Chapitre 5 - La parjure.

C'est un autre jour de pluie à Lizeaux.

Il est 7h02. C'est l'heure d'accompagner Dylan à la maternelle.

Alors pourquoi sa vision s'est autant troublée en voyant Noah assis là sur un banc habituel, partageant un bonbon avec une petite fille de l'âge de Dylan tel une figure paternelle.

Un instant elle a trouvé ce tableau laid.

À cause de ses nombreux complexes de famille. Mais plus elle les admirait, sans s'en rendre compte, elle y trouvait une réelle affection. Un adolescent et sa petite sœur partageant une sucrerie.

Non.

Un adolescent et sa petite sœur partageant une sucrerie aux yeux des regards. C'est mieux.

Mais la réalité dépasse la fiction.

Noah, gêné d'un regard extérieur sur lui, l'avait repéré et lui fixait méchamment.

Alley laissa échapper un soupir et voulu aller s'asseoir sur le banc près de la cantine à la place mais Dylan l'interpella, reconnaissant sa camarade de classe et supplia Aliénore à les rejoindre.

Elle s'assit donc là, juste à côté, heureuse de voir son petit frère converser avec une fille, mais mal à l'aise de se faire indirectement insulter. Elle ne le laissa échapper se disant que le problème allait se régler.

— Alors tu as une petite sœur ?

— Non.

— Ah bon ?

— C'est ma demi-sœur.

— Ça ne reviens t-il pas au même ?

— On est pas du même sang.

— Je vois toujours pas ce que ça change.

— C'est pas ma sœur.

— Pourtant tu as l'air de l'apprécier !

— ...

Elle se sentit troublée par la réaction de Noah. Celui-ci se tourna vers elle avec une vision haineuse, révoltée, dégoûtée et...triste.

— T'es tu déjà sentie obligée de faire semblant ?

On ouvrit les portes.

Et le jeune homme s'en alla. Là au milieu de la multitude de parapluies. Un pas devant l'autre dans cette rosée brumeuse et matinale.

— Il n'a même pas amener sa petite sœur.

Elle fut intriguée.

***

Elle descendit de la limousine. Tout le monde l'observait comme d'habitude.

En même temps qui venait à l'école en limousine ? Elle se le répétait à chaque fois.

Elle regarda la façade du lycée qui l'impressionnait à chaque fois.

Une grande cour bétonnée. Familiarisée par quelques bancs en bois. Avec une statue ecclésiastique au milieu comme fontaine décorative. Juste avant un grand édifice vitré aux fenêtres peintureés. Des escaliers à l'entrée principale suivis de deux stèles portant le nom et l'emblème de l'école.

Elle avança vers la fontaine et comme tous les autres jours, elle regarda l'ange et jeta une pièce dans l'eau. Répétant le même geste et la même voix que toutes les autres fois.

— Je veux que mon père revienne.

Les yeux fermés. L'espoir perdurant, elle fit ce vœu. Comme tous les autres vœux.

Puis elle les ouvrit. Et se dirigea vers l'entrée principale.

Elle remarqua une silhouette masculine familière.

Elle le reconnu. Et se faufila donc discrètement pour le surprendre.

— Bouh.

La personne visée cria très fort. Alley fut tellement effrayée par son hurlement qu'elle cria aussi.

Le jeune homme se retourna hâtivement vers elle.

— MAIS T'ES FOLLE ?

— C'EST TOI LE FOU ! TU AS FAILLI ME FAIRE PEUR !

— SANS DÉCONNER J'AI FAILLI TE FAIRE PEUR ?

— ARRÊTE DE CRIER TU VEUX ?

— COMMENT VEUX-TU QUE JE ME CALME ?

Les deux finirent par arrêter n'ayant plus de souffle pour hurler et respirèrent un bon coup.

— Alors mon soupe au lait ça va ? dit Alley.

— Appelle moi encore comme ça et je te bute.

— T'es tellement soupe au lait.

Il soupira. Elle l'inspecta de haut en bas et en déduis qu'il était gêné.

Reims Faraona. Ce qu'elle savait c'est qu'il n'était pas français. Grand. De la taille de Wayne. Cheveux marrons avec des mèches blondes. Longs pour un garçon. L'obligeant à les attacher derrière la nuque. Magnifiques saphirs servant d'yeux. Des épaules larges. Bref un corps sculpté. Beau gosse aimé de tous. Enfin presque de tous.

Car il y avait cette fille appelée Aliénore Aquitaine Hellfrost. Allias la première de la classe. Qui l'avait pris pour son jouet. Sans s'en rendre compte.

