Chapitre 23 : Entraînement
Pendant les jours qui suivirent, Dayana ne retourna pas à son "aire d'entraînement", comme elle l'appelait, pour plusieurs raisons. Elle voulait se faire pardonner auprès de ses parents adoptifs, alors elle faisait tout pour les chouchouter et les soulager de leurs besognes. Mena et Sinari apprécièrent son zèle, mais lui assurèrent qu'elle n'avait pas besoin d'en faire autant. En réalité, cela l'aidait à mettre de l'ordre dans le chaos de ses pensées et apaiser son âme.
Zadana avait raison. Elle devait se ressaisir.
La magie faisait partie d'elle à présent, mais elle ne savait rien dessus. Peut-être que son cauchemar était une vision, mais peut-être que non. Peut-être que si elle en avait parlé à ses parents, ils seraient encore en vie aujourd'hui. Mais peut-être qu'ils ne l'auraient pas prise au sérieux et que ça n'aurait rien changé.
On ne peut pas changer le passé, se dit-elle, les mains dans la pâte à gâteau qu'elle préparait. Mais je peux changer l'avenir, et pour cela, je dois devenir forte. Je dois maîtriser la magie.
Une flamme nouvelle brûla dans son cœur. C'était décidé. Chaque jour, elle s'entraînerait au moins une heure et, lorsqu'elle reviendra dans son royaume, elle sera de taille à affronter le meurtrier de ses parents.
Le lendemain, comme elle se l'est promis, elle se rendit à son aire d'entraînement. Cette fois, elle commença petit. Elle se concentra et, sans comprendre comment elle faisait, elle puisa dans sa magie. Elle créa une petite boule de feu dans ses mains. Emerveillée par ce qu'elle venait de faire et par l'absence totale de brûlure, elle perdit sa concentration et la balle de flammes tomba sur l'herbe, qui s'embrasa. Paniquée à l'idée que le feu se répande jusqu'à la forêt, Dayana fit de nouveau appel à sa magie. Une main tendue vers le lac, une boule d'eau se forma. Elle dirigea sa main vers l'herbe en feu. L'eau suivit son mouvement et éclaboussa les flammes, qui s'éteignirent en de grands jets de vapeur.
Dayana soupira de soulagement.
- Leçon numéro un : rester concentrée, dit-elle à voix haute.
Plusieurs fois d'affilée, elle créa une boule de flammes, toujours plus grande que la précédente, et la jeta dans le lac.
Au bout d'une dizaine de minutes, elle s'arrêta, essoufflée. Qui aurait cru que la magie demandait autant d'énergie ?
Dayana s'assit quelques minutes, le temps de récupérer un peu et de boire quelques gorgées d'eau de sa gourde.
Puis elle se leva, vida son carquois par terre et aligna les douze flèches devant elle.
Elle tendit une main. Elle avait toujours l'impression que la magie traversait son corps pour accomplir sa volonté. Une flèche s'éleva et flotta à un mètre au-dessus du sol. Dayana renforça sa concentration pour maintenir la flèche dans les airs pendant qu'elle en élevait une deuxième. Peu de temps après, quatre flèches flottaient docilement pendant que la jeune femme, rougissant sous l'effort, commença à haleter. Elle essaya de faire voler une cinquième flèche, quand un groupe de chalinons déboula de la forêt. Déconcentrée et à bout de souffle, Dayana relâcha son emprise et les flèches retombèrent sur le sol. Les cinq enfants chalins se rassemblèrent autour de la jeune femme.
- Waouh ! Trop bien ! Comment tu as fait ? demanda Saratri, un chalinon entièrement noir.
- Tu peux nous apprendre ? supplia Linen.
- Montre-nous ! dit Cenry, ses longs poils blancs flottant dans le vent.
- S'il-te-plait ! s'écria Dasha en même temps que les autres.
Le dernier membre du groupe et le plus timide, Mansyl, n'ouvrit pas la bouche, mais ses pupilles dilatés en disaient long.
Désemparée, Dayana ne savait que faire. Elle réfléchit à toute vitesse, puis elle leur dit :
- Je ne peux pas vous apprendre parce que je ne sais pas comment je fais. En revanche, si vous promettez de garder le secret, de n'en parler à personne, ni à vos parents ni aux autres chalinons, je vous promets de jouer avec vous, ça vous va ?
- Tu promets de refaire ce que tu as fait avec les flèches ? demanda Linen.
- Je promets d'utiliser ma magie oui.
Les petits se concertèrent quelques instants, puis Saratri, le chef de la bande, se racla la gorge et déclara :
- C'est d'accord !
- Vous promettez de n'en parler à personne ? Si vous le faites, je ne jouerai plus jamais avec vous et je n'utiliserai plus jamais la magie avec vous.
- On promet !
- Maintenant refais flotter les flèches ! insista Cenry.
