Chapitre quatre

Je sors de la douche avec l'impression de renaître. Toute cette crasse accumulée pendant la semaine m'a enfin quitté... Enfin.

Honnêtement, mon honneur de prince en prend un grand coup depuis que j'ai quitté cette tour. Suivre une ramasseuse de champignon, me laisser guider par elle, et encore pire, m'abaisser à accepter l'hospitalité d'un vieil ivrogne qui devrait depuis longtemps avoir quitté ce monde, pour le bien de tous, c'est dur. Je me sèche et enfile une tenue de simple paysan - je ne sais pas comment il serait possible de qualifier cette loque autrement - avant de quitter la salle. Au moins, l'eau était chaude. Par contre, les dépôts verdâtres et les traces de moisissures un peu partout dans la pièce sont inacceptables. Et je compte bien les faire remarquer à notre aimable hôte.

"- Merci le vieil alcoolo ! ", hurle Jubia en se jetant au cou de l'ancêtre aux joues chauffées par l'alcool.

Etttt une raison de plus pour ne plus jamais entrer en contact avec elle. Ça me ferait indirectement toucher les effluves délicieuses de ce cher monsieur.

"- De rien, mon enfant ", répond-il avec un sourire tordu en baissant les yeux sur le décolleté bien trop ouvert de la jeune fille.

Je me racle la gorge et attrape Jubia par le bras pour l'écarter du pervers. Franchement, cette fille n'a aucune manière !

"- Hum, navré d'interrompre votre... Interaction, mais la douche est libre. ", marmonnais-je en poussant Jubia vers la salle de bain.

Une fois à distance sécuritaire du vieil ivrogne, je la réprimandais :

"- Jubia, on ne se pelotonne pas contre les inconnus. Surtout pas ceux qui ont bu, qui sont du sexe opposé, et par dessus tout ceux qui ont le triple de ton âge ! "

Elle me regarde en battant les paupières. C'est probablement une tentative de séduction, mais pour moi ça ressemble juste à quelqu'un qui s'est pris une poussière dans l'œil.

"- Jubia peut se pelotonner contre vous alors ?
- Non.
- Mais pourquoi ?
- Est ce que j'ai l'air d'être du même sexe que toi ? ", contrais-je avec un sourire satisfait.

Les sourcils de Jubia se froncèrent de détresse. Ses yeux bleus s'écarquillèrent, et elle laissa échapper un "oh" de déception.

"- Jubia pourrait changer de sexe ? Ca réglerait le problème.
- N'y pense même pas. Déjà c'est impossible, et ensuite ce serait trop bizarre.
- Mais... "

Je l'attrape par les épaules.

"- Jubia. Si tu fais ça, je retourne dans ma tour. Sans toi. "

Elle ouvre la bouche comme un poisson et je la lâche, surpris par mon audace. Depuis quand je me permets de toucher les femmes ainsi ? Cette vie paysanne commence à déteindre sur mes manières.

"- Allez. Lave-toi ", ordonnais-je en tournant les talons.

Je ne vérifiais pas si elle m'avait obéi, préférant me concentrer sur notre hôte, toujours allongé lascivement dans le canapé.

"- Que lui avez vous raconté pour qu'elle se jette sur vous comme ça ? ", interrogeais-je.
"- Oh, rien de bien intéressant... ", répondit-il en souriant.

Son sourire ne me plait pas. Je ne sais pas pourquoi, mais depuis le début cet ancêtre m'énerve.

"- Très bien. Ca ne m'intéresse pas de toutes façons. Ce dont je voulais vous parler, c'est vos manières. Navré de devoir vous le faire remarquer, mais ce ne sont certainement pas des façons d'accueillir les gens. Je sais que je devrais être reconnaissant de votre aide, et je vous remercie de nous avoir acceptés, cependant il y a des choses que je ne peux pas tolérer dans une maison. Premièrement, l'état de la salle de bain. C'est tellement délabré qu'on pourrait penser qu'elle a des siècles ! Encore heureux qu'il y ait de l'eau chaude ! Connaissez vous le détergent ? C'est vraiment utile pour nettoyer les traces de vomi après les soirées bien trop arrosées, je vous l'assure ! "

Je prends une inspiration et continue sur ma lancée.

"- Deuxièmement, on ne fait pas boire plus d'un verre aux jeunes filles ! Qu'essayez vous de faire ? L'émécher pour pouvoir profiter d'elle ? Et justement, en parlant de ca ! Comment pouvez vous la laisser se jeter sur vous et la regarder de cette façon ? C'est ignoble ! ", dénonçais-je en pointant un doigt plein de colère dans sa direction.

Macarof, loin de se laisser démonter, sourit en prenant une gorgée d'alcool.