La première fois qu'ils s'étaient parlés, Reims la draguait. Et elle l'a envoyé paître encore et encore. Se taquinant encore et encore. Et devenus meilleurs amis encore et toujours.

Ça c'était la fiction d'Alley.

— Dis mon soupe au lait...

Mais la réalité...

— C'est quoi ces fleurs ?

— ...

En est tout autre.

Il balança le dit bouquet aussi fort et loin possible dans les airs.

— Aïeuh ! hurla quelqu'un dans la cour.

Hein ? souffla Alley encore stupéfaite.

QUI A BALANCÉ ÇA ?!

La victime colérique était en fait Lou Meskey. Cette fille qui n'avait que 15 ans était une sorte d'adulte manqué.

Et cette énergie était comment dire...

— LA PINTADE C'EST TOI ?

Alley approuva d'un signe de tête et Reims frissonna.

— D'habitude on tombe sur les roses mais là elles te sont tombées dessus c'est pas génial ? tenta t-il.

Tout se passa très vite. Une course poursuite. Une victoire. Un tirage de slip version féminine. Des moqueries venant d'Alley. Un Reims qui boude. Une Alley qui s'en moque.

[Drinnnng]

— Alley tes devoirs s'il te plaît, dit Grace sans dire un bonjour.

— Je les ai pas fini. Mais on a une heure de perm avant. Je peux les termi...

— Tu sers vraiment à rien.

Grace s'en alla et pris ceux de Emma.

Un instant elle pensa que si elle était tant inutile, elle pourrait demander à Emma à chaque fois, ainsi elle serait moins déçue.

Emma vint s'asseoir à sa place habituelle donc à côté d'Aliénore cherchant des réponses.

— On dirait qu'entre toi et Grâce c'est pas fun.

— Sérieux ce n'est qu'une impression ?

Elle l'avait presque hurlé, et tout le monde se retourna pour découvrir qui avait osé crier sur l'adorable et gentille Emma Klett.

Ce n'était que l'hypocrite et jalouse première de la classe.

Qui prenait plaisir à insulter les autres à cause de ses complexes.

Une pourri gâtée qui ne sait reconnaître la valeur de ses amies.

Qui méritait d'être seule.

Voilà les pensées qui traversèrent l'esprit des gens à ce moment là.

Condamnée indirectement derrière un surnom. Une image que l'on nous forge à notre place et nous l'impose.

La première de la classe est peut être comme ça mais pas Aliénore.

Mais ça faisait bien des lustres, qu'elle avait commencé à s'habituer à vivre derrière une expression. Et elle n'y trouvait aucun intérêt à embellir son image pour de telles personnes. Et puis...

Emma était son amie. Et elle comptait le rester.

— ...

— Désolée de t'avoir crié dessus.

—...( sourit ) Non ça va c'était pas voulu.

Bien des élèves se mirent à commérer se disant presque tous qu'Emma était bien trop indulgente.

Emma. Sa première amie. Comment avaient-elles fait pour en venir à des relations aussi étroites et toxiques ?

Je m'en souviens.

À cause d'une phrase. On ne voit jamais à quel point elle peut changer le cours des choses. Une phrase.

Et une phrase placée au bon moment, au bon état d'esprit et de la bonne manière peut changer une vie.

— Emma tu es orpheline ?

— Oui je vis avec mon grand frère.

— C'est triste. Moi mon père est parti trèèès loin. Je vis avec ma mère. Elle est méchante, elle ne me comprends jamais. Je la déteste.

— Tu ne devrais pas dire ça tu sais ?

— Je voudrais qu'elle meure.

— Ah...Alley...je peux t'appeler Alley ? Quand ton père arrivera.. tout changera.

— Ah bon tu trouves ?

— Oui !

Lorsqu'elle se faisait traiter de raciste et homophobe.

— Quand ton père sera là tout changera.

Lorsqu'elle se faisait embusquer.

— Quand ton père sera là tout changera.

Lorsque ses notes baissaient.

— Quand ton père sera là tout changera.

Pour tout et n'importe quoi.

— Quand ton père arrivera tout changera.

***

Cette soudaine pensée la réveilla.

Se redressant quelques mèches rebelles de son sommeil. Elle jeta un œil à son téléphone.

Dix neuf heures deux.

Son rêve lui rappela une primordialité.

Elle prit son téléphone et composa le numéro qu'à la longue le connaissait déjà par cœur.

La ligne était occupée. Encore.

Alors elle entra le deuxième numéro. On décrocha. Encore. Elle répondit avec enthousiasme. Encore. Et son espoir s'envola. Encore.

— Allô ? Mlle Hellfrost ? Je suis désolé mais Monsieur se repose.

