Chapitre 3 - Enfouis.
— Moi ?
L'amour...
— Vous êtes sérieuses ?
Qu'est ce que c'est l'amour ? Quelqu'un m'a dit que l'amour était un sentiment qui pouvait, nous donner plus que n'importe qui l'envie de vivre. Mais aussi, plus que n'importe quoi l'envie de mourir.
C'est vrai. Dans son cas à elle...
— Je ne craque pas pour lui ! Vous êtes complètement folles !
L'amour l'a donné envie de mourir.
— Je suis juste sceptique, rétorqua Emma.
— C'est juste louche quoi, continua Lou plus loin en train de recopier les devoirs d'Alley.
— Tu es sûre ? Tu peux tout me dire tu sais ?
— ...Bien sûr que oui...et puis cet espèce l'égocentrique...
Cette réplique...
— N'est pas du tout mon genre !
La chansonnette de toutes les ados en chaleur. Ignorant pourtant qu'elles ne sont pas du tout crédibles.
— Je le vois dans tes yeux Aliénore... commença Emma.
Alley gloussa.
— Mais non je te dis ! T'as pas à te faire du mouron ! Si je tombe amoureuse un jour il pleuvra des papillons !
Jamais elle n'aurait cru que c'est dans son ventre que pleuvraient ces papillons.
— ...Si tu le dis.
Elle a menti. Elle l'aimais. Elle le savais.
Mais à cause d'un mot elle l'a nié.
Réciproque. Rien n'a été réciproque dans sa vie. Sa loyauté envers ses amis. Sa mère. Les services rendus. Et maintenant lui. Ce précieux souvenir...
Mais bon la vie est comme un bateau. Lorsque qu'il n'y a pas de vent il ne bouge pas mais lorsqu'il y a une tempête on avance.
Cette tempête l'a certe fait avancer...
— Noah Baugart ?
Mais elle l'a aussi noyé.
— Non il ne me dis rien.
— Non mais t'es sérieuse ? Tu sais le garçon de 5ème... commença Emma.
— Ah le mec pour qui t'avais un crush tout le collège ?
— Maintenant que j'y penses lui aussi il l'aimait.
— Ah bon ça ? Comment tu le sais ?
— Une intuition.
— En attendant bon courage Em !
— Je ne l'aime plus Aliénore.
— Tu vas le briser le cœur.
Emma Klett regarda par la fenêtre pensive.
— T'as raison.
***
— Dis Lou t'en as ? questionna Alley.
— Des capots ? dis Lou l'interpellée.
— Non !
— Ma virginité alors ? continua t-elle.
— Un stylo noir pour le cours de physique le prof en demande toujours.
— Où t'as planqué le tien ?
— Je l'ai donné à Grace elle n'en avait pas.
Grace se leva brusquement à l'arrière.
— Quoi maintenant c'est ma faute ? Si t'avais plus de personnes dans ton entourage j'en aurai pas manqué !
— J'ai jamais dit que c'était ta faute Grace.
— Mouais. Je crois que Luc en a si tu me rapistoles avec un peu de blé je pourrais lui parler.
— Hein ? Mais...jusque là pour...un stylo ?
— Quoi ? Moi je veux t'aider et tu m'aides pas ? C'est ça t...
— J'en ai un.
Cette voix grave. Masculine. Authentique. Lui surpris un peu.
Elle leva les yeux vers son interlocuteur.
— J'ai un stylo.
Sombres. Ses yeux d'un noir profond. Le teint mat. Cheveux ébouriffés de même couleur mais plus clair que celle de ses yeux. De minuscules poils de barbe presque invisibles, signe de puberté. Sourcils assez épais. De larges épaules. Très grand. Pas plus que Wayne.
Ne sachant pour quelle raison, elle fut rien qu'en ce fragment de seconde totalement imbue de ce cliché.
— Tu m'entends ?
— Pardon ?
L'amour nait et meurs de tout.
— J'ai un stylo.
L'amour qui nait subitement est le plus dur à mourir.
— ...
— ...?
Peut-on on vraiment parler d'amour sans être mature ?
— Oh ? Ah...euh merci ! Tu es Noah c'est ça ?
Elle pris l'objet qu'il lui tendait depuis presque trente secondes.
— ...Ouais c'est ça. Mais n'oublie pas de me le rendre après.
Mais tout ce que je sais...
— Pas de problèmes !
...C'est que cela ne lui a rien apporté...
***
— Je l'ai perdu.
Les amis du jeune garçon qui étaient à la table derrière eux se mirent à rire.
— Tu vois ? Je lui avais bien à ce connard dit comment ça finirait !
— À nous les 10€ du pari !
— C'est vraiment une petite princesse en fait ! Elle s'en fout de le perdre parce qu'elle est une putain de riche.
Alley la tête baissée et totalement gênée entendait les gloussements dérisoires des amis de Noah qu'elle nommait intérieurement "faces de pets".
— Je suis vraiment désolée ( sort de sa poche ) Mais je peux te donner celui ci.
— ( plisse les yeux ) Tu es sérieuse ?