"- Ce n'est pas de ma faute si elle s'est jetée sur moi. Et le fait que mes yeux soient tournés vers elle était une simple coïncidence.
- Espèce de... ", fis-je, prêt à abandonner mes manières et à lui refaire le portrait.
"- Écoute ", continua-il, " Cette jeune fille est amoureuse de toi, non ? Et vous êtes en couple.
- En fait, nous ne sommes pas vraiment...
- Quel pouvoir a un vieux grabataire comme moi sur la force de votre amour ? ", continua-il sans m'écouter. " Laisse moi profiter de mes derniers instants en. Matant. D'la. Meuf. Bonasse. ", finit-il en détachant chaque mot, un filet de bave coulant le long de son menton.

Quel répugnant vieillard.

Quelques minutes plus tard, Jubia sortait de la douche.

"- Jubia a fin-iiiih ? ", glapit-elle alors que je l'attrapais par le poignet pour l'amener dehors.

"- Viens, on va se trouver un autre endroit pour dormir. ", annonçais-je en l'entraînant vers la porte.
"- Et monsieur Macarof ? ", demanda-elle.
"- Il... Dort. ", expliquais-je en refermant la porte derrière nous, cachant à Jubia la scène de crime dans le salon. Le vieil homme essayait tant bien que mal de se débarrasser des magasines pornographiques enfoncés dans sa bouche, l'air pas si dérangé d'être étouffé par des images de filles en bikini.

"- On à qu'à dormir dehors pour cette fois. ", m'excusais-je. " Ca ne te dérange pas ?
- Oh, non ! Jubia à l'habitude ! ", répondit la jeune fille.
"- D'accord ", conclus-je en m'adossant à un tronc d'arbre. " Bonne nuit, dans ce cas. "

Je fermais les yeux. Ca n'allait pas être très confortable, mais ça valait mieux que de subir un hôte trop "explorateur" pour son propre bien.

J'étais trop fatigué pour faire remarquer à Jubia qu'elle s'appuyait contre mon bras. De toutes façons, rien ne l'empêchait de se coller à moi pendant mon sommeil.

💙💙💙💙💙

J'ai passé une super soirée ! Non seulement le vieux papi m'a donné des infos pour essayer de faire en sorte que Grey tombe éperdument amoureux de moi (je sais pas ce que ça veut dire, mais ça fait cool et ça donne l'impression d'être intelligente), mais en plus j'ai pris une douche. J'aurais bien voulu que Grey m'espionne sous la douche, et je lui aurais dit de me rejoindre. Malheureusement il ne l'a pas fait. Il a préféré rester avec le vieux papi (il préfère donc la compagnie d'un vieux papi à ma compagnie..? J'espère que non). Puis on est partis de chez le papi. Peut-être que leur moment ensemble s'est mal passé ?
De toutes façons je m'en fiche, je peux me blottir contre mon Grey (et en plus il sent bon).

Je suis réveillée (alors que je rêvais de la future première nuit entre Grey et moi.. Quelle tristesse) dans la nuit par des bruits étranges autour de nous. Je regarde autour de moi qui fait ces bruits. Grey dort paisiblement, déjà qu'il n'est pas spécialement de bonne humeur en général, je n'imagine pas si je le réveille.
Je décide d'aller voir, seule, d'où viennent ces bruits.
Je sursaute en voyant un simple petit lapin tout mignon. Je m'approche de lui pour le caresser. Les animaux m'adorent, je ne devrais pas avoir de problème avec lui.

- Tu fous quoi là ?
Je sursaute à nouveau, et m'éloigne du lapin.
- Tu.. Tu parles ?
- Ouais. Ça te pose problème ?
Tout est normal. Un dragon peut parler et se transformer en humain, alors pourquoi un lapin ne le pourrait pas ? J'arrive pas à savoir si ce que je dis est logique ou non.. C'est trop compliqué pour moi. Je préfère ne pas chercher à comprendre, à tous les coups si je suis trop gentille avec lui il va demander de l'aider, sauf que je pense que Grey préféra le manger plutôt que de l'aider.
- Non aucun. Simplement tu as fait du bruit, ca m'a réveillé, mais si c'est juste un lapin qui parle alors je peux retourner me coucher.
Je baille. Le lapin hausse un sourcil (j'avais jamais fait attention au fait que les lapins ont des sourcils.. Pourtant j'en croise souvent dans les forêts.. Bizarre).
- Et attends poulette ! Je veux que tu m'aides, ce serait sympa de ta part.
Je soupire.

- Je vais dormir, on en reparle quand je me réveille.
Je retourne auprès de Grey, et me réinstalle confortablement dans ses bras.

