Chapitre 34 : Enlèvement
Dayana courait dans la rue, fuyant les souvenirs qui la hantaient. Cela faisait bien longtemps qu'ils ne l'avaient pas assaillie avec autant de virulence. Sa capuche retomba dans son dos, dévoilant sa tresse de cheveux dorés, sans qu'elle ne s'en rende compte. Soudain, elle percuta quelque chose et tomba à la renverse. Elle s'essuya rapidement le visage avec son avant bras en se relevant. Une servante, tout de noir vêtue, y compris son tablier et sa coiffe, se tenait devant elle et semblait en état de choc.
- Je suis désolée ! s'empressa de s'excuser Dayana. Je ne vous ai pas fait mal ?
La servante ne répondit pas et continua de fixer la princesse, qui leva les yeux et s'aperçut de son erreur. Avant de pouvoir menacer ou supplier la jeune femme de ne rien dire, elle reçut un coup à l'arrière de la tête et sombra dans l'inconscience.
Dayana se réveilla plus tard avec un formidable mal de crâne. Elle papillonna des yeux et, se tenant l'arrière de la tête d'une main, elle s'assit sur le canapé de cuir noir en s'aidant de son autre main.
Elle repéra immédiatement la femme qui l'observait depuis son fauteuil. Sa robe ténébreuse et ses cheveux de jais s'accordaient avec le reste de la pièce.
La geôlière posa délicatement sa tasse sur la petite table en ébène devant elle puis se redressa avec toute la prestance d'une grande Dame.
- Bonjour Votre Majesté, déclara-t-elle avec un léger hochement de tête en guise de révérence.
- Bonjour, Dame ? répondit-elle sur un ton qu'elle voulait confiant.
- Zambara Barastel. Je suis la maîtresse de ces lieux.
- Que me voulez-vous ?
- Simplement vous parler.
- A quel sujet ?
- Où étiez-vous pendant tout ce temps ?
Dayana ne lui faisait pas confiance, alors elle décida de répondre à ces questions avec le moins d'informations possibles.
- Loin d'ici, dans un endroit sûr.
- Comment avez-vous survécu à l'attaque ?
- Une personne extérieure m'a protégée et mise en sécurité.
- Vous semblez plus âgée que vous ne devrez l'être, comment cela se fait-il ?
- Le temps s'écoule différemment là où j'ét....
- L'île des chalins, l'interrompit la noble.
- Vous connaissez ? s'étonna Dayana.
- J'en ai entendu parler, mais je pensais que c'était un mythe. Pourquoi êtes-vous revenue ? Vous auriez pu rester là-bas, à l'abri et loin de tout.
- Pour deux raisons : sauver mon peuple du règne cruel de Valkar et punir le traître qui a tué mes parents.
Dayana la regarda droit dans les yeux, tentant d'y déceler une lueur de crainte trahissant sa culpabilité, mais rien, son interlocutrice resta impassible.
- Et si, par la même occasion, reprit la princesse, je trouve pourquoi des sortes de créatures d'ombres ont tenté de me tuer, ce serait l'idéal.
La façade stoïque de Zambara se fissura.
- Vous tuer ? tiqua-t-elle.
- Oui. Savez-vous quelque chose à ce propos ? tenta la jeune femme.
Un sentiment de dangerosité émana soudainement de Dame Barastel, et Dayana comprit qu'elle ne devait pas la sous-estimer.
- Les créatures devraient disparaître d'ici quelques jours. Maintenant écoutez-moi attentivement. Je dois vous mettre en garde contre les hommes.
- Les hommes ?
- Oui, lorsque vous monterez sur le trône, vous devrez asseoir votre autorité et les dominer si vous ne voulez pas vous faire écraser par leurs grosses bottes boueuses et malodorantes. Imposez-vous, donnez le pouvoir aux femmes. Vous aurez tout mon soutien.
- Pardon ? dit Dayana, trop abasourdie par ces propos extrémistes pour répondre autre chose.
- Vous devez montrer aux hommes, qui gouverne ce royaume : nous, les femmes.
