Chapitre onze

Elfman m'amène à travers la ville dans un silence de plomb. Je finis même par me demander s'il sait ou il va. Peut être son silence est il simplement dû à l'activité trop importante de son cerveau essayant de se souvenir du chemin. Mais il finit par déclarer :

« - Être garde c'est viril. »

Avant de se taire comme si de rien n'était, et là je comprends que je suis tombé sur un bon taré. Peut être aurait-il mieux fait de rester silencieux finalement.

Mieux vaut la fermer et paraitre idiot que l'ouvrir et ne laisser aucun doute à ce sujet, comme dirait Oul.

Nous traversons une place bondée de monde où des femmes en masse bavardent et se promènent. C'est un marché exclusivement féminin ou quoi ? Ou peut être est ce une particularité des sorcières.

D'ailleurs, j'espère que Jubia ne s'est pas perdue en mon absence.

« - Faites place ! », s'écrie Elfman en levant sa lance, « Laissez passer le prisonnier !
- Oui, c'est ça, écartez vous pour laisser passer le... Pardon ? », m'offusquais-je en me tournant vers la montagne de muscle me servant de guide, « Depuis quand suis-je un prisonnier ?
- Depuis maintenant. Les hommes ne sont pas les bienvenus ici. Qu'ils aillent disperser leur virilité ailleurs ! »

J'ai envie de répliquer un truc semblable à « mon coco, il me semble que tu ne sois pas non plus un modèle de féminité », mais par peur de ressembler à un critique de mode je me retiens.

Rien ne me fait plus peur que de ressembler à ces gens.

« - Et Jubia ?
- Elle sera prise en charge par un autre garde, nous avons des projets pour elle.
- Qu'est ce que vous allez lui faire ?
- Rien qui te concerne. »

Non mais il se prend pour qui lui ? Bien sûr que ca me concerne, si mon amie est en danger ! Je vais m'enfuir et...

Il me saisit le bras. Merde. Est ce que mes projets paraissaient si évidents ?

« - Tu as peut être compris ce que je voulais faire, mais tu ne pourras pas garder le prince d'Arendelle captif bien longtemps ! »

A ces mots je lui écrase le pied et tire d'un coup sec pour libérer mon poignet, commençant à courir avant de me rendre compte que... Mon poignet était toujours sous son emprise et qu'il n'avait pas bougé d'un cil.

Est ce que c'est une nouvelle espèce de gorille ou... ? Qui peut rester impassible dans ce genre de situation ?

« - Hum », toussotais-je, « Je suppose que je vais passer un sale quart d'heure ? »

Il acquiesce gravement.

C'est ainsi que je me retrouve jeté en cellule sans autre forme de procès. Retenez bien une chose, c'est que j'ai un jour fini emprisonné par un trop plein de virilité, pour voler l'expression d'Elfman, et ca... C'est beau.

Je ne devrais peut être pas en être fier, ceci dit.

En attendant je cherche un moyen de sortir de ma cellule ; laisser Jubia seule dans la nature n'est pas dans mes projets.

La pièce est assez petite. Il y a pour seul meuble une banquette et un sol en béton, donc j'abandonne immédiatement l'idée de m'enfuir en creusant à la petite cuillère. De toutes façons je n'aurais pas eu le courage de le faire.

Les barreaux qui remplacent l'un des murs sont en métal solide, sans parler de la serrure. N'ayant pas souvent l'occasion de me coiffer je n'ai pas d'épingles à cheveux. Hum.

Il n'y a vraiment aucun moyen de s'enfuir ? Normalement, en tant que personnage principal, je devrais trouver quelque chose.

Après m'être acharné sur le cadenas de fond en comble - et avoir constaté la couche de crasse inadmissible sur le sol - je m'affale sur la banquette.

Mon dos rebondit sur une surface dure qui, à ma grande surprise, n'est pas de la pierre. C'est une plaque d'aération.

D'une certaine manière, je devrais m'en réjouir. Mais je ne peux m'empêcher de penser à l'architecte qui l'a installée là. C'était probablement Makarof parce qu'il n'y a pas moyen de concevoir un truc pareil sans avoir fumé quelque chose.

Premièrement, placer l'aération au niveau du lit favorisera drastiquement le risque de pneumonie. Ensuite, la mettre aussi bas attirera forcément l'attention des fouineurs. Notamment - entre autres - celle des prisonniers cherchant à s'échapper.

A ce stade je suis certain que Makarof en est le concepteur.