Dayana s'exécuta et fit s'élever immédiatement deux flèches, mais elle les laissa tomber rapidement. Elle voulait essayer autre chose, faire plus, et si ça pouvait les impressionner pour les inciter à garder le secret, ce serait mieux. Elle réfléchit quelques instants puis se dirigea vers le lac. Une boule d'eau vint à elle, comme tout à l'heure, mais cette fois, Dayana se concentra plus intensément. Quelques secondes s'écoulèrent, puis la boule d'eau prit la forme d'un chat. Émerveillés, les chalinons observèrent avec des yeux écarquillés le petit chat d'eau agiter la patte pour les saluer. Dayana reforma la boule d'eau et la projeta vers le lac.
- Encore ! Encore ! crièrent les enfants.
Mais la jeune femme n'en pouvait plus. Elle s'était entraînée pendant une heure, ses mains commençaient à trembler et une vague de douleur envahit son corps. Elle rassembla ses affaires et prétexta qu'elle avait des choses à faire, ce qui n'était pas faux. Les chalinons, déçus, lui firent promettre de revenir demain.
Le chemin du retour fut long et fastidieux. Ses jambes douloureuses la portaient avec peine, son arc et son carquois pesaient lourd sur ses épaules et son souffle était laborieux. Lorsqu'elle arriva enfin devant chez elle, elle prit le temps de calmer son cœur, sa respiration et ses tremblements. Elle effaça la grimace de douleur de son visage et se composa un masque neutre avant d'entrer. Sinari s'affairait en cuisine pendant que Mena brodait. La chaline se leva immédiatement en voyant sa protégée.
- Tu es pâle ma chérie ! s'inquiéta-t-elle.
- Vas te reposer, intervint Sinari. Nous dînons dans trente minutes.
Dayana entra dans sa chambre sans rien dire puis soupira de soulagement en s'appuyant contre la porte fermée. Au moins, ils ne lui avaient pas demandé ce qu'elle avait fait. Elle allait devoir faire attention à ne pas trop s'épuiser lors de ses entraînements de magie.
Durant les mois qui suivirent, Dayana venait s'entraîner chaque jour au lac. Elle arrivait toujours un peu avant les chalinons, ce qui lui permettait d'essayer des sorts plus dangereux, comme la création d'une boule de feu de la taille de sa tête, ou des traits de glace qu'elle jetait avec violence contre un arbre cible. Dès que les enfants étaient là, elle travaillait plutôt sa précision et sa maîtrise. L'imagination débordante des petits chalins lui permettait de tester de nouvelles choses, auxquelles elle n'aurait pas forcément pensé. Par exemple, elle chauffait le lac en plongeant ses mains dans l'eau pour qu'ils puissent se baigner, ou au contraire, elle le gelait pour qu'ils glissent dessus. Elle ne manquait pas de soigner chaque petite blessure qu'ils se faisaient en tombant et sautant partout.
Au début, la jeune femme rentrait de ses entrainements complètement épuisée et courbaturée. Mais avec le temps, elle devenait plus forte, plus endurante. Elle se sentait moins fatiguée après une heure de magie, et pouvait effectuer plus de sorts. Ainsi, elle fit léviter Saratri dans les airs, qui hurla de joie. Les quatre autres réclamèrent qu'elle fasse pareil. La première fois, elle ne put en faire léviter qu' un par un, mais quelques semaines plus tard, le petit groupe entier flottait dans les airs en riant. Par sécurité, Dayana les maintenaient de seulement quelques mètres au-dessus du lac, au cas où elle perdrait soudainement sa concentration. En hiver, les enfants lui lançaient boule de neige sur boule de neige, qui s'écrasaient sur le bouclier magique qu'elle formait.
Elle adorait jouer avec les chalinons. Grâce à eux, elle prit conscience que la magie, au-delà de lui fournir la capacité de se venger, pouvait aussi être merveilleuse et bénéfique. En utilisant la magie pour effectuer ses tâches quotidiennes (notamment la vaisselle, qu'elle détestait), elle terminait plus tôt et pouvait aider ses parents adoptifs.
Les mois s'enchainèrent et devinrent des années.
Dayana ne savait toujours pas comment la magie fonctionnait, ni pourquoi elle pouvait en faire mais elle l'utilisait aussi naturellement qu'elle respirait. Elle ne faisait plus de cauchemars, mais les souvenirs de l'assaut du carrosse et de la mort de ses parents la hantaient toujours. Son désir de vengeance brûlait en elle chaque fois qu'elle y repensait, mais le temps apaisa peu à peu le brasier dans son cœur. Elle continuait à s'entraîner au lac, mais les chalinons, devenus grands, ne venaient plus aussi souvent qu'avant, bien qu'ils appréciaient toujours autant sa compagnie et ses tours de magie.
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