BAKARI: UN

Le garçon qui avait des rêves sous les paupières.

Bakari se regarda dans le vieux miroir crasseux de sa sœur et soupira. 

Il n'aimait pas particulièrement entrer dans la chambre de sa cadette lorsqu'elle n'était pas là. À chaque fois, il sentait un léger malaise l'envahir. Pourtant, cette fois-ci, il était obligé. Si les deux, frère et sœur, avaient la chance d'avoir une chambre, seule Sisa possédait un miroir. Bakari se regarda longuement. Ses cheveux noirs bouclés, ses yeux marron chocolat, sa peau ébène, il ressemblait à sa mère plus qu'il ne l'aurait voulu. Il portait une longue chemise rouge vif, trop longue sur les manches. « Il va falloir que je dise à papa que sa taille L est un peu longue », se dit le jeune homme. Son père était couturier et aimait tester ses nouvelles créations sur son fils, ce qui ne dérangeait pas Bakari outre mesure. Il sourit en pensant qu'il rejoindrait Marge pour une première grimpe en immeuble dans quelques jours. Il aimait bien la jeune fille, même si le milieu dans lequel elle vivait ne lui inspirait qu'un profond mépris. Il repensa à la première fois qu'elle l'avait vu. « Elle avait presque eu peur de moi ! » Ce qui était absolument absurde, car si Bakari avait une carrure de bulldozer, il n'en restait pas moins doux comme un agneau et doté d'une patience à toute épreuve. « Même si cet énergumène de Jack me tape un peu sur les nerfs. »

 Soudain, Bakari sortit de sa rêverie en voyant le tutu de sa sœur traîner par terre. Le jeune homme serra les dents. Il détestait que Sisa prenne aussi peu soin de ses affaires. Il se baissa et ramassa le costume de danse délicatement. L'étoffe était d'une douceur et d'une légèreté incroyables. Le cœur de Bakari se serra. « Quel gâchis ! » Il plia le tutu et le rangea dans l'armoire, à côté des justaucorps de Sisa. Puis il tourna les talons et sortit de la chambre. Il croisa sa sœur qui rentrait de l'école avec sa meilleure amie, que Bakari trouvait d'ailleurs très jolie. En plus, elle dansait aussi avec Sisa.

— Salut, dit le jeune homme.

— Salut Bakari !, lancèrent les jeunes filles d'une seul voix.

 — Sisa, tu as encore laissé ton tutu par terre...

Sa sœur leva les yeux au ciel et déclara en rejetant en arrière ses tresses violettes qu'elle avait faites la veille:

— Tu n'es pas ma mère !

Sur ce, les deux amies s'éloignèrent, bras dessus, bras dessous. « Je me demande quand finira sa crise d'adolescence... », soupira le jeune homme. Il entra dans sa chambre et se laissa tomber sur son lit. Il passa sa main sous le sommier et en sortit une vieille boîte en carton tout écornée. Il hésita un instant et les battements de son cœur s'accélérèrent. Avait-il vraiment envie de replonger dans ses souvenirs ? Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il avait un besoin presque vital d'ouvrir la boîte ce jour-là. Alors il entrouvrit la boîte. Cela faisait tellement longtemps qu'il ne l'avait pas fait. « Ils sont en parfait état », songea-t-il avec une pointe de soulagement. « Comme il y a cinq ans. »

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