Mes efforts finissent par payer et la plaque se détache. Je pourrais passer par là mais...

Beurk. Non non non. Je refuse catégoriquement. Je ne vais pas aller trainer dans ces canalisation où se trouvent dieu sait quoi...

Je croise le regard d'un cafard assis sur le lit. Il amorce un lent hochement de tête alors que je me crispe d'horreur.

Peut être que l'aération n'est pas une si mauvaise idée finalement.

Je ferme les yeux, prends une grande inspiration et me glisse dans le tuyau. C'est assez étroit, mais il s'élargit quand j'avance. En espérant que le cafard ne me suive pas.

Ne me suis pas s'il te plait. C'est tout ce que je demande. Même si on a partagé un regard intense tout les deux, ca ne voulait rien dire pour moi.

L'idée, maintenant, c'est de retrouver Jubia au plus vite. J'espère qu'ils ne lui ont pas fait de mal.

Mais après tout, qu'est ce qu'ils pourraient bien lui vouloir ? Ce n'est pas comme si elle possédait de grandes richesses. Et je doute qu'ils en veuillent à ses champignons.

Je continue ainsi ma route dans les tuyaux, perdu dans mes pensées. Enfin jusqu'à ce que... Et bien, comme prévu, le tuyau finisse par ne plus supporter mon poids. Et je tombe sur une distance bien supérieure à ce que j'aurais voulu.

Merci architecte. On apprécie tes efforts.

Je me relève en gémissant, me rendant soudain compte que la pièce dans laquelle j'ai atterri n'est pas banale. C'est une salle de trône.

Et en face de moi, Jubia et une femme que je ne connais pas me regardent avec des yeux ronds.
« - Jubia, est ce que tu vas bien ? », demandais-je, affolé.

💙💙💙💙💙

- C'est à dire ? Ça n'avance pas beaucoup Jubia que vous me disiez que je dois me rappeler de beaucoup de choses..
La Reine soupire.
- Jubia. Comment te formuler ça sans que ça te choque ?
- Jubia a vu pas mal de choses choquantes ces derniers temps, donc ne prenez pas la peine de trouver une formulation particulière.
- Tu es une sorcière.
Sérieux ?
- Oh super ! D'ailleurs Jubia a besoin d'un chaudron ! Vous auriez ça pour elle ?
La reine fronce les sourcils.
- Tu acceptes ça comme ça, sans te poser de questions ?
- Jubia a juste besoin d'un chaudron en fait.
Je vois qu'elle commence à désespérer. J'ai dit quelque chose de mal ? Peut être que je suis une sorcière, mais je m'occuperai de ça plus tard. Là je veux un chaudron.

-  Tu es une sorcière Jubia. Et je suis ta mère, la Reine Julia.
Je lève les yeux vers elle. Je comprends mieux. Je crois.
- Tu ne te souviens toujours de rien ? Même après ça ?
- Non. Jubia ne sait pas de quoi elle devrait se souvenir.
La reine s'approche de moi, et me sert dans ses bras.
- Ça m'attriste. Tu penses comme une enfant. Je ne sais plus qui tu es, alors que .. Tu es ma fille. Je ne comprends pas.
- Qu'est qu'il ait arrivé à Jubia ? Pourquoi ne se rappelle-t-elle plus de rien ?
Elle a l'air d'avoir de la peine, elle a besoin de se confier. Ça doit pas être facile tous les jours de être une reine aussi... Il faut quelqu'un pour l'aider et l'épauler en cas de besoin.

- Tu étais une sorcière puissante. Tu ne contrôlais pas tes pouvoirs, c'était devenu dangereux pour toi et pour les autres. Alors quand tu as atteint l'âge de raison, j'ai bloqué tes pouvoirs. Je les ai contenus pour que ton petit corps puisse tenir le coup. Et tout allait bien, ma mère m'avait fait la même chose avant de me rendre mes pouvoirs à ma majorité. Pour toi, tout était mieux. Sauf qu'un jour tu as disparu, et on a retrouvé ton corps près de l'entrée du village. Tu étais.. Différente. Ce n'était plus toi. Tu ne savais presque pas parler, tu n'avais plus aucun pouvoir, tu paraissais idiote... Je t'aimais malgré tout, toi, mon unique fille, mais un jour tu t'es enfuie. Et je ne sais pas ce que tu as fait depuis ça, si comment tu avais changé à ce point. J'avais tout essayé pour te rendre comme avant, mais rien ne marchait.
La Reine se met à pleurer. Quelle histoire triste...
- Et après ?
- Je te pensais morte. Il y avait des rumeurs qui disaient que tu avais atterri dans un village de paysans, et que tu étais heureuse là-bas, d'autres qui disaient que tu avais rejoins les lilliputiens. D'autres encore que tu étais morte. Je ne savais pas quoi penser, mais pour moi tu étais morte. Impossible de savoir si tout cela était vrai, et au moins j'arrêtais d'avoir de l'espoir inutilement.
- Oh.
Je ne sais pas quoi dire d'autre.. Elle doit être vraiment triste.
- Et qu'est ce que vous comptez faire du coup ?
- Te rendre tes pouvoirs. En espérant que tu redeviennes comme avant, et qu'on comprenne ce qui t'a rendu comme ça.
- Trop bien. Jubia va avoir des pouvoirs !
Je serais vraiment stylée.

