MARGE : UN

La fille qui n'avait plus peur.

Marie-Edwige se regarda dans le reflet de la vitre de la fenêtre de l'ambulance et soupira de soulagement. 

La mère de Jack était hors de danger. La blessure n'était que superficielle. La jeune noble frissonna, encore sous le choc. Tout s'était passé tellement vite. Marge aurait menti si elle avait dit qu'elle n'avait pas eu peur. Elle avait eu la peur de sa vie. Mais elle comprenait, elle comprenait que ce n'était pas réellement Jackson qui avait battu son beau- père jusqu'au sang, c'était juste une âme brisée poussée dans ses derniers retranchements. « Qui sait, n'aurais-je pas moi aussi réagi ainsi à sa place ? »

De plus, il s'était arrêté et, lorsqu'il était revenu à la raison, elle avait vu l'horreur envahir ses prunelles ambrées. Jackson n'était pas quelqu'un de mauvais et ne l'avait jamais été.

Certes, il était impulsif, mais la jeune femme avait appris à le connaître et à l'aimer comme tel. Elle sentit l'angoisse lui tordre le ventre. « Où peut-il être maintenant ? » Il devait s'en vouloir à mort. La jeune femme devait le retrouver au plus vite ! Elle partit en direction de la maison, réfléchissant à toute vitesse. « Il faut que je lui dise que sa mère va bien et que son beau-père ne va pas en mourir ! » De son point de vue, Dom aurait mérité de mourir, mais Jack s'en serait voulu toute sa vie. Bien qu'il l'ait haï de tout son être, ce n'était pas un assassin.

Marie-Edwige atteignit la porte d'entrée, sortit sa clé et entra précipitamment. « Il faut que j'appelle Thommy, lui seul pourrait savoir où il est parti ! » Elle se saisit du téléphone accroché au mur et composa le numéro fébrilement. La panique commença à monter en elle. « Allez, décroche ! » Enfin, après six bips, quelqu'un décrocha :

— Allo ?

— Simon ?!

Elle avait oublié que Thommy l'avait invité à passer la soirée chez lui. Un accord tactique implicite s'était mis en place dans l'équipe pour que le rouquin ne se retrouve que le moins souvent possible seul chez lui.

— Marge ? Pourquoi tu appelles en pleine nuit ? Quelque chose ne va pas ?

Elle n'était pas encore totalement habituée à entendre le son de sa voix. En quelques mots, elle lui résuma la situation, le cœur battant.

— Maintenant, passe-moi Thommy !

— Inutile. Il dort, ça ne ferait que l'inquiéter pour rien. Je sais où peut être Jackson.

 — Comment peux-tu le savoir ? s'étrangla Marge.

Elle avait bien souvent remarqué que le rouquin avait parfois une longueur d'avance sur eux, mais là, ça dépassait l'entendement.

— Par déduction. Il a mal, il a peur, dans son esprit Dom est mort. Donc il agit comme un fugitif. Donc il va rester éloigné des endroits où des gens peuvent le reconnaître et des endroits où la police patrouille. Mais il est perdu, donc il va chercher quand même un endroit qu'il connaît. Donc il va aller dans les mauvais quartiers où il a vécu son enfance. Et je pense qu'il va se saouler pour essayer d'oublier quelques secondes ce qu'il a fait. J'ai regardé, il n'y a pas trente-cinq mille pubs ouverts à cette heure-ci dans son quartier natal. Il n'y en a même qu'un. Le « Red Tiger », à l'angle de la rue des Chênes et de la rue Perrier.

— Tu es incroyable !, souffla la jeune femme estomaquée. Merci !

Elle allait raccrocher lorsque la voix de Simon reprit, impétueuse et beaucoup trop adulte pour quelqu'un de son âge.

— N'y va pas seule, Marge. C'est un quartier mal fréquenté. Je t'aurais bien accompagnée – sa voix se fit amère – mais on sait tous les deux qu'à ce niveau je ne fais pas le poids...

Son inquiétude lui réchauffa le cœur.

— J'irai avec Yvan, ne t'inquiète pas, Simon. On en reparle demain. 

— Pro... Promis ? bégaya-t-il, l'air soudain paniqué.

C'était du Simon tout craché, il oscillait toujours entre des réflexions qui étaient celles d'adulte et des questions qui étaient celles d'un petit enfant qui avait peur d'être abandonné. Cette partie de lui serrait toujours le cœur de la jeune noble. « Promis, je veillerai à ce qu'on ne t'abandonne plus jamais comme tes parents l'ont fait. » Elle chuchota, la voix pleine de tendresse, avant de raccrocher :

— Promis. Bonne nuit, Simon. Puis elle composa le numéro d'Yvan.