- Je puis vous assurer que je ne me laisserais marcher dessus par personne, gronda la princesse. Je ferais en sorte que tout le monde soit sur un pied d'égalité et traité avec le respect qu'il mérite.
- Vous ne comprenez pas, il faut....
- Non, l'interrompit la princesse, scandalisée par le discours de sa geôlière. C'est vous qui ne comprenez pas. Vous voulez dominer les hommes pour ne pas qu'ils vous dominent ? Vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Qu'en agissant de la sorte, vous ne valez pas mieux qu'eux ? Par ailleurs, vous faites de cas particuliers une généralité. Ce n'est pas parce que certains hommes sont cruels et arrogants qui le sont tous. Regardez mon oncle et mon père, deux hommes, de la même famille, et pourtant tout les oppose. Les gens ne sont pas noir ou blanc. Ils sont un arc-en-ciel de couleurs et de nuances, riches et complexes.
Zambara soupira. Elle avait retrouvé la princesse trop tard. Cela aurait été bien plus simple de l'influencer à dix ou douze ans mais à plus de vingt ans, c'était quasiment impossible. La jeune femme s'était déjà forgée une opinion et ne se laisserait pas convaincre aussi facilement. Elle avait fait tous ces efforts pour rien.
Enfin pas tout à fait.
Avec Dayana au pouvoir, elle mettra fin au règne de terreur de Valkar, et peut-être qu'à l'usure, elle se rendra compte qu'elle avait raison et l'écoutera.
- Très bien. Vous aurez mon soutien lorsque vous vous rendrez au château pour prendre votre place de reine. Nous nous tiendrons prêtes, déclara Zambara en se levant et en sonnant une petite cloche.
- Nous ? releva la princesse, surprise par le changement de ton de Dame Barastel.
Une servante entra. Dayana la reconnut immédiatement, puisqu'elle lui avait foncé dedans en sortant de chez Maxelia.
- Dites aux filles de se tenir prête à partir, Anna, nous nous rendrons à la capitale dès que vous aurez raccompagné la princesse.
- Vous me laissez partir ? demanda Dayana en se levant également et en attrapant son sac posé à côté du canapé.
- Il n'est pas dans mon intérêt de vous garder ici. Votre place est sur le trône.
Dayana hocha la tête en guise de remerciement, incertaine de ce qu'il venait de se passer. Elle rejoignit la servante mais Zambara l'arrêta avant qu'elle ne franchisse le seuil de la porte.
- Votre Majesté ?
- Oui ?
- Joyeux anniversaire.
- ... Merci.
***
Delfia toqua à la porte du sombre manoir de Dame Barastel, avec l'intention de récupérer l'or qui lui était dû.
Comme d'habitude, une servante vint lui ouvrir et la conduisit au petit salon où la maîtresse des lieux semblait passer ses journées.
- Alors, vous avez retrouvé la princesse ? Puis-je avoir les pièces d'or que vous me devez ?
- Comment savez-vous que je recherche la princesse ? s'étonna Zambara, ignorant l' impertinence de la mage .
- Allons, des filles blondes, ça ne court pas les rues, j'ai toujours su qui vous cherchiez, triompha Delfia, ravie d'avoir surpris Dame Barastel. J'admets que j'étais très contente quand les Zoriacs m'ont informée qu'elle était en vie.Le règne de Valkar n'est pas bon pour les affaires. Plus personne ne veut engager de mages depuis que des avis de recherche ont été placardés un peu partout. Les gens ont peur de traiter avec d'éventuels criminels, ce qui est ridicule, nous ne sommes pas tous...
- Vous savez ce qui n'est pas bon pour les affaires ? Tuer la princesse ! explosa Zambara.
- Quoi ?
- Vous vous êtes trompée dans la formule, idiote ! Vos Zoriacs ont pour ordre de tuer la future reine !
Delfia devint livide.
- Heureusement ils devraient disparaître d'ici quelques jours... essaya-t-elle de se rassurer.
- Heureusement oui. Si j'apprends que la princesse est morte par votre faute, je vous détruirai jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de vous. Suis-je bien claire ? menaça la noble.
La mage hocha vivement la tête et quitta précipitamment la demeure pour aller faire ses valises et partir le plus loin possible.
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