Chapitre 35 : Tensions

Dans le fiacre la ramenant en ville, Dayana réfléchissait à ce qu'il venait de se passer. Elle se méfiait de Zambara, qui semblait avoir toujours un coup d'avance, mais si cette femme mystérieuse pouvait l'aider à obtenir ce qu'elle veut, elle lui en serait reconnaissante.

Cependant, Dayana espérait que Valkar lui cèdera le trône sans faire d'histoires. Même si elle ne pouvait nier ce qu'elle avait constaté de ses propres yeux, la cruauté avec laquelle il gouvernait, elle espérait qu'au nom de la famille, il s'adoucirait et ne s'accrocherait pas au pouvoir.

Elle préférait malgré tout se préparer au pire. Elle n'était pas naïve au point de se laisser berner.

La princesse secoua la tête pour chasser les mauvaises réactions de son oncle qu'elle imaginait et se remémora sa conversation avec Maxelia. Dans l'immédiat, elle devait trouver une boutique de sorcier où elle pourrait acheter un pendentif anti aura, afin d'éviter toute attention non désirée. Elle fouilla dans sa poche et compta les quelques pièces que Freya lui avait données pour payer l'auberge à Boudou. Comme elle avait omis de mentionner que les aubergistes leur avait offert l'hospitalité, elle avait gardé précieusement l'argent.

Ce sera mon cadeau d'anniversaire.

Elle ne pouvait pas dire qu'elle l'avait oublié, mais plutôt qu'elle l'avait ignoré. Depuis la mort de ses parents, elle n'aimait pas fêter son anniversaire, car cela lui rappelait qu'elle grandissait sans eux. Son amertume s'était atténuée grâce à Mena et Sinari. Au fil des années, elle avait fini par apprécier cette journée qu'elle passait avec eux, mais à présent, ils n'étaient plus là non plus, alors elle l'avait occulté.

Le fiacre s'arrêta enfin, éclatant brutalement sa bulle de réflexion. Dayana ajusta sa capuche et sortit dans la rue principale, encore bondée malgré l'heure tardive. Elle voulu remercier les servantes mais elles s'éloignaient déjà.

Elle repéra rapidement une boutique de sorcier appelée "artefact en vrac". En entrant, elle fut submergée par un des étagères débordant de babioles en tout genre. Des odeurs de métal et de renfermé la faisaient presque suffoquer.

- Bonjour, sourit un vieil homme échevelé derrière son comptoir. Que puis-je faire pour vous ?

- Je cherche un artefact anti aura.

- Oh je vois, vous voulez cacher votre puissance ! Vous faites bien, vous êtes un vrai rayon de soleil.

- Euh, merci, hésita Dayana, les joues en feu.

- Ne soyez pas embarrassée, c'est chose commune chez les personnes magiques de cacher leur aura. Excepté les "m'as-tu-vu", personne n'aime que l'on jauge ses capacités d'un simple coup d'œil, expliqua le marchand en farfouillant dans ses tiroirs. Ah le voilà ! Tenez.

Il tendit à la jeune femme une chaîne en argent avec un magnifique pendentif. Un saphir de la taille de l'ongle du pouce était maintenu en place grâce à des tiges d'argents finement ciselées. La princesse le prit, le mit à son cou et cacha le pendentif sous ses vêtements.

- Tant que vous le porterez, le charme opérera. Même le mage le plus puissant croira que vous n'avez aucun pouvoir magique.

- Parfait, merci beaucoup. Combien vous dois-je ?

- dix pièces d'argent.

Dayana poussa un soupir de soulagement. C'était exactement la somme qu'elle avait en sa possession. Elle lui donna les pièces, le remercia encore une fois et sortit. Elle prit une grande goulée d'air frais qui lui fit le plus grand bien. Ce fut une journée éprouvante et se retrouver seule l'apaisa. Elle prit quelques minutes pour apprécier sa solitude, puis, presqu'à regret, elle se dirigea vers l'auberge pour rejoindre Freya et Bun. Elle se trompa de chemin trois fois mais elle finit par arriver à destination à la nuit tombée.

Une vague de chaleur la submergea lorsqu'elle poussa la porte de l'auberge. Entre le feu de cheminée, les plats chauds et les clients qui s'agitaient en riant gaiement, Dayana eut l'envie soudaine de faire demi-tour, dans le calme et la fraîcheur de la nuit. Elle repéra ses compagnons de route qui lui firent signe depuis le fond de la salle et les rejoignit. Elle eut à peine le temps de s'asseoir et de déposer son sac à côté d'elle que Freya l'invectiva :

- Où étais-tu passée ? Je me suis inquiétée à ne pas te voir arriver !