***

Marie-Edwige marchait dans une ruelle sombre, les bras enroulés autour de son corps frêle, comme pour se protéger d'une menace invisible. Tout son être lui criait de rebrousser chemin. « Courage ! Tu le fais pour Jack ! », s'encouragea-t-elle elle-même. À côté d'elle, Yvan s'efforçait de garder un pas conquérant, alors que la jeune noble sentait bien qu'il n'était pas beaucoup plus rassuré qu'elle. Cela accrut l'estime qu'elle avait pour lui. Il était incroyable. Réveillé au milieu de la nuit, il n'avait pas hésité une seconde à l'accompagner, alors qu'elle savait très bien que Jack n'était pas la personne de l'équipe qu'il tenait le plus dans son cœur. Elle laissa son regard se poser sur son ami, ses beaux cheveux blonds, ses longs cils clairs et ses yeux bleu ciel ; même réveillé à trois heures du matin, il était toujours magnifique. « Quel gâchis ! » se dit une fois de plus Marge.

Malgré tous ses efforts, elle avait encore de la peine avec le fait qu'il soit attiré par les hommes. Non pas parce qu'elle trouvait ça répugnant au contraire, elle avait fini par l'accepter. Non, juste parce qu'elle le trouvait toujours très séduisant et devait bien se faire à l'idée que ce ne serait jamais possible. De plus, maintenant il y avait Jack dans l'équation et il commençait à y prendre de plus en plus de place. De toute façon, Marge n'avait jamais su dans quelle case le mettre. Ami ? Meilleur ami ? Plus qu'ami ? Marie-Edwige se réprimanda elle-même. « Ce n'est pas le moment de penser à ça ! » 

Mais comme souvent lorsqu'elle était peu rassurée, son cerveau élaborait des théories farfelues bien trop éloignées de la situation actuelle, pour éviter d'avoir trop peur. Et ce temps-là, la jeune femme avait bien souvent peur. Le terme du contrat approchait et tout se mélangeait dans sa tête. Elle se força à se reprendre pour ne pas retomber dans une panique malvenue.       « Jack avant tout. »

Ils arrivèrent à l'angle d'une rue et, à la lueur d'un lampadaire clignotant, découvrirent l'enseigne du bar du « Red Tiger ». Un tigre rouge sur fond noir. La peinture s'écaillait et l'enseigne menaçait de se décrocher. Marge frissonna. « C'est glauque. » Elle eut envie de prendre ses jambes à son cou. Comment des gens pouvaient-ils vivre ici ?

— Bon, on entre ? demanda le Russe soudainement.

La petite brune hocha la tête. « Il le faut bien. » Le blond poussa la porte et ils entrèrent. L'endroit était aussi décrépit que l'était l'enseigne. Quatre tables de bois noir occupaient tout l'espace et le lieu était extrêmement mal éclairé. La seule source de lumière provenait du bar où un homme essuyait des verres avec un torchon qui n'avait pas l'air d'une propreté extrême. Marie-Edwige sentit le dégoût l'envahir.

Le barman posa sur elle un regard un peu trop lubrique et la jeune femme le foudroya du regard. Yvan lui passa une main autour de la taille et fit rouler les muscles de ses épaules. Cela suffit à faire dévier le regard de l'homme derrière le bar. Marge lança un petit sourire reconnaissant au jeune Russe. Il lui répondit par un discret hochement de tête qui voulait dire « T'inquiètes, je suis là ! ». Cette idée lui réchauffa le cœur.

Elle observa la pièce du regard à la recherche de la silhouette musclée du squatteur. Il n'y avait presque personne dans la salle, sûrement à cause de l'heure avancée. Un ivrogne dormait sur une table et un peu plus loin quelqu'un était assis contre le mur, l'air particulièrement éméché. Le cœur de la noble fit un bond dans sa poitrine. « Jack ! » Elle courut à lui, manquant de s'encoubler sur un bac au passage. « Oh, mon Dieu, dans quel état il est... » Le jeune homme frôlait l'inconscience, les yeux fermés, la tête dodelinant doucement, une bouteille de whisky à la main.

Le ventre de Marie-Edwige se serra. Elle ne supportait pas de le voir ainsi défait. Lui d'habitude si combatif. Elle s'accroupit pour être à sa hauteur et passa la main dans ses épais cheveux bruns pour le ramener à elle. Il chassa sa main comme si elle était une vulgaire mouche.

— Jack ! C'est moi, Marie-Edwige !, le pressa-t-elle le cœur battant. Cette fois-ci, il ouvrit les yeux, qu'elle découvrit bien trop brillants et rougis.

— Jack ! Ta mère va bien ! Elle est allée à l'hôpital, mais ce n'est pas grave, elle est entre de bonnes mains, elle va guérir !

Son regard ambré brilla de soulagement. Il demanda d'une voix pâteuse :

— Vraiment ?

