MARIE-EDWIGE: UN
La fille qui avait trop de prestige
Marie-Edwige se regarda une dernière fois dans le miroir qui occupait la surface entière du mur du dressing et soupira.
Elle avait horreur que sa mère, Rose-Marguerite de La Vallière, choisisse pour elle ses vêtements. Cette fois-ci, la jeune fille s'était retrouvée affublée d'une longue robe couleur « saumon doré », que Marie-Edwige préférait nommer rose bonbon, et d'un châle blanc atrocement vieux jeu. Grimaçant à son reflet, elle s'observa un peu plus attentivement. Bien sûr, elle aurait pu être jolie dans à peu près n'importe quel ensemble, avec ses yeux verts et ses longs cheveux bruns ondulés. Mais accoutrée de la sorte, Marie-Edwige se trouvait surtout ridicule. Elle réfléchit un instant, se demandant si elle ne pouvait pas modifier légèrement son apparence. Elle allait mettre un bandeau à sa chevelure lorsqu'on frappa à la porte.
- Oui, qu'y a-t-il ? demanda-t-elle surprise.
- Vos parents vous attendent dans le grand salon, Mademoiselle... répondit Sébastien, le majordome de la maison.
C'était un homme sec et droit dans la cinquantaine, qui arborait de fins cheveux grisonnants et des joues toujours impeccablement rasées. Étant donné qu'il avait été à ses côtés depuis sa naissance, Marie-Edwige l'aimait bien, malgré son ton excessivement poli et son don pour arriver toujours au mauvais moment.
La jeune fille le remercia et s'en fut dans le couloir qui menait au grand salon. Tout en marchant, Marie-Edwige se maudit d'avoir accepté de porter cette affreuse robe. « Pourquoi faut-il donc que je m'habille de la sorte pour aller voir un grand-oncle qui de toute manière est presque aveugle ? » La question était sans réponse.
Arrivée dans l'immense pièce qui leur servait de séjour, la jeune fille s'arrêta. Sa mère bondit de son fauteuil, faisant virevolter ses cheveux blonds au passage et trottina jusqu'à elle. C'était l'allure la plus rapide que lui permettaient d'atteindre ses talons aiguille de dix centimètres.
- Ma fille, tu es lumineuse, magnifique !, claironna sa mère, pourtant aussi belle que sa fille avec sa robe rouge taillée sur mesure.
- Un vrai soleil, cru bon de rajouter le majordome.
Marie-Edwige sourit, plus pour faire plaisir à sa chère mère que par sincérité. Ce qu'elle désirait avant tout, c'était l'avis de son père. Mais celui-ci, occupé à lire le journal, ne l'avait même pas vue entrer. Elle s'approcha tout de même et il releva enfin la tête. La jeune fille croisa son regard vert émeraude et, comme chaque fois, une bouffée de chaleur envahit ses sens. "Je suis tellement fière d'être ta fille", pensa-t-elle le cœur battant.
- Parfait, tu es là, nous pouvons partir maintenant, annonça Charles-Albert de La Vallière.
Sur ce, il se leva souplement, posa son journal sur la table en verre et sortit, le reste de la famille sur ses talons. Marie-Edwige regarda son père avec envie et tristesse, une fois de plus il s'était révélé incapable de lui faire un compliment. « Un jour, » se dit-elle en sortant de la ville, « un jour, je serai riche, célèbre. Un jour tu seras fière de moi, père, je te le promets. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top