Dayana était acculée. Il y avait peu de chance qu'elle s'en sorte. Pourtant, elle avait un petit espoir que l'homme en face d'elle tombe dans son piège. Subtil et bien placé, elle était assez fière d'elle pour l'avoir mis au point. Au bout d'interminables secondes, sa proie se décida à bouger. Les battements de son cœur s'accélérèrent. Le moment fatidique était venu. Il hésita quelques instants, prolongeant un peu la torture de la fillette, mais il était malin et comprit bien vite ce qu'elle essayait de faire. Soudain, il cria :

- Échec et mat !

Dayana pesta tandis que son père jubilait. Mais elle n'avait pas dit son dernier mot. Elle étudia le plateau et comprit son erreur. Une lueur de détermination brilla dans ses yeux. Elle était prête à prendre sa revanche.

- On refait une partie ? Cette fois, je gagnerai ! affirma-t-elle.

La mère de Dayana, Tiana, entra dans la chambre à ce moment-là.

Tout le monde s'accordait pour dire que la reine était d'une grande beauté. Un visage fin, des yeux emplis d'empathie et de douceur faisaient d'elle un modèle de bienveillance et de bonté. Ses longs cheveux blonds étaient tressés et ramenés devant. Sa robe de jade, bien que sobre, lui allait parfaitement, soulignant sa silhouette élancée.

Tiana s'approcha et embrassa sa fille sur le front.

- Alors ? qui a gagné ? demanda-t-elle.

- La réponse est la même à chaque fois que tu poses la question, répondit Edwin avec un sourire narquois.

Dayana le foudroya du regard et lui tira la langue.

- Si tu étais tombé dans mon piège, j'aurais gagné !

Ses parents s'amusèrent de sa mauvaise foi avec un regard complice. Du haut de ses dix ans, leur fille s'avouait très rarement vaincue.

Soudain, quelqu'un frappa à la porte.

- Entrez, dit Edwin.

Un homme dodu, au visage joufflu et jovial, apparut. C'était l'un de ses conseillers, Viney. Il était assez grand, chauve, avec une grande moustache soignée qui lui mangeait le visage. Sa carrure imposait le respect, bien qu'il se comportait de manière adorable avec Dayana. Il était le maître queux, ou autrement dit le chef de cuisine. Il gérait tout, de l'approvisionnement à la confection de chaque plat.

Il s'inclina devant la famille avec respect.

- Vos Majestés, Princesse.

Edwin lui fit signe de se redresser.

- Mon roi, votre présence est requise pour la réunion du Grand Conseil, reprit Viney.

- J'arrive tout de suite, répondit le père de Dayana.

Il se tourna vers sa fille, qui tentait de dissimuler sa déception. Elle savait bien que son père passait autant de temps que possible avec elle, mais parfois ses obligations de monarque le rattrapaient. Elle aurait préféré qu'il reste encore un peu, mais elle comprenait que son peuple avait aussi besoin de lui. Elle fit bonne figure et esquissa un petit sourire.

Edwin lui sourit en retour avec tendresse. Il déposa un baiser sur son front.

- Le devoir m'appelle, s'excusa-t-il.

Il embrassa sa femme et rejoignit le maître queux. Celui-ci sortit de sa poche un muffin au chocolat enroulé dans une serviette et le tendit à la petite princesse, dont le visage s'éclaira. Elle le remercia et mordit immédiatement dans la délicieuse pâtisserie.

Tiana adressa un sourire reconnaissant à Viney et le regarda partir avec son mari.

Dayana contempla sa chambre, à la recherche d'une activité intéressante. Elle pouvait s'installer dans son lit à baldaquin et admirer sa magnifique tenture représentant un village de chats bipèdes, mais elle s'ennuierait rapidement. Il y avait sa coiffeuse à côté de la fenêtre, mais elle n'avait pas envie de regarder les gens déambuler dans le jardin.

Du matériel d'écriture était posé sur un petit bureau, ainsi qu'une montagne de livres. La petite fille les avait tous commencés, mais ne comptait pas les lire tout de suite.

Il y avait également des dizaines de poupées qui gisaient çà et là, mais elle les dédaigna, tout comme le reste.

La bouche encore pleine de chocolat, Dayana ne trouvait rien qui fasse grâce à ses yeux.

Heureusement, sa mère eut une idée.

- Et si nous allions nous promener à cheval ? L'air frais nous fera du bien ! lui proposa-t-elle avec un sourire.

- Oh oui ! Bonne idée ! s'exclama la petite fille avec enthousiasme.

- Il faudra d'abord te débarbouiller un peu, rit doucement Tiana.

Dayana adorait ces promenades à cheval. Loin du château, elles redevenaient une fille et sa mère, et non la princesse et la reine du royaume d'Akina. Elle se sentait plus libre.Elle se rua vers la salle de bains attenante à sa chambre pour se rincer le visage et enfiler ses habits d'équitation.