— Oui, et Dom aussi s'en sortira. Et pour toi, j'ai témoigné. C'était de la légitime défense, tu n'auras pas de peine. J'ai poursuivi ton beau-père en justice aussi, pour violation de domicile privé et ta mère pourra porter plainte elle aussi...

— Att... Attends, reprit Jack doucement, s'ébouriffant les cheveux d'une main tremblante, pas trop vite... Je n'ai pas tué Dom ?

Marge se pencha vers lui et planta son regard dans le sien, le cœur battant un peu trop vite. 

— Dom vivra, mais il ne vous importunera plus jamais.

— Vraiment ?

Jack se redressa un peu, comme s'il avait reçu un nouveau regain d'énergie. Elle hocha la tête. Le squatteur eut un. Immense sourire du vainqueur. Il se leva en s'encoublant à moitié et éclata de rire.

— Jackson un, trou du cul zéro !, cria-t-il en brandissant le poing au ciel.

Puis il chancela et il se serait effondré si Yvan n'avait pas passé un bras sous ses épaules, in extremis. Le Russe leva les yeux au ciel.

— Je croire qu'il était mieux avec alcool triste, marmonna-t-il.

Marge ne lui répondit pas, trop occupée à regarder le beau brun sourire à la ronde, dévoilant ses fossettes à qui mieux mieux. Il semblait transformé. La jeune femme sourit. Elle le préférait ainsi, même s'il faisait un peu honte à clamer sa joie. Elle se reprit. « Non, il a tous les droits d'être heureux ! » La jeune noble eut presque envie de le rejoindre lorsqu'il se mit à danser, toujours soutenu par le blond. Mais elle se ravisa. « Tu ne peux pas faire ça, ce n'est pas digne de ta condition. » Pourtant, son cœur se serra inexplicablement. Des regrets ?

— Marge, sors-toi les doigts du cul et viens danser avec moi ! La vie est belle ce soir ! 

« Il est complètement bourré. » En temps normal, cette réplique l'aurait énervée. Mais à cet instant précis, elle la fit plutôt sourire. Quelque chose de bien trop gros lui réchauffait les sens. « Je suis heureuse de le voir heureux », réalisa-t-elle. Et c'était dangereux. « Il ne faut pas que je m'attache trop à lui. » Mais au fond d'elle-même, elle savait que c'était trop tard. C'était déjà trop tard le jour où elle avait découvert ses sourires canailles à fossettes, ses yeux noisette ambré et son courage hors norme.

Elle le regarda. Il n'avait plus rien du jeune homme effrayant et torturé qu'elle avait vu quelques heures plus tôt. Il voulut enlever son T-shirt pour une raison inexplicable et avant qu'Yvan rabatte le tissu de force sur les abdos bien dessinés et hâlés du squatteur, Marge eut soudain très chaud. Évidemment, le brun sembla s'en rendre compte et la noble se détesta, d'une part d'être aussi troublée et de l'autre de rougir si facilement. Jack se débarrassa d'un coup d'épaule du bras du Russe qui le maintenait debout et fit trois pas, pas très droits, en direction de la petite brune. Il souffla à son oreille, en passant un bras autour de ses épaules :

— Alors comme ça, je te fais de l'effet, la bourgeoise.

« Mon Dieu, il est trop proche. » Elle se figea, son cœur tambourinant dans sa poitrine. Elle sentait son grand corps chaud se presser un peu trop contre elle. « Mais qu'est-ce qu'il fait ? », paniqua-t-elle. Son contact lui faisait perdre tous ses moyens. Elle garda les yeux au sol, pétrifiée. Il la draguait, là, non ? « Mais il est bourré, ça ne veut rien dire ! »

— Parce que toi, tu m'en fais beaucoup trop.

Elle n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il venait de dire. Ses lèvres s'écrasèrent sur les siennes, chaudes et impatientes. Marge en eut le souffle coupé et l'estomac tout retourné. Mais déjà la tête du squatteur s'éloignait. Les battements de cœur de la noble résonnaient dans sa cage thoracique. Tout se mélangeait dans sa tête. « Pourquoi a-t-il fait ça ? » Elle avait peur, très peur. Peur qu'il n'ait fait cela que sous l'empire de l'alcool. Peur de ce qu'elle avait ressenti. Parce que ça ressemblait beaucoup trop à des papillons au creux de son ventre.

***

Deux heures plus tard, Marie-Edwige tira la couverture sur Jack après l'avoir couché sur son matelas de fortune dans la tourelle. Après l'avoir embrassée, le squatteur s'était effondré au sol et s'était endormi. Yvan avait dû le porter jusqu'à la maison de maître. Et pendant tout le trajet, la jeune femme n'avait pas cessé de se passer leur baiser en boucle dans sa tête. Elle essayait de se contenir, mais peine perdue. Elle raccompagna le Russe à la porte, se maudissant intérieurement. « Tu n'as pas le temps pour ça ! » Mais en même temps, elle mourait d'envie de parler de tout ça à quelqu'un. « Désolée, Yvan... »

— Yvan, je peux te poser une question ?

