Bun ?
- Les deux jeunes gens qui vous ont amenés ici sont dans le petit salon. Ils vous attendent, mais prenez le temps de vous lever.
Marnya fit une petite révérence avant de sortir de la chambre.
Dayana se rallongea dans le lit en soupirant. Elle se roula en boule sous l'édredon et voulut rester cachée du monde au moins deux semaines. Être tranquille et oubliée quelques instants, c'était tout ce qu'elle désirait.
Sois courageuse, Dayana.
Elle rejeta l'édredon en soufflant d'agacement et se leva. Elle ignora les étoiles qui dansaient devant ses yeux, elle ignora la douleur, elle ignora l'épuisement, elle ignora tout ce qu'elle pouvait ignorer et elle ouvrit la porte de la chambre en prenant une grande inspiration.
Marnya l'attendait et lui fit signe de la suivre.
Lorsqu'elles arrivèrent dans le petit salon, tous les regards se tournèrent dans leur direction.
- Viens t'asseoir, lui proposa immédiatement Freya en se poussant pour lui faire une place entre elle et Bun. Comment tu te sens ?
La princesse eut envie de leur hurler sa souffrance, de leur expliquer tout ce qui n'allait pas, de leur faire prendre conscience du calvaire qu'elle vivait chaque jour, mais tout ce qui sortit de sa bouche fut :
- Je vais bien.
Elle s'installa sur le canapé et remarqua que sa cuisse touchait celle du noryn. Elle espéra très fort qu'il ne sentait pas sa jambe trembler contre la sienne.
- Enchanté, princesse. Je suis Luvio Gujkir, c'est moi qui vous ai soigné, se présenta le mage avec un sourire charmeur.
- Vous dites ça, mais elle n'a vraiment pas l'air en forme, intervint Bun avant que la princesse n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche. Pourtant, quand elle me soigne, je déborde d'énergie, alors pourquoi on a l'impression qu'elle sort d'une tombe ?
- Parce que ce n'est pas la même chose. Utiliser la magie a un coût, qu'aucun pouvoir de guérison ne peut atténuer. Il faut payer le prix. En parlant de pouvoir, princesse, auriez-vous l'obligeance de retirer votre pendentif anti-aura ?
Freya se tourna vers elle, l'air outrée qu'elle ne lui en ait pas parlé. Dayana l'ignora et retira le collier de son cou.
- Éblouissant, admira Luvio. Votre aura est encore plus grande et lumineuse que celle de votre mère.
- Pardon ? Ma mère était une mage ? s'exclama la princesse en remettant son pendentif en place.
- Vous ne le saviez pas ? Elle était d'ailleurs très célèbre. Elle a même été nommée mage royale. C'est ainsi qu'elle a connu votre père. Il fut immédiatement séduit par cette jeune femme aussi puissante que bienveillante. Ils tombèrent éperdument amoureux l'un de l'autre et se marièrent. Les années s'écoulèrent, vos parents devinrent roi et reine du Royaume d'Akina. Un jour, lors d'un déjeuner avec un noble, votre père eut une violente réaction à la nourriture. Tiana dû lutter et puiser dans sa magie pour récupérer la force vitale de votre père, qui était en train de mourir. Elle y parvint de justesse, mais en le sauvant, elle perdit sa magie. Elle avait tout donné pour sauver la vie de votre père. Votre mère devint donc une personne non magique. Quelques mois plus tard, vous êtes arrivée. C'était une situation inédite. Ni elle ni aucun mage qu'ils avaient consulté, dont moi, ne savaient si vous seriez magique ou non. Vos parents ne voulaient pas vous donner de faux espoirs alors ils ont préféré attendre de voir si vous aviez des pouvoirs magiques.
- Comment savez-vous tout ça ?
- Nous sommes amis. Nous avons fait nos études de magie ensemble et nous avons gardé contact après la remise des diplômes. Elle ne vous a pas parlé de moi ? demanda-t-il avec un air faussement vexé.
- Non.
