Chapitre treize

Je cours. Je cours le plus vite possible, la gorge serrée, les mains désespérément accrochées à mon sac. Les rues son encombrées, mais pas assez pour me stopper dans ma fuite. Je croise bien quelques gardes qui protestent brièvement, mais ils n'ont pas le temps d'en ajouter plus que je les congèle sur place.

Désolé les gars. Un autre jour, j'aurais peut être pris le temps de me débarrasser de vous de manière conventionnelle.

Je parviens a la sortie du village sans avoir été rattrapé. Si des sorcières puissantes s'étaient mis en tête de me stopper, c'aurait été problématique. Heureusement, elles étaient toutes pétrifiées par la surprise.

Ou me rendre maintenant ? Qui pourra m'aider ?

J'ai besoin d'une sorcière. Une sorcière puissante. Et la seule qui me vient à l'esprit, c'est...

Polyussica.

Je n'ai pas le choix. Il ne reste plus qu'à espérer que la vieille bique ne me transforme pas en sauce tartare quand elle me verra.

Je me mets en route. Il me semble que de l'endroit où je me trouve, la tour est dans cette direction... Et donc, la grotte de Polyussica est par là.

Me retournant, j'adresse un dernier soupir affligé au village des sorcières.

« - Je reviens vite, Jubia. Tiens bon. »

Une journée de marche solitaire plus tard, je suis arrivé.

Et comme prévu, je suis accueilli par les aboiements furieux de la vieille femme.

« - On a pas idée de venir me déranger aussi souvent ! Qu'est ce qu'il faut que je fasse pour que tu partes cette fois ? Des pirouettes arrières ?
- Ce serait sans nul doute spectaculaire, mais non merci. », refusais-je poliment. « En fait, je suis venu pour une affaire bien plus urgente. »

Elle lève sa baguette :

« - Si tu crois que je vais te laisser me gâcher ma matinée, tu...
- Jubia. », annonçais-je avant qu'elle n'ait pu me transformer comme prévu. « Je suis venu pour Jubia. »

Ca suffit à la calmer.

« - Qu'est ce qui s'est passé ? », demanda-elle gravement, prise d'un sérieux qui me laisse savoir qu'elle envisage déjà le pire.
« - On s'est rendus au village des sorcières...
- VOUS QUOI ?! », hurle-elle, « VOUS N'AVEZ PAS FAIT CA ? Jubia est la dernière personne devant se rendre là bas !
- VOUS LUI AVEZ DONNÉ UNE PUTAIN DE LISTE LUI DEMANDANT DE SE SERVIR DU CHAUDRON D'UNE SORCIÈRE. Je pense que vous êtes mal placée pour critiquer nos décisions stupides, la vieille. Comment aurait-on pu trouver ce chaudron autre part ?! », contrais-je.

Elle s'assoit sur une souche d'arbre, soudainement abattue.

« - Tu as raison. Et elle a été manipulée, hein ? Encore une fois. Par cette stupide reine.
- Encore une fois ? », demandais-je, curieux. « Que voulez vous dire ? »

Polyussica soupire profondément.

« - Ca me déplaît franchement d'avoir à raconter ça à un humain, mais il semblerait que je n'ai pas le choix. Il y a longtemps, Jubia était une princesse qui... Détonait. Toujours adorable, intelligente, polie. Sa mère n'a pas supporté qu'une sorcière, sa propre fille qui plus est, soit aussi gentille. Les sorcières n'ont pas bonne réputation tu sais, et à juste titre. Elles n'ont aucun respect pour les êtres humains, ce que je peux comprendre, mais elles ne respectent pas non plus les animaux et ça c'est intolérable. » Secouant la tête, elle continue : « Elle a donc totalement effacé la mémoire de sa propre fille. Elle avait pour projet de lui implanter des souvenirs plus sombres dans l'espoir que sa fille changerait. Malheureusement, elle s'est rendue compte que la potion de faux souvenir n'était pas totalement au point. »

Elle lève des yeux soudain remplis de fatigue vers moi.

« - A cette époque, j'avais quitté le village avec l'un des rares sorciers existants. Lorsque nous avons entendu la nouvelle, nous n'avons pas pu rester impuissants. Jubia était l'une des seules sorcières à l'esprit pur. Comment aurions-nous pu la laisser se faire diaboliser ainsi ? »

Elle se lève, me faisant signe de la suivre a l'intérieur.

« - Nous l'avons enlevée. »

Tout en farfouillant dans ses tiroirs, elle continue :

« - Mais Jubia n'avait toujours aucun souvenirs ; elle est devenue plus innocente que jamais, frisant l'idiotie. Un jour, elle a suivi un papillon en courant et nous l'avons perdue. C'est là, je suppose, qu'elle a commencé sa carrière de ramasseuse de champignons. »

Faisant voler les doigts au dessus des flacons, elle en saisit plusieurs et en verse quelques gouttes dans une fiole d'un geste expert. Quelques plantes suivent ; puis des poils d'animaux indistincs.