- Jubia. Tu peux m'expliquer pourquoi un lapin dort à côté de toi ? dit fermement Grey.
Son ton autoritaire me réveille. J'avais oublié ce lapin.
- Il veut de l'aide... Je crois.
Je baille encore, voir le visage de Grey dès le réveil est la meilleure chose au monde, en revanche le voir énervé comme ça c'est pas top.
- Attends attends.. Déjà que je dois te supporter au quotidien, tu vas me dire que tu veux qu'un idiot de lapin nous suive ..?
Je hoche la tête, et souris.
- C'est toujours agréable d'avoir un animal de compagnie non ?
- Eh oh je suis pas ton animal de compagnie espèce d'idiote ! lâche le lapin.
Toujours aussi gentil celui-là.
- Et en plus il est méchant.. Jubia je me demande ce qui te passe par la tête quand même ..
Je souris.
- J'ai pas compris.
Grey soupire à nouveau.

- Donc pourquoi tu veux de l'aide lapin ? Pas que j'ai envie de t'aider, mais voir si c'est possible au moins, demande Grey.
- Déjà je m'appelle Plue ! Et à la base, je suis pas un putain de lapin idiot ! Un sorcier m'a transformé en lapin, et j'aimerais bien redevenir ce que j'étais avant, parce que ça casse les couilles d'être un idiot de lapin.. Personne ne me respecte et tout le monde me trouve mignon mais ras-le-cul d'être mignon moi ! Je veux ..
- Ok tu vas t'arrêter là, c'est mieux pour nous tous.
- Mais non fallait le laisser parler, il est marrant ce mignon lapin !
Grey me regarde en levant les yeux au ciel.
- Jubia tu vois pas que c'est pas un mignon lapin ?
Je penche la tête. Sa question est compliquée.. Je sais pas ce que je devrais lui répondre. Je vois que c'est un mignon lapin, mais je vois pas que c'est un mignon lapin, je vois que ce n'est pas un mignon lapin, je vois pas que c'est pas un mignon lapin... J'ai rien compris. Trop de sens possibles.
- Bon les amoureux, vous voulez pas vous la fermer un peu là ? C'est pas que ce que vous dites est pas intéressant mais pas loin quoi.

- On est pas amoureux !
Le lapin soupire.
- Rien à foutre. Vous comptez m'aider ou je vais me faire voir ?
- Ca veut dire quoi ?
Ils utilisent des expressions compliquées, je comprends pas moi. Je suis pas très intelligente, pas comme eux.. Ils pourraient être gentils et parler avec des mots normaux quand même.
- Tu étais quoi avant d'être un lapin ?
Personne n'a répondu à ma question précédente, j'espère avoir une réponse à celle-là.
- Un chien. Avec un nez en forme de corne et une tête ronde.
- Depuis quand un chien c'est comme ça ? demande Grey en soupirant.
- On s'en bats les couilles de savoir comme j'étais, j'étais un chien. Et je veux redevenir un chien.
- Je comprends pas en quoi être un chien c'est mieux qu'être un lapin... Dit le brun.
Plue soupire.
- Tu voudrais pas être humain plutôt ? Tu pourrais manger de bonnes choses et peut être même rencontrer l'amour ! C'est super cool d'être un humain tu sais !
- Je vous demande pas votre avis, je veux juste redevenir ce que j'étais avant, pas encore autre chose.

Grey fronce les sourcils.
- Bon, on accepte de t'aider. Mais à une seule condition : si on peut pas t'aider on a le droit de te manger.
Je fixe Grey, les larmes aux yeux.
- Comment pouvez-vous être aussi cruel ? C'est un lapin qui demande de l'aide ! On va pas manger un lapin !
Je me lève brusquement, et commence à marcher.

Je ne pensais pas m'énerver un jour contre Grey, mais il est allé trop loin. C'est trop horrible. J'entends Grey se rapprocher de moi.
- Jubia, pourquoi tu réagis comme ca ?
- Les animaux sont mes amis vous savez. Je ne veux pas manger un de mes amis..
- Mais.. On est même pas sûrs de pouvoir l'aider tu sais.. Et il faut qu'on mange aussi, donc si on y arrive pas c'est mieux qu'on ait pas fait tout ça pour rien ! Tu ne penses pas ? En plus on a autre chose à faire, comme aller chez toi !
- Pourquoi on y arriverait pas ?
- J'en sais rien. Mais on sait jamais. Et on doit aller chez toi Jubia.

Je soupire. C'est le moment où je suis censée lui dire que j'ai pas de maison.
- Monsieur Grey.. Je dois vous avouer quelque chose..
Il soupire.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- En réalité, je n'ai pas de maison. Je vis dans la rue.. Enfin pas vraiment dans la rue, mais j'ai pas de maison. Donc on peut pas rentrer chez moi... Vu que j'ai pas de chez-moi. Je suis désolée de vous avoir menti.
Je m'éloigne encore, trop honteuse.

J'espère qu'il me pardonnera.

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