Un stylo rose à pompon avec un porte clé en forme de licorne avec un liquide rose à paillettes.
Les "faces de pets" s'esclaffèrent, donnant plus de honte à Noah.
— Ça ne te plaît pas ?
— ...Ça va...
Il le prit entre ses mains et retourna s'assoir avec ses compagnons qui commencèrent de suite à le charrier.
Aliénore culpabilisa un peu mais se réjouis d'avoir elle aussi gagné son pari avec Lou et regagna aussi sa table de cantine avec les autres.
— Tu le lui a donné ? questionna Lou toute enthousiaste.
— Yep ( tend la main ) Mes 30€ maintenant !
— QUOI ?
— Tu m'as demandé de lui donner un truc pitch. J'ai cherché le plus glauque du pitch et maintenant tu me dois 30€.
— M...mai...mais...
— Allez passe moi l'oseille.
Lou lui tendit trois billets de 10€ à contre cœur hésitante, doucement; Alley les arracha et les brandit triomphante.
Un court instant, elle croisa le regard de Noah. Ses yeux lui lançaient des éclairs.
Aurait-il compris ?
Elle haussa les épaules et lui fit un clin d'œil méprisant avant de s'asseoir manger avant que les cours reprennent.
C'était pas un repas qu'elle idolâtrait beaucoup certes. Mais elle se demanda si c'était la raison pour laquelle Emma l'observait en silence.
[Drinnnnnng]
La sonnerie a retentit d'un coup. Elle s'était endormie. Elle se sentit ridicule d'avoir fait un rêve pareil. D'avoir rêvé de ces premiers instants.
Il est 16h02.
C'est la fin des cours.
Elle avait dit en début d'année à M.Bert de venir à 17h pourqu'elle puisse accomplir ses devoirs de délégué.
Mais en fait elle a menti.
Juste pour aller là bas.
Juste là.
L'épicerie à 500m dans une ruelle sombre. Avec la lettre ‹‹ A ›› de l'inscription ‹‹ ANNA ›› tombée, servant maintenant de support à la liste des produits. La façade à colombages avec des murs de couleur rouge. Plutôt dégradés, en mauvais état. Les fenêtres barricadés avec des vitres fumés.
Comme avec la chambre de son frère, elle ouvrit la porte ignorant la pancarte ‹‹ Fermé ››.
Comparé à l'extérieur, l'intérieur était ce qu'il y avait de plus normal. Par contre ici aussi la lumière était en voie de disparition.
Elle balaya la pièce et ne voyant personne, inspira profondément dans ses poumons pour que sa petite voix porte loin.
— MONSIEUR LE MALABAR JE SUIS LÀ !!!!
On entendit un gros fracas venant de l'arrière boutique. Le bruit d'un énorme carton qui s'était renversé par terre.
Plus tard, un grand cris masculin suffisamment viril pour faire peur les plus grands professionnels de l'épouvante.
— LA MIOCHE !
Une appellation suivie de grands pas sourds dans sa direction.
— Bonjour Monsieur le malabar ! s'exclama Aliénore.
Un homme corpulent, au physique de boucher, plus d'un mètre quatre-vingt, au cou de taureau, un double menton. Des cheveux gris en broussaille, entourant un crâne chauve. De longs sourcils noirs, un visage couvert d'un réseau de veines pourpre. Il tenait son gros orteil et semblait avoir reçu un gros choc.
— Combien de fois dois-je te répéter DE NE PAS PIALLER DANS MON MAGASIN !
La voix de Henry Tudors était tellement grave qu'on pouvait croire que le sol vibrait à nos pieds. Ce qui avait donné l'habitude à Aliénore de fermer les oreilles à chaque fois.
— Ça va, ça va. Pas la peine de déclencher une guerre non plus. Alors qu'est ce qu'on fait aujourd'hui Monsieur le malabar ?
M. Tudors soupira et prit un bandage dans un placard. Voyant qu'elle était totalement ignorée, Alley alla s'asseoir sur la table de la caisse.
— C'est bon je suis désolée voilà !
— Voilà qui est mieux.
M.Tudors alla vers l'arrière boutique et machinalement, Alley le suivit.
La pièce était grande et comme dans tout magasin qui se respecte, elle était remplie de produits de saison avec pleins de bonbons pour Halloween, et des aliments pour Sendsgiving.
Mais derrière tout ceci une porte. Une petite porte en bois qui obligea M. Tudors à se baisser pour passer. Elle menait vers...
Un jardin. Un tout petit jardin. Le sol en gazon. Et des chrysanthèmes en fleurs. Une pergola au milieu.
Une grande pergola avec en dessous une table pour deux invitant à un jeu d'échecs classique.
Des dames.
Alley alla s'asseoir la première et choisit les pions blanc.
— Aujourd'hui c'est le bon Monsieur le malabar je vais gagner vous allez voir !
— C'est ça, c'est ça. Fait vite et barre toi.
Tous les jours. Sans exception.
Elle venait là. À effectuer des tâches quotidiennes avec "Monsieur le malabar".
Et ce depuis qu'elle a dix ans. Mais elle ignorait pourquoi elle a commencé à venir ici. Lorsque qu'elle essaie de s'en rappeler, elle tombe dans un vaste trou noir.
