Chapitre 12 : Accusations

Après deux semaines de deuil dans tout le Royaume, la cérémonie de couronnement du nouveau roi arriva. Valkar, se parant de ses plus beaux atours, réajusta la cape d'apparat sur ses larges épaules. Rouge et or, celle-ci traînait d'un mètre derrière lui.
Valkar parcouru l'allée qui le séparait du trône lentement, savourant la puissance qu'il sentait monter en lui alors que chaque convive s'inclinait sur son passage. Un sourire étira ses lèvres. Enfin, il avait le respect et la reconnaissance qui lui étaient dûs.

Les membres du Conseil, seules personnes autorisées à couronner le nouveau roi, l'attendaient de part et d'autre du trône. Nathanys lui adressa un sourire éclatant.
Valkar se plaça devant eux et s'agenouilla. Eyja, le visage de marbre, prit la couronne dorée qui reposait sur le coussin porté par Kaylor.

Le chancelier, la couronne au dessus de la tête de Valkar, récita :

- Un roi est au service du peuple. C'est un honneur et un privilège de dédier sa vie à l'élévation de son Royaume vers la grandeur, avec équité et bonté. Valkar Astaveron, promettez-vous de régner avec partage et bienveillance ?

- Je le promets.

- Promettez-vous d'être juste, clément et de toujours œuvrer pour le peuple ?

- Je le promets.

Valkar n'était pas certain de respecter toutes ces promesses, mais peu lui importait. Maintenant qu'il était aux commandes, il n'aurait plus à tenir aucune parole.

Eyja posa délicatement la couronne sur la tête de Valkar et déclara d'une voix forte :

- Veuillez vous agenouiller devant votre nouveau roi !

Celui-ci se retourna et contempla l'assemblée à ses pieds avec un air satisfait. Il profita de la vue quelques instants avant de leur ordonner de se relever.

- Mon frère, Edwin, était probablement l'un des meilleurs rois que ce Royaume ait jamais connu, commença -t-il. C'est avec le cœur lourd de chagrin que je monte sur le trône, avec l'espoir et la détermination d'être à la hauteur et de combler vos attentes.

Des murmures empathiques se firent entendre, mais Valkar ne voulait pas de leur compassion.

- Je tiens à vous dire, reprit-il, que le ou les meurtriers qui m'ont arraché mon frère, ma belle-sœur et ma nièce seront traqués et exécutés sur-le-champ.

Il observa chaque personne présente, tentant de discerner un éclat de peur dans leurs yeux. Malheureusement, il n'y vit que de la confusion.

- Je sais qu'il ou elle se trouve dans cette pièce, continua Valkar. Seul l'un d'entre vous aurait eu les moyens de faire ça. De simples bandits n'auraient pas été assez fou ou stupide pour attaquer le carosse royal avec une escorte de soldats. Et quand bien même ça aurait été le cas, la garde aurait rapidement maîtrisé la bande de malfrats. C'est l'œuvre de la guilde des assassins, et qui dit assassins dit contrat, dit commanditaire.

Des hoquets d'effroi s'élevèrent. L'annonce officielle disait que le roi, la reine et la princesse avaient été tués lors de leur voyage chez les noryns, mais à aucun moment il n'avait été mention d'un meurtre prémédité. Cela changeait tout.

- Peut-être que c'était vous, Dame Zambara Barastel. Vous qui voulez donner le pouvoir aux femmes, au détriment des hommes. Edwin a toujours veillé à l'égalité des sexes, il a changé des textes de lois pour permettre aux premières nées d'avoir les mêmes droits et privilèges que les premiers nés. Mais ce n'était pas assez pour vous, ce n'était jamais assez. Vous ne voulez pas l'égalité des sexes mais la domination des femmes et Edwin vous faisait obstacle.

L'intéressée, une femme grande et mince, les cheveux aussi noirs que sa robe de velour, la peau pâle, étira ses lèvres en un sourire narquois.

- Si je puis me permettre, Votre Majesté, ce que vous dites n'a aucun sens, dit-elle calmement, comme si elle parlait du temps qu'il faisait dehors. Le roi et moi étions en désaccord il est vrai, mais je n'ai aucun grief contre la reine ou la princesse, bien au contraire. Pourquoi aurais-je voulu leur mort à elles aussi, alors que je souhaite, pour reprendre vos termes, la domination des femmes ?

- simple malentendu avec les assassins, qui aurait mal compris vos instructions. En ce qui concerne la princesse, peut-être même que vous l'avez enlevée pour la séquestrer dans votre manoir et la modeler selon votre volonté, puisque nous n'avons pas retrouvé son corps.

La femme de trente-cinq ans se contenta de rire, un rire à la fois doux et malsain. A cet instant, elle ressemblait plus à un corbeau, présage de mort, qu'à une femme. Les gens s'écartèrent légèrement, effrayés par son attitude.

