4| Un visage de planète bleue.
FLORA N'AIMAIT PAS JOUER DE LA MUSIQUE. Enfin, si. Elle aimait l'entendre mais n'avait jamais accroché aux partitions, aux rythmes précis, aux gammes justes et exactes. Si elle pouvait frapper une batterie jusqu'à ce que mort s'ensuive, elle l'aurait fait. Cependant, il fallait se rendre à l'évidence, cela ne marchait pas comme ça.
Elle ne s'était rendue au conservatoire afin de passer un moment avec son petit ami, qui allait sûrement se débarrasser d'elle le lendemain.
Et voilà qu'elle tombait sur une véritable poupée vivante aux yeux azur. Elle l'étudia pendant un moment, parcourut du regard ses fossettes rondes, légèrement plus rosées que le reste de son visage, formant un dégradé d'un beige coralline avec son front et son menton. Surmontés d'une paire de sourcils à peine visibles, deux yeux clairs et naïfs la regardaient, ou regardaient le ciel, Flora n'était pas sûre. Partout autour de son nez, un nez légèrement remonté qu'on aurait confondu avec la truffe d'un lapin, la toile de sa peau était parsemée de taches de rousseur entre le beige et l'orange, qui avaient une ressemblance flagrante avec des éclaboussures de peinture.
Elle n'était pas d'une beauté subjuguante, mais d'une certaine douceur passive et lumineuse.
Son visage, épousé par les dernières lueurs du soleil, avait la forme d'une...d'une...
"-Tu as un visage de planète bleue, dit-elle soudainement.
-Quoi?
-Je...rien, laisse tomber."
Flora éclata d'un rire moqueur, mais cristallin et léger, si bien qu'on ne pouvait que l'admirer en passant outre de l'arrogance de celui-ci.
L'autre laissa échapper un ricanement nerveux, perplexe devant l'absurdité de la situation.
-Ah, et...euh... désolée, bonjour et tout ça, s'excusa Flora avec un sourire.
Un silence régna. Le rouge monta aux joues de celle-ci, et elle se leva promptement pour éviter de mettre son étrange rencontre mal à l'aise. D'une main hésitante, elle saisit le bras de la jeune fille au sol, et, au contact de leurs peaux, celle-ci recula, les yeux fermés.
-Euh...ça va?
-Oui oui! força la blonde entre deux sanglots étouffés.
-C'est moi? C'est la porte?
-Non non!
Et avec ça, elle se leva et courut dans le conservatoire, laissant Flora debout tel un épouvantail, immobile et avec une expression figée.
Elle ne savait pas qui, comment, ou pourquoi, et les questions dansaient dans son esprit, se moquant de son ignorance d'adolescente perdue. Mais ce n'était pas elle : c'était la fille blonde qui l'intriguait. Ses yeux étranges dans son visage banal, qui semblaient être en train de crier, comme une proie au son d'un chasseur.
Pendant un moment, Flora hésita : devait-elle, allait-elle aller la chercher, et admettre son état de proie?
Mais très vite, elle se ressaisit, et passa ses mèches brunes derrière son oreille plusieurs fois.
La porte s'ouvrit de nouveau, comme les yeux de Flora, qui s'attendait à revoir l'étrange fille blonde.
A la place, la figure de son petit ami se dessina. Grande, musclée, avec un aspect solide et confiant, bref, l'inverse de Flora. Le mastodonte se dirigea vers elle, bras tendus.
Ses sourcils, broussailleux et épais, étaient froncés au-dessus de son visage au teint halé, formant une certaine harmonie géométrique et rugueuse.
Pour toute chevelure, il avait une courte touffe blonde presque rasée et le début d'une barbe, qui contrastaient avec ses yeux d'un vert profond et royal.
Bref, le petit ami de Flora était un viking aux yeux d'émeraude.
Ses bras l'entourèrent avec force, et il la souleva légèrement, si bien que ses pieds chaussées de vans flottaient au-dessus du sol comme de petites jambes de poupée.
Flora était vulnérable avec lui, et ce sentiment lui chatouillait la peau avec désagrément.
-Ça va toi? Demanda-t-il avec un sourire fier.
-Comme à mon habitude, Léopold.
Elle lui rendit son sourire avec une touche d'exagération, caractéristique de son éternel sarcasme.
Le visage du dénommé Léopold se raidit.
-J'aime pas que tu m'appelles comme ça.
Flora soupira, exaspérée par son acrimonie continuelle.
Mais le viking ne perdit pas de temps à être fâché, et ses mains descendirent habilement vers le bas de son dos.
-T'es prête pour ce soir?
Ce fut au tour du visage de Flora de se raidir. Elle ne répondit pas, le visage tourné vers le sol.
-Moi, oui, reprit-il avec enthousiasme, sans attendre sa réponse. Chez moi, 23 heures.
Avec ça, il colla sur les lèvres de Flora un baiser fougueux qu'elle lui rendit au bout de quelques secondes.
Il passa sa main dans les cheveux courts de la brune, et partit en l'observant, ses épais sourcils toujours aussi froncés.
Exaspérée, elle donna un coup de pied dans une misérable canette multicolore qui gisait ouverte sur les marchés du conservatoire.
Ce n'était pas elle, cette fille souriante et amoureuse, mais bordel, elle ne savait pas qui elle était sinon les bras d'un homme.
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