Elle y voit des disputes. Des gens qui crient. Le soleil. La chaleur. Des injures. Des mots doux. Une fugue. Une photo. Un accident. Du sang. Des larmes de joie. Des larmes de tristesse. Des verres brisés. Du sang. De la dépression. De la tremblote. Un passé incertain.
Alors elle oublie. Elle l'enfouie au plus profond d'elle dans l'espoir de ne jamais se confronter à la réalité.
Quitte à rester une barque dans un océan sans brise.
— Échec et mat !
— C'est parce que vous êtes vieux !
M.Tudors se mit à rire aux éclats, ce qui insita un long soupir chez Alley.
Puis elle devint plus sérieuse. Sans prévenir, son corps se crispa.
— Dites Monsieur malabar...vous avez des nouvelles de mon père ?
Il arrêta de rire. Après un moment de silence il croisa les bras.
— Qu'est ce que tu veux que je te cause ? Il est injoignable.
— ...
L'alarme 16h45 de son téléphone sonna. Il fallait qu'elle rentre au lycée.
— Bon...
Elle se leva et pris son sac.
— Au revoir M. malabar !
— À demain la mioche.
Elle sourit et partit.
Elle partit très loin. Jusqu'à hors de la ville. Vers ce terrain de cinq cents hectares de forêt. Avec pour cœur ce grand manoir qui lui servait de maison.
Traversant les grands arbres dans une limousine de plusieurs livres.
Pour atterrir dans cette énorme résidence vide. Sans fleurs. Recouverte de béton ancien.
Devant cette porte vitrée. Chaque jour.
Dès l'instant où elle l'ouvrit, une toute petite personne vint l'accueillir.
— Alley tu es rentrée !
Elle reconnaissait cette voix mignonne et adorable. Celle de son petit frère : Dylan. Un petit garçon de quatre ans, la coupe au bol, avec des cheveux d'un blond encore plus clair qu'un champ de blé et des yeux bleus aussi limpides que ceux de sa mère. Elle aimait passer du temps avec ce bonhomme innocent respirant la joie de vivre qui venait tout juste de perdre ses dents de lait et prononçait mal les mots.
— Vayne voit ce qui est dans ma tête !
— Wayne ?
— Ouiii !
— Comment ça ?
— Il voit à quoi ma tête dit !
— ...Hein...?
Aliénore scruta la pièce et vit Wayne avec des bonbons dans les mains victorieux dans la cuisine.
— Bien sûr que non il prédit pas à quoi à penses quand même.
— Tu...tu es chûre ?
— Mais oui...je suppose...
Elle essuya ses larmes ce qui fit sourire Dylan.
— Je vais aller envoyer les mechages à tous ses amis ! dit Dylan en courant.
Elle pensa à une fille dont Wayne n'arrêtait pas de lui parler.
— Envoie aussi à une personne qui s'appelle Blom ! Essaie de bien lui mettre la honte.
— Mais...moi ze ne connais pas nire.
— Il y a la photo d'un violon en profil.
— Tout ce que tu zeux Alley !
Le petit garçon courut dans la direction de la chambre de Wayne. Laissant Alley contente de l'accomplissement de sa vengeance.
La dernière fois quand il était sorti en douce, il lui a envoyé un deuxième message.
"|Wayne : Si tu essaies de cafter je te dénonce à propos de ce Noah.
|Moi : Espèce de connard de crotte de porc rôti !
|Wayne : 🙉🙉🙉"
Et c'est la raison pour laquelle elle n'avait pas prévenue sa mère.
En y abordant le sujet. Ni Alley, ni Wayne, ni Dylan n'avaient le droit de sortir. Pour tout besoin urgent il y'avais M.Bert qui les conduisait en limousine après autorisation.
De plus elle ne devait en aucun cas ramener des "étrangers" à la maison. Ce qui résumait ses trajets entre le lycée, l'épicerie bien que secrètement et le manoir.
Cette ville, entre Nice et Marseille appelée Lizeaux , était le seul endroit où elle n'avait jamais vécu. Elle est née là, a passé son enfance là et s'y éteindra comme une toute petite goutte de pluie.
Dans les films on reconnaît les gosses de riches par leurs nombreux voyages à travers l'Occident et le tiers monde, leurs vêtements de marques toujours aussi loufoques etc... Mais la réalité dépasse toujours la fiction.
Ça, c'était la réalité. Et elle ne changerait jamais.
— Miaou !
Sa créature préférée grimpa sur son lit sans prévenir. Elle saisit son chat des mains et se mit à le caresser le faisant ronronner. Cette silhouette vibrante avait pour effet de l'apaiser.
[Ding]
"|Reims : Tu fait quoi 📢 ?"
Elle hésita à répondre. Elle ne voulait pas être dérangée.
"|Moi: Tu as fait une faute à"fait" tu es nul"
Elle éteignit son téléphone pour éviter la symphonie de messages qui en sortirait.
S'endormant petit à petit.
Rêvant encore de leurs débuts.
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s . h . e . l . l . y
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