Chapitre 2 - Le village d'Okard partie 2
Le village me semble en effet très chaleureux, comme me l'avait dit Hanvil. Alors, pourquoi vouloir vivre reclus dans une montagne si près d'une si belle communauté? Je n'ai pas vraiment le temps de penser à cela puisque le prêtre sort déjà de l'église. Quelqu'un a dû l'avertir de ma venue. Je remarque aussitôt qu'il a un certain âge, qu'il est rasé de près et que son hygiène est impeccable.
— Bienvenu, demoiselle solitaire, à Okard.
— Bonjour, monsieur Proupton, n'est-ce pas?
— En effet. Vous avez su vous renseigner rapidement.
— C'est l'un de mes nombreux talents...
— Quel bon vent amène une femme comme vous à un endroit tel qu'ici? Cherchez-vous un lieu paisible?
— Non, ce n'est pas ce que je recherche.
— Allez entrer. Nous parlerons davantage à l'intérieur.
— Bien sûr. Comme vous le souhaitez.
Cet homme est très chaleureux avec moi, alors je ne peux refuser son offre. Il m'ouvre les portes de l'église et traverse plusieurs séries de bancs en bois pour se rendre jusqu'aux doux sièges au fond de la salle. M'assoir sur ces chaises me semble être un cadeau du ciel. Mes jambes peuvent enfin prendre un bon moment de repos. J'ai l'impression d'être de retour au château. Au même moment, je regarde autour de moi. L'état de l'église indique que je suis dans un petit village bien modeste avec aucun artifice ni de problèmes majeurs apparents.
— Cela fait du bien de s'assoir. J'ai marché presque sans arrêt pendant près de trois jours.
— Que voulez-vous fuir ainsi?
— Je ne fuis rien.
— Non, alors que cherchez-vous?
— Vous ne reconnaissez pas mon insigne, n'est-ce pas?
— Votre blouson? Vos emblèmes? Non, ils ne me disent rien. Ce n'est pas de la royauté basildurienne.
— En effet, ce ne sont pas des accoutrements basilduriens. Bien, quelques-uns le sont. Je n'ai pas eu le choix de me procurer de nouveaux vêtements sur ce territoire. Mais, ces insignes montrent que je viens de Zeal.
— Alors j'apprends votre nom de famille avant votre prénom.
— Désolé, en effet, c'est un manque de diplomatie, je me nomme Florence de Zeal.
— Naissance à Zeal ou mariage?
— Aucun des deux.
— Alors, comment votre nom a-t-il changé par Zeal?
— Mon nom a officiellement été changé après ma graduation à l'académie.
— Une académie? Cela me semble être une académie très importante pour changer le nom de ses écuyers.
— Plus importante que n'importe quelle capitale de n'importe quel royaume. Zeal est la première et la seule académie à former dès l'enfance des chevaliers chasseurs de démons.
— Vous me dites, chevalière Florence de Zeal, que vous chassez les démons? Cela me semble plutôt insolite. Une femme qui combat des monstres géants. Je suis désolé, mais ça me semble plutôt absurde.
— C'est parce que nous ne gagnons pas nos combats à la force de nos bras. Votre meilleur bretteur pourrait peut-être me vaincre. Bien que j'en doute. Pour vaincre un démon, il faut être rusé. Il faut aussi de l'aide. Personne ne produit cet exploit tout seul. Du moins, habituellement pas.
— Alors où sont vos camarades?
— Je marche seule. Pour combattre des démons, je demande habituellement à une pogné d'hommes dans les environs de m'aider. La plupart du temps ça finit bien.
— Je suis désolé, mais je ne peux que rire. Vous ne croyez pas vraiment que je vais croire cela? Êtes-vous une voleuse?
Cette affirmation me surprend et me laisse sans voix. Comment peut-il penser cela de moi? Puis il continue en disant:
— Ceci, vous l'avez volé à quelqu'un et vous essayez de me faire croire des bobards?
— Je ne vous inspire pas confiance?
— Je suis désolé. Qui pourrait vous croire?
— Vous savez, ceci est le moment que je préfère. Quand personne n'est au courant. J'adore présenter deux de mes petits tours que j'ai acquis.
Alors, je prends trois petites pièces dans ma poche et je les présente à monsieur Proupton, qui reste perplexe. Il n'a aucune idée de ce que je m'apprête à faire.
— Je vais lancer ces trois pièces dans les airs et je vais tous les attraper. Rester les yeux bien ouverts.
Avec un air sérieux, monsieur Proupton ouvre grand ses paupières comme s'il essaie de ne perdre aucun instant de ce moment unique. Je me lève, puis je jette les trois pièces dans vers les cieux. Ceux-ci se séparent et ils parcourent trois trajectoires différentes. Avec chacune de mes mains, j'attrape une pièce et pour la troisième, je me penche à une vitesse spectaculaire et je l'attrape aussi. À ce moment, un petit filament doré se forme derrière mon mouvement. J'espère que monsieur Proupton l'a vue.