« - Maintenant, elle a récupéré les faux souvenirs, et il faut les lui ôter. Sinon... Elle deviendra le terrible monstre que sa mère veut qu'elle soit. »

Virevoltant sur elle même, elle me tend la fiole :

« - Tiens. Ça devrait faire l'affaire. Sa véritable mémoire devrait être conservée par sa mère quelque part dans le château. Retrouve la, sauve la, et fais même des enfants avec elle après si tu veux. Mais sache une seule chose... »

Elle me jette un regard noir terrifiant.

« - Si jamais tu échoues, je m'occuperais personnellement de ton cas. Est-ce clair ? »

Je hoche la tête, paralysé par la peur.

« - Eh bien, qu'est ce que tu attends ? Déguerpis ! Je t'enverrais de l'aide plus tard ! »

Je me remets en route sans poser plus de questions. J'aurais peut-être été plus insistant si Jubia n'avait pas été impliquée.

C'est étrange. Depuis quand cette petite ramasseuse de champignons est-elle devenue si importante pour moi ? Assez occuper mes pensées même quand elle n'est pas là ?

Je ne sais pas. Mais pour l'instant, je dois me concentrer sur son sauvetage.

Et surtout, la manière dont je pourrais lui faire avaler cette fichue fiole.

Lorsque j'arrive au village, la fin d'après-midi est proche. Le soleil commence à décliner a l'horizon, recouvrant le ciel d'un manteau rougeâtre.

J'entre a ma grande surprise sans difficulté dans le village. Il semble désert ce soir. Puis une détonation me fait tourner la tête : au centre du village, il semble se passer un événement important.

Sans perdre de temps, je me mets à courir.

💙💙💙💙💙

Il est enfin arrivé, mon moment de gloire. L'occasion pour moi de briller, d'attirer les regards habituellement tournés vers ma mère, vers moi. Et ça, c'est la meilleure chose qui soit.

Ce moment est l'étape la plus importante dans la vie d'une sorcière, l'accomplissement ultime. Je vais enfin pouvoir accéder à tous mes pouvoirs. Avant, j'avais beau utiliser toute ma magie je n'arrivais jamais à faire durer un sortilège. L'effet s'estompait au bout d'un mois maximum, soit pas énormément pour une sorcière. Alors que là, mes sortilèges devraient être éternels. Et c'est ce qui compte, car une sorcière tient sa réputation du nombre de personnes qu'elle ensorcèle, alors si ce n'est pas définitif c'est inutile.

Je me rends donc dans la cour du palais. Tout le village est là, à me regarder. J'attends sagement que ma mère arrive.
- Bienvenue à vous, sorcières ! Aujourd'hui est un grand jour ! Moi, la reine Julia, fait passer son examen final de sorcière à ma fille, Jubia !
Tout le monde applaudit. Je me rends compte d'une chose : je ne suis pas majeure. C'est interdit de passer son examen avant la majorité. Ma mère est au courant de ça en plus .. Mais c'est elle qui organise l'événement, et vu que c'est aussi elle qui décide ici ça ne doit pas poser de problèmes.
- Jubia, aujourd'hui tu pourras enfin obtenir l'objet qui fait d'une sorcière ce qu'elle est : sa baguette ! Il faut que tu réussisses tes épreuves, et tu pourras bénéficier de cette magnifique baguette ! (Aujourd'hui spécialement, vous avez vingt pour cents de réductions sur la deuxième baguette gagnée ! Profitez-en !).
Cool. Une baguette. Même si les sorcières ont déjà de la magie en elle, les baguettes leur permettent de la concentrer en un seul point. Alors une sorcière puissante sans baguette le sera encore plus avec, et une sorcière faible sans deviendra moyenne grâce à sa baguette. Tout le monde a à y gagner avec une baguette magique.

Les épreuves vont commencer.
- En premier, je veux que tu nous montres tes talents sur un balais. Tu devras faire une chorégraphie dans les airs, et si tu y arrives sans chuter, sans perdre l'équilibre, tu réussis cette épreuve !
Tout s'enchaine sans grande difficulté. Les tests simples et clichés s'accumulent, et je m'ennuie. Ce n'est pas voler sur un balais, utiliser un sortilège comprenant une grenouille ou encore faire une potion magique inutile qui vont m'aider à trouver un moyen de neutraliser ma mère, et de comprendre pourquoi j'ai l'impression qu'il manque quelque chose.

Tout est bizarre, je suis au milieu de toutes les sorcières du village, je devrais être au centre de l'attention. Mais je n'ai aucune motivation, personne ne me regarde. Je me demande même pourquoi je ne pars pas. Après tout, je sais très bien que je vais finir par avoir ma baguette, quoique je fasse.

- Les épreuves sont terminées ! Et sans surprise, ma fille les a réussi avec brio ! Félicitations à elle !
Enfin. Je m'ennuyais. Ma mère s'approche de moi, et me tend un bout de bois insignifiant, posé sur un coussin bleu. C'est ça ma baguette ? Je suis déçue. Je m'attendais à mieux.