Valkar l'ignora et poursuivit ses accusations.

- Ou peut-être était-ce vous, seigneur Silko Belemond. Vous qui avez une dent contre les personnes âgées et invalides, au point de vouloir les éliminer. Je me souviens parfaitement du jour où vous avez proposé comme nouvelle loi d'exécuter les personnes de plus de quarante ans et les infirmes, décrétant qu'ils étaient "un poids pour le Royaume". Edwin, aussi choqué que furieux, vous a immédiatement ordonné de sortir. Et quand il s'est rendu compte que vous aviez déjà tué une centaine de personnes sur vos terres, il vous a obligé à verser une somme conséquente aux familles des victimes et il a posté des patrouilles pour veiller à ce que les lois soient respectées. Enragé, vous l'avez fait assassiner.

Le jeune noble, aux cheveux blonds et bouclés, fit un sourire enjôleur, ses yeux bleus pétillants de malice.

- Je ne dirai pas que je pleure la mort de notre roi bien aimé, mais ce n'est pas moi qui l'ai tué. Pour rejoindre Dame Barastel, dit-il en lui adressant un clin d'œil qu'elle dédaigna, ce que vous dites n'a aucun sens. Votre Majesté. Pourquoi aurais-je tué la princesse, elle qui est si jeune ? Elle aurait pu, au contraire, m'être une alliée très précieuse.

- et bien peut-être que vous l'avez séquestré, rétorqua le nouveau roi, pour lui faire un lavage de cerveau et l'obliger à adhérer à vos idées.

- Arrêtez vous allez me donner des idées, rit Silko.

Valkar poussa un grognement devant tant d'effronterie. Il allait accuser une troisième personne, mais se retint. Le seigneur Alder Broral n'était pas un homme à prendre à la légère, et il préférait que ses soupçons envers lui demeure secrets. Pour les autres, qui étaient inoffensifs à ses yeux, il voulait leur instiller de la peur, pour les pousser à la faute et les démasquer.

- Votre Majesté, si je puis me permettre, intervint le chancelier, mais sans preuves, vous ne pouvez rien faire.

"Votre Majesté" sonnait comme de la musique aux oreilles de Valkar. Il aimait un peu moins qu'on doute de son autorité.

- Eyja, je vous prie de bien vouloir la fermer lorsque je parle, déclara-t-il sans même daigner le regarder.

Le chancelier écarquilla les yeux. Personne ne s'était jamais comporté de la sorte avec lui.

- Et pour le peuple, que faisons-nous ? demanda Nathanys.

- Comment ça ?

- Et bien oui, il se doute que le roi, la reine et la princesse ont été assassinés. Cependant, si nous ne lui donnons pas le meurtrier sur un plateau, de préférence une menace extérieure, le peuple va croire que c'est vous, Votre Majesté, qui l'avez tué pour accéder au trône.

- C'est vrai ce que tu dis, réfléchit Valkar. Il faut à tout prix éviter ça. Mmmm... le carrosse royal n'était pas très loin de la frontière des noryns lorsque l'attaque a eu lieu. On peut aisément en conclure que ce sont l'acte de ces sauvages.

- Comment comptez-vous procéder, Votre Majesté ?

Pendant que le nouveau roi songeait à la manière de régler cette affaire, Seigneurs et Dames, membres du Conseil, domestiques et gardes se regardaient. La peur se lisait clairement sur leur visage. Personne ne comprenait ce qu'il se passait, mais ils savaient qu'un drame était en train de se dérouler, qui allait bouleverser leur vie.

- Zerka, vous allez ordonner à vos troupes de marcher vers le nord et d'exterminer la tribu de Arkin. Nous savions déjà qu'il voulait nous envahir, ceux sont les coupables idéaux. Lorsque ce sera fait, nous annoncerons dans tout le Royaume que la menace a été éliminée et qu'il n'y a plus rien à craindre, expliqua le nouveau roi à l'assemblée.

- Non, fit le chef des armées.

Valkar se retourna vers lui, les sourcils froncés. Osait-il défier son autorité ?

- Ce n'était pas une requête mais un ordre, Zerka.

- Non. Je ne le ferai pas, affirma le chef des armées, implacable. Je ne demanderai pas à mes hommes d'exécuter des innocents, qui ne représentent aucune menace, ni pour vous, Votre Majesté, ni pour le Royaume.

- Je vais m'en occuper, intervint le sorcier avec un sourire. Je ferai le nécessaire.

- Heureusement que tu es là, Nathanys. Ce n'est pas avec cette bande d'incapables que nous avancerons, cracha le roi en désignant les autres membres du Conseil.

La mine sombre, Eyja, Viney, Zerka et Kaylor prenaient conscience que le règne d'Edwin Astaveron avait bel et bien pris fin.

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