— Je vois que vous êtes rapide et que vous avez de bons réflexes. Je vous félicite. Mais, je ne suis pas plus convaincu. Il faut plus que ça pour chasser des démons. Ceux que nous avons vu son puissant et impitoyable. De braves jeunes hommes talentueux comme vous se sont lancés à leur chasse et à chaque fois, cela s'est terminé en tragédie.
— Des démons vous tracassent?
— Tracassaient. C'était plutôt une situation inconvenante. Baillo et ses frères sont des éleveurs. Ils ont perdu beaucoup d'animaux. Puis, il y a la famille de Barnu. Ils étaient tous des bucherons. Cinq fils. Cinq grands gaillards. Tous morts la même nuit, les fils et le père. La mère n'a pas réussi à passer au-dessus de cet événement et elle s'est pendue. Triste histoire, encore chaude pour Tréor, le frère de Barnu, qui lui aussi est bucheron avec ses quatre fils. Pourtant, les mois ont passé et nos besoins nous ont ramenés à la forêt. Depuis, la dernière année, nous n'avons pas eu un seul problème. Nous n'avons donc aucun travail à vous offrir même si ces réflexes vous permettaient d'accomplir ce dit travail.
— Ce ne sont pas que mes réflexes qui me permettent de faire mon travail. La connaissance est également un atout. C'est pour cela que je vous pose des questions aux sujets des démons. Cela m'aiderait énormément si vous me parliez de ceux qui ont tué cette famille de bucheron. Cela me permettrait de tracer leur niche écologique.
— Leur niche écologique?
— Les crogmors ne vivent pas avec les démons organisés. Ils ne vont simplement pas ensemble. Les felfs se tiennent loin des briacils. Les lycans ne partagent pas le terrain de chasse des vampires. Les dirus vont bien avec les ragekis. Par contre, les ragekis se tiennent loin des sans visage. Les sans visage se tiennent loin des mortimorts. Les mortimorts attirent les effraies, ce pour quoi un attroupement de ces oiseaux est signe de mauvais présages.
— Ce que vous dites ne fait aucun sens à mes oreilles. Vous pourriez me dire la vérité ou des âneries, je n'en ferais pas la différence.
— C'est pour cela que vos braves garçons sont morts et que moi, je vis.
— Ne profanez pas leur mémoire. Ils ont fait de leur mieux avec les connaissances qu'ils avaient.
— C'est pour cela qu'il faut savoir se renseigner. Il faut être rapide, avoir de bons réflexes et il y a des petits trucs qui aident.
J'ouvre ma main contenant qu'une seule pièce et je la présente à monsieur Proupton. Ses yeux s'écarquillent et il manque de voix en voyant la pièce rougie dans ma paume. Si je veux, je peux la tordre, mais j'ai besoin que cet objet reste intègre pour refaire ce petit tour plus tard.
— C'est l'un de mes nombreux talents. Je forme une couche chaude au-dessus de ma peau et je peux faire rougir le métal et mettre le feu aux objets. Ma main ne sera pas cicatrisée, car elle est protégée. Cela ne tue pas des démons, mais ce genre de petit tour peut être bien utile.
Pendant qu'il reste abasourdi, je laisse tomber la pièce rougie au sol, car la douleur commence à passer ma protection et je sens ma main chaude. J'adore faire ce tour et voir l'émerveillement dans les yeux de mon interlocuteur, mais à chaque fois je reste avec un inconfort qui me suit jusqu'au lendemain.
Rapidement, je ressens un regret s'emparer de moi. Non seulement je suis désemparé par la douleur, mais il y a également le trop dévasté de monsieur Proupton. J'espère qu'il ne me traitera pas de sorcière. Je ne vais pas lui laisser le temps de penser à cela.
— C'est ce qui fait de moi une chasseuse de démon. Par contre, si vous m'assurez qu'il n'y a aucun démon, alors je vais simplement continuer mon chemin.
Proupton prend un moment avant de reprendre ses esprits, mais enfin, il me répond :
— C'est extraordinaire. Malheureusement, pour vous, nous n'avons pas de démon dans les parages.
— Allez-vous me fournir un abri le temps de dormir? Je ne suis pas prête à faire quelques jours de marche pour me rendre au prochain village.
— Bien sûr, je ...
À ce moment, un cri à glacer le sang parcourt tout le village. Cela vient de tout près. Ce soudain dérangement me surprend. Au contraire de ma réaction, monsieur Proupton se tourne immédiatement la tête, il se lève et il se dirige droit vers la porte d'entrée. Au début, à la marche et à la fin, il commence à courir! Je me lève aussitôt et je le rattrape pour voir ce qui peut alarmer cet homme aussi serein en sachant qu'il n'y a pas de démons dans les parages.
Dès qu'il ouvre la grande porte de l'église, des cris et des pleurs stridents retentissent dans nos oreilles. Des gens accourent jusqu'à nous pour voir eux aussi ce qui crée tout ce chaos. C'est alors que dans une vision d'horreur qui me coupe le souffle, j'aperçois une jeune femme ensanglantée couchée à plat ventre.
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