YVAN: UN
Le garçon qui avait une bulle dans la tête:
N.d.A : Les pensées et les discussions d'Yvan sont faites en russe, pour faciliter la compréhension, je me permets de vous les traduire en français.
Yvan se regarda dans le grand miroir à pied de sa chambre et soupira.
Il ne s'habituait toujours pas à devoir porter le costard cravate tous les dimanches. En effet, depuis leur départ de Russie, leur père mettait un point d'honneur à ce qu'ils soient tous sur leur trente-et-un le dernier jour de la semaine. Non pas que cet accoutrement ne lui aille pas, au contraire, mais Yvan ne comprenait pas pourquoi il devait être aussi bien présenté dans sa propre famille. De plus, on pouvait affirmer sans mentir que le jeune Russe était une de ces personnes qui resteraient belles même habillées d'un sac de patates. Yvan était bien conscient de cela, mais n'en tirait aucun avantage. En effet, il était parfaitement indifférent aux regards que posaient les filles sur lui, ça ne l'intéressait pas. « Je me demande parfois si je suis bien normal », songea-t-il avant de se détacher une fois pour toutes de son reflet. À peine avait-il fait trois pas dans la direction de la porte de sa chambre que sa petite sœur déboula comme un ouragan, le bousculant presque au passage. Elle s'arrêta devant l'aquarium du jeune homme, trépignant sur place.
— Yvan ! Yvan, dis-moi quelque chose en français !, brailla-t-elle.
— Anya, combien de fois vais-je devoir te le dire ? On frappe avant d'entrer ! La petite prit un air confus puis murmura en se tordant les bras dans le dos :
— Désolée, je frapperai la prochaine fois...
Son grand frère sourit. Il n'était pas vraiment fâché. De toute façon, il était impossible de rester fâché très longtemps contre Anya, tant elle était adorable. Elle ressemblait beaucoup à Yvan avec ses longs cheveux blond doré et ses yeux bleu ciel. Du haut de ses sept ans, elle gardait tout de même son petit caractère et savait très bien ce qu'elle voulait.
— Alors... Dis-moi un mot, rappela-t-elle.
C'était un rituel entre eux deux. Chaque jour, Yvan apprenait un nouveau mot de français à la benjamine de la famille. Il réfléchit quelques instants et annonça :
— « Carillon ». C'est une sorte de cloche qui fait un son très doux.
Marge lui avait expliqué ce que c'était la veille, lorsqu'ils étaient en train de boire un chocolat chaud dans le bistrot du père de Thommy. La jeune fille, qui n'était pourtant pas la plus patiente des femmes, acceptait toujours avec plaisir de le corriger ou de lui apprendre de nouvelles choses. Il sourit à cette idée. « C'est vrai qu'elle est super gentille. » Même si cela ne faisait que quelques semaines qu'ils se connaissaient, Yvan l'appréciait beaucoup. Anya le tira de ses pensées en criant :
— Viens ! Maman a dit qu'on mange !
Le jeune homme se rengorgea, tira une dernière fois sur sa cravate et suivit sa sœur à la salle à manger. Il y trouva sa mère et sa deuxième sœur attablées à côté de la cheminée. Sa mère, une femme délicate à la voix très douce, lui montra la chaise du doigt et sourit :
— Assieds-toi là, mon grand, Anya viendra à côté de toi et Yelena en face. Et toi, Irina, pose-moi ce livre, nous allons commencer à manger.
— N'oublie pas de retenir la page !, rigola Yvan, taquin.
Irina lui tira la langue et posa son ouvrage sur la commode. Elle avait treize ans et passait son temps à lire, ce qui avait parfois le don d'exaspérer les autres membres de la famille. « Les Misérables, rien que ça ! », songea Yvan en lisant le titre du livre. Irina passa une de ses longues mèches brunes, qu'elle avait héritées de sa mère, derrière son oreille et posa son regard bleu sur son frère :
— Alors Yvan on va faire de la grimpe avec tes amis demain ? demanda-t-elle.
« Mes amis ». Cette idée plut tout de suite à Yvan. Il s'apprêtait à répondre lorsqu'une voix claque dans son dos :
— Des amis ! Bien joué, fiston ! N'y aurait-il pas quelques amies aussi dans le lot, hein, Casanova?
« Oh non, pas maintenant ! ». Le jeune homme se figea sur sa chaise alors que son père entrait dans la pièce. Igor Doumanovsky était un homme grand et fort, taillé comme un ours, aux épais cheveux blonds assortis à une belle moustache, qui semblait prendre un malin plaisir à tout contrôler et à être au courant de tout. Il attendait de toute évidence une réponse, mais Yvan était incapable de la lui donner. « Non, je ne suis pas Casanova, papa ! Je veux juste que tu me fiches la paix. » Mais il n'osa pas dire tout ce qu'il avait en tête et se contenta de marmonner :
— Non, pas vraiment...
— Oh quel petit cachottier, il y en a trop et tu ne veux pas paraître trop séducteur, fiston, c'est cela ? Tel père, tel fils !, clama joyeusement son père à qui voulait l'entendre.
Yvan jeta un regard suppliant à sa mère, mais avant qu'elle puisse le voir, la porte de la salle à manger s'ouvrit d'un coup. Yelena aimait soigner ses entrées. Elle s'approcha de la table à grandes enjambées et s'assit en face du jeune blond. Elle regarda autour d'elle et, sans se soucier le moins du monde de la discussion qu'elle venait d'interrompre, demanda :
— Bon, qu'est-ce qu'on mange ?
Yelena ressemblait énormément à sa mère avec ses longs cheveux brun foncé et ses yeux bleu pervenche, mais en revanche elle tenait son caractère de son père. C'est sans doute pour cette raison que c'était celle de ses trois soeurs avec qui Yvan s'entendait le moins bien.
— Nous mangeons en entrée des filets de perche et du poulet fermier pour la suite, annonça leur mère.
— Ah, bien, ça nous laissera amplement le temps de discuter, dit Igor en lançant un clin d'œil à son fils.
« Et c'est reparti pour un tour », pensa le jeune Russe.
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