Chapitre 1 - Loin de chez moi partie 3
Après avoir attaché mon cheval, je me retourne vers cet homme qui finit de regrouper ses moutons. Il ferme la grange, puis avec grande hésitation, il finit par m'inviter dans sa petite cabane. Sa chaumière est minuscule, peu de place pour manger et dormir. L'hôte se penche vers une petite cheminée rudimentaire, puis il essaie d'ouvrir un afin de bouillir de l'eau. Je le regarde faire et en peu de temps j'épuise mon infinie patience. J'ai faim et je ne peux pas attendre davantage.
— Je suis désolé, mademoiselle. Le feu ne veut pas partir. Le bois n'est pas complètement sec et l'air est rare à cette altitude.
Baliverne, j'ai allumé un feu chaque soir même à des altitudes plus hautes que celle-ci.
— Puis-je vous aider? Allumer des feux est l'une de mes spécialités.
Il me regarde avec un air intrigué. Il ne sait rien sur moi et cela le trouble.
— Quel est votre nom?
— Florence de Zeal, le vôtre?
— Je me nomme Hanvil. Que faites-vous ici?
J'ai tellement faim en ce moment et je ne veux pas manger un autre morceau de pain dur comme de la roche! Je veux juste allumer ce feu!
— J'allume votre feu et je passe ensuite à l'interrogatoire si cela ne vous dérange pas.
— Bien sûr, voilà les deux roches qu'il faut claquer...
— Je n'en aurais pas besoin. C'est aussi pour cela qu'il vaut mieux que l'interrogatoire se passe après.
Enfin, je vais pouvoir allumer ce feu! Je retrousse mes manches puis mes mains commencent à rougir. Je pose mes paumes sur deux bûches et elles se commencent à changer de couleur elles aussi. Lorsque la fumée commence à sortir, je retire mes doigts fins pour agripper une branche de sapin. Aussitôt que je la touche, celle-ci prend en feu et je la déplace sous les bûches. Puis, je reste là, les mains rouges près des flammes sous le regard ébahis d'Hanvil. Lorsque le brasier réussit à se nourrir de lui-même, je retire mes doigts brûlants. J'ai tellement mal, mais les cris de la faim ont raison de mes douleurs aux mains.
— Comment?
Je laisse Hanvil sans réponse puisque je dois agir vite pour taire la douleur. Je trempe mes mains brûlantes dans l'eau froide de la soupe ce qui me permet de réchauffer l'eau et d'enfin rafraichir mes mains brûlantes.
— Es-tu une sorcière?
Sa voix tremble, il est nerveux. Il a une main sur un bâton, probablement pour se défendre si je lui révèle qui je suis. Je dois l'amadouer et regagner sa confiance. Ce serait vraiment plus facile si nous n'étions pas au le fin fonds du monde!
— Cela dépend ce que vous considérez comme une sorcière. Une femme pratiquant la magie pour atteindre ses fins égoïstes? Je ne suis pas ce genre de personne. Mes pouvoirs ne sont pas innés, je ne suis pas née avec ceux-ci. Ils ne sont pas acquis par le bien d'un rituel noir. Non, j'ai appris à faire cela à l'académie avec d'autres élèves de mon âge. Vous pourriez l'apprendre aussi si vous aviez un maître pour vous montrer. Ça vous prendrait probablement quatre ou cinq années.
— Ne te joue pas de moi, sorcière. Je n'apprécie pas ce qui sort de l'ordinaire.
— À votre âge, vous avez connu l'époque avant démon. Ceux-ci sortent de l'ordinaire. En conséquence, des écuyers ont été formés pour qu'ils sortent aussi de l'ordinaire. Je n'ai pas appris à élever des enfants. Je ne sais pas faire de la nourriture pour huit personnes, ni comment laver le linge pour une famille, ni comment rassurer les enfants et être une hôtesse d'exception. Par contre, j'ai appris à traquer et à tuer des démons.
Il relâche sa poigne sur son bâton. Clairement, mes derniers mots l'intéressent.
— Tu chasses les démons? Tu sais comment les tenir loin des domiciles?
— Oui, c'est mon travail. Je suis payé pour cela.
— Je mets du sel autour de ma maison. Sur chacun des coins, cela les repousse.
— Je suis désolé, il faut plus que du sel ou n'importe quels signe religieux ou porte-bonheur pour repousser le mal.
— Alors, que dois-je faire?
— Le mieux est de se regrouper. Le nombre peut intimider les plus petits et pour les plus gros, il faut savoir s'armer et s'attirer la bonne foi d'un chasseur de démons.
— Combien? Combien en avez-vous tué?
— Cela fait longtemps que je ne compte plus sur mes doigts.