Julia s'éloigne de moi, et fait apparaître entre ses mains un bocal lumineux.
- Il faut que tu avales le contenu de ce bocal, et tout devrait redevenir comme avant.
Le bocal contient plains de sphères lumineuses de toutes les couleurs. Comment je suis censée avaler ça ? Je ne sais même pas si c'est une bonne idée.  Est-ce que je devrais vraiment croire cette reine ? Je sais que je suis naïve de nature, et je ne suis pas du genre à douter en général, mais la tout paraît trop beau. Je sens que quelque chose ne va pas.
- Vous auriez de la soupe de champignons ? Ça aidera Jubia à faire passer ça.
Tout le monde s'indigne.
- Jubia a juste demandé de la soupe de champignons.. C'est un problème ?
Je ne comprends pas.

- Jubia, si tu manges un aliment, n'importe lequel, pendant que tu avales tes pouvoirs tu risques de te transformer en cet aliment. Et .. Je suppose que tu ne veux pas devenir une soupe de champignons, si ?
Ce serait top ! Je n'aurais plus besoin de passer mon temps à en ramasser, je n'aurais qu'à me vendre directement pour gagner un peu d'argent et vivre correctement ma vie de soupe. J'aurais enfin un avenir digne de ce nom.. Non. Ce n'est pas comme ça que j'envisageais mon avenir. Je m'imaginais mariée à Grey. Et aux dernières nouvelles, c'est impossible de se marier quand on est une soupe. Et comment on ferait des enfants ? Ça ne va pas du tout. Mauvaise idée de se transformer en soupe.
- Non.. !

La Reine me tend le bocal.
- Je te laisse faire. Mais je ne te presse pas Jubia, tu n'es pas obligée d'avaler tes pouvoirs maintenant, fais-le si tu veux et quand tu veux.
Pourquoi je doute ?

J'approche le bocal de mes lèvres, et suis coupée par quelque chose qui vient de passer devant moi. Enfin ce quelque chose, c'est Grey. Grey ? Que fait-il ici ? Pourquoi est-il sorti du plafond ? C'est un Ninja ?
- Jubia est-ce que tu vas bien ? me demande Grey, l'air paniqué.
Je souris. Il est là. Je sers Grey dans mes bras.
- Monsieur Grey ! Vous êtes en vie ! Vous avez tellement manqué à Jubia.
- Calme-toi Jubia, je vais bien. Et je suis rassuré de voir que tu vas bien aussi.
Il est un peu surpris par mon câlin, mais entoure rapidement ses bras autour de moi. C'est le meilleur moment de ma vie.

Il s'éloigne de moi, se rendant compte que tout le monde le regarde de travers et que les gardes le visent avec leurs lances.
- Éloigne-toi de la princesse, étranger ! Les hommes ne sont pas admis ici !
- Laissez-le, c'est le .... Jubia et lui sont fiancés !
C'est pas totalement faux, mais pas totalement vrai non plus.
- C'est bon Jubia..
Grey ne réagit pas à ce que j'ai dit, mais plutôt au fait que je m'interpose. Il ne veut pas qu'on me fasse de mal.
- Attrapez-le ! Ordonne la Reine.
- Non je vous en prie ! Laissez-le !

- Jubia, soit tu avales tes pouvoirs maintenant et ton ami sera sauf, soit tu ne le fais pas, et il meurt. Qu'est-ce que tu choisis ?
Je ramasse le bocal que j'avais laissé tomber, et n'hésite pas une seconde à avaler le contenu.
- Jubia ne vous laissera pas mourir Monsieur Grey... dis-je avant de m'écrouler par terre.

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