- Peu importe. Je pense pouvoir vous aider davantage, mais avant, vous devez me promettre quelque chose.
- M'aider à quoi ? Quelle promesse ? demanda Dayana, qui flairait le piège.
- Je connais le moyen de contacter La Salamandre. Il pourra vous aider à reprendre le trône qui vous revient.
- C'est les rebelles c'est bien ça ?
- Oui, je vais vous dire comment rencontrer leur chef, mais en échange, je veux que vous me promettiez d'annuler les avis de recherche des mages Gatur, Ykeri et Doupma. Ce sont mes amis et je suis convaincu de leur innocence.
Dayana réfléchit quelques instants, puis déclara :
- Je vous promets de vérifier que leur avis de recherche est justifié, et si ce n'est pas le cas, de le retirer.
- Mmmm, je m'en contenterai. Ecoutez-moi bien, il faut vous rendre à l'auberge de luxe "Le saphir scintillant" et demander une chambre avec vue sur le port. La dame vous dira qu'elle ne peut pas, mais qu'elle peut vous proposer une chambre avec vue sur le jardin. Elle vous donnera une clé et c'est là que vous rencontrerez La Salamandre.
- Au risque de me répéter, comment savez-vous tout ça ?
Le mage écarta les bras en un geste théâtral.
- Je suis Luvio Gujkir. Je sais tout ce qu'il se passe dans cette ville.
***
Dayana était assise sur un banc de pierre, dans le patio fleuri de la villa Gujkir. Elle ressassait ce qu'elle avait appris sur sa mère. Elle comprenait pourquoi elle ne lui en avait pas parlé, mais elle ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir. Elle aurait préféré entendre cette histoire de sa bouche plutôt que celle d'un parfait inconnu. Cependant, elle en voulait encore plus à l'assassin de ses parents. C'était entièrement de sa faute s'ils n'avaient pas eu l'occasion de lui dire. C'était entièrement de sa faute s'ils n'avaient pas été là pour la guider lorsqu'elle avait découvert ses pouvoirs. C'était entièrement de sa faute si elle avait été privée de ses parents trop tôt. Si seulement elle savait qui était le responsable. Elle espérait du fond de son cœur qu'elle le découvrirait lorsqu'elle monterait sur le trône.
Bun la sortit de ses pensées en s'asseyant à côté d'elle.
- Merci, murmura-t-il après un silence, de m'avoir sauvé.
- Merci à toi, si toi et Freya n'aviez pas été là, je serais probablement morte.
- Oui mais toi, tu as failli perdre tes pouvoirs à cause de moi...
- C'est un détail, oublie ça, le rassura Dayana, un peu surprise par le nouveau comportement de Bun. L'important est que tout le monde aille bien.
- Mais toi tu ne vas toujours pas bien.
- Mais si je vais bi...
- Dayana, tu peux dire ce que tu veux, mais ton corps ne peut pas mentir. Tes yeux ne peuvent pas mentir.
- Je suis plus forte que j'en ai l'air, affirma la princesse en durcissant le ton.
- Je n'ai pas dit le contraire.
Le silence s'installa. Dayana se demanda ce qui n'allait pas avec le noryn. Il ne s'était jamais comporté de la sorte. Jusqu'ici tout n'était que haine et rage, mais à cet instant présent, il était attentionné et presque tendre. Qu'est-ce qui avait changé ?
Bun se leva, interrompant de nouveau ses réflexions. Il allait rentrer dans la villa, mais il s'arrêta juste devant la porte et se retourna.
- Tu sais, tu es la personne la plus courageuse que je connaisse. Tu as le droit de dire quand ça ne va pas, ça ne retire en rien ta force. Le courage, ce n'est pas masquer ses faiblesses, mais continuer d'avancer malgré elles. C'est déjà ce que tu fais, et tu as le droit d'en parler pour soulager le fardeau qui pèse sur tes épaules.
Sans attendre de réponse, il rentra à l'intérieur et ferma la porte derrière lui.
La façade que Dayana portait depuis des années se fissura.
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