Je saisis la baguette, qui s'illumine à mon contact. Je la vois se transformer, et prendre une nouvelle forme. Le bout de bois devient un objet fin, argenté, ornementé de saphir. Woaw. Je sens toute la magie parcourir mon corps, et se concentrer dans ma main, pour finalement atterrir dans ma baguette. Je suis ...

- Jubia !

Interrompue. Je laisse tomber ma baguette par terre, un peu surprise. Qui ose interrompre mon moment de gloire ?
- Encore toi ! Je pensais t'avoir fait comprendre qu'un homme n'est pas le bienvenu ici !
C'est le même homme. Sérieusement ? Pourquoi est-il ici ? Je ne comprends pas.
- J'interromps un moment important ?
Oui sombre idiot. Je regarde autour de moi. Tout le monde est paralysé. Quoi ? Pourquoi plus personne ne bouge ? Depuis quand ils sont comme ça ?
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Qu'est-ce que tu me veux ?
Il sourit, puis part en courant.

Je soupire. Et évidemment, puisque tout le monde est paralysé, je vais devoir m'en occuper. Normalement ce n'est pas aux princesses de s'occuper de ce genre de perturbation, surtout dans un moment aussi important. Je venais tout juste d'avoir ma baguette, mais je l'ai laissée tomber. Je ne sais pas comment elle va réagir quand je vais la reprendre, mais c'est le bon moment pour tester mes nouveaux pouvoirs.

Je saisis mon balais, ainsi que ma baguette (qui ne s'illumine pas à mon plus grand malheur), et m'installe sur mon balais. Il a beau courir vite, je suis toujours plus rapide que lui avec mon balais.
Enfin, plus rapide mais je l'ai perdu. Très utile d'avoir de la vitesse dans ce genre de situation. Je vais bien finir par le retrouver. Je concentre ma magie dans ma baguette, peut-être qu'elle pourra m'indiquer où est l'invité surprise. Et à ma plus grande surprise, elle m'indique une direction. Un fin laser bleu, presque invisible, me montre le chemin.

J'atterris dans une pièce inconnue du palais. Je ne comprends pas, qu'est-ce que c'est que ça ? La pièce entière est vieille, tout paraît moisi. Au milieu trône un bocal vide. Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Je savais bien que te suivre était la meilleure solution ! dit l'homme, essouflé.
- Pourquoi tu me parles aussi familièrement ? Je suis une femme, une sorcière, une princesse, tu me dois le respect ! Mets-toi à genoux devant moi, homme !
- Je suis moi aussi un prince tu sais.
Quoi ?
- Tu mens ! Les hommes ne peuvent pas diriger un royaume ! Les hommes sont tous des menteurs ! Ils ne pensent qu'à se battre et sont stupides. Pourquoi un homme comme toi serait à la tête d'un royaume ?
Il s'approche de moi, puis se dirige vers le bocal.
- Pourquoi tu t'intéresses à ce bocal vide ? C'est ça que tu es venu faire dans ce palais, voler un bocal vide ?

- Ce bocal n'est pas vide. C'est dommage que tu ne vois pas ce qu'il y a dedans, princesse.

Il lève les yeux vers moi. Je sens mes joues qui chauffent. Il m'a appelé "princesse". Il est ...
Non.
Stop. C'est un homme. Mon ennemi. Il est faible, lâche.

Je ne sais pas pourquoi j'ai réagis ainsi, mais je ne peux pas le laisser faire. Je dois le chasser.

- J'ai quelque chose à te demander.. Tu ne te rappelles vraiment pas de moi ?
- Je me rappelle de quand tu es venu il y a deux jours, donc je me souviens de toi. C'est tout ce qu'il y a savoir.
Il soupire. C'est quoi son problème ?
- Tu ne te rappelles donc pas de notre première rencontre ? J'étais enfermé dans ma tour, et tu es rentrée. Tu as fait une roulade dans ma chambre, et j'ai failli t'agresser avec une poêle. Ça ne te dit rien ?
- Non.
Il m'énerve.
- Tu dois partir !

Je ne le laisse pas finir sa phrase, et pointe ma baguette sur lui. Elle scintille, puis une puissante vague apparaît, et le projette a l'extérieur. Le mur est cassé, et la fenêtre aussi. J'entends son cri, étouffé dans le bruit de la cascade.

Enfin ma première victime. Ça prouvera à ma mère que je suis puissante et sans pitié, les qualités indispensables pour un bon dirigeant. Je montrerai son cadavre en guise de trophée.

Attendez.. Quoi ? L'homme va mourir ? Non. Je ne veux pas de ça. Je soupire, et grimpe sur mon balais. Heureusement j'arrive plus vite qu'il ne faut pour le lire près de l'homme. Il était en train de se noyer. Je l'attrape par le col, et l'installe derrière moi sur mon balais.

Qu'est-ce que je vais faire de ce truc maintenant ? Il va m'attirer des problèmes, je le sens.

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