 — Da, oui.

— Tu as déjà été amoureux ?

Le beau blond avala de travers sa salive et toussa.

 — Pourquoi tu demander ça ? paniqua-t-il.

Si Marie-Edwige s'était imaginé une seule seconde pouvoir parler chiffons avec Yvan, elle s'était lourdement trompée. Être gay ne le rendait ni moins viril ni plus féminin. Elle l'avait vite compris, mais ce soir elle était perdue et avait besoin de réponse, de plus c'était son meilleur ami.

— Parce que je crois que je suis un peu amoureuse de Jack...

C'est en disant ces mots qu'elle réalisa combien ils étaient vrais et elle rougit. Son ami la dévisagea, haussant un sourcil.

— Euh, tu veux que je quoi dire ? Bravo ?

— Mais non, c'est juste que j'avais besoin de me confier à quelqu'un..., se justifia-t-elle gênée.

« Ce n'était peut-être pas une si bonne idée, finalement. » Mais Yvan lui sourit. 

— Tu peux parler, Marge, je ton ami.

Et là, la jeune noble eut envie de pleurer. Ça lui faisait tellement plaisir. Mais en même temps elle eut mal en imaginant comment ça allait être une fois le contrat terminé. Elle s'était beaucoup trop attachée à eux. Elle se força à chasser cette pensée et continua :

— Il... Il m'a embrassée, mais je ne sais pas si ça veut dire la même chose pour moi que pour lui...

— Bah, demande-lui.

— Mais, et s'il l'avait fait juste parce qu'il était bourré ? Et si ce n'était pas le cas, est-ce que ça peut mener à quelque chose ?

« Après tout, nous ne venons pas du même monde. » Cette réalité lui serra le ventre. Yvan leva les yeux au ciel et soupira.

— Si tu pas demander, tu jamais savoir. Et oui, ça peut mener loin...

Il eut un petit sourire en coin et ses yeux se perdirent dans le vague, comme s'il se souvenait de quelque chose.

— Tu sais. Je croire qu'il pas faire ça que parce qu'il bourré était...

— Tu crois ?!

Son cœur battit la chamade et elle rougit.

— Ouais, répondit-il en haussant les épaules.

Elle sourit de plus belle ne pensant plus à rien d'autre. Alors, sans l'avoir prémédité, elle prit le Russe dans ses bras et le serra contre elle. Bien qu'il ne fût pas aussi grand que Thommy ou Bakari, il la dépassait bien d'une tête, ce qui rendait l'étreinte plutôt disproportionnée. Mais honnêtement, elle s'en moquait. Elle lui chuchota :

— Merci pour tout.

Le Russe referma ses bras sur elle :

— De rien.

Ils restèrent ainsi quelques instants puis se séparèrent. Marie-Edwige ne ressentit aucune gêne et en fut rassurée. « Maintenant, parlons un peu de lui. »

— Donc tu as déjà été amoureux ?, demanda-t-elle curieuse.

— Non.

Il mit ses mains dans ses poches.

— Mais c'est quoi ton style de mec ?

« La curiosité est un vilain défaut... » Mais elle avait trop envie de savoir ! Yvan se figea, hésitant. Marge attendit, patiente. Il finit par marmonner :

— Style Bakari... 

« Pardon ?! »

— Mais... Mais il n'est même pas gay !

— Je bien savoir ! On parler de style, pas de homme de ma vie..., se moqua-t-il.

Mais il perçait un certain regret dans sa voix. Marie-Edwige fut touchée. « Je suis désolée. » Mais elle savait qu'il ne voudrait pas de sa pitié, alors elle changea de sujet. Enfin, un peu.

— En tout cas, un jour tu rencontreras un type bien, j'en suis sûre.

Yvan hocha la tête, peu convaincu. Il soupira puis releva ses yeux bleu ciel. Ils étaient indécis.

 — Je crois que je devoir le dire.

— Tu veux dire aux autres ?

« Je crois que Simon le sait déjà. » Après tout, Simon savait tout.

 — Jack et toi, vous savoir... Non, je veux dire tout le monde.

Là, Marge n'en crut pas ses oreilles. Jackson était au courant ? Mais ils n'étaient même pas proches !

— Mais comment se fait-il qu'il sache ?

— Longue histoire..., répondit Yvan, un sourire discret aux lèvres.

Marge dut faire appel à toute sa volonté pour s'empêcher de le cuisiner. Elle enchaîna :

— Tu veux faire ton coming out ?

 — Da. Je crois.

— Alors je te soutiendrai.

Elle vit le soulagement envahir le regard de son ami. Elle corrige mentalement : « Je te soutiendrai quoiqu'il arrive. ».

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