— Sommes-nous en sécurité pour ce soir? Tu as parlé de gros démons dans les parages.
— Avec moi, vous êtes en sécurité. Du moment que j'ai un toit au-dessus de la tête, les démons ne me font pas trop peur. Ils vont probablement gratter sur les murs en premier. Cela va nous réveiller et nous pourrons préparer une riposte. Quand je dors à la belle étoile, je me réveille au moment où ils ont leur gueule au-dessus de ma tête. Ça ne me laisse pas beaucoup de temps pour répondre à la menace.
— Alors, vous m'assurez que je suis en sécurité avec vous.
— En effet. Par contre, vous seriez encore plus en sécurité si je n'avais pas le ventre vide.
Hanvil regarde la soupe avec hésitation. Il ne sait pas s'il veut partager, par contre la tentation de se sentir en sécurité le tenaille. Je pense qu'il va craquer.
— J'ai fait de la soupe. Serait-ce assez pour satisfaire votre estomac ?
— Je serais des plus ravis.
Enfin, j'ai ce que je désire. De la bonne nourriture! Hanvil prend dans ses mains deux bols qu'il remplit de soupe chaude. Je ne prends même pas le temps de le remercier ou qu'il prenne la première bouchée, je me lance et je déguste. J'ai déjà goutté meilleur, mais j'ai tellement faim. Le goût me semble décupler dans ma bouche, quel plaisir!
Hanvil, semble hésitant, déchiré par le besoin de se sentir en sécurité et le devoir de partager ses rations. Ce qui me laisse croire qu'il ne mange pas à sa faim tous les jours. Pourtant, son enveloppe corporelle m'indique le contraire. Est-ce possible que cette condition au sommet de la montagne lui soit nouvelle? S'il vient d'un village, il doit avoir un deuxième nom, car seuls les traitres, les renégats et les sans domiciles ne portent pas de second nom. Je vais lui demander après avoir fini mon repas. Toutefois, je n'ai pas le temps de lui poser la question qu'il me dit :
— Il va y avoir des éclairs rouges cette nuit avec toute cette pluie. Elles tombent au large vers l'Est.
J'engloutis une portion de soupe avant que le besoin de le corriger gagne sur ma faim.
— Les éclairs rouges ne sont pas des éclairs de pluies. S'ils surviennent en même temps, ce n'est que le fruit du hasard.
— Tu sembles savoir beaucoup de choses.
— Je suis allé à l'académie...
— Qu'est-ce que c'est dans ce cas?
Je prends une autre bouchée avant de lui avouer :
— Les éclairs rouges frappent la terre lorsqu'un portail vers les profondeurs s'ouvre. Ce sont des démons qui en émergent.
Hanvil déglutit avant de soupirer en tapant du pied. Il est anxieux malgré que je n'aie pas vu d'éclair rouge ces derniers jours. Est-ce qu'il y en a un nombre inhabituellement important dans les parages?
— Qu'est-ce qui produit ce phénomène? Pourquoi il n'y en avait pas avant?
— Ce sont des démons qui ouvrent ces portails. De ce que nous savons, les portails ne s'ouvraient pas à l'époque, car ceux qui en ont les pouvoirs savaient qu'ils n'étaient pas sages de partager les deux mondes. Tout a basculé lorsque la tour a révélé que le monde des hommes ne comportait aucun danger pour les profondeurs.
— Alors nous sommes dans cette pagaille à cause d'une tour ?
Je vois la grimace que me fait Hanvil. C'est beaucoup d'information pour quelqu'un qui n'est pas prêt à apprendre tout cela. J'hésite à en dire plus, toutefois je ne peux pas le laisser suspendu à autant de questions.
— Les membres de la tour ont fait le vœu de neutralité. L'un d'eux a rompu le serment et c'est ce qui a plongé notre monde dans le chaos.
— J'espère qu'il va payer.
— Il est mort.
— Comment les autres vont régler ce problème ?
— Celui qui reste fait de son mieux, mais il respecte son serment de neutralité.
Hanvil hoche la tête. Il ne me croit pas, c'est apparent. Pour lui, je compte une autre histoire flomienne pour expliquer ce qui me dépasse. Cela m'importe peu. L'important, c'est qu'il me fasse suffisamment confiance pour ne pas s'attaquer à moi cette nuit.
La clarté tombe à mesure que l'on entend les gouttes d'eau frapper le toit. Malheureusement pour moi, il y a un peu d'infiltration, mais je suis heureuse de ne pas dormir dehors. C'est un petit mal pour un grand bien. Hanvil et moi ne prenons pas le temps pour discuter cette nuit. Nous sommes très fatigués et dès que nous fermons les yeux, nous tombons dans les songes.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top