L'assassin aperçut alors un scintillement au niveau du cou de la princesse.

- Tu t'es acheté un collier ! s'offusqua-t-elle. Avec quel argent ?

- Cela ne te regarde pas, rétorqua Dayana, qui en avait plus qu'assez d'être traitée comme une enfant qui devait rendre des comptes.

- ça me regarde quand tu disparais pendant des heures sans que je sache où tu es ! Imagine qu'il te soit arrivé quelque chose !

- Si c'est ma sécurité qui t'inquiète, tu devrais savoir que je suis parfaitement capable de me défendre seule, affirma la princesse, en faisant taire la petite voix qui lui rappelait qu'elle était captive il n'y a pas si longtemps.

- Je dois m'assurer que tu vas bi....

- "Tu dois" ? l'interrompit Dayana. Quelqu'un t'envoie ?

- Quoi ? Mais... non pas du tout !

- Alors, avec qui tu parlais dans les bois ?

- Avec personne ! Je te l'ai dit, je me parlais à moi-même.

- Et il y a souvent une voix d'homme qui te répond ?

- Je te le répète, j'étais seule, tu as dû rêver.

- Bien sûr. Tu sais quoi ? Je vais me coucher, ça m'évitera d'avoir d'autres hallucinations, répliqua-t-elle en se levant.

Un groupe de badauds entra bruyamment dans l'auberge, et l'un d'eux cria :

- Aubergiste ! Tournée générale ! C'est l'anniversaire de la princesse aujourd'hui !

Freya et Bun écarquillèrent les yeux et se tournèrent vers la jeune femme, qui resta figée sur place, tête baissée au maximum, autant pour ne pas être reconnue que pour fuir les regards interrogateurs de l'assassin et du noryn.

Les nouveaux arrivants s'installèrent juste derrière leur table.

- C'est vrai que c'est son anniversaire aujourd'hui, se rappela un jeune homme, l'air morne. Elle aurait eu douze ans.... C'est triste qu'elle soit morte si jeune...

- Comme tu dis gamin, renchérit un vieillard dont les yeux pétillaient pourtant d'énergie. Ses parents aussi, sont partis trop tôt... Foutus noryns, tout est de leur faute !

- Mais on leur a bien rendu la monnaie de leur pièce ! rugit un grand gaillard. Bien fait pour eux !

Dayana leva les yeux vers Bun, qui semblait bouillonner de l'intérieur et prêt à commettre l'irréparable. Elle lui intima du regard de ne pas réagir. Une vague de frayeur l'envahit lorsqu'il se leva. Heureusement, sa capuche était bien en place et il se contenta de traverser la salle. La jeune femme poussa un soupir de soulagement lorsqu'il sortit de l'auberge. Un bain de sang avait été évité. Elle décida de le suivre pour s'assurer qu'il allait bien.

- Bun ! l'interpella-t-elle, mais il continua de marcher devant elle. Je suis vraiment désolée de la situation. Je sais que tu n'y es pour rien et je te promets que la première chose que je ferais lorsque je serais reine, c'est de rétablir la vérité sur ton peuple. Il faut juste un petit peu de patience. Ensemble nous pourrons réparer les torts du pas...

- Ferme la ! rugit-il en se retournant brutalement. Tu es insupportable à me coller en permanence ! Lâche moi un peu ! Et arrête de faire des promesses que tu ne tiendras jamais !

- Pardon ?

- Bah oui, ton peuple est débile, ton oncle est une enflure et toi, tu seras morte avant d'avoir franchi les portes du château, donc ta promesse de rétablir la vérité, elle part en fumée.

- C'est une menace ?

- Non, c'est un fait. Maintenant laisse-moi tranquille et vas jouer à la princesse ailleurs.

Bun disparut dans la nuit, laissant Dayana complètement abasourdie.

Passé le choc, une colère noire s'empara d'elle. Elle en avait plus qu'assez des mensonges de Freya, des propos déplaisants de Bun, de faire semblant d'aller bien pendant que les deux autres la traitaient avec irrespect. Par ailleurs, elle n'avait pas besoin d'eux pour monter sur le trône. Elle pouvait très bien s'en sortir seule.

Forte de cette décision, elle se faufila dans les écuries et sella Crème.

Elle réussit à sortir de la ville juste avant que les gardes ne referment la herse et l'immense porte de bois.

Elle lança sa monture au galop sans un regard en arrière.

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