— Aujourd'hui aussi ?

— Oui désolé. Vous savez c'est la fin d'année et nous recevons beaucoup de clients.

— Je veux juste lui parler une fois.

— Appelez demain ou la semaine prochaine !

— Attendez...

[Bip]

Le bruit de l'interruption de la communication. Remise en raccrochant. A raisonné dans sa tête.

Encore.

Depuis plus de six ans. Entendant sans cesse ce bruit aigu depuis trois ans et demi. Objectant l'idée d'avoir été oubliée. Obnubilée par la figure paternelle. Refusant l'idée de considérer sa situation comme une parjure. Les émotions mitigés.

Machinalement, elle s'assit sur le lit. Et regarda la pièce.

Son chat est parti. Il faisait sombre. Les rideaux toujours tirés.

Bien que sa chambre avait la taille de celle d'une duchesse, elle y étouffait.

Ou alors peut être que dans cette immensité elle se perdait.

Ce qui était sûr...

C'est qu'elle n'allait pas bien.

Cela faisait environ six ans que son père, le président de Hellfrost Company avait quitté la maison pour partir en voyages d'affaires et étaler son entreprise au niveau mondial.

Dans ses souvenirs, au début il les appelait chaque soir. Mais plus elle entendait parler de lui, moins elle parlait avec lui.

Si bien qu'à un moment elle a cru qu'il était mort.

Lorsqu'ils sont tristes. Les humains ont tendance à dénaturer leurs problèmes. Un responsable à haïr sur qui on pourrait verser toute sa colère, et un espoir à chérir qui nous tolérera et aidera chaque jour.

C'est souvent injuste. Mais cela nous permet d'échapper à la réalité. Jusqu'au moment où on se rend compte qu'elle dépasse la fiction.

Mme Winnie était ce responsable. Alley l'a donc haït jusqu'à maintenant. Elle a été sans pitié.

Le pire c'est que sa mère n'était en rien affectée par son absence. Wayne et Dylan non plus.

Alors petit à petit, elle s'est vue comme une paria de la famille.

Mais pour elle, tout a une fin. Quand son père reviendra, tout changera.

Elle irait au cinéma, au musée. Inviterait des gens, n'aurait plus à prendre la limousine ; tout ce t'as de choses que font les ados.

Ces rêves restés fictions. Deviendraient la réalité.

Elle se releva brusquement du lit.
Puis se dirigea vers la porte. Elle l'ouvrit et descendit les escaliers en se dirigeant vers le séjour. L'aquarium brillait encore l'illuminant.

Wayne n'était plus là. Dylan dormait. Et sa mère devait encore présider un procès.

Elle eût l'idée de sortir aussi pour une fois. Enfin...juste une petite balade se disait-elle.

Elle sortit de la maison en faisant encore une fois attention de ne pas réveiller les chiens. Ensuite se dirigea en forêt seule.

Elle n'avait pas si peur de cette forêt claire. Lorsqu'elle était plus petite, à la saison du cerf, elle y allait chaque fois avec son père pour chasser. La végétation toute entière appartenait à sa famille.

Elle marcha pendant une vingtaine de minutes. Elle le remarqua. À une centaine de mètres de la maison. Au Nord.

Une dépendance ? Une maison ? Non. C'était plus une sorte de bungalow en bois.

Alley ne l'avait jamais vu et personne ne lui avait dit qu'il en avait. Mais si il était dans la forêt alors forcément sa mère en était au courant. Et puis elle aussi elle saurait si il y avait des gens qui vivaient dans leurs terres.

Elle entra quand même. C'était vide. Il n'y avait pas de fauteuil. Pas de chauffage. Ni de cheminée non plus. Des décorations avec des têtes d'animaux. Ça semblait n'avoir jamais été habité. Cela lui rassurait au moins. Mais...

Il n'y avait pas d'autres pièces supplémentaires. Il n'y avait qu'une seule. Et celle ci avait des murs abritant des étagères remplies de documents. De beaucoup de documents. Avec une table au milieu. Sur laquelle étaient surmontés des papiers. Un ensemble de notes, annales, manuscrits et journaux.

Elle vit quelque chose. Elle le lu.

Elle n'aurait pas dû le faire.

***

— Alley tu m'as attendu jusqu'à cette heure ?

— Oui.

— Ah après tout Emma aurait fait pareille. Alors qu'est ce que tu veux me demander ?

—...Comment tu le sais ?

— Je suis ta vieille mère. Je sais tout.

Elle serra son papier derrière son dos.

<< Le dénommé Henry Tudors est accusée pour tentative de meurtre à la jeune Aliénore Hellfrost >>

— Non c'est rien.

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